Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
  • Quête de connaissances oubliées avec un esprit troubadour. Partage de contes poétiques et de poèmes-chants d'amour, illustrés de photos de nature, pour célébrer l'Amour, la vie et les troubadours.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
3 septembre 2010

Question de loutre LTR

J'ai reçu par mail cette réaction à la question que je posais sur les consonnes de LouTRe. Voici ce message:

LTR: l'eau et la terre

La question:
Et demandez-vous plutôt à quoi pourraient correspondre les consonnes L T R car les alphabets "sacrés" (ou religieux si vous préférez) ne comportaient que des consonnes à l'origine, les voyelles n'étaient pas formalisées, elles intervenaient lors de la vocalisation...

[L](ou)TR(e)
On trouve la loutre en Inde du sud. Se pourrait-il que le sanscrit, langue sacrée comme l'hébreu puisse éclairer ta question?
Un homme allant en Inde depuis vingt ans et pratiquant des chants sacrés en sanscrit ("parfait"), m'apprit que le latin dérivait du sanscrit (le grec aussi par conséquent...): il suffisait de comparer comment on prononce les dix premiers chiffres en latin (langue vivante devenue langue "morte" comme le sanscrit, ou plutôt langue sacrée, celle des prêtres) et le sanscrit pour se rendre à l'évidence. Mêmes premières consonnes...
EN SANSCRIT, loutre a plusieurs noms dont niraja (loutre, lotus...) et niraku (rat-d'eau, loutre) qui dérive de la racine nir. (il y a aussi "jaluféu pour dire dire "rat-d'eau" – loutre?)
Entre parenthèse "racine" et "loutre" sont associées: D'après Varron (L. Lat. V, § 79), lutra est pour lythra, et vient du grec, parce qu'on dit que la loutre coupe les racines des arbres sur les rives ; mais ce mot ne se trouve pas en grec.
Mais il semble que sa dénomination principale, première soit Udra ou urdra, si on ôte les voyelles on a: D R. Et le L?
"Bien qu'on ne puisse s'empêcher de rapprocher les noms sanscrit udra et allemand Otter de cet animal, on ne voit pas comment l-utr a aurait pris un l prosthétique." (LITTRE... remarquons que notre dictionnaire n'est pas loin de la loutre non plus...)
La réponse se trouve dans ton texte:
"Des noms gaulois aux racines indo-européennes* – comme “outre”– ont été conservés en vieux français avec ajout d’un article défini : l’outre s’est ainsi transformé en loutre. Une outre est une peau d'animal dont la préparation permet de contenir de l'huile, du vin. Outre vient du latin uter"

Loutre vient du latin "lutra" qui lui aussi aurait pris un L "prosthétique".
Utra et udra, c'est très proche et une connaissance plus poussée de la phonétique du sanscrit pourrait nous dire si le "d " sanscrit ne peut être prononcé comme "t".
Reste à savoir ce que symboliquement ces lettres représentaient. Il est d'une importance capitale de savoir que le sanscrit accorde une valeur sacrée à la prononciation, comme l'article de Wikipédia "phonologie du sanscrit" nous le dit:

La culture indienne est avant tout orale ; le son y possède donc une valeur importante aux yeux des Indiens, et les textes religieux ne font pas exception ; la formule efficace, premier sens de brahman, qui en vient ensuite à désigner le Principe suprême de l'hindouisme, ne peut l'être que correctement prononcée. Nombre de textes religieux expliquent l'importance d'une prononciation exacte et les conséquences fâcheuses qu'une erreur de diction peut entraîner dans la récitation d'une prière, d'une formule. De même, prononcer correctement une formule, c'est être certain qu'elle fonctionnera : un être animé de mauvaises intentions (comme un démon) peut donc obtenir des pouvoirs magiques au moyen des formules efficaces. C'est pour cette raison que l'enseignement des quatre Veda, purement oral, se fait de manière systématique par l'apprentissage de phrases entières puis syllabe par syllabe puis par inversions de syllabes selon un ensemble de permutations de plus en plus complexe ; en outre, l'apprentissage des Veda est resté longtemps ésotérique et réservé à la caste des brāhmaṇa (brahmanes)
[...] Il est aussi notable qu'un dieu, Śiva, soit censé être le créateur des phonèmes sanskrits et que s'est aussi développée une mystique du phonème, attribuant à chacun d'entre eux un sens profond ainsi qu'un pouvoir précis ; c'est sur cette mystique que les mantra reposent. De fait, une telle importance donnée aux sons de la langue sacrée a grandement influencé l'écriture : bien que longtemps réticents à noter leurs textes sacrés, les Indiens ont créé plusieurs semi-syllabaires, tous héritiers d'un même modèle, la brāhmī, notant les textes avec une très grande précision.

