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AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
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  • Quête de connaissances oubliées avec un esprit troubadour. Partage de contes poétiques et de poèmes-chants d'amour, illustrés de photos de nature, pour célébrer l'Amour, la vie et les troubadours.
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5 septembre 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance. 4

QUATRIEME LAI DE LORE : LE CHANT DES DEUX DELIVRANCES
A toi qui me dédies ton amour sincère,
Je destine la promesse des deux Délivrances.

En ce mois de mai où règne le printemps,   
Tu graveras sur la paume de la main
La clé du Nord qui libère l'enfant ou l'oeuvre.
Dans le giron de la mère en espérance,   
Tu auras le réconfort sur ton chemin,
Pour guider tes pas dans l'épreuve ou le succès.

Mais si en moi, tu cherches une fille
Pour te garantir un accueil sans accord,
Tes paumes seront maudites comme le ventre
D'où l'enfant est arraché sans rémission,
Ton oeuvre sera stérile sur toute la terre.

Que ces offres de délivrance scellent ton destin.

Adapté par Marie Duval

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1 septembre 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance. 3

TROISIEME LAI DE LORE : LE CHANT DES TROIS JOIES

A toi qui me dédies ton amour sincère,
Je destine la promesse des trois Joies.

Au temps favorable qui annonce la moisson,
Je t'offrirai le vin du roi élu par le sort
Et ta victoire fera la joie de tous.
Parcourant le territoire du cheval    
Tu éprouveras les joies de la séduction,
Une volupté comme celle que procure la bière.
Sous le signe du Don des Dieux tu iras   
Dans la générosité de tes saisons
Goûter les joies du lieu de notre union.

Mais si en moi, tu cherches une fille
Pour assouvir ton désir d'homme,
La tempête ébranlera ta position
Les cendres étoufferont le feu de tes passions,
Ton lit ne t'offrira plus de repos.

Que ces marques de joies scellent ton destin.

Adapté par Marie Duval

27 août 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance. 2

DEUXIEME LAI DE LORE : LE CHANT DES DEUX BRANCHES

A toi qui me dédies ton amour sincère,
Je destine la promesse des deux Branches.

En ces mois d'hiver proches du printemps,   
Tu tailleras dans l'arbre la torche de lumière
Et tous seront guéris de leurs maux.
A l'exemple éternel du grand chasseur,   
Tu seras protégé des attaques venimeuses,
Qui dévorent le coeur et dérèglent les sens.

Mais si en moi, tu cherches une fille
Pour t'offrir le repos du guerrier,
L'arbre te blessera comme tu entailles son écorce
L'oiseau te crèvera les yeux et te rendra sourd
Même aux plus beaux chants de la terre.

Que ces branches de vie et de mort scellent ton destin.

Adapté par Marie Duval

25 août 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance. 1

Si vous découvrez ce message sans avoir lu ce qui précède, peut-être vaut-il mieux commencer par lire l'avertissement ici

PREMIER LAI DE LORE : LE CHANT DES DEUX PAROLES

A toi qui me dédies ton amour sincère,
Je destine la promesse des deux Paroles.

Au temps d'hiver qui te retient près de ta maison,   
Tu plongeras dans l'embouchure propice
Qui libère de tous les liens corps et esprits
Par l'art de la poésie et de la parole inspirée.
Poursuivant le taureau à dompter      
Tu seras le cavalier honnête homme,
Porteur du flambeau du rassemblement
Au milieu de tous tes amis fidèles.

Mais si en moi, tu cherches une fille
A entortiller par ton discours fourbe,
Tu oublieras tous les mots de connaissance,
Leur sens et leur rythme secret.
Tu seras déchiré par les malédictions.

Que ces insignes paroles scellent ton destin.

Adapté par Marie Duval

25 août 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance

AVERTISSEMENT aux Chants de Lore
Lorsque l'homme du fleuve m'offrit les chants, il me fit entendre ce "Lore lay" à la façon médiévale.

 

 

Il les assortit d'un petit avertissement que je vous retranscris à mon tour. Ces chants sont inspirés du travail de Yves Kodratoff sur les neuf chants des runes de l'Edda, en particulier ceux que Brunehilde chante et enseigne à Siegfried. L'auteur s'est aussi appuyé sur la description de l'univers des runes en particulier selon C Mandon et son site Racines et traditions. Autant dire que les références culturelles de cet ensemble sont bien loin des nôtres.

 

Voici le commentaire d'un ami poète et écrivain lorsqu'il les a découvert. Je lui avais juste dit que c'était "spécial".
"Si je reconnais une grande qualité d'expression poétique, je trouve ça dur, tranchant.  Ce langage ne ressemble pas à celui que tu as d'habitude.
"En attendant l'oeuvre de l'épée de justice" (7 ème lai de Lore), très loi du Talion... A moins que ce ne soit une épée symbolique.
Le langage en est quasi biblique: "Si tu moissonnes en vue de la chair tu récolteras de la chair la corruption, si tu moissonnes en vue de l'esprit tu moissonneras de l'esprit la vie éternelle" (Galates 6:8)
"Oui, je prends aujourd'hui à témoin contre vous les cieux et la terre, que j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction; et tu dois choisir la vie, afin que tu restes en vie, toi et ta descendance, en aimant Jéhovah ton Dieu, en écoutant sa voix et en t'attachant à lui; car il est ta vie et la longueur de tes jours, pour que tu habites sur le sol que Jéhovah a juré à tes ancêtres" (Deutéronome 30: 19-20).
Cela me met mal à l'aise. C'est vrai que ça fait "oracle" qui n'est pas de notre temps.
Tu as raison, c'est "spécial", c'est le moins qu'on puisse dire...

 

STEPH 49
Vous voilà prévenus.

 

Ces chants forment un ensemble, comme certains lais médiévaux, ils dévoilent une vision du monde nordique, ils ne peuvent se considérer séparément, vous pouvez en les lisant essayer de découvrir le modèle particulier et les codes sur lesquels ils sont construits. Une solution vous sera proposée après la publication de ces neuf poèmes, mais  vous pouvez me faire part de vos interprétations ou suggestions...
Essayez aussi de les entendre "chanter" à la façon médiévale en écoutant par exemple ce chant:

 

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20 août 2010

Les chants de Lore, Loreley (18)

J'approchais du but, j'attendais avec impatience de découvrir les textes de ces fameux chants de Lore, mais avec l'homme du fleuve, il fallait tout mériter par un effort de compréhension sans cesse renouvelé. Il me demanda de me concentrer sur ces termes: "lai de Lore". Pour Lore, j'avais compris qu'il s'agissait de la Connaissance traditionnelle liée à la grande déesse et transmise sous forme codée de génération en génération. Mais pour y accéder je devais en chercher les traces dans la culture officielle qui avait remplacé et peut-être occulté la culture traditionnelle. Le début de la piste tenait en ces mots "lai de Lore" que je devais exploiter avec un esprit de troubadour, une fois de plus!

Je me souvenais de ce que nous avions déjà vu : un lay ou lai en littérature est une forme de récit plus ou moins poétique et parfois chanté qui date des débuts de la littérature de création au Moyen-âge. En ancien allemand Leich signifie jouer une mélodie ou une chanson. Mais selon l'homme du fleuve cela ne suffisait pas, je devais approfondir cette définition.

Définition de lai, lay
Le dictionnaire me fournissait une étymologie : en langue d'oc lais ou lays, en langue celte llais signifiaient son, mélodie.
Le lai était de façon commune un poème court en octosyllabes racontant des légendes ou des histoires fantastiques. Il était déclamé en rythme (peut-être comme une forme de "slam"!, ou de "rap poétique") ou chanté avec un accompagnement instrumental simple.
En France, au XI° siècle, le lai était une sorte de petit roman d'aventure rédigé en langue romane c'est-à-dire "vulgaire" par opposition au latin, langue savante. Au XII° siècle, il était associé aux troubadours, les genres se diversifiaient en fabliau ou lai narratif et lai lyrique. L'origine était principalement celtique (surtout bretonne) et reprenait les thèmes de la "matière de Bretagne". Mais d'autres influences s'y mêlaient diversement. 
En allemagne, le lied sous ses formes anciennes de liet ou de leich pouvait être rapproché étymologiquement de lai. Interprété par les Minnesänger, il était assimilable aux chants des troubadours de pays d'oc ou des trouvères de pays d'oïl. C'était la forme de musique vocale par excellence des Minnesänger, jusqu'au XVe siècle.
Le lai était donc apparemment un conte traditionnel réécrit sous forme poétique en langue "ordinaire" et non en langue latine officielle. Il était chanté ou déclamé avec un accompagnement instrumental par les troubadours. Et comme en Allemagne, on trouvait aussi cette forme de composition, il fallait se pencher sur ses origines.


Troubadour_avec_instrument

Troubadour avec instrument


Origine nordique

Selon Régis Boyer qui en est le grand spécialiste, la redécouverte au XVII° siècle des textes mythologiques germaniques anciens, d'origine islandaise, éclaira la culture européenne et l'enrichit grandement. Des lais héroïques anciens venant de la mythologie nordique furent ainsi révélés exprimant tout un pan de civilisation oubliée ou méconnue.
Jérémie Benoit remarquait les liens entre les mythes celtes et germano-nordiques et signalait leur transmission dans les contes. Il repèrait ainsi le personnage de l'ondine analogue à celui de la sirène et même de la walkyrie. L'Ange gardien qui accompagnait le héros comme une sorte de double était aussi de même origine et se nommait Fylgja (p 79), sa ressemblance avec le petit personnage assis derrière le cavalier sur certains sceaux templiers était étonnante.

Mais en fait l'origine des contes était multiple et parfois difficile à démêler. Les personnages et les histoires étaient souvent connues depuis l'Antiquité et se retrouvaient aussi bien en Grèce, en Egypte qu'en Inde... Les mythes puis les contes furent transmis oralement jusqu'à ce qu'ils soient recueillis, censurés, fixés, principalement à partir du XVII° siècle. Nous pensons ainsi à Charles Perrault et à ses célèbres Contes de la mère l'Oye qui étaient auparavant des histoires destinées aux adultes ou aux jeunes en formation et devinrent uniquement des contes pour les enfants!

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Ma Mère l'oie

Tant que ces histoires se transmettaient oralement, elles restaient "vivantes", s'adaptaient à leur auditoire ou à leur époque, assumant un rôle social et la transmission de connaissances traditionnelles*. Déjà avant l'expansion de l'empire romain des premiers siècles de notre ère, les druides interdisaient d'écrire leur enseignement, leurs épopées et récits mythiques afin de ne pas les figer et que nul ne puisse s'en approprier le sens sans faire un long apprentissage. L'art oral imposait le développement d'un Art de mémoire utilisant des supports souvent abstraits ou hermétiques et dans ce contexte, la poésie scandée et rimée facilitait le travail de mémoire. Sa transmission structurait la société autour de codes, de valeurs ainsi diffusés et partagés.
(*www.art-troubadours.com/images/images_newsletter/news_latroba3/Dossier%2520La%2520Troba2009red.pdf)
Le passage à l'écrit à partir du XI° et surtout du XII° siècle modifia les choses et mit en lumière les continuateurs de ce genre (épopée, chanson de geste, chants de mémoire de récits de batailles ou de généalogies...). Ce fut l'ère des troubadours, qui étaient, au départ du moins des seigneurs ou nobles instruits, maîtrisant les arts du discours, la musique et le savoir de l'époque médiévale basé officiellement sur les Arts Libéraux.
Cependant ils utilisaient une langue populaire, le "roman", se situant ainsi en marge des clercs qui enseignaient et utilisaient le latin, référence du savoir et du pouvoir de l'époque. Relativement libres tant qu'ils pratiquaient leur art oralement, leur expression se figea dès qu'il utilisèrent l'écrit. Lorsque ces textes furent recopiés, diffusés pour être lus et non plus "contés" ou chantés, le phénomène s'aggrava accompagné d'une inévitable censure et d'une "mise en conformité" avec les attentes du public de l'époque surtout quand le phénomène évolua jusqu'à susciter une classe de troubadours, ménestrels, jongleurs dépendants financièrement des cours qu'ils parcouraient.
Le lai médiéval marqua les débuts de la "littérature" française ou même européenne, il se diffusa par le biais de cette langue populaire, dite "langue d'oc" (oc est oui en occitan) puis quelques années plus tard par la langue d'oïl au nord de la France . Son inspiration se trouva dans les sources antiques (latines, grecques), mais s'inspira aussi de sources moins officielles (c'est-à-dire monastiques), de récits légendaires, mythiques ou traditionnels locaux. Une culture profane élaborée se développa à côté de celle très formalisée de l'Eglise. Elle avait ses propres repères* et codes et suivait l'usage courant du Moyen-âge de la pratique de différents niveaux de lecture possible d'un même texte.

*http://www2.lingue.unibo.it/dese/didactique/travaux/Raisi/Histoire-des-idées-Le_mythe_comme_mensonge.doc

Mais peu à peu, l'écriture des lais ou poèmes médiévaux se modifia, l'intérêt pour le fond du récit (le double fond parfois pourrions-nous dire!) se perdit.
L'attrait pour la performance de style prit le dessus, et en quelques générations la perte des codes traditionnels aggrava le processus. Cette évolution favorisa l'émergence des Leys d'amor des troubadours.

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Ménestrel, jongleurs 


Leys d'amor

Les troubadours furent les chantres de l'amour courtois qui se développa dans les cours anglo-normandes (Plantagenêt) sous influence celtique et germanique et ce fut une spécificité française même si elle s'inspira d'autres sources (arabes par le biais des croisades puis de l'Espagne principalement) Il ne faut pas croire que les "cours" fixant les Lois d'amour (traduction de Leys d'amor en occitan) ne parlaient que d'amour au sens commun du terme ou de "courtoisie amoureuse".
A l'époque, le terme "amor" signifiait "Poésie" dans toute sa dimension traditionnelle.
Un des premiers ouvrages portant le titre de "Leys d'Amor" au début du XIVème siècle rassemblait les connaissances de grammaire, rhétorique et poétique en langue d'oc.
Dans le Florilège des troubadours, André Berry notait : "La Leys d'amor qui codifie leurs règles est un des plus rigoureux, un des plus savants manuels de prosodie qui aient été conçus."

