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AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
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  • Quête de connaissances oubliées avec un esprit troubadour. Partage de contes poétiques et de poèmes-chants d'amour, illustrés de photos de nature, pour célébrer l'Amour, la vie et les troubadours.
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27 août 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance. 2

DEUXIEME LAI DE LORE : LE CHANT DES DEUX BRANCHES

A toi qui me dédies ton amour sincère,
Je destine la promesse des deux Branches.

En ces mois d'hiver proches du printemps,   
Tu tailleras dans l'arbre la torche de lumière
Et tous seront guéris de leurs maux.
A l'exemple éternel du grand chasseur,   
Tu seras protégé des attaques venimeuses,
Qui dévorent le coeur et dérèglent les sens.

Mais si en moi, tu cherches une fille
Pour t'offrir le repos du guerrier,
L'arbre te blessera comme tu entailles son écorce
L'oiseau te crèvera les yeux et te rendra sourd
Même aux plus beaux chants de la terre.

Que ces branches de vie et de mort scellent ton destin.

Adapté par Marie Duval

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25 août 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance. 1

Si vous découvrez ce message sans avoir lu ce qui précède, peut-être vaut-il mieux commencer par lire l'avertissement ici

PREMIER LAI DE LORE : LE CHANT DES DEUX PAROLES

A toi qui me dédies ton amour sincère,
Je destine la promesse des deux Paroles.

Au temps d'hiver qui te retient près de ta maison,   
Tu plongeras dans l'embouchure propice
Qui libère de tous les liens corps et esprits
Par l'art de la poésie et de la parole inspirée.
Poursuivant le taureau à dompter      
Tu seras le cavalier honnête homme,
Porteur du flambeau du rassemblement
Au milieu de tous tes amis fidèles.

Mais si en moi, tu cherches une fille
A entortiller par ton discours fourbe,
Tu oublieras tous les mots de connaissance,
Leur sens et leur rythme secret.
Tu seras déchiré par les malédictions.

Que ces insignes paroles scellent ton destin.

Adapté par Marie Duval

25 août 2010

Les Lais de Lore, chants de connaissance

AVERTISSEMENT aux Chants de Lore
Lorsque l'homme du fleuve m'offrit les chants, il me fit entendre ce "Lore lay" à la façon médiévale.

 

 

Il les assortit d'un petit avertissement que je vous retranscris à mon tour. Ces chants sont inspirés du travail de Yves Kodratoff sur les neuf chants des runes de l'Edda, en particulier ceux que Brunehilde chante et enseigne à Siegfried. L'auteur s'est aussi appuyé sur la description de l'univers des runes en particulier selon C Mandon et son site Racines et traditions. Autant dire que les références culturelles de cet ensemble sont bien loin des nôtres.

 

Voici le commentaire d'un ami poète et écrivain lorsqu'il les a découvert. Je lui avais juste dit que c'était "spécial".
"Si je reconnais une grande qualité d'expression poétique, je trouve ça dur, tranchant.  Ce langage ne ressemble pas à celui que tu as d'habitude.
"En attendant l'oeuvre de l'épée de justice" (7 ème lai de Lore), très loi du Talion... A moins que ce ne soit une épée symbolique.
Le langage en est quasi biblique: "Si tu moissonnes en vue de la chair tu récolteras de la chair la corruption, si tu moissonnes en vue de l'esprit tu moissonneras de l'esprit la vie éternelle" (Galates 6:8)
"Oui, je prends aujourd'hui à témoin contre vous les cieux et la terre, que j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction; et tu dois choisir la vie, afin que tu restes en vie, toi et ta descendance, en aimant Jéhovah ton Dieu, en écoutant sa voix et en t'attachant à lui; car il est ta vie et la longueur de tes jours, pour que tu habites sur le sol que Jéhovah a juré à tes ancêtres" (Deutéronome 30: 19-20).
Cela me met mal à l'aise. C'est vrai que ça fait "oracle" qui n'est pas de notre temps.
Tu as raison, c'est "spécial", c'est le moins qu'on puisse dire...

 

STEPH 49
Vous voilà prévenus.

