Les chants de Lore, Loreley (14)
8/ Le trésor de Loreley, l'Or du Rhin, réalité matérielle?
L'homme du fleuve en était persuadé, sa Loreley était une déesse qui avait accès à un trésor et l'exprimait par ses chants. Pourtant il ne savait toujours pas comment la retrouver, aussi il poursuivit ses recherches. Afin de mieux la comprendre, il enquêta sur le plus connu des trésors mythiques associés à une Loreley, l'Or du Rhin.
De quelle nature était-il? Et d'abord était-il de nature matérielle?
L'homme du fleuve me parla de la fièvre qui saisit les hommes dès qu'il s'agit d'or. Les nazis pendant la seconde guerre mondiale avaient conçu d'énormes machines pour draguer le Rhin, ils en avaient seulement extrait quelques centaines de grammes. Il existe encore aujourd'hui quelques orpailleurs à l'affût de quelques rares pépites charriées par le fleuve. Depuis la légende des Niebelungen écrite au XIII° siècle à partir de sources datant du VIII° siècle, le mythe du trésor englouti suscite rêves et convoitise.
Ces maigres résultats n'empêchèrent pas d'autres aventuriers de prendre le relais mais pas forcément dans le cours actuel du Rhin. Il a en effet été rectifié au XIX° siècle, auparavant il suivait de nombreux méandres qui ne sont donc plus alimentés. Ainsi au début des années 80, dans un bras mort du fleuve à Neupotz une dragueuse retire d'une gravière un formidable butin! Voir ici.
Les hypothèses modernes sont maintenant étayées par des preuves tangibles: il y a bien de l'or et des trésors dans le Rhin, engloutis lors des passages des tribus germaniques attaquées par les Romains lorsqu'elles revenaient chargées du butin des expéditions en Gaule, ... Le trésor des Niebelungen serait peut-être le trésor des Burgondes qui a disparu lors de leur défaite sous les coups des Romains alliés aux Huns.
L'or du Nord
Mais cet or ne satisfaisait pas l'homme du fleuve, il continua à chercher et tomba alors sur la fabuleuse histoire de l'ambre parfois nommé l'or rouge ou l'or du Nord, il était au moins aussi précieux que l'or dans l'Antiquité, c'était une monnaie d'échange pour de nombreux peuples, en particulier les Romains.
* L'ambre était nommée bernstein en allemand: pierre de l'ours, c'est peut-être la déformation de "bornstein", pierre qui brûle, évoquant sa transformation : le feu réduit la pierre à l'état d'encens (d'une odeur de résine, agréable aux dieux de l'Antiquité). Il était surnommé "larmes des dieux" en particulier de Freiya, la grande déesse nordique correspondant à Vénus.
Chez les Celtes, le dieu de l'éloquence, Ogmios était un vieillard relié aux hommes par de fragiles liens d'ambre que les hommes n'envisagent pas de rompre tant ils ont l'air d'être satisfaits d'être ainsi liés au dieu. L'ambre est le symbole de l'énergie divine, solaire, symbole du lien spirituel, cosmique avec le dieu.
Cette matière fossile aux propriétés considérées comme magiques, thérapeutiques, esthétiques... a aussi des propriétés électriques (electrostatisme par frottement, c'est même l'origine du mot électricité: le nom de l'ambre jaune étant "elektron").
Par ailleurs l'ambre était utilisé pour faire des lentilles qui servaient par exemple pour allumer les feux rituels. Dissous dans l'huile de lin, il fournit un vernis qui reflète la lumière de manière exceptionnelle comme l'or.
L'ambre est originaire principalement de la mer Baltique, au Nord de l'Europe. Ainsi on le trouve parfois sur les rives des pays périphériques (dont l'Allemagne), arraché à la mer par les tempêtes.
* Document Pdf, Christian Mandon racines.traditions.free.fr/ambre/ambre.pdf
J'avais des difficultés à le suivre dans son enthousiasme, l'ambre dont je ne mettais pas en doute la valeur antique représentait-il vraiment le trésor du Rhin?
Il m'apprit que le Rhin et le Rhône étaient effectivement des couloirs de navigation commerciale très importante dans l'Antiquité et que trois routes acheminant de fabuleuses richesses avaient façonné l'histoire des hommes, il s'agissait de la Route de l'étain, la Route de la soie et la Route de l'ambre.
Il me parla aussi de la fabuleuse histoire vraie de la "chambre ou cabinet d'ambre" du Palais de Catherine de Russie près de Saint-Pétersbourg.
C'était au départ un cadeau du roi de Prusse Frédéric-Guillaume I° fait au tsar de Russie Pierre le Grand en 1716, il était constitué de décors et panneaux d'ambre de plus de 6 tonnes pour une surface de 55 mètres carrés. Il a disparu pendant la seconde guerre mondiale, récupéré par les nazis, peut-être a-t-il été englouti lui aussi lors de son transport par bateau. Le cabinet d'ambre a été reconstitué dans le Palais de Catherine et l'on peut le visiter depuis 2003. (Pour le découvrir en vidéo, voir ici)
Photos extraites de cette même vidéo :
Chambre d'ambre
Par ailleurs l'ambre était aussi appelé Pierre d'Odin, en l'honneur du dieu des dieux nordiques, ou Pierre de soleil.
Et selon l'homme du fleuve ce n'était pas seulement parce qu'elle était particulièrement belle ou dorée pour certaines variétés exposées au soleil, mais parce que les initiés l'utilisaient secrètement pour s'orienter même dans les brumes du Nord!
Là j'étais intriguée, je sentais que cela dépassait la valeur matérielle de ce matériau étrange. Il m'expliqua que l'ambre comme certains cristaux avait un aspect particulier sous la lumière polarisée, celle du soleil et du jour même brumeux au point de ne plus voir le soleil. La polarisation est la direction de vibration de la lumière. L'ambre exposé perpendiculairement à la direction de la lumière révèle ainsi où est le soleil, il suffit de tracer un symbole sur la surface ou d'exploiter ses inclusions pour ne plus perdre le Nord! (*Voir article de Christian Mandon déjà cité).
Etait-ce un effet d'optique? Lorsque je regardais l'homme du fleuve, une lueur mystérieuse allumait son oeil et je m'aperçus qu'il avait des yeux couleur d'ambre: tout un trésor m'apparut en un seul regard! Quelle perspective...