Pour les troubadours d'Allemagne, il s'agit aussi d'amour qui n'en est pas tout à fait, en moyen néerlandais minne et en vieux-haut-allemand minna signifie affection tandis que Minne de la mythologie nordique signifie Mémoire (en particulier en suédois)! On retrouve bien l'association d'amour et de mémoire.

Amour_courtois_Louvre

Amour courtois


Art de mémoire et connaissance traditionnelle
L'Art de mémoire pratiqué depuis l'Antiquité utilise des images symboliquement liées à des lieux familiers qui une fois mémorisés permettent "d'accrocher" intellectuellement des données selon une architecture précise facilitant le travail de la mémoire. Le tarot pourrait être l'une de ces constructions de mémoire.
L'édifice de mémoire antique reposait aussi parfois sur des symboles abstraits (croix celtique, chrisme constantinien...)
Il permettait d'élaborer une représentation du monde qui donnait sens aux observations et à la vie humaine, d'où sa profonde valeur et l'extrême soin mis à son exploration progressive au cours des années d'acquisition des connaissances liées à ces systèmes.
L'art de mémoire atteignit son apogée à la Renaissance, mettant en correspondance l'homme et le cosmos, ainsi l'homme en recréant le monde ambitionnait de rejoindre Dieu. (C'est de même l'ambition de l'alchimie qui établit un modèle de la création, du cosmos afin de parfaire l'oeuvre divine par son action sur la matière.)
Les troubadours nommaient leur art la "gaie science" et cultivaient les "fleurs du gai savoir", utilisant un vocabulaire qui évoquait le développement d'une culture parallèle à celle de l'Eglise.
Certes les troubadours faisaient des poèmes d'amour et professaient l'amour comme une sorte de religion, mais ils véhiculaient aussi dans leur poésie, du moins les premiers temps, des connaissances "non officielles" mais traditionnelles anciennes. C'est sur cette particularité moins évidente que l'homme du fleuve attira mon attention.

Poèmes et lais, support de connaissance traditionnelle
Emilie Denard** dans son étude sur Tolkien notait que la poésie médiévale consignait "la connaissance du monde et des choses qui le composent". La poésie scaldique scandinave utilisait la figure de style qui fut  utilisée sous d'autres dénominations par les troubadours: la kenning, métaphore qui transmettait une vision du monde et éventuellement servait de support de transmission mnémotechnique. Selon Régis Boyer, une forme de cette poésie nordique comportait une énumération de noms, de faits auxquels on accordait une valeur "magique" indépendante du sens. Mais c'était aussi toute la mémoire d'un peuple qui était ainsi conservée au fil du temps et qui donnait cohésion à la société.
On trouve ce style de "récitation" ou chants dans les autres sociétés traditionnelles à base chamanique comme l'était la société nordique. Voir par exemple en Pdf emscat.revues.org/pdf/776  ou en ligne ici.
Tolkien** dans Le Seigneur des Anneaux, inspiré par la mythologie nordique crée le terme « Rhymes of Lore » que l'on peut traduire par « Vers de la Connaissance ».
**www.paris-sorbonne.fr/fr/IMG/pdf/E._Denard.pdf

L'homme du fleuve me recommanda de chercher dans les lais médiévaux une trace de cette tradition indiquant la référence à une vision du monde traditionnelle et un double sens possible. Et j'en trouvais effectivement, elles prouvaient en particulier l'utilisation de runes ou d'écriture secrète de type "oghamique", (connues comme étant uniquement magiques pendant longtemps).

Book_of_Ballymote

Book_of_Ballymote

Expressions runiques et double sens
De nombreuses inscriptions runiques à intention magique existaient au moyen-âge. Le sens sacré de la plupart d'entre elles s'était perdu, mais certaines ont été secondairement christianisées.
(Ainsi A G L A, voir www.nordic-life.org/nmh/EnFrancais/5fr.pdf ou en ligne ici)
Voir aussi racines.traditions.free.fr/runes2o1/runes2o1.pdf pour le lien entre les runes et le Notre Père chrétien.

Cela apparaissait aussi dans des "lais" de forme plus littéraire, ainsi  dans le "lai du Chèvrefeuille" de Marie de France, Tristan gravait des signes sur une branche de noisetier enroulée d'un chèvrefeuille pour sa bien-aimée. Selon Philippe Walter, Tristan n'utilisait pas notre alphabet mais l'alphabet oghamique des Celtes utilisé habituellement pour la magie.

P-G Sansonetti remarquait aussi certains aspects runiques ou d'origine nordique dans la description du cortège du Graal.
Voir en Pdf : www.iehei.org/Identite_europeenne/.../SANSONETTI.pdf ou ici en ligne.

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Astrologie médiévale

Quant aux oeuvres de Marie de France considérée comme l'auteur médiéval de référence pour la composition de lais, certains auteurs décelaient la présence d'énigmes codées de façon traditionnelle sous le vernis d'un récit bien maîtrisé et paraissant d'un accès évident.
Voir cet aspect pour la littérature du XII° siècle. De même, dans la littérature arthurienne des XII° et XIII°,  on retrouvait des connaissances que des organisations ésotériques n'auraient plus eu la possibilité de transmettre directement. Elles auraient alors inspiré les auteurs pour les sauvegarder malgré tout.  Voir site de Charles Ridoux sur ce sujet et en particulier l'article qui met en évidence l'importance de l'alchimie (en tant que processus de transformation de la conscience) et de l'astrologie-astronomie présentes dans ce type de récits.
L'homme du fleuve m'apprit que de tout temps les humains avaient le goût des histoires divertissantes, mais la connaissance fut considérée comme dangereuse pendant des millénaires et déconsidérée par l'Eglise. ( Voir Le nom de la rose de Umberto Eco). Aussi la quête de connaissance s'était souvent réfugiée dans des mouvements de pensée plus ou moins clandestins (gnose, alchimie, sociétés secrètes) toujours minoritaires. C'est d'ailleurs encore la position de certains groupes religieux à notre époque à l'opposé de la quête de sagesse philosophique basée sur le fameux "connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux" du temple de Delphes, repris par Socrate.
L'homme du fleuve m'indiqua une nouvelle piste sur l'association lai et connaissance, avec les "frères lais", détenteurs probables de certains savoirs transmis au sein de groupes fonctionnant sur la base de l'initiation.

Frère lai
Les frères lais furent d'abord les protecteurs et instructeurs des constructeurs de l'époque romane puis gothique et cette organisation prit naissance à l'abbaye de Cluny au XI° siècle avant de diffuser dans toutes ses "filiales" en Europe.
Lors d'une réforme au XII° siècle, les frères se retirèrent de la construction pour se consacrer à la prière. Les fraternités de constructeurs vinrent prendre le relais et implanter dans le monde médiéval les chefs-d'oeuvre exprimant leurs techniques.

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Constructeurs de l'époque romane

Je suivais pas à pas les recommandations de l'homme du fleuve, mais je lui demandai quand même quel rapport il voyait entre la Lorelay, lais et troubadours... Il me répondit en citant Gérard de Nerval dans ses Souvenirs d'Allemagne -Lorely- où il décrit la Lorely ou Lorelei, fée du Rhin, "à la coiffe comme la crête du vieux dragon de l'Eden. Son bras gauche entoure la mandore des vieux Minnesangers de Thuringe. Elle chante les chants de l'antique sirène". Il évoquait effectivement les troubadours d'Allemagne à propos de cette Lorely.
C'est sous ce nouvel éclairage, que l'homme du fleuve me recommanda de revoir l'étymologie du mot lai.

Lai, li ou ly, loi, lumière
Christian Mandon* écrit : en celtique, Ly pourrait venir de Lug ou Luce, c'est-à-dire "lumière". En ancien français, ly correspond à "loi", ou “lai”, décision ayant force de loi. Le mot "laye" que nous verrons plus loin aurait la même origine.
*racines.traditions.free.fr/bla5mlys/bla5mlys.pdf
Le "ly" ou "li" serait un des plus vieux symboles de Lumière. Il pourrait être associé à la rune Algiz du Cerf Cernunnos, en "trident" tel une fleur de lys stylisée. Ce serait d'ailleurs l'origine de ce symbole aussi assimilé à une plante des marais, la laiche (ou anciennement laîche, l'accent circonflexe remplaçant souvent le "s" de la forme plus ancienne). Ce terme vient de l'ancien haut allemand "lisca", fougère, roseau, il donne en allemand Liesch.
Comment ne pas "entendre" que les troubadours se soient référés à cette origine (laiche, ly) lorsqu'une étymologie du XVII° siècle évoque le latin "lessus" pour le lai avec pour sens "plainte, lamentation" (sur son origine perdue?).

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Ly ou fleur de lys

Et la Laye ou laie que nous avions laissée de côté?
C'est d'abord un terme désignant une route étroite percée dans une forêt, dans une futaie. Le mot peut désigner la futaie elle-même. En allemand Lache a le même sens. Voir racines.traditions.free.fr/astrnorb/astrnorb.pdf
On appelait les anciennes laies forestières "chemin des fées" et parfois elles se répartissaient en étoile dans les forêts, C. Mandon dit qu'elles sont alors orientées sur les lignes de visée des points significatifs de lever ou coucher héliaque. (Elles se retrouvent sous la dénomination de "point du jour" en périphérie de certaines grandes villes). C'est donc un concept de lumière "guide du chemin", repère de connaissance du temps.

Dans la forêt, nous trouvons aussi le lais, ce jeune arbre droit comme une perche laissé lors de la coupe dans le taillis afin qu'il croisse en haute futaie.
Si on le coupe, ce lais devient une "verge", baguette longue et flexible ou tige servant à mesurer. En latin virga est la «branche». Cette verge est aussi l’insigne de certaines fonctions, dont la fonction royale en tant que symbole de justice dit "main de justice". De même et cela confirme les origines du concept*, c'est une sorte d’épée utilisée au Moyen-Âge.
Par ailleurs, c'est une unité de mesure anglo-saxonne de distance ou de longueur. Et comme de la branche à l'arbre il n'y a qu'un pas, nous pensons à l'Arbre de Mesure, que nous avons déjà vu, mesure de tout, Axe du monde de la terre au ciel, arbre du monde de la mythologie scandinave.
Voir racines.traditions.free.fr/frenouif.pdf, C Mandon


saintlouis

Main de justice dite Licorne, Saint Louis

Cet arbre est l'Yggdrasil scandinave ou même l'Irminsul des mythes germaniques, tronc totémique représentant le "pilier du monde" détruit par Charlemagne au VIII° siècle pour affirmer sa suprématie sur les Saxons.
C Mandon fait de l'Irminsul le symbole de Clou de l'Univers qui fixe le Cosmos et la fleur de lys, dérivé du ly comme nous l'avons vu est une stylisation de cet Irminsul.
Nous pouvons en déduire que ce "ly", représente la Loi, (ou lai) au sens de l'ordre, la justice permettant l'équilibre du monde.

L'homme du fleuve me dit alors que j'avais bien cerné le terme de ly, lai, loi, mais sur cette piste, je n'avais pas encore retrouvé la trace de la grande déesse dont Loreley était un avatar. Je devais continuer l'exploration, je découvris alors la laie!
La laie, est la femelle du sanglier et je savais que l'animal était sacré chez les celtes, la truie blanche symbolisait la grande déesse blanche (celte mais aussi grecque) d'après Robert Graves dans Les mythes celtes. Or li en celte signifie aussi blanc et en grec, blanc se dit leuco, Leuké est la "Déesse Blanche".
Freyja la grande déesse nordique est appelée la Grande Laie – son surnom est Syr, ce qui signifie “truie”.
C Mandon, racines.traditions.free.fr/freyfrig/freyfrig.pdf

Quand je demandai à l'homme du fleuve si la grande déesse détenait le bâton ou l'épée de justice, il me rappela l'histoire du bâton-coucou de la grande déesse Héra et il "enfonça le clou" en me disant que la fleur de ly ou loi, verge royale ou épée de justice* est aussi nommée corne de li (ce qui donne le concept mythique en langage de troubadour de "licorne" ou ly-cornu et la "main de justice" des insignes royaux est dite "de licorne"! 
Voir racines.traditions.free.fr/lalicorn/lalicorn.pdf
La Corne de justice de Frigg (ou Freya) aussi nommée Quenouille de Frigg est par ailleurs l'épée de lumière du baudrier de la constellation Orion. Et selon le mythe, le Ly-cornu était gravé des runes de la Loi.

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Frigg/Freya, déesse à sa quenouille


Là je tombais des nues! Je croyais que c'était Odin qui avait gravé les runes sur sa lance.

Pour l'homme du fleuve ce mythe était plus tardif, après que la grande déesse fut détrônée par les dieux masculins.   
Frigg/Freja était la triple Déesse Mère, dont le nom était Weird: "destin" en écossais. Elle était celle qui file le destin du monde et de chacun sur sa quenouille (voir le Wyrd).
Mais Odin surnommé Eolg, c'est-à-dire Elan a pour symbole associé une ... Licorne. Et la kenning (ou métaphore nordique) désigne la rune Algiz comme étant le "roseau" de l'élan qui correspond à la lance d'Odin.
Enfin la poésie est appelée le butin d'Odin! Encore une kenning! Et selon les troubadours ne serait-ce pas une expression de leur fameux langage des oiseaux?

Langage des oiseaux et lay(e) 
J M GRÀCIA nous dit que Laye, Laeisa ou Laïa est d’origine celte. En grec, le verbe qui correspond (laleo) signifie « prononcer des sons inarticulés » en référence aux animaux et en particulier aux oiseaux. La philosophie grecque lui donne le sens poétique de «faire chanter» avec un instrument, mais aussi de «faire parler», faire naître la sentence ou la parole.
Laïa est « celle qui parle bien » dans le sens de dévoiler une vérité, cachée sous le voile des formes et des illusions. Laye ou Laïa parle le langage à travers lequel s’expriment les animaux ou les oiseaux, comme saisie par un enthousiasme « poétique » qui symboliquement évoque un acte de révélation.
Selon un glossaire du IX° siècle, le mot irlandais loîd qui est l'origine probable du mot français lai, désigne le chant du merle. Comme langage des oiseaux, on ne peut rêver mieux. (P Walter Naissances de la littérature française IX°-XV° siècle)
Je comprenais ainsi l'importance de cette Mère l'Oye pour la transmission des contes... et de son "jargon" (langage du "jars", langue de l'oison, langage des oiseaux!). Dans le dictionnaire de l'Académie française dès le XVII, on trouve la mention des Contes de ma mère l'oie, Ma mère l'Oye, mère Oye. Le synonyme en est conte de bonne femme, conte de vieille.
Or l'Edda scandinave a la même origine: en vieux norrois edda est l'aïeule, arrière-grand-mère et par kenning, c'est la Mère de la poésie, porteuse de Connaissance spirituelle et initiatique.
Bien qu'influencés par le christianisme, les récits nordiques étaient encore proches de cette Connaissance antique presque effacée.

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Langue des oiseaux

La langue des oiseaux a été utilisée chez des auteurs plus récents et en particulier Nerval.

 

Selon l'homme du fleuve, j'étais arrivée au terme de l'exploration qu'il m'avait imposée avant de découvrir les chants de Lore, Lore-lays, le ou les lais de Lore, en référence aux Lois de la Connaissance traditionnelle qui avaient traversé les âges pour être offerts à l'oreille attentive (soyez toute "ouie", disait-elle, oyez, oyez!) de l'homme du fleuve devenu voyant d'abord puis "oyant" par la grâce de son amour qui l'avait finalement fait "orant"... face à la grande déesse, Force de vie, Destin du monde et des hommes. Elle s'exprimait par la Poésie inspirée, "extatique" pour révéler la Beauté de l'Harmonie cosmique, et ces connaissances avaient été conservées par les hommes du Nord pour qui la magie était indissociable du savoir. 

31 juillet 2010

Les chants de Lore, Loreley (17)

11/ Le monde de Loreley

Lorsque je revins voir l'homme du fleuve, il n'était pas seul. Il me présenta Idunna et leurs deux enfants, ils me racontèrent leur folle aventure de l'esprit et de la vie. Je voulus connaître le résultat de leurs travaux et leur interprétation des Chants de la Loreley, mais en coeur et en riant ils répondirent que ce serait comme donner du miel au cochon...
Un peu vexée par la comparaison, je leur demandais si au moins ils pouvaient me mettre sur la piste. Je n'avais quand même pas fait tout ce chemin pour renoncer si près du but.
L'homme du fleuve me dit que je devais maintenant "entrer dans l'univers de Loreley" et pour m'encourager il me tendit une carte postale. C'était la photographie d'une sculpture de sirène romane, elle tenait d'une main un peigne conforme à la tradition et de l'autre ... une pomme ou du moins une boule!

C'est sûr, il ne fallait pas que je la perde...la boule! En attendant il me conseilla de m'intéresser à l'Arbre de vie de la mythologie nordique, Yggdrasil aux neuf sphères ou mondes.

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Yggdrasil aux neuf sphères-mondes

 

Je commençais par déterminer l'espèce de cet Arbre de Vie nordique. Etait-ce un frêne ou un if?

Pour C. Mandon, (racines.traditions.free.fr/irminsu3/irminsu3.pdf) en vieil anglais la Rune de l'If se dit soit eoh qui signifie “if”, soit eow qui signifie “frêne” et l'if en vieux norois, est nommé “frêne à aiguilles”.
Cela ne réglait pas le problème! Il fallait aller plus loin dans la recherche.

L'if est un arbre hautement toxique, il dégage une substance psychotrope qui met en état second*, par ailleurs en raison de sa longévité exceptionnelle, l'arbre est associé à l'éternité. A très petites doses, il a des propriétés thérapeutiques en particulier anticancéreuses, mais une erreur de dosage et c'est la mort!
If viendrait du gaulois ivos, plus anciennement d'une racine indo-européenne iwa. En vieil haut-allemand ewa signifie "comme l'éternité", (racines.traditions.free.fr/frenouif.pdf) cela donne ywen en gallois, yvy en anglais. Ainsi le prénom français Yves est lié à cette origine de l'if considéré "comme l'éternité".
L'If, toujours vert était très apprécié des germains et nordiques autrefois, il pouvait effectivement être l'arbre associé à la transe chamanique et à l'éternité.

 

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Yggdrasil If, Arbre du Monde nordique

Le frêne produit une "miellée" au printemps, elle attire les abeilles et ses propriétés étaient associées à des pratiques rituelles autrefois. Mais la tradition évoque une boisson à base de miel aux vertus hallucinogènes, ce qui n'est pas le cas de la miellée du frêne. Le terme mystérieux de "Rosée de mai" lui était associée.

L'homme du fleuve m'apprit à cette occasion à penser comme un Minnesänger, un troubadour... Je devais entendre "la Rose est (de) le met", met au sens d'aliment. Et il existait effectivement le "Met nordique", cet hydromel poétique* évoqué par l'Edda de Snorri, c'était bien une boisson hallucinogène au miel! Par ailleurs, le mai désignait l'arbre festif des anciennes traditions villageoises selon lesquelles il était entre autres, un symbole cosmique.


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Arbre de Mai

Pour Régis Boyer : "Yggdrasill, dont le nom signifie "cheval d'O∂inn", est donc Mjö∂vi∂r, l'arbre de l'hydromel, symbole de vie, Mimamei∂r, la poutre de Mimir, gage de tout savoir, et Mjötvi∂r, arbre de toute évaluation fatidique".
*Par ailleurs le nom de Wotan ou Wodhan était explicite: Wodh en vieil allemand signifie "extasié, inspiré", "an" indique l'idée de "maître de cet état mental".
(* Voir : racines.traditions.free.fr/ambroisi/ambroisi.pdf)

Dans la mythologie nordique, l'Arbre était bien le coursier chamanique du dieu Odin parcourant le cosmos en tant que Maître de la transe.

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Odin parcourant les neuf mondes

J'avais compris pour le terme "mai", "met", mais l'homme du fleuve insista sur l'autre terme : la Rosée. Si "la rose est de met", en associant le Met nordique hallucinogène à l'Arbre du monde on devait trouver la Rose? Entre la Pomme et la Rose, j'étais un peu dans les choux!
Je trouvai un synonyme de "rosée de mai", c'était "émeraude des philosophes". Là encore il fallait entendre "aimer rod" et rod selon le dictionnaire était un radical signifiant soit rose (pour rhod), soit roue ou cercle (rodar en ancien provençal, tourner; rodear en espagnol, encercler). J'aboutissais à ces deux notions : rose et roue, et je devais en faire la synthèse.

Un petit tour chez les alchimistes s'imposait. Ils appelaient l'émeraude, "la pierre d'Hermès", dieu grec détenteur de toute la science antique (dite de ce fait "hermétique").

 

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Découverte de la table d'Hermès

Selon la légende, une pierre gravée avait été découverte sur le cadavre d'Hermès, c'était un résumé de la Science d'Hermès dit "Trismégiste" et son message avait été transmis, grâce à la rédaction de son interprétation, par un texte latin nommé "la Table d'émeraude". Ces éléments mythiques (Rosée de mai, Emeraude des philosophes, Pierre d'Hermès, Table d'émeraude) étaient considérés comme étant différents moyens de découvrir la science antique des mystères du soleil, des étoiles et planètes (en un mot de l'astronomie!), mais aussi la représentation du "système du monde", base des croyances et du savoir antique. Et tout ceci à une époque où la liberté de penser le monde en dehors de l'Eglise pouvait vous rayer de la société ou vous condamner à mort...
Fulcanelli, la référence de nombreux alchimistes "modernes", reliait ces concepts à la "table isiaque". Une rapide recherche m'offrit cette photo :

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Table d'émeraude, table isiaque

Cette table isiaque était autrefois décrite comme table du soleil, calendrier des fêtes égyptiennes et représentation des mystères d'Isis fondateurs de la civilisation égyptienne. Dans son Nouvel essai sur la table isiaque, datant de 1809, A Lenoir parlait  d'une "image de la sphère céleste en forme d'almanach".

Pour l'homme du fleuve ce détour par la Table d'Isis - Isis étant la Grande Déesse égyptienne - en tant que synthèse de Connaissance était fondamental pour comprendre le monde de Loreley, avatar de la grande déesse en version européenne et nordique! Il m'apprit que toutes les grandes civilisations avaient ainsi élaboré un "schéma" support de leurs connaissances en lien avec leurs divinités. C'était aussi un support de méditation-vénération ou un modèle d'architecture de la mémoire permettant différents niveaux d'apprentissage reliés entre eux comme des échafaudages de la pensée dont les étages les plus abstraits n'étaient accessibles qu'aux initiés au bout de longues années de formation.
Et à l'appui de cette information, il me présenta cette image du Pied de Bouddha! Et non, je ne ferais pas de mauvais jeu de mots... Contemplation.

 

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Pied de Bouddha Buddhapada

C'était magnifique, mais je ne voyais pas de lien entre l'Arbre de vie et la table d'émeraude ou d'Isis.
L'homme du fleuve me conseilla reprendre le fil de la roue-rose en faisant un détour par les rosaces de nos églises. Bien sûr! Elles étaient nommées roues ou roses et elles délivraient à qui savait les "voir", ces mêmes notions de "schémas de conception du monde" sous forme géométrique représentant des repères "saisonniers, annuels, cosmiques ou liturgiques".

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Rosace de cathédrale

 

En fin de compte, tous ces modèles étaient des "mandalas" ou "psychocosmogrammes" symbolisant l'univers et permettant au méditant de s'unir (au centre de lui-même**) au Créateur, à la divinité, en méditant sur la Création ainsi représentée.
** C'est d'ailleurs un des sens de méditer: "mettre au centre" et dans le domaine oriental "yoga" signifie aussi "unir" (yug qui correspond en français "joug", unissant deux boeufs par exemple...).

Mais ne perdons pas le Nord! Dans le Voluspa, (poème cosmogonique et mythologique scandinave) l'arbre du Monde était nommé  “Arbre de Mesure”, mesure de tout et Axe du monde de la terre au ciel. (racines.traditions.free.fr/frenouif.pdf)
Pour Guido von List, Yggdrasil, le frêne mellifère, était l'univers dans son ensemble et les étoiles étaient ses fruits d'or, fruits de la connaissance de l'Astronomie. Autant dire que cet Arbre était une représentation de l'Univers.

Dans la mythologie nordique, l'arbre abritait effectivement toutes les formes de vie et un oiseau vivait à son sommet. Un axe avec un oiseau au sommet, cela me rappelait sous forme rudimentaire une représentation qui figurait dans la grotte de Lascaux.

 

Lascaux__baton_oiseau

Scène du puits, Lascaux, (bâton-oiseau au centre)

Pour une interprétation archéoastronomique, voir ici ou ici.
Ce bâton-oiseau représentait l'axe du monde avec la polaire au bout. Et le lien avec la déesse était fourni par les Grecs avec le symbole du "bâton-coucou", sceptre de Héra avant de devenir celui de Zeus.

(Voir ici ou en pdf pour une version "scolaire": crdp.ac-bordeaux.fr/cddp33/telechargement/muse_aquitaine/attribut.pdf)

L'homme du fleuve me dit qu'en France aussi on avait conservé le souvenir du "bâton-oiseau", dans des contes ou des rituels sacrés (roitelet au bout d'une perche libéré dans l'église, rouge-gorge..., "petouso" en Provence à Noël).
Restait à savoir quels étaient les repères astronomiques greffés sur cette tige ailée. Dans la préhistoire, selon M Baudouin le bâton de commandement avec ou sans sculptures représentatives des constellations donnait la direction de la méridienne* céleste, basée sur la polaire et ses fonctions d'orientation dans l'espace (points cardinaux) et dans le temps (repères saisonniers) étaient utilisées dès le paléolithique. La constellation-repère la plus importante était l'amas des Pléïades, près du Taureau. Sa symbolisation antique était soit un "fer à cheval", une forme de croissant ou de chevron ou encore un peigne à dents (à sept dents comme les étoiles visibles, jusqu'à dix ou douze selon l'endroit).
* Méridienne : cercle imaginaire passant par les pôles d'une sphère (céleste ou terrestre).

Un peigne? N'était-ce pas l'accessoire des sirènes et donc de Loreley? Le peigne, symbole astronomique antique avait été lui aussi intégré pendant longtemps dans les rites chrétiens où il symbolisait pureté et "mise en ordre". C'était d'ailleurs une récupération d'anciennes traditions nordiques.
Lorsque je lui exposai mes trouvailles sur l'arbre-oiseau, l'homme du fleuve me montra alors des photos d'une ancienne tapisserie suédoise datant de l'époque des Vikings.

 

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Représentation géométrique Yggdrasil?, Arbre de vie Viking Overhogdal (Suède)

Cette géométrie fascinante de l'arbre de Vie surmontée par l'oiseau me faisait penser au symbole géométrique grec de la Tétraktys, "image figurée de la structure du monde", dans une représentation en miroir. On disait que ce symbole pythagoricien recelait l’ensemble des connaissances. Etait-ce la même chose pour cet Arbre?
Yggdrasil était effectivement un arbre symbolique et dans les pays baltes il était associé à la Voie Lactée.

Mais il était temps de redescendre des sommets. Dans ce cadre astronomique et de représentation du monde, à quoi correspondaient les neuf mondes de la mythologie nordique?
Dans le monde antique on évoquait la notion des neuf arcs, ainsi en Egypte, "le chiffre neuf est le symbole de l’universalité : aux neuf dieux primordiaux correspondent les Neuf Arcs, groupant l’Égypte et les pays étrangers qui constituent l’univers humain". Pour les Indo-européens, c'étaient les "neuf foyers de la terre" auxquels correspondaient "neuf foyers célestes" (comme en miroir!).