 

Ces chants forment un ensemble, comme certains lais médiévaux, ils dévoilent une vision du monde nordique, ils ne peuvent se considérer séparément, vous pouvez en les lisant essayer de découvrir le modèle particulier et les codes sur lesquels ils sont construits. Une solution vous sera proposée après la publication de ces neuf poèmes, mais  vous pouvez me faire part de vos interprétations ou suggestions...
Essayez aussi de les entendre "chanter" à la façon médiévale en écoutant par exemple ce chant:

 

20 août 2010

Les chants de Lore, Loreley (18)

J'approchais du but, j'attendais avec impatience de découvrir les textes de ces fameux chants de Lore, mais avec l'homme du fleuve, il fallait tout mériter par un effort de compréhension sans cesse renouvelé. Il me demanda de me concentrer sur ces termes: "lai de Lore". Pour Lore, j'avais compris qu'il s'agissait de la Connaissance traditionnelle liée à la grande déesse et transmise sous forme codée de génération en génération. Mais pour y accéder je devais en chercher les traces dans la culture officielle qui avait remplacé et peut-être occulté la culture traditionnelle. Le début de la piste tenait en ces mots "lai de Lore" que je devais exploiter avec un esprit de troubadour, une fois de plus!

Je me souvenais de ce que nous avions déjà vu : un lay ou lai en littérature est une forme de récit plus ou moins poétique et parfois chanté qui date des débuts de la littérature de création au Moyen-âge. En ancien allemand Leich signifie jouer une mélodie ou une chanson. Mais selon l'homme du fleuve cela ne suffisait pas, je devais approfondir cette définition.

Définition de lai, lay
Le dictionnaire me fournissait une étymologie : en langue d'oc lais ou lays, en langue celte llais signifiaient son, mélodie.
Le lai était de façon commune un poème court en octosyllabes racontant des légendes ou des histoires fantastiques. Il était déclamé en rythme (peut-être comme une forme de "slam"!, ou de "rap poétique") ou chanté avec un accompagnement instrumental simple.
En France, au XI° siècle, le lai était une sorte de petit roman d'aventure rédigé en langue romane c'est-à-dire "vulgaire" par opposition au latin, langue savante. Au XII° siècle, il était associé aux troubadours, les genres se diversifiaient en fabliau ou lai narratif et lai lyrique. L'origine était principalement celtique (surtout bretonne) et reprenait les thèmes de la "matière de Bretagne". Mais d'autres influences s'y mêlaient diversement. 
En allemagne, le lied sous ses formes anciennes de liet ou de leich pouvait être rapproché étymologiquement de lai. Interprété par les Minnesänger, il était assimilable aux chants des troubadours de pays d'oc ou des trouvères de pays d'oïl. C'était la forme de musique vocale par excellence des Minnesänger, jusqu'au XVe siècle.
Le lai était donc apparemment un conte traditionnel réécrit sous forme poétique en langue "ordinaire" et non en langue latine officielle. Il était chanté ou déclamé avec un accompagnement instrumental par les troubadours. Et comme en Allemagne, on trouvait aussi cette forme de composition, il fallait se pencher sur ses origines.


Troubadour_avec_instrument

Troubadour avec instrument


Origine nordique

Selon Régis Boyer qui en est le grand spécialiste, la redécouverte au XVII° siècle des textes mythologiques germaniques anciens, d'origine islandaise, éclaira la culture européenne et l'enrichit grandement. Des lais héroïques anciens venant de la mythologie nordique furent ainsi révélés exprimant tout un pan de civilisation oubliée ou méconnue.
Jérémie Benoit remarquait les liens entre les mythes celtes et germano-nordiques et signalait leur transmission dans les contes. Il repèrait ainsi le personnage de l'ondine analogue à celui de la sirène et même de la walkyrie. L'Ange gardien qui accompagnait le héros comme une sorte de double était aussi de même origine et se nommait Fylgja (p 79), sa ressemblance avec le petit personnage assis derrière le cavalier sur certains sceaux templiers était étonnante.