Je relis dans ton texte:
"les alphabets "sacrés" (ou religieux si vous préférez) ne comportaient que des consonnes à l'origine, les voyelles n'étaient pas formalisées, elles intervenaient lors de la vocalisation..."
J'aimerai trouver un texte sur le sanscrit qui corrobore ce que tu dis et que je n'ai pu vérifier pour l'instant que pour l'hébreu; peux-tu me guider, Lutréa?
Dictionnaire sanscrit-français:
http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Burnouf_-_Dictionnaire_classique_sanscrit-fran%C3%A7ais.djvu/389:
nïraja a. (jan) aquatique. ― S. m. loutre. ~ S. n. costus speciosus; lotus, en gén.
nîrdjîam. (r/A'i*) rat-d'eau ; I| (?) loutre.
Voir aussi http://www.lexilogos.com/sanskrit_dictionnaire.htm

STEPH49

Ma réponse:

 

Merci de ce commentaire et de ces réflexions qui m'emmènent dans une direction que je n'avais pas explorée.

L'origine des langues
Le sanscrit est une langue qui n'est pas "alphabétique", lettre par lettre, mais "semi-syllabique", pour représenter des phonèmes (en rapport avec des sons prononcés). L'origine en est complexe. Je lis sur wapédia:
Longtemps de tradition purement orale, ou peut-être progressivement à l'aide de symboles logographiques ou idéographiques, voire de signes syllabiques ( via l'acrophonie) liés aux cultes , la religion hindouiste n'a pas eu besoin de fixer ses textes. C'est tardivement que l'emploi de la brāhmī, d'abord ( semi-syllabaire utilisé pour les édits d'Ashoka), puis de la multitude d'écritures qui en dérivent, est généralisé, pour les textes profanes, puis sacrés.
La brāhmī fait référence à la famille des systèmes d'écriture brahmiques nées en Inde, dont on fait remonter l'existence jusqu'au IIIe siècle av. J.-C.
L'empereur Ashoka ou Asoka fait adopter une écriture, la brāhmī, dont dérivent les écritures modernes.

Or voici un article de la revue Persée:
Une nouvelle inscription araméenne d'Asoka découverte à Kandahar (Afghanistan) Dupont-Sommer, André
Cette inscription confirme le lien entre la brahmi et l'araméen.

Et d'où vient l'araméen? De l'alphabet phénicien! Voici sur Wikipédia:
L'alphabet phénicien a été emprunté par plusieurs peuples méditerranéens pour former :
l'alphabet grec ancien, l'alphabet étrusque qui donne le latin, l'alphabet araméen d'où dérivent l'alphabet hébreu et l'alphabet arabe.

Comment expliquer cette origine commune?
Le Dr Benatia Abderrahmane dans son Histoire de la colonisation arabique dans la Grèce antique note:
Les caravanes assurant le transport des marchandises de l’Indus à la Méditerranée ont sur le plan linguistique joué un rôle important. Des civilisations ont ainsi parcouru de grands espaces. Les Proto-Indiens venant de Syrie et de Mésopotamie sont partis pour l’Inde et ont introduit la civilisation babylonnienne (...).
L’écriture du sanskrit fut d’abord le brahmi, dérivé du phénicien rapporté en Inde à partir de la mésopotamie (9e siècle avant J-C), cinq siècles plus tard, le même sanskrit fut écrit en khoroshti dérivé de l’écriture araméenne (...).

Les consonnes dans les premiers alphabets sacrés.
On a d'abord la trace dans la Mémoire du monde:
Depuis 2005, l'Unesco a classé sur la Liste Mémoire du monde, qui recense depuis 1997 les éléments du patrimoine documentaire présentant un intérêt universel, l’alphabet inscrit sur le sarcophage d’Ahiram, roi de Byblos (XIIe siècle av. J.-C.), qui est le plus ancien exemple connu de l’écriture alphabétique, par opposition aux écritures cunéiforme et hiéroglyphique. Ce système d’écriture, composé uniquement de consonnes, a donné sa base à l'alphabet grec qui apportera les voyelles et a servi de modèle pour le développement d’un grand nombre d’alphabets par la suite, et notamment l'alphabet araméen, qui lui-même donnera naissance à l'hébreu et à l'arabe. Le sarcophage se trouve au Musée national de Beyrouth, au Liban.