 

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La représentation de la Terre en Cartographie (monde arabe, 12° Siècle)

( fad.ensg.eu/moodle/mod/resource/view.php?id=197 )

Le symbolisme du neuf était omniprésent dans cette histoire. L'homme du fleuve me rappela que le mythe nordique racontait la pendaison du dieu Odin à un arbre pendant 9 nuits pleines, en transe chamanique. Il reçut 9 chants, grava des caractères runiques (18 Runes) sur sa lance (considérée comme l'axe du monde). Il obtint ainsi une image du cosmos avec des repères de temps.
Il me demanda de réfléchir à toutes ces notions, ainsi lorsque je reviendrais le voir, il serait prêt à me dévoiler le secret de ces chants et de ces runes primordiales et je serais prête à les comprendre. Et vous?

23 juillet 2010

Les chants de Lore, Loreley (16)

10/ Les mystères de Loreley

L'homme du fleuve ne voulait pas répondre à mes questions, je devais encore franchir une étape avant d'accéder aux mystères de la Loreley, tout comme lui à l'époque où il avait vécu cette aventure. Sa bien-aimée l'avait progressivement habitué à percevoir d'autres sensations, d'autres niveaux de compréhension, il y avait mis toute son âme et elle était venue à sa rencontre pour lui confier ses secrets.
Elle avait su lui inspirer l'Amour qui triomphe de tous les obstacles et procure le Joi à l'amant même séparé de son aimée lorsqu'il a réussi à transformer son absence épisodique en présence continue tout au fond de son coeur. Il ne lui restait plus qu'à ouvrir son esprit aux connaissances dont elle était la gardienne et la médiatrice... lorsqu'il avait fait la rencontre qui avait bouleversé sa vie.

Une jeune femme, Idunna, était venue sur les rives de son fleuve, elle était passionnée par la mythologie nordique et cherchait par la voie de l'intellect à retrouver les perspectives réelles correspondant aux Chants des Runes et peut-être aux Runes elles-mêmes. L'homme du fleuve lui avait proposé d'unir leurs forces et de partager leurs données afin d'avancer dans la résolution des mystères qui leur étaient communs à ce stade de leur quête.

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Chants des runes, Brunehilde (blog d'Edouard Brasey)

Il écoutait dans son coeur les "murmures" de sa bien-aimée, Idunna lui apprit que le mot Rune signifie certes "murmure", mais aussi "mystère". Pour elle, la rune était une porte d'accès aux secrets de la structure fondamentale du tissage de la Réalité, le Wyrd*. Elle lui expliqua le concept de Runelore : lore au sens d'enseignement traditionnel, donc Connaissance, par les runes. La Rune est un symbole aux multiples niveaux de sens et de connaissance. Elle n'est pas figée une fois pour toute comme l'est la lettre dans notre système alphabétique, elle se déploie dans une cohérence interne pour qui sait suivre son fil jusqu'aux profondeurs du monde et de l'humain. Par ailleurs en anglais, le mot run indique la course, le parcours et si on le met en rapport avec la course des étoiles sur la représentation circulaire du ciel..., mais n'allons pas trop vite.

* Wyrd: C'est la toile du destin enchevêtré de tous les êtres et le monde des esprits auquel le chaman peut avoir accès par une modification de conscience, (mode de révélation privilégié de connaissances autrement inaccessibles).
PDF : racines.traditions.free.fr/ledestin/voiewyrd.pdf (ou doc google)

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Le Wyrd, toile du destin (site de Willow Arlenea)

L'homme du fleuve me parla du grand dieu Odin (Wotan, le "Père de Tout"), dieu de l'extase, de la transe poétique et chamanique - son nom "Odhin" a la même racine que Odhr qui signifie fureur sacrée poétique. (C Mandon racines.traditions.free.fr/ambroisi/ambroisi.pdf)

Il parcourt tous les niveaux de l'Arbre de Vie, l'arbre du Monde de la mythologie nordique, Yggdrasil, à la fois Axe qui relie tous les mondes et Centre du monde. Toujours vert, il abrite toute vie, c'est aussi l'Arbre de la Connaissance, il contient tous les savoirs, l'espace infini représenté par les "neuf mondes", mais aussi le temps dans ses aspects Passé, Présent et Futur**. Pourtant il n'est peut-être pas éternel, le grand serpent -  parfois sous forme de dragon volant - Nidhoggr ou Nidhogg ronge ses racines... Nidhoggr signifie "celui qui frappe férocement" ou peut-être "qui frappe vers le bas", ce dragon a pour ennemi l'aigle, il utilise l'écureuil comme messager pour lui transmettre des injures! (Un sens spirituel à cette lutte éternelle? Voir ici)

**Ceci explique peut-être pourquoi Nerval décrit la Loreley, comme un Janus, dieu à deux (ou trois) têtes tournées vers les portes du temps. Avant qu'elles ne soient trois -comme les Parques-, les Nornes étaient une seule et même fileuse, archétype de la grande déesse comme nous l'avons déjà évoqué.

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Arbre de vie (Willow Arlenea)

Odin découvrit les runes pendu à un arbre, il voyait le ciel dans le petit lac au pied de cet arbre... Pour les hommes de l'Antiquité, l'observation des étoiles et des astres était fondamentale pour la connaissance de leur univers et en particulier pour leurs repères spatio-temporels. Ils mesuraient et étudiaient la position des constellations au fur et à mesure des saisons, leur déplacement au cours de l'année. Des baguettes de bois ou branches et branchettes leur permettaient de mémoriser le tracé des connexions principales déterminant un groupement d'étoiles caractéristiques (ou constellation). C'est ce principe qui aboutit au tracé des runes.
PDF : racines.traditions.free.fr/odinsrun.pdf

Selon Paul-Georges Sansonetti, dans "Les runes et la tradition primordiale", les runes présentent la singularité de privilégier les formes angulaires, comme pour transcrire une géométrie sacrée formatrice des structures mentales d’un être originel en résonance avec l’univers. Le décryptage du système runique apporterait la preuve de l’existence de ce que l’on nomme, depuis René Guénon, la Tradition primordiale, source même des divers domaines initiatiques.
Ainsi l'ensemble des runes ou Futhark, formé de 24 éléments (ce système est le plus ancien connu) répartis en 3 groupes de 8, forme le Cercle de l'année. C'est aussi un calendrier, l'almonat nordique, qui deviendra au cours d'échanges culturels, la base de l'almanach bien connu de nos campagnes d'autrefois.

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Calendrier runique et almonat nordique (C Mandon)

C'est aussi un système d'orientation, boussole ou Rose des vents pour les voyageurs sur mer et sur terre. C'est l'Etoile ou Rose de Wotan plus ou moins en concordance avec l'Escarboucle à huit rais, bien connue en héraldique et affichée entre autres par les templiers (sceau de l'ordre du temple).
Elle symbolise à la fois le temps et l'espace, c'est l'un des secrets de connaissance des templiers, (le centre forme le neuvième point tout comme Odin et Sleipnir, son cheval à huit pattes représentent les neuf mondes).

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Sceau templier aux deux cavaliers à l'escarboucle (à huit rais)

Avec ce système runique, c'est toute une correspondance qui s'établit entre divers niveaux de connaissance concernant l'espace (orientation horizontale, les quatre points cardinaux), le temps du cycle annuel (orientation par les huit repères des fêtes solaires) et le temps éternel du ciel (domaine des constellations et ... des dieux.). Avec cette base liée à l'environnement naturel et donc indépendante du lieu de vie, l'homme disposait d'une architecture de mémoire sur laquelle il pouvait greffer les connaissances au fur et à mesure qu'il les intégrait. C'est ainsi que fonctionne notre cerveau et notre mémoire et dans une civilisation orale, ce système structuré permet de développer un Art de mémoire, perdu à notre époque puisque l'écrit nous affranchit de cette dimension du savoir.

 

Plutôt que d'alphabet runique, l'homme du fleuve me parla de "code runique", ce code avait même été utilisé pour des transmissions à distance sous forme sonore (comme le tambour des indiens ou encore le code "morse"). Il avait aussi bien sûr servi à transmettre des messages codés et il est bien évident que l'Art des Runes avait beaucoup à voir avec l'Art des Troubadours dont le nom allemand est "Minnesanger" ou Chanteurs de Mémoire pratiquant le double langage poétique des kennings nordiques (métaphores poétiques).
Kenning en anglais, (traduction en français ou taper wikipedia.org/wiki/List_of_kennings sur google et choisir traduire)

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Minnesänger, troubadour germanique Heinrich von Meißen

L'homme du fleuve découvrit grâce à sa bien-aimée, la fabuleuse harmonie de ce système de représentation du monde qui permit aux hommes de l'Antiquité et du Moyen-âge de se repérer dans un univers hostile et inconnu jusqu'à leur permettre des expéditions sur mer et sur terre dont nous commençons tout juste à découvrir l'incroyable audace et l'ingéniosité pratique! (Pour une découverte des Vikings claire et bien illustrée, voir ici)
C'est une véritable encyclopédie qui est ainsi codée et nous avons encore à l'étudier pour en comprendre toute l'ampleur. Elle révèle une image très structurée d'une culture traditionnelle à transmission orale qui a influencé le monde occidental, mais dont nous avons égaré les clés...

Mais avant de devenir un système d'écriture secrète (sens du mot rune en pratique), les runes étaient utilisées pour la magie, les talismans. Ainsi dans l'Or du Rhin de Wagner comme nous l'avons déjà vu, des runes magiques furent utilisées par le nain Alberich pour forger l'Anneau des Nibelungen avec l'or rouge, l'or du Nord.
Voir Runes et magie: histoire et pratique des anciennes traditions runiques Par Nigel Pennick, Anne-Laure d'Apremont, Arnaud d'Apremont

Un jour l'homme du fleuve, l'esprit imprégné de ces fabuleuses données méditait en laissant ses idées au fil du courant. Soudain en regardant l'eau, il vit des formes d'écriture apparaître. Il se dit que c'était un message de sa Loreley et se mit à rêver en imaginant ce qu'elle pourrait lui dire. Lorsqu'il retrouva Idunna un peu plus tard, il lui raconta cette vision, elle l'écouta attentivement et lui promit qu'il pourrait voir d'autres messages de ce type. Il suffisait de savoir où et quand les chercher...

Un jour de grand soleil, elle l'emmena près de la rive de son fleuve, là où un arbre se reflétait dans l'eau. Le courant était faible et ils voyaient le fond de l'eau. Ils s'installèrent pour attendre que le soleil monte dans le ciel. Soudain comme Idunna l'avait promis, un message apparut: le soleil filtré par les branches et feuilles se reflétait en éclats filaires étirés sur les friselis de l'eau. Ils prirent une photo pour fixer ce spectacle merveilleux: depuis la nuit des temps, jour (soleil) et nuit (lune, étoiles), la lumière exprimait tous les alphabets de l'humanité!

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Ecriture sur l'eau

Pour la technique, voir : aquaglyphes, le principe étant de prendre un cliché des reflets d'une lumière diffusée à travers un "filtre": feuillage, planches disjointes d'un pont. Après chacun peut se raconter l'histoire qu'il veut, même celle de messages d'esprits de l'eau! Voir par exemple de nombreuses photos ici.

Idunna devait partir plus d'un an, pour mener à bien un projet d'études, le soir où elle annonça cette nouvelle à l'homme du fleuve, elle lui montra auparavant un galet d'ambre en forme de pomme qu'elle tendit vers le soleil... Cette pomme de connaissance scella sa décision de la suivre et de participer à ses recherches. Et pour ne pas être en reste il sortit de son sac ... une pomme fruit. Ils la croquèrent à pleines dents et la suite, je la lus dans ses yeux d'ambre devenus dorés sous la lumière du soleil lorsqu'il regarda fixement l'horizon, perdu dans ses pensées. Je vous laisse imaginer!

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Boule d'ambre, Pomme de connaissance?

9 juillet 2010

Les chants de Lore, Loreley (15)

9/ Loreley, l'Or du Nord et la mythologie

Un soir, l'homme du fleuve regardait le soleil se coucher sur l'eau, soudain il la vit!  Dans une nappe d'or liquide elle jouait avec les vaguelettes, elle était aussi lumineuse que le ciel et l'eau unis dans un même flamboiement. Le soleil s'enfonça doucement dans l'onde, la lumière d'or et de pourpre sembla se dissoudre, plonger dans l'eau, la Loreley la suivit disparaissant ainsi aux yeux humains.
L'homme du fleuve était resté sur place subjugué par le spectacle féerique et lorsqu'il émergea de ce rêve éveillé, il se reprocha de n'avoir rien tenté pour la rejoindre puis il se raisonna: le fleuve était dangereux à cet endroit, finalement son inertie l'avait sauvé d'un geste inconscient peut-être fatal.

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Coucher de soleil sur le fleuve

Qu'aurait-il pu faire s'il avait tenté de la rejoindre? Il se souvenait de l'histoire de l'Or du Rhin dans la Tétralogie de Wagner. Alberich le forgeron pourtant séduit par la beauté des filles du Rhin, esprits des eaux, avait renoncé à les rejoindre et s'était emparé de leur trésor, l'Or rouge. Elles lui avaient dit que ce trésor, forgé en anneau donnait accès à l'Héritage du Monde, mais pour cela il fallait renoncer au pouvoir de l'amour.
Alerté par les filles du Rhin, le compagnon du dieu Odin (ou Wotan), Loki va aider celui-ci à récupérer cet anneau qui livre les secrets de l'univers. Ce sont des runes magiques qui transforment l'or rouge en Anneau, Alberich l'a forgé, Odin va le lui extorquer...

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Alberich vole l'or du Rhin Josef Hoffmann (1876)

En fait, dans le mythe nordique, la quête de sagesse était la quête suprême, le but supérieur d'une vie humaine. Le dieu Odin, le "Père de tout", le dieu le plus important de ce panthéon, cherche la Connaissance lors d'une longue quête initiatique riche en épreuves et en sacrifices.
(C. Mandon, racines.traditions.free.fr/odinsrun.pdf)
Dans l'Edda poétique, ouvrage du Moyen-âge nordique, on repère les étapes principales de ses aventures :
1/ Odin rencontre les trois Nornes qui connaissent les secrets du passé, du présent et de l'avenir. Elles les lui révèlent, mais il veut aussi la sagesse, elles l'envoient vers Mimir (mémoire ... du monde).

2/ Il rencontre le géant Mimir, à la source de sagesse, qui procure à l'Arbre du Monde ses éléments nutritifs. Mais pour lui montrer "les mystères du monde", Mimir demande à Odin de lui sacrifier son oeil gauche qui désormais flottera à la surface du puits... de sagesse.

3/ Odin poursuit sa quête de Connaissance, il se retrouve pendu au frêne Yggdrasil entre ciel et terre, transpercé par sa propre lance. Il est sur l'axe du monde, renversé au-dessus d'un petit lac qui reflète le ciel, visité par ses corbeaux Hugin et Munin “pensée et mémoire-souvenir” qui lui apportent les nouvelles du Monde. Pendant neuf nuits il reste là en méditation dans le sacrifice de lui-même. Il entend les neuf chants du monde et découvre les dix-huit premières runes*.

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Odin reste pendu neuf nuits
Blog de l'illustratrice Llewllaw

Il acquiert ainsi les signes sacrés représentant les valeurs les plus nobles de la vie, il les taille dans le tronc de l'arbre -ou sur sa lance selon les versions- avec son épée et les nomme *Runes parce qu'elles "murmurent" (raunen en allemand) la sagesse aux initiés. Il se libère alors, monte sur son cheval et retourne au royaume des dieux. Il transmet aux meilleurs des humains (hommes et femmes sages) ces écrits sacrés symbolisant l'Ordre cosmique et la lutte contre les forces de l'Ombre. Ils forment le patrimoine de sagesse et de connaissance des tribus germaniques et nordiques.
L'ensemble de ces signes d'écriture sacrée sont communément appelés le Futhark, mot composé des initiales des premières runes. Ecrire un Futhark serait invoquer les Nornes détentrices des secrets du temps.

Symbolisme du cheval Sleipnir et de l'anneau Draupnir du dieu Odin.
L'homme du fleuve avait été intrigué par deux éléments attribués au dieu Odin qui se révélaient déterminants pour sa quête de connaissance et son pouvoir, son cheval et son anneau.

Le cheval Sleipnir (le "glissant") est un coursier exceptionnel capable d'emmener le dieu Odin dans tous les mondes existants selon la mythologie nordique. Ce cheval magique a huit pattes, huit est le symbole de l'infini (le symbole mathématique ou lemniscate est un huit couché, c'est une figure en ruban -lemniscus en latin- à double boucle sans fin ni début comme un cycle infini...). Christian Mandon met en rapport ces huit pattes avec les huit fêtes solaires nordiques qui forment le cycle annuel.
Parfois c'est le frêne Yggdrasil (ce nom signifie "coursier redoutable") qui est désigné comme étant le cheval ou coursier du dieu Odin.

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Odin chevauchant Sleipnir

Je ne comprenais plus, était-ce un cheval ou un arbre? Et comment un arbre pouvait faire voyager dans les neuf mondes?
L'homme du fleuve rit de mon ignorance et m'expliqua: en fait, Odin est aussi le grand Chaman, il s'agit bien sûr d'un voyage intérieur en connexion avec les secrets du monde, de la vie et de la création.
L'arbre est rituellement le véhicule du chaman pour parcourir les autres mondes. Donc il n'y a aucune contradiction si l'on comprend ce voyage sur un plan spirituel. D'ailleurs Yggdrasil est l'arbre qui relie les neuf mondes et l'ensemble cavalier-cheval, Odin-Sleipnir est aussi en rapport avec les neuf mondes: huit pour le cheval et le monde des dieux, Asgard, pour le dieu Odin. Il me rappela par ailleurs que l'oeil d'Odin dans le puits de sagesse représente la Lune et celui qui lui reste, plus ou moins masqué par le grand chapeau du dieu est le Soleil. On ne s'étonnera plus que Sleipnir promène le dieu dans tous les mondes (espace) tout au long des années (temps).

L'anneau Draupnir (le "Dégouttant", c'est-à-dire coulant goutte à goutte)
C'était en fait un gros bracelet décrit comme une source inépuisable de richesse puisque chaque neuvième jour cet anneau "dégouttait" huit autres anneaux identiques. Cet anneau a été forgé pour Odin par les Nains Brokk et Sindri.
En fait, selon l'Edda islandaise écrite au XIII° siècle par Sturluson, Sindri désigne un lieu fait d'or rouge, sorte de paradis au sens chrétien du terme. Si vous avez lu le message précédent, vous n'en serez pas étonné...
Cet anneau est aussi l'anneau de Balder fils d'Odin, qui régnait sur les runes.

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Sébastien Ferran,  L'Anneau des Nibelungen

Mais je croyais que l'anneau était forgé à partir de l'or du Rhin dérobé aux filles du Rhin ou à une Loreley!
L'homme du fleuve approuva. Il y avait en fait plusieurs versions du même mythe autour du "Père de tout" Odin. Ainsi la légende scandinave des anneaux mythiques est la Saga Völsunga et cette saga est liée à l'histoire des Nibelung popularisée par Wagner.

Au tout début, comme nous l'avons vu, le nain Andvari (le "tourbillon") - devenu Alberich pour Wagner - s'empare de l'Or du Rhin. En forgeron habile détenteur des secrets de la transformation de la matière, il forge un anneau (ou bracelet, l'important étant la forme de cercle, de roue). L'anneau nommé Andvarinaut ("Destin d'Andvari") est un "Draupnir", il dote Andvari d'une richesse toujours renouvelée. Un jour Loki, compagnon d'Odin prend l'anneau d'Andvari qui furieux le charge alors de malédiction pour tous ceux qui le possèderont même un moment.
La suite de l'histoire de l'Anneau a inspiré toute une littérature après les opéras de Richard Wagner,** ainsi John R R Tolkien et plus près de nous Edouard Brasey.
(**site très complet, résumé, contexte culturel, glossaire...)

J'essayais de rassembler mes idées, l'or du Rhin associé à la Loreley l'était aussi à Odin, dieu cosmique. Il était également associé au soleil, à l'ambre nommé pierre du soleil ou pierre d'Odin. Le trésor de connaissance d'Odin était représenté par les runes obtenues au terme de neuf nuits. J'étais convaincue que le trésor de la Loreley n'avait rien de matériel, mais correspondait une source de connaissance et de maîtrise qui assurait autrefois, dans les temps où s'est forgé le mythe, une source de pouvoir et de richesse très importante pour ces tribus nordiques qui on le sait en particulier pour les Vikings ont été de grands navigateurs, conquérants et intrépides.

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Ambre, soleil...

Etait-il encore possible à notre époque de retrouver ces connaissances ou du moins leurs concepts de référence, en un mot l'homme du fleuve avait-il découvert le trésor de la Loreley? Il me proposa de revenir le voir afin d'en savoir plus, mais peut-être avez-vous déjà compris de quoi il s'agit...

30 juin 2010

Les chants de Lore, Loreley (14)

8/ Le trésor de Loreley, l'Or du Rhin, réalité matérielle?

L'homme du fleuve en était persuadé, sa Loreley était une déesse qui avait accès à un trésor et l'exprimait par ses chants. Pourtant il ne savait toujours pas comment la retrouver, aussi il poursuivit ses recherches. Afin de mieux la comprendre, il enquêta sur le plus connu des trésors mythiques associés à une Loreley, l'Or du Rhin.
De quelle nature était-il? Et d'abord était-il de nature matérielle?

L'homme du fleuve me parla de la fièvre qui saisit les hommes dès qu'il s'agit d'or. Les nazis pendant la seconde guerre mondiale avaient conçu d'énormes machines pour draguer le Rhin, ils en avaient seulement extrait quelques centaines de grammes. Il existe encore aujourd'hui quelques orpailleurs à l'affût de quelques rares pépites charriées par le fleuve. Depuis la légende des Niebelungen écrite au XIII° siècle à partir de sources datant du VIII° siècle, le mythe du trésor englouti suscite rêves et convoitise.

Ces maigres résultats n'empêchèrent pas d'autres aventuriers de prendre le relais mais pas forcément dans le cours actuel du Rhin. Il a en effet été rectifié au XIX° siècle, auparavant il suivait de nombreux méandres qui ne sont donc plus alimentés. Ainsi au début des années 80, dans un bras mort du fleuve à Neupotz une dragueuse retire d'une gravière un formidable butin! Voir ici.

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Trésor englouti

Les hypothèses modernes sont maintenant étayées par des preuves tangibles: il y a bien de l'or et des trésors dans le Rhin, engloutis lors des passages des tribus germaniques attaquées par les Romains lorsqu'elles revenaient chargées du butin des expéditions en Gaule, ... Le trésor des Niebelungen serait peut-être le trésor des Burgondes qui a disparu lors de leur défaite sous les coups des Romains alliés aux Huns.

L'or du Nord
Mais cet or ne satisfaisait pas l'homme du fleuve, il continua à chercher et tomba alors sur la fabuleuse histoire de l'ambre parfois nommé l'or rouge ou l'or du Nord, il était au moins aussi précieux que l'or dans l'Antiquité, c'était une monnaie d'échange pour de nombreux peuples, en particulier les Romains.

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Ambre fossile

* L'ambre était nommée bernstein en allemand: pierre de l'ours, c'est peut-être la déformation de "bornstein", pierre qui brûle, évoquant sa transformation : le feu réduit la pierre à l'état d'encens (d'une odeur de résine, agréable aux dieux de l'Antiquité). Il était surnommé "larmes des dieux" en particulier de Freiya, la grande déesse nordique correspondant à Vénus.
Chez les Celtes, le dieu de l'éloquence, Ogmios était un vieillard relié aux hommes par de fragiles liens d'ambre que les hommes n'envisagent pas de rompre tant ils ont l'air d'être satisfaits d'être ainsi liés au dieu. L'ambre est le symbole de l'énergie divine, solaire, symbole du lien spirituel, cosmique avec le dieu.

Cette matière fossile aux propriétés considérées comme magiques, thérapeutiques, esthétiques... a aussi des propriétés électriques (electrostatisme par frottement, c'est même l'origine du mot électricité: le nom de l'ambre jaune étant "elektron").
Par ailleurs l'ambre était utilisé pour faire des lentilles qui servaient par exemple pour allumer les feux rituels. Dissous dans l'huile de lin, il fournit un vernis qui reflète la lumière de manière exceptionnelle comme l'or.
L'ambre est originaire principalement de la mer Baltique, au Nord de l'Europe. Ainsi on le trouve parfois sur les rives des pays périphériques (dont l'Allemagne), arraché à la mer par les tempêtes.

* Document Pdf, Christian Mandon racines.traditions.free.fr/ambre/ambre.pdf

J'avais des difficultés à le suivre dans son enthousiasme, l'ambre dont je ne mettais pas en doute la valeur antique représentait-il vraiment le trésor du Rhin?
Il m'apprit que le Rhin et le Rhône étaient effectivement des couloirs de navigation commerciale très importante dans l'Antiquité et que trois routes acheminant de fabuleuses richesses avaient façonné l'histoire des hommes, il s'agissait de la Route de l'étain, la Route de la soie et la Route de l'ambre.

Il me parla aussi de la fabuleuse histoire vraie de la "chambre ou cabinet d'ambre" du Palais de Catherine de Russie près de Saint-Pétersbourg.

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Chambre d'ambre en 1938

C'était au départ un cadeau du roi de Prusse Frédéric-Guillaume I° fait au tsar de Russie Pierre le Grand en 1716, il était constitué de décors et panneaux d'ambre de plus de 6 tonnes pour une surface de 55 mètres carrés. Il a disparu pendant la seconde guerre mondiale, récupéré par les nazis, peut-être a-t-il été englouti lui aussi lors de son transport par bateau. Le cabinet d'ambre a été reconstitué dans le Palais de Catherine et l'on peut le visiter depuis 2003. (Pour le découvrir en vidéo, voir ici)
Photos extraites de cette même vidéo :

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Chambre d'ambre

Par ailleurs l'ambre était aussi appelé Pierre d'Odin, en l'honneur du dieu des dieux nordiques, ou Pierre de soleil.

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Photo ambre

Et selon l'homme du fleuve ce n'était pas seulement parce qu'elle était particulièrement belle ou dorée pour certaines variétés exposées au soleil, mais parce que les initiés l'utilisaient secrètement pour s'orienter même dans les brumes du Nord!
Là j'étais intriguée, je sentais que cela dépassait la valeur matérielle de ce matériau étrange. Il m'expliqua que l'ambre comme certains cristaux avait un aspect particulier sous la lumière polarisée, celle du soleil et du jour même brumeux au point de ne plus voir le soleil. La polarisation est la direction de vibration de la lumière. L'ambre exposé perpendiculairement à la direction de la lumière révèle ainsi où est le soleil, il suffit de tracer un symbole sur la surface ou d'exploiter ses inclusions pour ne plus perdre le Nord! (*Voir article de Christian Mandon déjà cité).

Etait-ce un effet d'optique? Lorsque je regardais l'homme du fleuve, une lueur mystérieuse allumait son oeil et je m'aperçus qu'il avait des yeux couleur d'ambre: tout un trésor m'apparut en un seul regard! Quelle perspective...

17 juin 2010

Les chants de Lore, Loreley (13)

7/ Les chants des déesses dans l'univers mythique nordique.

L'homme du fleuve était retourné sur son lopin de terre avec la cabane au bord de l'eau. Il n'espérait plus revoir sa bien-aimée dans le cadre où il l'avait vue pour la première fois, mais une nuit il entendit un chant venir de la rive. Il essaya de voir d'où il venait, tout en craignant que le chant ne s'arrête, puis il se contenta d'écouter. En rêve, il vit au pied d'un arbre immense, sa bien-aimée Loreley lui dire: "ne cherche pas à me voir, cherche à m'écouter là" et elle désigna son coeur avant de disparaître.

Il murmura alors son nom tout doucement et au réveil il se souvint avoir entendu dire que Loreley était une sorte de kenning, métaphore ou périphrase poétique scandinave voilant la connaissance du peuple (Lore) en rapport avec la Tradition ou Loi ancienne (lei ou lay ou loy).

Par ailleurs, un lay ou lai en littérature est une forme de récit plus ou moins poétique et parfois chanté qui date des débuts de la littérature de création au Moyen-âge. En ancien allemand Leich signifie jouer une mélodie ou une chanson.

Dans la mythologie nordique, la représentation du monde selon la connaissance traditionnelle incluait la notion de chants. Nous avions déjà vu que la Loreley était associée à la légende des Niebelungen et Clemens Brentano, bon connaisseur des mythes et légendes traditionnelles, disait que la Loreley avait participé à la création du monde.

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Les Nornes et l'Arbre, wikipédia

Dans la légende des Niebelungen, les Valkyries occupent une place importante. Elles sont des vierges guerrières, des divinités mineures ou dises qui servaient Odin, maître des dieux. L'une des plus célébres d'entre elles s'appelle Brunehilde, elle apparaît aussi dans la Tétralogie de Richard Wagner, L'Anneau du Nibelung. Elle a chanté les runes (signes symboliques abstraits nordiques assimilés entre autres à un alphabet) pour le héros Sigurd.

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Brunehilde et Sigurd Arthur Rackham (vers1900)

Pour mieux explorer l'univers de Loreley, l'homme du fleuve s'était donc intéressé à Odin: pour acquérir Connaissance et sagesse, il était resté pendu neuf jours et neuf nuits (équivalent de neuf mois, temps de gestation pour une nouvelle naissance) à l'arbre du Monde, le frêne Yggdrasil, transpercé par sa propre lance (assimilée à l'axe du monde).
Il sacrifia un oeil dans le puits de Mimir en échange de quelques gouttes de son "immense sagesse", son oeil flottant dans le puits était la Lune.
Il apprit neuf chants de puissance et dix-huit runes. Son oeil ouvert était le Soleil rayonnant, grand dieu cosmique il commandait les puissantes Valkyries et menait la Chevauchée des âmes de l'autre monde.
(Pour découvrir une interprétation-synthèse des neuf chants des Runes, cliquer ici)

L'homme du fleuve me fit remarquer que Odin après son sacrifice d'un oeil (la Lune) porte un grand chapeau au-dessus de son autre oeil (le Soleil). Ce grand chapeau est l'une de ses caractéristiques constantes (une histoire de chapeau sur le soleil cela ne rappelle-t-il pas le fameux Saint Goar?)

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Odin et son grand chapeau

Yggdrasil est l'archétype de l'Arbre de Vie, centre et axe cosmique, neuf mondes l'entourent composant l'univers qui est par ailleurs représenté par l'image de la toile du Destin, le Wyrd reliant et gouvernant tous les êtres. Cette toile est sans cesse tissée par trois Nornes (Il n'y a pas de distinction claire entre les Valkyries et les Nornes, ce sont des dises). Elles résident près d'un puits et arrosent de son eau chaque jour Yggdrasil. L'homme du fleuve me rappela que dans le conte de la Petite Sirène, elle a un bel arbre dans son jardin dont elle s'occupe aussi, or Sirène et Loreley sont apparentées... Andersen avait puisé à la source!

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Arbre Yggdrasil

Cette conception d'une toile-univers comporte des implications d'ordre philosophique ou métaphysique: chaque action ou événement ponctuel retentit sur toute la toile. En langage moderne selon la physique quantique*, on évoque "l'effet papillon"! La sagesse traditionnelle redevient moderne!
*Une infime variation d'un élément peut s'amplifier progressivement, jusqu'à provoquer des changements énormes au bout d'un certain temps.

Dans ce système les runes sont des sortes de clés de cet univers. Chaque rune est comme une partie d'un hologramme : chacune, tout en ayant ses propres caractéristiques, reflète la totalité de la toile du Wyrd.

Vision traditionnelle de l'effet papillon : à petite cause, grand effet, (faute de clou, on perdit le royaume !!!)

Faute de clou, on perdit le fer
Faute de fer, on perdit le cheval
Faute de cheval, on perdit le cavalier
Faute de cavalier, on perdit la bataille
Faute de bataille, on perdit le royaume

(Pour un résumé de la conception nordique de l'univers, cliquer ici.)

Ainsi pour l'homme du fleuve c'était évident, les chants de la Loreley étaient les chants de la Connaissance du monde (les lais de Lore) et s'ils étaient maintenant perdus puisque leur transmission s'était interrompue, il avait tenté d'y accorder toute son attention aiguisée par son amour pour sa bien-aimée pour les comprendre.

10 juin 2010

Les chants de Lore, Loreley (12)

6/ Déesse Mère, Sirènes et Loreley

Je retournais voir l'homme du fleuve, son voyage en Allemagne l'avait renseigné sur la nature de sa Loreley, il s'agissait effectivement d'un personnage complexe dont l'image populaire était probablement trompeuse, mais je ne voyais toujours pas qui elle était vraiment.
Lui-même à l'époque avait continué ses recherches et les avait élargies aux "esprits des eaux". Il me conseilla de cibler en particulier les sirènes et les manifestations de la Déesse Mère dans son aspect aquatique.
Comme je ne comprenais pas le rapport entre la Loreley et les Sirènes, l'homme du fleuve me dit que l'apparence des sirènes n'était pas le plus important, elles pouvaient avoir des ailes, une queue de poisson ou de serpent, se transformer en dragon ou en humain. Ce n'est que vers le VIII°siècle (en parallèle avec l'implantation du christianisme et ce n'est pas un hasard!) qu'elles furent représentées avec une queue de poisson dans les bestiaires médiévaux.

Ainsi comme nous l'avons déjà vu pour les dragons, les anciens croyaient vraiment aux sirènes? Selon l'homme du fleuve certains animaux marins ou aquatiques pouvaient effectivement donner corps à ces légendes. Je l'acceptais après avoir vu ce moment de câlins incroyables entre un éléphant de mer et une touriste! Ici

Quelques photos extraites de ce document exceptionnel sur Dailymotion:

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Novembre 2009, éléphant de mer câlin!

Revenons à notre sujet, la sirène que je connaissais le mieux était celle d'Andersen, La petite sirène. Elle n'avait quand même pas de rapport avec la Loreley?

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La petite Sirène inspirée du conte d'Andersen 

Copenhague

L'homme du fleuve m'affirma qu'au contraire, j'étais sur la bonne piste! Christian Mandon* le dit : La “sirène de mer” qui surveille l’entrée du port de Copenhague est une Havfrue, “Freyja des mers” ou “Freyja du havre (port)”, analogue aux Loreleys allemandes qui peuplent le Rhin.

*(racines.traditions.free.fr/sirenes/sirenes.pdf)
Andersen, contrairement aux critiques superficielles qui lui sont faites, a su réconcilier des visions différentes à la fois païennes et chrétiennes dans son conte. Son passage difficile sur terre fera aspirer la petite sirène à un destin différent et la mythologie scandinave est évoquée en particulier par le thème de l'arbre que la petite sirène arrosait dans le palais de son père, mais aussi par les différents niveaux d'existence, Eau, Terre, Ciel...

Voir ici, (texte remarquable qui remet dans son contexte culturel et mythologique ce conte).

Comme quoi il faut se méfier des apparences! Mais le chant des sirènes alors, est-il une malédiction ou autre chose? Je me souvenais d'Ulysse attaché au mât de son navire pour résister à ce chant. Les sirènes de nos rivières aussi avaient parfois un chant ensorcelant que les cloches d'église empêchaient de nuire. (Voir par exemple sur ce site une version complète de ce type de conte en Gascogne).

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Herbert James Draper, Ulysse et les Sirènes (Wikipédia)

Homère dans l'Odyssée, conte le voyage et le retour d'Ulysse, il transcrit le Chant des sirènes:

Viens, illustre Ulysse, gloire des Achéens!
Arrête ton  navire! Ecoute notre voix!
Jamais mortel n'a doublé notre île sur son noir vaisseau,
sans écouter notre douce voix,
Il repart alors plein de joie et de savoir.

...
Nous savons tout ce qui arrive sur la terre nourricière.

Les sirènes, par leur chant transmettaient joie et savoir. Et lorsque l'on écoute comme un troubadour, on pense Joi (qui correspondrait à l'aspect érotique attribué aux sirènes-maîtresses d'amour) et Connaissance...
Mais pour y résister, Ulysse qui ne fait que passer, demande à être attaché au mât de son navire. Joi et Connaissance sont accessibles à celui qui fait le chemin, passant d'abord par le sacrifice, la mort au "petit moi", vers le "commencement" (sens de "initiation" comme nous l'avons déjà vu).
Par leur chant, les sirènes symbolisaient l'Harmonie tout comme l'atteste Platon, dans La République, livre II, elles chantaient en harmonie avec les Moires (personnifications du destin).
Voir C. Mandon racines.traditions.free.fr/sirenes/sirenes.pdf

J'insistais: elles sont quand même des symboles de mort!
N'allons pas trop vite, me répondit l'homme du fleuve, nous devons d'abord remonter à la source de la représentation symbolique. Comme nous l'avons redécouvert au XX° siècle, l'essentiel des symboles qui nous sont parvenus, bien que souvent déformés viennent des anciens égyptiens et de leur écriture hiéroglyphique. Ils représentaient l'âme du mort sous forme d'un oiseau (le Ba), tardivement à tête humaine et c'est sous cet aspect que l'on voit les sirènes dans le monde grec antique. Par ailleurs le poisson était le hiéroglyphe utilisé pour "écrire" corps. Pour résumer, l'oiseau est la nature purement spirituelle, l'âme du mort; le poisson, la nature matérielle, le corps.
Avec la déformation liée à la transmission de concepts qui ne sont plus compris, on obtient des représentations de femmes-poissons ou plus anciennes de femmes-oiseaux.

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Sirènes grecques antiques

Au temps d'Euripide, tragédien grec du V° siècle avant notre ère, sur les tombes figuraient deux sirènes, femmes-oiseaux, nous dit Robert Graves (Les Mythes Grecs). On fait dériver leur nom de "seirazein" , attacher avec une corde. Elles auraient représenté les formes jumelles de la déesse, celle qui annonce le règne du nouveau roi et celle qui pleure l'ancien.
D'ailleurs leur nom même confirme leur lien avec la déesse. Les cordes étaient faites de chanvre ou de lin, or Isis était nommée la déesse du lin. La déesse est en effet aussi celle qui tisse ou file le destin de toute chose.
Par ailleurs, on en trouve encore une confirmation avec les attributs de la sirène : peigne, symbole d'ordre mais aussi du sexe féminin; et miroir représentant les astres, soit la Lune, le Soleil ou encore en astrologie Vénus Aphrodite grande déesse de la fécondité et de l'amour. (Ici en anglais, en français ou coller sur la barre Google whiterosesgarden.com/Enchanted_Waters/mermaid_article et choisir traduire)

Là, l'homme du fleuve m'avait convaincue, l'analogie entre le personnage de la Loreley et les sirènes des mythes et légendes, révélait bien une filiation avec la Déesse-Mère.
Satisfait du résultat de nos réflexions, l'homme du fleuve me montra alors un extrait d'un hymne à la Déesse-Mère (Ishtar en l'occurrence, hymne mésopatamien).

Reine du Ciel, Déesse de l'Univers.
Celle qui marche dans un chaos terrible
Et qui apporta la vie par la loi de l'amour
Et qui hors du chaos nous apporta l'harmonie
Et depuis le chaos nous guida par la main.
...

Le Destin de toute chose
Elle le tient dans Sa main.
La Joie nous vient de son regard.
Elle est le pouvoir, la magnificence.
Elle est la divinité qui protège.
Elle est l'esprit qui guide.
Qu'elle soit jeune fille ou mère,
Toute femme se souvient d'Elle et appelle Son nom.
...

Louangez la Déesse, la plus puissante des divinités.
Révérons la Maîtresse des Peuples,
Plus haute que toutes les autres divinités.
Révérons la Reine du Ciel,
Plus haute que toutes les autres divinités.

Adapté de Ancient Mirrors of Womanhood, (Miroirs anciens de la féminité) ouvrage de Merlin Stone, professeur d'Université en histoire du XX° siècle.

5 juin 2010

Les chants de Lore, Loreley (11)

Complément sur la littérature : l'archétype de la Loreley et les écrivains

Loreley, femme fatale, figure de Salomé?
L'émergence du mythe de la Loreley au XIX° siècle accompagne l'évolution de celui de Salomé, tiré des Evangiles, qui demanda  la tête de Saint Jean-Baptiste à Hérode, elle est associée à une "danse des sept voiles" entrée dans la légende.
Ce n'est pas un hasard et c'est probablement la même représentation d'anima à la fois fascinante et dangereuse qui émerge à cette époque en réaction à la place des femmes et du féminisme montant dans la société.
De même que pour la Loreley, c'est Henrich Heine qui contribue à faire de Salomé un personnage mythique important au XIX° siècle, il fait de Hérodiade-Salomé (il associe mère et fille en une même figure) une incantatrice dotée de pouvoirs occultes ; mais surtout il la transforme en amoureuse passionnée qui sombre dans la folie.

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Gustave Moreau Salomé, 1876

Erika Tunner nous dit : comme Circé, Hélène, Dalila, Hérodiade ou Salomé, la Lore Lay était faite pour séduire l'imagination des poètes décadents. ... la figure de Salomé avait également hanté l'esprit de Brentano...
Cette figure de femme fatale alliant la perversion et la séduction, déclenche chez l'homme du XIX° désir et répulsion. Elle représente pour l'homme qui se laisse envoûter un danger de mort.

Complexité du personnage de la Loreley dans la littérature du XIX° siècle.
Au-delà de l'aspect femme fatale prédominant, une palette plus riche se dessine, voici quelques aspects de cet archétype féminin mis en valeur par les différents écrivains dont nous avons déjà parlé (ici).
Nous nous sommes inspirés du remarquable document Pdf:
*Le regard fasciné d‘écrivains français sur l’Allemagne (XIX°, XX° siècle) de Isabelle Vacher
http://deposit.ddb.de/cgi-bin/dokserv?idn=98963812x

Brentano donne une image d'une douceur maternelle englobant le cosmos, il évoque même son chant comme un murmure.
(p 197*) un extrait de la ballade de Godwi sur la Loreley :

Chante tout bas, tout bas, tout bas,
Chante en murmurant une berceuse
De la lune apprend la sagesse,
Qui parcourt si tranquillement le ciel.
[...]
Chante un chant si doux
Comme la source coulant sur le gravier
Comme les abeilles dans les tilleuls
Murmure, chantonne...

Clemens Brentano dans Godwi

Nerval perçoit la Lorelei comme un Janus allemand, il y incorpore le charme et la menace. Il est subjugué par cet être et face à la Loreley tout comme à l'Allemagne son attitude est marquée par un mélange de fascination et d’inquiétude. (Sa mère est morte en Allemagne où il a vécu étant jeune).

Pour Apollinaire cette femme n’a aimé qu’elle-même et son pouvoir maléfique se retourne contre elle. Dangereuse pour les hommes, elle l'est aussi pour elle-même, c'est une malédiction qui pèse sur elle et la conduit à la mort.

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Naïade et l'endormi, Waterhouse

(p 234*) Les légendes habitent le Rhin et sont à l’origine de drames sans nom. Brentano s'en inspire, le Rhin est un sanctuaire où gît la Lorelei en compagnie du trésor des Nibelungen.

(p 242*) La Lorelei, issue de sa plume de Brentano, demeure avant tout la muse de tous les écrivains, indépendamment de leur nationalité.

Heine, l'évoque sous les traits d’une sorcière mais aussi sous la symbolique du refus des convenances et de la morale bourgeoise.

Elle hante les paysages rhénans, c'est la muse des artistes qui font le voyage pour ressentir l’atmosphère de son rocher.

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H-J Draper Kelpie

4 juin 2010

Les chants de Lore, Loreley (10)

5/ Archétype féminin et Loreley

Je demandais à l'homme du fleuve s'il avait mieux compris sa vision en allant à la rencontre de la Loreley. Au début il ne s'était pas senti concerné ne voyant pas le lien entre ce qu'il avait vécu et ces légendes anciennes. Mais peu à peu il constata que chacun voyait différemment le même personnage, y compris lui. Pour la rencontrer de nouveau il devait aller au-delà de ses multiples apparences, découvrir sa nature profonde.
Il se demanda qui était la Loreley, femme fatale, héroïne maudite, sorcière ou ancienne déesse déchue? Autant d'images contradictoires signaient la présence d'un archétype féminin très fort sur lequel se projetaient les fantasmes révélateurs d'une vision du féminin et d'une époque.

Il me définit ce qu'il entendait par archétype: un symbole primitif et universel appartenant à l'inconscient collectif de l'humanité et se concrétisant dans les contes, les mythes, le folklore, les rites, etc., des peuples les plus divers.

Il fallait donc faire un tour du côté des explorateurs de conscience, ainsi Jung parlait de la Loreley comme étant un des esprits des eaux dont le chant mène les hommes à la mort. Ce personnage mythique était un archétype féminin négatif.

Selon l'homme du fleuve, la Loreley était une figure de l'anima. Pour désigner l’archétype féminin, symbole universel de la femme, Carl Gustav Jung s'était servi du mot latin anima qui signifie âme et désigne l'image inconsciente de la femme en général. Elle désigne aussi la part féminine, c'est-à-dire les caractéristiques habituellement attribuées aux femmes, sensibilité, émotivité, intuition, sentiment qui s'expriment en chaque homme. Pour en savoir plus en anglais, voir ici ,ou traduction française
ou *copier/coller sur Google eve3.wordpress.com/2007/11/01/the-anima et choisir "traduire".

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L'anima se présente d'autant plus sous un aspect négatif que l'homme (ou la société de référence en ce qui concerne la culture) ne l'intègre pas en lui-même. Marie-Louise von Franz, collaboratrice et continuatrice de Jung va jusqu'à l'identifier à une démone de la mort, une femme fatale. La Loreley germanique ou les sirènes dans la culture grecque puis européenne incarnent la projection de ces illusions destructrices sur le féminin et sur la relation avec la femme par le biais d'un érotisme réducteur déclenchant une répression secondaire le plus souvent.
Pour en savoir plus , voir ici ou traduction, (faire comme en * : en.wikiquote.org/wiki/Marie-Louise_von_Franz)

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Sirène Sheila Wolk

Je dis à l'homme du fleuve que nous sommes dans une époque évoluée, nous sommes épargnés par ce genre de projections et de rapport avec une anima négative. Mais il répondit qu'il suffit de consulter - en prenant du recul - des interprétations chrétiennes de l'interférence des esprits des eaux avec notre monde actuel. (Par exemple Michelle d'Astier)

Mais à quoi sert-il de comprendre que la Loreley est un archétype?
Il m'expliqua que dans son expérience son évolution spirituelle était liée à une confrontation aux archétypes en les respectant comme des réalités à part entière.
L'archétype est un médiateur entre les anciens dieux dans leur dimension sacrée, notre part personnelle de divin et notre vie ancrée dans le quotidien actuel.

Bon, d'accord les archétypes peuvent être importants pour l'évolution personnelle d'une personne, mais comment évoluent les légendes anciennes du Rhin dans notre monde actuel du XXI° siècle?
L'homme du fleuve me parla avec enthousiasme d'un musée ouvert depuis quelques années à Worms, sur le Rhin, créé autour du mythe de l'Or du Rhin et de l'Anneau des Nibelungen. C'est le premier musée se référant ainsi à un mythe!
Le fil directeur de cette entreprise s'inspire des chants (ou lied en allemand) anonymes du XIIe siècle, et ses détournements politiques sont aussi abordés, en particulier sa récupération par l'idéologie nazie au XX° siècle.
Ce musée utilise une méthode tout à fait moderne pour nous faire découvrir tout un pan de culture de l'humanité et cela ne concerne pas que les enfants.

Il existe aussi un musée dédié à la Loreley sur son rocher au bord du Rhin. Ouvert depuis 2000, le Centre d'accueil de la Loreley invite à un voyage dans le temps, des origines du paysage domestiqué jusqu'à nos jours, autour du thème central du mythe de la Lorelei.

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Loreley sur le Rhin

1 juin 2010

Les chants de Lore, Loreley (9)

4/ La trace des anciens dieux

En continuant à chercher, l'homme du fleuve découvrit qu'en fait Saint Goard était un "faux saint", un remplaçant du dieu forgeron Govannon. Un autre nom de cet ancien dieu-personnage mythique est Saint Genard.
Govannon est le nom gallois (ou gaulois) qui signifie "forgeron". En irlandais, il devient le dieu Goïbniu, dérivé de gobha qui est aussi en rapport avec le forgeron. Le dieu forgeron est le fils de la déesse Mère Dana ou Brigit.
Il prépare des festins dans l'autre monde où l'hydromel et la bière qui sont servis aux convives les transforment en immortels.

L'homme du fleuve s'intéressa aussi au mot Goard. En troubadour, il remarqua que l'on pouvait entendre Go Ard, soit gau, ard. Gau lui évoquait justement ce vieux terme de la joie des troubadours.

Les deux mots (joie et gau) dérivent du latin gaudia (Dictionnaire étymologique de la langue françoise, Volume 2 Par Gilles Ménage... (1750))

Ard est une racine celte signifiant soit haut, élevé, fort; soit sombre, noir. Mais ard se retrouve aussi dans "ardent" qui se rapporte au feu, au soleil. Goard pourrait évoquer la joie (au sens spirituel, sacré) du feu (solaire ou du forgeron...).


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Saint-Goard, Loreley sur le Rhin


Localement Saint-Goard se situe effectivement sur la rive ouest du Rhin avec une forteresse située en hauteur, mais quel lien entre le dieu forgeron, le lieu haut "qui garde" et le soleil ou le feu?
A ce sujet, l'homme du fleuve me rappela les miracles attribués à Saint Goard: l'un d'eux faisait effectivement intervenir le soleil. Le saint aurait posé son chapeau sur un rayon de soleil. Or poser ce couvre-chef ou même un vêtement (cape ou manteau) sur le soleil revient à le masquer, le faire disparaître. Et c'est ce qui se passe au mont de Saint-Goard situé à l'ouest du Rhin: de son sommet il cache le soleil couchant pour les riverains. En poète inspiré à l'âme d'enfant, on peut bien imaginer que le dernier rayon du soleil disparaissant ainsi ait servi à accrocher un accessoire du saint, son chapeau ou un manteau!

Mes idées s'embrouillaient, nous avions d'une part un saint Goard remplaçant un dieu forgeron et d'autre part des traces d'un dieu solaire (du soleil couchant). Quel pouvait être le dieu en question?
L'homme du fleuve sourit et me livra son hypothèse : l'étude des mythes, des légendes anciennes et de la toponymie (noms de lieux) avaient gardé le souvenir de ce personnage. Il s'agissait du dieu Gargan, Rabelais s'en était inspiré pour le personnage de Gargantua dont il conta brillamment les aventures.


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Pantagruel


Gargan, le grand dieu gaulois était le fils de la déesse mère Belisama, éternelle vierge fécondée par l'esprit divin du dieu Bélénos, une des personnifications du soleil*. Il rappelait le grand dieu irlandais le Dagda, le dieu bon (modèle du Bon Dieu?).

* Voir pour plus de détail le document Pdf Dieux celtes  sur religion.mrugala.net

D'accord, on découvre peut-être localement un dieu pré-celtique, mais quel est le lien avec la Loreley?
L'homme du fleuve tenait manifestement à présenter ses arguments pas à pas, il craignait que je ne le suive pas s'il passait directement à la conclusion.
Le forgeron était pour les peuples de l'antiquité un personnage très important, il utilisait la terre, l'eau, le feu, le métal venu du ciel (fer météoritique au début) pour transformer une matière apparemment inerte en une autre matière très organisée et fondamentale pour l'économie des tribus: les armes et outils. Le forgeron était assimilé aux premiers alchimistes et était crédité d'un accès aux connaissances de l'organisation de la création et du cosmos. D'où le dieu forgeron..., détenteur des secrets du feu de la terre comme du feu solaire.
Gargan était un dieu solaire mais il était aussi lié à l'eau tout comme sa parèdre ou sa mère qui lorsqu'il s'agissait des dieux anciens était probablement la même personne sous différents aspects, et toujours la déesse mère.

De ce fait la Loreley associée à Goar pourrait être un aspect tardif et déformé de la déesse mère!

L'homme du fleuve souriait de mon étonnement. Il finit de me déstabiliser en affirmant que par ailleurs le poète-musicien en tant qu'organisateur des représentations du monde par le verbe ou les sonorités, et le forgeron étaient intimement lié dans la conception antique. Odin était nommé par les scandinaves "forgeron des chants", chants du monde sans aucun doute!

En breton le mot goar, en gallois le mot gwyr signifiait "il connaît". L'homme du fleuve était-il un goar en ce sens? Il éclata de rire et me dit que s'il fallait le définir, il serait plutôt une sorte de troubadour... et il entonna aussitôt une ballade de sa composition inspirée d'une prière à Belisama, la "très brillante".


A toi la Brillante

Je te dédie ce chant sacré
A toi qui brilles comme la lumière
Et dont la beauté hante mes pensées
Autant que je puisse te les destiner.
Tu m'apparais dans le secret de l'âme
Tel un idéal de douceur et d'ardeur.
Tu fais chanter les coeurs combattants,
Ta paix donne confiance aux vieillards.

Etoile qui règne parmi les étoiles,
Reine du ciel et de la terre,
Je me jette à tes pieds transi d'amour.
Montre moi le soleil sur ton visage
Et mes jours seront lumière.
Accorde-moi ta connaissance
Des secrets du monde et de la vie
Dans l'amour qui unit les âmes
Et me conduit vers toi sans retour.

Toi ma reine et ma déesse
Laisse-moi te témoigner mon amour
Qui se renforce de jour en jour,
Donne-moi à boire le nectar de la coupe
Qui se déverse dans les coeurs épris
Et donne l'immortalité de l'âme.
J'implore ta bénédiction grande reine,
Accueille-moi sur ton sein où je renais
Afin de te servir sans défaillance.
Jusqu'à la délivrance entre tes bras
Au dernier jour de mes jours.

Adapté par Marie Duval

26 mai 2010

Les chants de Lore, Loreley (8)

Saint-Goar et Loreley (suite)
L'étymologie de Goar est germanique, goar vient de "warno" : qui défend. Si l'on regarde la localisation de la ville de Saint-Goar, l'on observe qu'une forteresse est construite au-dessus de la ville, effectivement en défense de ce passage du Rhin.
Voyons une carte de la région de Saint-Goar, Loreley

Carte

Carte Saint-Goar / Loreley

Le Rhin devient plus étroit à cet endroit, les villages médiévaux (burg) s'accrochent aux collines qui enserrent les rives et se suivent de très près. Au-dessus de Saint-Goarshausen deux forts se dresssent (le burg Maus et le burg Katz), le Chat et la Souris!
En face, la forteresse de Saint-Goar était la plus importante de la vallée et considérée comme imprenable jusqu'à ce que les Français en viennent à bout à la fin du XVIII° siècle. Entre Saint-Goar et Oberwesel, le passage entre les rochers et les tourbillons du courant, compliquent la navigation, ils ont été bien améliorés par l'aménagement récent du Rhin au cours des deux derniers siècles.
Saint-Goar et la tour du burg de Rheinfels sont masqués par l'énorme rocher dit de la Loreley qui barre le fleuve et provoque les fameux murmures d'écume qualifiés de "chants de la Loreley". Ce rocher impressionnant, nous l'avons vu, est personnifié comme l'esprit de la montagne et de l'eau qui prélevait son tribut de naufragés autrefois. Ce passage était très dangereux malgré un décor d'une beauté grandiose. Le lieu est devenu le symbole principal du Rhin romantique, sous l'apparence de la Loreley, il hante la littérature allemande puis européenne entrelaçant légendes et superstitions, poésie et ballades.

22 mai 2010

Les chants de Lore, Loreley (7)

3/ Configuration naturelle du lieu de la Loreley et Saint-Goard

L'homme du fleuve quitta les rives où il avait vu apparaître sa bien-aimée afin de mieux la chercher et la comprendre. Il se rendit donc sur le Rhin, lieu où se tenait la Loreley au temps où les hommes vivaient encore avec les légendes. Le site de la Loreley se situe dans la partie nommée le Rhin moyen (Vallée romantique).
Pour découvrir le cours du Rhin avec de nombreuses photos, cliquez ici

Loreley_site
Le Rhin et le rocher de Loreley


Découverte du site et des environs en video.

Le rocher Loreley, près de Saint-Goar et d'Oberwesel, s'élève à 132m dans une boucle du Rhin. A ses pieds, le fleuve est plus étroit et atteint une profondeur de 22m. Jusqu'au 19ème siècle le passage était très risqué pour les bateaux, en raison des écueils et des tourbillons. L'écho au niveau du rocher était puissant, jusqu'à sept réverbérations. Les bruissements des remous et peut-être d'une cascade au XIX° étaient attribués au chant de la belle Loreley sur le rocher du même nom. Les marins qui l'entendaient oubliaient le danger et se brisait sur les récifs ou dans les tourbillons.
Le phénomène était impressionnant, en voici une description dans un texte du XIX°siècle :
"Puis la capricieuse fantaisie se plaît à se bercer dans les merveilleux échos des grottes de Lurley, à écouter les éternels rugissements du trou de Bingen, où des barques ont disparu pour sortir en débris par le trou de Saint-Goar, à quatre lieues de distance. "

 

L'origine du mot Loreley est complexe: une première version le fait dériver du moyen allemand lüreley où lüren signifie épier surveiller, lure signifie leurre, tromperie (comme la loutre vue précédemment) et lei ou ley signifie rocher.
Une deuxième version donne au mot loren une origine à partir du vieil allemand, il signifie murmure, bruissement, ce qui correspond au bruit effectivement entendu aux environs du rocher.

Légende, photos sur d'autres sites:
http://www.philippemorize.com/frontoffice/index.asp?id=580
http://www.loreley-info.com/fra.php
http://www.loreley-rhine.com/f.htm

Statues Loreley:
Localement la Loreley est représentée par plusieurs statues:

LORELEYhaut_1 Lorelei_haut_2

Loreley_pied_rocher

loreley_info

Pour les trois photos du haut : (Loreley au sommet du rocher, Loreley en bas)
http://lepickwickclub.forumsdediscussions.com/romans-et-styles-litteraires-f19/la-loreley-t220.htm

Pour la photo du bas (Loreley en bas du rocher)
http://www.loreley-info.com/fra/rhein-rhin/randonnee-promenade/statue-loreley-lorelei.shtml

19 mai 2010

Les chants de Lore, Loreley (6)

2/ Christianisation

L'homme du fleuve avait suivi l'avis de son grand-père: pour découvrir ce qui se cache sous les versions récentes d'une légende, il faut examiner la vision chrétienne qui la recouvre. Lorsqu'une tradition païenne ne pouvait être effacée, elle était christianisée. Voyons cela de plus près.
Dans sa ballade de 1801, Brentano*, fervent chrétien, décrit la Loreley comme une sorcière si belle qu'elle séduit les hommes sans pouvoir en aimer aucun. Elle est conduite devant l'évêque qui séduit à son tour par sa beauté ne peut la condamner à mort:

L'évêque dit:

...

Ich kann dich nicht verdammen, Je ne peux pas vous condamner,
Bis du mir erst bekennt, Jusqu'à ce que vous me révéliez 

Warum in deinen Flammen Pourquoi à votre flamme 

Mein eigen Herz schon brennt. Mon cœur brûle déjà.
...

Extrait de Godwi, Brentano


La Loreley lui fait part de son souhait de mourir en chrétienne. L'évêque lui impose de se retirer dans un monastère. C'est sur le chemin qu'elle va se noyer dans le Rhin sous les yeux des trois chevaliers qui l'escortent.
* en français

Par ailleurs il existe un saint plus ou moins associé à la Loreley, il s'agit de Saint Goar qui se fête le 6 juillet. Originaire d'Aquitaine, il se retira sur les bords du Rhin au VI° siècle pour vivre en ermite et sauver les naufragés victimes de la Loreley. Il ne fallait pas moins qu'un saint homme faiseur de miracles pour lutter contre la sorcière naufrageuse d'hommes! Une ville qui porte son nom s'est développée ensuite.

Légende de Saint Goar
Le moine Wandelbert né au début du IX° siècle en Belgique, lettré et poète, composa son célèbre Martyrologe (histoire des martyrs), publié vers 848 sous Lothaire I°, empereur d'Occident (petit-fils de Charlemagne), il écrivit aussi une vie de Saint Goar en reprenant des sources écrites au VI° siècle.


Saint_Goar

Saint Goar



Goar était un ermite d'Aquitaine, né au VI° siècle d'une famille noble d'Aquitaine, il est mort à la moitié du VII° siècle.
Vers l'an 618, il se retira près de la ville d'Oberwesel, près du rocher de la Loreleï dans un endroit isolé afin de sauver les naufragés ; il bâtit une chapelle et commença à vivre en ermite. mais victime d'accusations calomnieuses, il fut convoqué par l'évêque de Trèves (en Allemagne). L'on raconte qu'en arrivant, Goar, posa son vêtement sur un rayon de soleil qui passait par la fenêtre. Après un second miracle l'évêque fut convaincu de la sainteté de l'ermite.
Le roi Sigebert III  (qui sera saint lui-même), roi d'Austrasie et fils aîné de Dagobert Ie insista pour le nommer évêque. Mais l'ermite demanda un temps de réflexion. Il tomba malade et mourut avant d'avoir eu à refuser la proposition du roi.
Voir pdf : SAINT GOAR, PRÊTRE ET ERMITE, AU TERRITOIRE DE TRÊVES
51958654.fr.strato-hosting.eu/ecrits/vies/synaxair/juillet/goar.pdf (d'après vie des saints, des bollandistes)

Saint Goar a été béatifié au XVIII° siècle, c'est le patron de la Bohême. Il est représenté sous différents aspects en rapport avec ses miracles, citons : Saint Goar nourri par le lait des biches dans son ermitage, le saint ayant vaincu le diable et bien sûr le saint accrochant son chapeau à un rayon de soleil!
La ville de Saint-Goar fut établie dès le VIII° siècle.


Saint_Goar__lieu


Saint Goar



C'était une légende très fournie en miracles étranges dont les relents païens étaient trop forts pour se contenter de cette version. L'homme du fleuve était intrigué, il décida d'aller sur les lieux où cette légende avait pris le plus d'ampleur  afin de se rendre compte par lui-même des réalités locales qui avaient pu générer ce type d'histoire.

16 mai 2010

Les chants de Lore, Loreley (5)

La Loreley dans l'art et la littérature (4)
En musique, de multiples versions existent, la plus célèbre étant probablement celle de Franz Liszt. Mais on peut écouter par exemple la Loreley de Felix Mendelssohn (1809 - 1847).
A notre époque encore, des chansons reprennent ce même thème de la femme fatale, ainsi Scorpions dans leur album Sting in the tail en 2010 : vidéo sur youtube Loreleï
Paroles originales (anglais), traduction.

L'homme du fleuve avait rapidement été conscient de la dimension mythologique du personnage de la Loreleï, sa légende avait au cours du temps inspiré les hommes fascinés par les "esprits des eaux" sous apparence féminine, avec un paroxysme (romantique) au XIX° siècle.

Cette époque était par ailleurs celle de la redécouverte du trésor des contes traditionnels dont le modèle le plus connu était probablement "les contes de ma Mère l'Oye" de Charles Perrault. Il avait ainsi lu un conte peu connu de 1906 de Charles Van Lerberghe : Du Pays du sommeil au Pays du Réveil, qui associait la Mère l'Oie, vieille femme-fée et la Loreley sous forme de sirène. Cet écrivain symboliste belge évoque ainsi la figure de la vieille, symbole de sagesse et de la sirène qui exprime l'harmonie du monde.

Les contes de Ma Mère l'Oye sont une expression de "l'archaïque des relations" selon les psychanalystes. Ils sont selon la tradition populaire l'expression d'une sagesse oubliée, transmise oralement tout au long des siècles, puis déformée dans sa forme littéraire fixée à partir du XIX° siècle.

Artistes peintres et sculpteurs

Le thème de la Loreley, fille des eaux, a aussi inspiré les artistes peintres et sculpteurs, voir sur les sites suivants ou les illustrations du thème sur ce blog avec les liens.

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Waterhouse

Fille des eaux et autres créatures: site midnight-muse. Voir aussi ou revoir lepickwickclub.

La Loreley inspire toujours des artistes actuels, par exemple en sculpture:

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Loreleï

A l'issue de ce survol de la culture de ces derniers siècles sur le thème de la Loreley, je ne savais plus très bien quel était le personnage de la Loreley: une femme fatale victime de sa beauté, une sorcière condamnée par l'église, une sorte de valkyrie, une fille du fleuve ou fée gardienne du trésor englouti des anciennes légendes?
L'homme du fleuve me confia qu'il avait éprouvé le même sentiment à l'époque et il était retourné voir son grand-père. Il lui avait confirmé que s'il voulait retrouver sa bien-aimée, il fallait en effet aller plus loin, tenter de comprendre sa véritable nature et surtout se mettre à son écoute. S'il y mettait toute son âme, elle le guiderait et puisqu'il lui avait fait part de son amour sincère, c'est elle qui le suivrait et choisirait l'instant propice pour se manifester, peu importe l'endroit où il serait.

14 mai 2010

Les chants de Lore, Loreley (4)

La Loreley dans l'art et la littérature (3)

En Allemagne

Le folklore et la littérature allemande avaient exploité le thème des nixes ou nymphes des eaux. Ainsi le plus grand de tous, Goethe (1749 - 1832) avec son poème Le batelier (Der Schiffer). Mais c'est surtout le poète rhénan Clemens Brentano (1778 - 1842) qui avait mis en valeur le thème de la Loreley sous différentes versions à partir de 1801.
Dans son roman Godwi oder Das steinernde Bild der Mutter (Godwi ou la sombre image de la mère), il écrit une ballade où une femme, Laure Lay trompée par son amant, se jette dans le Rhin et se noie sur le chemin du couvent. Elle symbolise l'amour passionnel.

...
Mein Schatz hat mich betrogen, Mon amour m'a trahi,

Hat sich von mir gewandt, S'est détourné de moi,
Ist fort von hier gezogen, Il est retenu au loin,
Fort in ein fremdes Land. Vaillant dans un pays étranger.

Die Augen sanft und wilde, Les yeux doux et sauvages,
Die Wangen roth und weiß, Les joues rouges et blancs,
Die Worte still und milde, Les mots encore et doux,
Das ist mein Zauberkreis. Ceci est mon cercle magique.

Ich selbst muß drinn verderben, Je dois m'anéantir dans la tourbière
Das Herz thut mir so weh, Mon cœur fait tellement mal
Vor Schmerzen möcht ich sterben, Je pourrais mourir dans la douleur,
Wenn ich mein Bildniß seh. Quand je vois mon image.
...

Extrait de la ballade de Clemens Brentano (Godwi)

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Illustration de Edmund Brüning (pour Heine)

En 1810, dans ses Contes du Rhin, Brentano en fait la Loreley, (ou Lureley) une femme blonde désespérée qui se peigne sur un rocher du fleuve. Il s'intéresse avec entre autres, Achim von Arnim, les frères Grimm ou E. T. A. Hoffmann, aux contes et légendes anciens, il devient un écrivain incontournable du mouvement romantique. Sous sa plume, la Lorely est gardienne du trésor des Nibelungen (l'Or du Rhin), elle appelle sept fois ses filles quand approche un danger, elle est très âgée et en fait, elle a même participé à la création du monde.

Quelques années plus tard, en 1824, le grand poète allemand Heinrich Heine (1797 - 1856) écrit la Loreley, poème rapidement mis en musique. La Loreley est alors une superbe jeune fille blonde qui chante et fascine les bateliers jusqu'à les faire naufrager. Elle est devenue une femme fatale.

...
Là-haut assise est la plus belle

Des jeunes filles, une merveille.

Sa parure d'or étincelle,

Sa chevelure qu'elle peigne

Avec un peigne d'or est pareille

Au blond peigne d'or du soleil,

Et l'étrange chant qu'elle chante

Est une mélodie puissante.
...

Extrait de Loreley de Heine

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Loreley_Goarshausen (poème de Heine)

Pour entendre ce poème mis en musique: (sur téléchargement MP3, gratuit) cliquez ici.

La Loreley entre dans la mythologie germanique en tant que symbole national fin XIX° et début du XX° siècle, sa place d'héroïne populaire sera alors analogue à celle des célèbres valkyries. Le poème de Heine devient une chanson populaire allemande au point d'être interdite, sans succès, par les nazis, ils ne réussiront qu'à en faire une chanson "anonyme" afin de gommer le lien avec Heine.
Par la suite, elle va inspirer de nombreux artistes, poètes, musiciens, peintres... dans toute l'Europe.

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Loreley

Illustration extraite du site allemand avec de nombreuses illustrations, poèmes, extraits: goethezeitportal.

Pour la traduction française, cliquez ici (ou rentrer ce nom dans Google et choisir (traduire...).

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