Mais en fait l'origine des contes était multiple et parfois difficile à démêler. Les personnages et les histoires étaient souvent connues depuis l'Antiquité et se retrouvaient aussi bien en Grèce, en Egypte qu'en Inde... Les mythes puis les contes furent transmis oralement jusqu'à ce qu'ils soient recueillis, censurés, fixés, principalement à partir du XVII° siècle. Nous pensons ainsi à Charles Perrault et à ses célèbres Contes de la mère l'Oye qui étaient auparavant des histoires destinées aux adultes ou aux jeunes en formation et devinrent uniquement des contes pour les enfants!

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Ma Mère l'oie

Tant que ces histoires se transmettaient oralement, elles restaient "vivantes", s'adaptaient à leur auditoire ou à leur époque, assumant un rôle social et la transmission de connaissances traditionnelles*. Déjà avant l'expansion de l'empire romain des premiers siècles de notre ère, les druides interdisaient d'écrire leur enseignement, leurs épopées et récits mythiques afin de ne pas les figer et que nul ne puisse s'en approprier le sens sans faire un long apprentissage. L'art oral imposait le développement d'un Art de mémoire utilisant des supports souvent abstraits ou hermétiques et dans ce contexte, la poésie scandée et rimée facilitait le travail de mémoire. Sa transmission structurait la société autour de codes, de valeurs ainsi diffusés et partagés.
(*www.art-troubadours.com/images/images_newsletter/news_latroba3/Dossier%2520La%2520Troba2009red.pdf)
Le passage à l'écrit à partir du XI° et surtout du XII° siècle modifia les choses et mit en lumière les continuateurs de ce genre (épopée, chanson de geste, chants de mémoire de récits de batailles ou de généalogies...). Ce fut l'ère des troubadours, qui étaient, au départ du moins des seigneurs ou nobles instruits, maîtrisant les arts du discours, la musique et le savoir de l'époque médiévale basé officiellement sur les Arts Libéraux.
Cependant ils utilisaient une langue populaire, le "roman", se situant ainsi en marge des clercs qui enseignaient et utilisaient le latin, référence du savoir et du pouvoir de l'époque. Relativement libres tant qu'ils pratiquaient leur art oralement, leur expression se figea dès qu'il utilisèrent l'écrit. Lorsque ces textes furent recopiés, diffusés pour être lus et non plus "contés" ou chantés, le phénomène s'aggrava accompagné d'une inévitable censure et d'une "mise en conformité" avec les attentes du public de l'époque surtout quand le phénomène évolua jusqu'à susciter une classe de troubadours, ménestrels, jongleurs dépendants financièrement des cours qu'ils parcouraient.
Le lai médiéval marqua les débuts de la "littérature" française ou même européenne, il se diffusa par le biais de cette langue populaire, dite "langue d'oc" (oc est oui en occitan) puis quelques années plus tard par la langue d'oïl au nord de la France . Son inspiration se trouva dans les sources antiques (latines, grecques), mais s'inspira aussi de sources moins officielles (c'est-à-dire monastiques), de récits légendaires, mythiques ou traditionnels locaux. Une culture profane élaborée se développa à côté de celle très formalisée de l'Eglise. Elle avait ses propres repères* et codes et suivait l'usage courant du Moyen-âge de la pratique de différents niveaux de lecture possible d'un même texte.

*http://www2.lingue.unibo.it/dese/didactique/travaux/Raisi/Histoire-des-idées-Le_mythe_comme_mensonge.doc

Mais peu à peu, l'écriture des lais ou poèmes médiévaux se modifia, l'intérêt pour le fond du récit (le double fond parfois pourrions-nous dire!) se perdit.
L'attrait pour la performance de style prit le dessus, et en quelques générations la perte des codes traditionnels aggrava le processus. Cette évolution favorisa l'émergence des Leys d'amor des troubadours.

M_nestrel__jongleur

Ménestrel, jongleurs 


Leys d'amor

Les troubadours furent les chantres de l'amour courtois qui se développa dans les cours anglo-normandes (Plantagenêt) sous influence celtique et germanique et ce fut une spécificité française même si elle s'inspira d'autres sources (arabes par le biais des croisades puis de l'Espagne principalement) Il ne faut pas croire que les "cours" fixant les Lois d'amour (traduction de Leys d'amor en occitan) ne parlaient que d'amour au sens commun du terme ou de "courtoisie amoureuse".
A l'époque, le terme "amor" signifiait "Poésie" dans toute sa dimension traditionnelle.
Un des premiers ouvrages portant le titre de "Leys d'Amor" au début du XIVème siècle rassemblait les connaissances de grammaire, rhétorique et poétique en langue d'oc.
Dans le Florilège des troubadours, André Berry notait : "La Leys d'amor qui codifie leurs règles est un des plus rigoureux, un des plus savants manuels de prosodie qui aient été conçus."

Pour les troubadours d'Allemagne, il s'agit aussi d'amour qui n'en est pas tout à fait, en moyen néerlandais minne et en vieux-haut-allemand minna signifie affection tandis que Minne de la mythologie nordique signifie Mémoire (en particulier en suédois)! On retrouve bien l'association d'amour et de mémoire.

Amour_courtois_Louvre

Amour courtois


Art de mémoire et connaissance traditionnelle
L'Art de mémoire pratiqué depuis l'Antiquité utilise des images symboliquement liées à des lieux familiers qui une fois mémorisés permettent "d'accrocher" intellectuellement des données selon une architecture précise facilitant le travail de la mémoire. Le tarot pourrait être l'une de ces constructions de mémoire.
L'édifice de mémoire antique reposait aussi parfois sur des symboles abstraits (croix celtique, chrisme constantinien...)
Il permettait d'élaborer une représentation du monde qui donnait sens aux observations et à la vie humaine, d'où sa profonde valeur et l'extrême soin mis à son exploration progressive au cours des années d'acquisition des connaissances liées à ces systèmes.
L'art de mémoire atteignit son apogée à la Renaissance, mettant en correspondance l'homme et le cosmos, ainsi l'homme en recréant le monde ambitionnait de rejoindre Dieu. (C'est de même l'ambition de l'alchimie qui établit un modèle de la création, du cosmos afin de parfaire l'oeuvre divine par son action sur la matière.)
Les troubadours nommaient leur art la "gaie science" et cultivaient les "fleurs du gai savoir", utilisant un vocabulaire qui évoquait le développement d'une culture parallèle à celle de l'Eglise.
Certes les troubadours faisaient des poèmes d'amour et professaient l'amour comme une sorte de religion, mais ils véhiculaient aussi dans leur poésie, du moins les premiers temps, des connaissances "non officielles" mais traditionnelles anciennes. C'est sur cette particularité moins évidente que l'homme du fleuve attira mon attention.

Poèmes et lais, support de connaissance traditionnelle
Emilie Denard** dans son étude sur Tolkien notait que la poésie médiévale consignait "la connaissance du monde et des choses qui le composent". La poésie scaldique scandinave utilisait la figure de style qui fut  utilisée sous d'autres dénominations par les troubadours: la kenning, métaphore qui transmettait une vision du monde et éventuellement servait de support de transmission mnémotechnique. Selon Régis Boyer, une forme de cette poésie nordique comportait une énumération de noms, de faits auxquels on accordait une valeur "magique" indépendante du sens. Mais c'était aussi toute la mémoire d'un peuple qui était ainsi conservée au fil du temps et qui donnait cohésion à la société.
On trouve ce style de "récitation" ou chants dans les autres sociétés traditionnelles à base chamanique comme l'était la société nordique. Voir par exemple en Pdf emscat.revues.org/pdf/776  ou en ligne ici.
Tolkien** dans Le Seigneur des Anneaux, inspiré par la mythologie nordique crée le terme « Rhymes of Lore » que l'on peut traduire par « Vers de la Connaissance ».
**www.paris-sorbonne.fr/fr/IMG/pdf/E._Denard.pdf

L'homme du fleuve me recommanda de chercher dans les lais médiévaux une trace de cette tradition indiquant la référence à une vision du monde traditionnelle et un double sens possible. Et j'en trouvais effectivement, elles prouvaient en particulier l'utilisation de runes ou d'écriture secrète de type "oghamique", (connues comme étant uniquement magiques pendant longtemps).

Book_of_Ballymote

Book_of_Ballymote

Expressions runiques et double sens
De nombreuses inscriptions runiques à intention magique existaient au moyen-âge. Le sens sacré de la plupart d'entre elles s'était perdu, mais certaines ont été secondairement christianisées.
(Ainsi A G L A, voir www.nordic-life.org/nmh/EnFrancais/5fr.pdf ou en ligne ici)
Voir aussi racines.traditions.free.fr/runes2o1/runes2o1.pdf pour le lien entre les runes et le Notre Père chrétien.

Cela apparaissait aussi dans des "lais" de forme plus littéraire, ainsi  dans le "lai du Chèvrefeuille" de Marie de France, Tristan gravait des signes sur une branche de noisetier enroulée d'un chèvrefeuille pour sa bien-aimée. Selon Philippe Walter, Tristan n'utilisait pas notre alphabet mais l'alphabet oghamique des Celtes utilisé habituellement pour la magie.

P-G Sansonetti remarquait aussi certains aspects runiques ou d'origine nordique dans la description du cortège du Graal.
Voir en Pdf : www.iehei.org/Identite_europeenne/.../SANSONETTI.pdf ou ici en ligne.

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Astrologie médiévale

Quant aux oeuvres de Marie de France considérée comme l'auteur médiéval de référence pour la composition de lais, certains auteurs décelaient la présence d'énigmes codées de façon traditionnelle sous le vernis d'un récit bien maîtrisé et paraissant d'un accès évident.
Voir cet aspect pour la littérature du XII° siècle. De même, dans la littérature arthurienne des XII° et XIII°,  on retrouvait des connaissances que des organisations ésotériques n'auraient plus eu la possibilité de transmettre directement. Elles auraient alors inspiré les auteurs pour les sauvegarder malgré tout.  Voir site de Charles Ridoux sur ce sujet et en particulier l'article qui met en évidence l'importance de l'alchimie (en tant que processus de transformation de la conscience) et de l'astrologie-astronomie présentes dans ce type de récits.
L'homme du fleuve m'apprit que de tout temps les humains avaient le goût des histoires divertissantes, mais la connaissance fut considérée comme dangereuse pendant des millénaires et déconsidérée par l'Eglise. ( Voir Le nom de la rose de Umberto Eco). Aussi la quête de connaissance s'était souvent réfugiée dans des mouvements de pensée plus ou moins clandestins (gnose, alchimie, sociétés secrètes) toujours minoritaires. C'est d'ailleurs encore la position de certains groupes religieux à notre époque à l'opposé de la quête de sagesse philosophique basée sur le fameux "connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux" du temple de Delphes, repris par Socrate.
L'homme du fleuve m'indiqua une nouvelle piste sur l'association lai et connaissance, avec les "frères lais", détenteurs probables de certains savoirs transmis au sein de groupes fonctionnant sur la base de l'initiation.

Frère lai
Les frères lais furent d'abord les protecteurs et instructeurs des constructeurs de l'époque romane puis gothique et cette organisation prit naissance à l'abbaye de Cluny au XI° siècle avant de diffuser dans toutes ses "filiales" en Europe.
Lors d'une réforme au XII° siècle, les frères se retirèrent de la construction pour se consacrer à la prière. Les fraternités de constructeurs vinrent prendre le relais et implanter dans le monde médiéval les chefs-d'oeuvre exprimant leurs techniques.

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Constructeurs de l'époque romane

Je suivais pas à pas les recommandations de l'homme du fleuve, mais je lui demandai quand même quel rapport il voyait entre la Lorelay, lais et troubadours... Il me répondit en citant Gérard de Nerval dans ses Souvenirs d'Allemagne -Lorely- où il décrit la Lorely ou Lorelei, fée du Rhin, "à la coiffe comme la crête du vieux dragon de l'Eden. Son bras gauche entoure la mandore des vieux Minnesangers de Thuringe. Elle chante les chants de l'antique sirène". Il évoquait effectivement les troubadours d'Allemagne à propos de cette Lorely.
C'est sous ce nouvel éclairage, que l'homme du fleuve me recommanda de revoir l'étymologie du mot lai.

Lai, li ou ly, loi, lumière
Christian Mandon* écrit : en celtique, Ly pourrait venir de Lug ou Luce, c'est-à-dire "lumière". En ancien français, ly correspond à "loi", ou “lai”, décision ayant force de loi. Le mot "laye" que nous verrons plus loin aurait la même origine.
*racines.traditions.free.fr/bla5mlys/bla5mlys.pdf
Le "ly" ou "li" serait un des plus vieux symboles de Lumière. Il pourrait être associé à la rune Algiz du Cerf Cernunnos, en "trident" tel une fleur de lys stylisée. Ce serait d'ailleurs l'origine de ce symbole aussi assimilé à une plante des marais, la laiche (ou anciennement laîche, l'accent circonflexe remplaçant souvent le "s" de la forme plus ancienne). Ce terme vient de l'ancien haut allemand "lisca", fougère, roseau, il donne en allemand Liesch.
Comment ne pas "entendre" que les troubadours se soient référés à cette origine (laiche, ly) lorsqu'une étymologie du XVII° siècle évoque le latin "lessus" pour le lai avec pour sens "plainte, lamentation" (sur son origine perdue?).

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Ly ou fleur de lys

Et la Laye ou laie que nous avions laissée de côté?
C'est d'abord un terme désignant une route étroite percée dans une forêt, dans une futaie. Le mot peut désigner la futaie elle-même. En allemand Lache a le même sens. Voir racines.traditions.free.fr/astrnorb/astrnorb.pdf
On appelait les anciennes laies forestières "chemin des fées" et parfois elles se répartissaient en étoile dans les forêts, C. Mandon dit qu'elles sont alors orientées sur les lignes de visée des points significatifs de lever ou coucher héliaque. (Elles se retrouvent sous la dénomination de "point du jour" en périphérie de certaines grandes villes). C'est donc un concept de lumière "guide du chemin", repère de connaissance du temps.

Dans la forêt, nous trouvons aussi le lais, ce jeune arbre droit comme une perche laissé lors de la coupe dans le taillis afin qu'il croisse en haute futaie.
Si on le coupe, ce lais devient une "verge", baguette longue et flexible ou tige servant à mesurer. En latin virga est la «branche». Cette verge est aussi l’insigne de certaines fonctions, dont la fonction royale en tant que symbole de justice dit "main de justice". De même et cela confirme les origines du concept*, c'est une sorte d’épée utilisée au Moyen-Âge.
Par ailleurs, c'est une unité de mesure anglo-saxonne de distance ou de longueur. Et comme de la branche à l'arbre il n'y a qu'un pas, nous pensons à l'Arbre de Mesure, que nous avons déjà vu, mesure de tout, Axe du monde de la terre au ciel, arbre du monde de la mythologie scandinave.
Voir racines.traditions.free.fr/frenouif.pdf, C Mandon


saintlouis

Main de justice dite Licorne, Saint Louis

Cet arbre est l'Yggdrasil scandinave ou même l'Irminsul des mythes germaniques, tronc totémique représentant le "pilier du monde" détruit par Charlemagne au VIII° siècle pour affirmer sa suprématie sur les Saxons.
C Mandon fait de l'Irminsul le symbole de Clou de l'Univers qui fixe le Cosmos et la fleur de lys, dérivé du ly comme nous l'avons vu est une stylisation de cet Irminsul.
Nous pouvons en déduire que ce "ly", représente la Loi, (ou lai) au sens de l'ordre, la justice permettant l'équilibre du monde.

L'homme du fleuve me dit alors que j'avais bien cerné le terme de ly, lai, loi, mais sur cette piste, je n'avais pas encore retrouvé la trace de la grande déesse dont Loreley était un avatar. Je devais continuer l'exploration, je découvris alors la laie!
La laie, est la femelle du sanglier et je savais que l'animal était sacré chez les celtes, la truie blanche symbolisait la grande déesse blanche (celte mais aussi grecque) d'après Robert Graves dans Les mythes celtes. Or li en celte signifie aussi blanc et en grec, blanc se dit leuco, Leuké est la "Déesse Blanche".
Freyja la grande déesse nordique est appelée la Grande Laie – son surnom est Syr, ce qui signifie “truie”.
C Mandon, racines.traditions.free.fr/freyfrig/freyfrig.pdf

Quand je demandai à l'homme du fleuve si la grande déesse détenait le bâton ou l'épée de justice, il me rappela l'histoire du bâton-coucou de la grande déesse Héra et il "enfonça le clou" en me disant que la fleur de ly ou loi, verge royale ou épée de justice* est aussi nommée corne de li (ce qui donne le concept mythique en langage de troubadour de "licorne" ou ly-cornu et la "main de justice" des insignes royaux est dite "de licorne"! 
Voir racines.traditions.free.fr/lalicorn/lalicorn.pdf
La Corne de justice de Frigg (ou Freya) aussi nommée Quenouille de Frigg est par ailleurs l'épée de lumière du baudrier de la constellation Orion. Et selon le mythe, le Ly-cornu était gravé des runes de la Loi.

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Frigg/Freya, déesse à sa quenouille


Là je tombais des nues! Je croyais que c'était Odin qui avait gravé les runes sur sa lance.

Pour l'homme du fleuve ce mythe était plus tardif, après que la grande déesse fut détrônée par les dieux masculins.   
Frigg/Freja était la triple Déesse Mère, dont le nom était Weird: "destin" en écossais. Elle était celle qui file le destin du monde et de chacun sur sa quenouille (voir le Wyrd).
Mais Odin surnommé Eolg, c'est-à-dire Elan a pour symbole associé une ... Licorne. Et la kenning (ou métaphore nordique) désigne la rune Algiz comme étant le "roseau" de l'élan qui correspond à la lance d'Odin.
Enfin la poésie est appelée le butin d'Odin! Encore une kenning! Et selon les troubadours ne serait-ce pas une expression de leur fameux langage des oiseaux?

Langage des oiseaux et lay(e) 
J M GRÀCIA nous dit que Laye, Laeisa ou Laïa est d’origine celte. En grec, le verbe qui correspond (laleo) signifie « prononcer des sons inarticulés » en référence aux animaux et en particulier aux oiseaux. La philosophie grecque lui donne le sens poétique de «faire chanter» avec un instrument, mais aussi de «faire parler», faire naître la sentence ou la parole.
Laïa est « celle qui parle bien » dans le sens de dévoiler une vérité, cachée sous le voile des formes et des illusions. Laye ou Laïa parle le langage à travers lequel s’expriment les animaux ou les oiseaux, comme saisie par un enthousiasme « poétique » qui symboliquement évoque un acte de révélation.
Selon un glossaire du IX° siècle, le mot irlandais loîd qui est l'origine probable du mot français lai, désigne le chant du merle. Comme langage des oiseaux, on ne peut rêver mieux. (P Walter Naissances de la littérature française IX°-XV° siècle)
Je comprenais ainsi l'importance de cette Mère l'Oye pour la transmission des contes... et de son "jargon" (langage du "jars", langue de l'oison, langage des oiseaux!). Dans le dictionnaire de l'Académie française dès le XVII, on trouve la mention des Contes de ma mère l'oie, Ma mère l'Oye, mère Oye. Le synonyme en est conte de bonne femme, conte de vieille.
Or l'Edda scandinave a la même origine: en vieux norrois edda est l'aïeule, arrière-grand-mère et par kenning, c'est la Mère de la poésie, porteuse de Connaissance spirituelle et initiatique.
Bien qu'influencés par le christianisme, les récits nordiques étaient encore proches de cette Connaissance antique presque effacée.

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Langue des oiseaux

La langue des oiseaux a été utilisée chez des auteurs plus récents et en particulier Nerval.

 

Selon l'homme du fleuve, j'étais arrivée au terme de l'exploration qu'il m'avait imposée avant de découvrir les chants de Lore, Lore-lays, le ou les lais de Lore, en référence aux Lois de la Connaissance traditionnelle qui avaient traversé les âges pour être offerts à l'oreille attentive (soyez toute "ouie", disait-elle, oyez, oyez!) de l'homme du fleuve devenu voyant d'abord puis "oyant" par la grâce de son amour qui l'avait finalement fait "orant"... face à la grande déesse, Force de vie, Destin du monde et des hommes. Elle s'exprimait par la Poésie inspirée, "extatique" pour révéler la Beauté de l'Harmonie cosmique, et ces connaissances avaient été conservées par les hommes du Nord pour qui la magie était indissociable du savoir. 

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