Quant à l'importance sacrée des consonnes, voici un avis d'artistes, très éclairant:
C’est seulement vers le XIVè. siècle avant notre ère qu’il faut placer la remarquable invention de l’alphabet par les phéniciens. On a retrouvé en Syrie des tablettes d’argile où apparaît un alphabet cunéiforme de 30 signes. Cet alphabet dont l’origine reste obscure ne comportait que des consonnes. C’est aussi le cas de certains alphabets encore utilisés de nos jours (l’hébreu et l’arabe, par exemple). L’absence de voyelle force le lecteur à posséder une vision globale de la page et l’oblige à donner une interprétation humaine des mots lus. Savoir lire, c’est faire intervenir le sens pour déchiffrer le texte : la tradition orale reste ainsi accolée à la civilisation de l’écrit en train de naître. Les textes écrits ne peuvent faire que référence aux mythes du passé, donc uniquement au sacré. Dans ce contexte, on ne peut lire que si l’on connaît déjà ce que l’on lit, au moins dans ces grandes lignes. D’où la nécessité d’apprendre par coeur les ouvrages à lire. C’est ce qui se pratique encore couramment dans beaucoup d’écoles coraniques...
L’alphabet, une fois constitué, devait connaître une très longue suite d’évolutions affectant davantage sa forme que son contenu. L’introduction de voyelles dans l’écriture grecque permet au lecteur une approche décontextualisée du même texte; chaque mot peut être pris séparément, il a un sens en tant que tel. Le langage s’extériorise, perd sa dimension sacrée. L’écriture devient une technique, et peut alors émerger une science objective, débarrassée comme le langage des rapports entre l’homme et le cosmos. L’introduction des voyelles permet la théorisation et renverse les modalités de pensée. Les échanges oraux-publics se transforment en échanges vocaux privés, le collectif est supplanté par la personne privée, par l’individu.

Ce sera tout pour aujourd'hui... Merci à Steph de cet échange stimulant!

Réponse de Steph fin août:

J'ai trouvé très intéressant tes commentaires en réponse aux miens. Je suis seulement en désaccord sur une chose ; c'est ton assimilation des consonnes au sacré et des voyelles aux consonnes.

Puisque la voyelle, le son est pour ainsi dire la note du cosmos, "symphonie des sphères" - on voit même en Inde la prononciation prolongée jusqu'à l'extase des voyelles - que l'écriture soit sans voyelles ou non ne peut en déduire quoi que ce soit sur le plan sacré.

En revanche, ce qu'il est important de souligner et que l'histoire grecque illustre grandiosement, c'est le glissement de l'oral à l'écrit qui a permis à la Grèce antique de quitter la période archaïque (transmission orale des textes homériques) et d'instaurer la période dite classique (fixation écrite des textes homériques), avec pour conséquence le développement de la pensée critique et de la philosophie à partir de la lettre, puisque ce qui est écrit peut être, par ce "jeu" de mise à distance, étudié et critiqué. La parole ne le permet pas, étant volatile...

Ainsi la naissance du théâtre classique, de la Tragédie grecque est symptomatique, et ses trois grands auteurs tragiques, Eschyle, Sophocle et Euripide vont chronologiquement plus loin des dieux et plus proche de l'homme et sa psychologie. Aristophane, dans le genre comique, participe à cette même remise en question des dieux.
L'aventure humaine a été aussi une recherche de l'écriture. L'homme a eu besoin de l'écriture pour se trouver en tant qu'individu, certainement poussé à l'extrême, car l'individu soumis à la "tribu" est un servage qui apporta des structures spirituelles nécessaires à son évolution (mythes et sacré) mais qui socialement sont à la longue étouffantes et intenables (les femmes excisées ou programmées pour l'être bénissent l'Occident profane et matérialiste, et on ne peut pas le leur reprocher...).

Cette désacralisation ou plutôt la profanisation grandissante (profane venant de profanation) a été une étape aussi nécessaire pour l'humain; et on voit apparaître avec la psychologie et l'exploration de l'Inconscient, et depuis Jung la notion d'individuation avec une reconsidération du sacré mais plus plié à une prêtrise ou une doctrine religieuse. L'humain peut trouver sa place dans le cosmos en se reliant au Soi sans faire disparaître un ego nécessaire, mais devant être mis à sa juste place.

Pour en revenir aux consonnes et aux voyelles: les consonnes sont la structure, l'ossature du langage et les voyelles en sont la texture ou coloration. La musique, évanescence du langage ou quintessence universelle de celui-ci, conserve ces mêmes données: le rythme est assimilé aux consonnes (ce sont bien les consonnes qui rythment les mots et les phrases) tandis que les voyelles sont les composantes de l'âme de l'Univers et sa mélodie. le A E I O U est universel. Là est le sentiment, le coeur, l'Amour (si c'est pas sacré, ça!). Premiers sons des bébés humains... Les consonnes sont plus du domaine du sensible; elles sont palpables on peut presque les toucher (cela est dû au contact de langue avec le palais et les dents).
Aussi Voyelles de Rimbaud le Voyant, donne du sens donc du sacré aux voyelles:
ex:
O, suprême Clairon plein de strideurs étranges
Silence traversées des Mondes et des Anges:
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux!

Voilà l'essentiel de ce que je voulais répondre à propos du point avec lequel je suis en désaccord. Merci pour tes éclairages.

Pas de commentaire de ma part, quand on atteint de tels sommets, je ne peux rien ajouter!

Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité