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AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
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  • Quête de connaissances oubliées avec un esprit troubadour. Partage de contes poétiques et de poèmes-chants d'amour, illustrés de photos de nature, pour célébrer l'Amour, la vie et les troubadours.
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27 février 2013

LES LIEUX DE LÉGENDE, BROCÉLIANDE

Chapitre II du Roman du Graal dévoilé.

Notre guide, une charmante jeune femme brune aux yeux bleus nommée Clarance, nous attendait au point de rendez-vous près d'un minibus d'une douzaine de places. Nous étions huit participants prêts pour vivre cette journée de découverte des lieux de la légende arthurienne.
Clarance nous fit monter dans le véhicule en cochant au fur et à mesure sa liste de préinscription. Soudain un homme courut vers nous en faisant de grands signes. Clarance partit à sa rencontre pendant que nous finissions de nous installer. Ils discutèrent à voix basse, j'entendis l'homme parler de Merlin à plusieurs reprises sans comprendre le fond de leur discussion. Il était grand et très négligé de sa personne avec des cheveux et une barbe en broussaille, des vêtements trop grands pour lui, élimés ou troués comme on n'en voit même plus sur les clochards modernes des villes maintenant vêtus par des organismes sociaux.
Clarance revint vers nous et nous dit :

- Voici Fernand, il connaît l'univers de Merlin mieux que personne, accueillez-le au mieux et vous ne serez pas déçus.

Une vague de murmures désapprobateurs parcourut l'assemblée, mais Fernand vint s'asseoir sans y prendre garde et le chauffeur démarra.

Gué-de-Plélan

Notre premier arrêt fut pour le Gué-de-Plélan près de Plélan-le-Grand, la porte Est de Brocéliande.

Clarance nous dit:

- Le village s'est constitué près du gué autour de la motte du château féodal dit Motte Salomon, il n'en subsiste qu'un espace circulaire de terre entouré d'arbres. Au Moyen-âge s'y élevait le château du roi Judicaël qui régnait au VII° siècle et de Salomon, roi de Bretagne au IX°siècle. Le gué est dans une zone riche en eau et autrefois marécageuse, non loin de la rivière Aff.

''Le gué était très important dans la vie de nos ancêtres, c'est le lieu de passage par excellence. Soit vers le lieu dont il défend l'accès et c'était alors souvent un lieu de combat, des fouilles ont mis à jour des armes de combattants au passage de gués importants. Soit il était aussi considéré comme lieu de passage vers l'autre Monde et les légendes racontent qu'on y fait parfois d'étranges rencontres. Des lavandières ou des dames blanches y lavent le linge de celui qui va mourir.

- Encore maintenant? demanda un jeune homme au visage enfantin et aux yeux rêveurs.

Cela fit rire ses voisins et Clarance dut les calmer. Le jeune homme devint rouge comme une pivoine, Clarance reprit:

- Notre jeune ami pose une bonne question. Des gens content encore ces histoires ici, mais je ne vous parlerai que des légendes traditionnelles concernant les gués.
D'abord, la Morrigane rencontre le Dagda au milieu du gué, c'est la Grande Déesse qui s'unit au Dieu Bon. Le lieu est appelé le Lit du Couple. Elle lui promet ensuite la victoire et la mort du roi des Fomoiré.
Puis Cuchulain lui-même, le héros irlandais, combat un à un les champions de la Reine Medb dans le gué qui forme frontière entre leurs territoires. Il y rencontre sous forme d'une jeune fille, la Morrigane qui lui offre son amour et son aide, mais sans savoir qui elle est, il la repousse. Elle va perturber ses combats sous la forme d'une anguille qui s'enroule autour de sa jambe, d'un loup qui bouscule le bétail au gué, puis d'une génisse rouge qui sème la débandade dans le troupeau. Cuchulain la blesse sous ces trois formes puis la guérit sans non plus la reconnaître sous les traits d'une vieille femme, enfin elle lui apparaîtra au jour de sa mort, lavant son armure sanglante dans l'eau du gué.
- Comme une lavandière! dit un gros homme d'un ton moqueur en se tournant vers le jeune homme qui tentait de se faire oublier.

Clarance, sans relever la remarque reprit:
- Avant d'être reconnu comme le meilleur des chevaliers, Lancelot aussi dans le cycle arthurien confirme sa valeur pour accéder à la chevalerie grâce à trois exploits (en rapport avec trois femmes) qui se déroulent au gué. Le gué est un lieu symbole de passage difficile, d’un monde à un autre, ou d’un état intérieur à un autre état. Il réunit le symbolisme de l’eau en tant que lieu des renaissances et celui des rivages opposés comme lieu des passages périlleux, des franchissements. C'est aussi un passage sacré pour le monde de la connaissance qui à partir du monde du temps linéaire de notre perception ordinaire peut faire passer dans le monde du temps cyclique éternel des mythes.

Un silence poli suivit cet exposé. Clarance nous avait emmené sur des hauteurs qui nous donnaient le vertige!

- Et Merlin? demanda l'un des participants au soulagement de tous.

Clarance commença à répondre, mais mon attention fut alors accaparée par Fernand qui dit sans élever la voix, comme pour lui-même:
- Par ici, on raconte que Merlin aurait à voir avec le Dagda lui-même ou Sucellos, le dieu au maillet qui d'un bout donne la vie, de l'autre donne la mort. Le merlin est d'ailleurs le nom d'un marteau et le Mel beniged breton est le marteau rituel qui permet à l'âme de passer dans l'Autre Monde sans risque de s'égarer à l'heure de la mort.

Clarance éleva la voix:
- Merlin est à la fois fils du diable et fils d'une vierge pieuse dans les romans du Graal, il est donc en contact avec le monde d'en haut et le monde d'en bas, et de même en effet, Sucellos est considéré comme un intercesseur, un médiateur entre les dieux et les humains.

Tout en l'écoutant, nous avons quitté le Gué-de-Plélan, combattu les fantômes du passé et ignoré les lavandières de la dernière heure. Nous sommes entrés dans le territoire où l'eau et la terre s'épousent intimement dans les marécages, les sources surgissent à même le sol, les ruisseaux émergent de la boue et les étangs reflètent les arbres et le ciel. Bref, nous étions vraiment passés dans le territoire de Brocéliande.

Forges de Paimpont

Nous sommes arrivés aux Forges dites de Paimpont qui sont en fait très proches de Plélan. Elles étaient appelées Forges de Brécilien au tout début de leur histoire à l'époque industrielle.

Nous avons laissé le minibus aux abords de l'immense étang bordé d'arbres qui avait fait tout l'intérêt du site. Nous avons remarqué la couleur particulière des roches : schistes pourpres à violet sombre. Notre guide nous apprit que cette couleur était due à leur richesse en fer. Devant nous s'étendait un village de travail déjà restauré en grande partie, qui était organisé pour extraire le fer de ce minerai de surface jusqu'au début du siècle dernier.

Pendant notre visite, Clarance nous expliqua:

- Dans toutes les sociétés antiques, le forgeron était un homme important souvent associé à la magie. Il transforme une matière apparemment vile, le minerai sous forme de terre ou de roche, en armes, en outils et ustensiles de toute sorte. Il procède à l'aide du feu, de l'eau, du bois, il utilise donc les quatre éléments fondamentaux constitutifs de la matière selon les anciens (eau, feu, air, terre) pour transformer l'un d'eux en métal dont l'importance est telle qu'il fonde les différentes civilisations ou âges (Age d'or, période du bronze, du fer...).

- C'est parfois un dieu, remarqua un homme encouragé par le regard admiratif de la femme à ses côtés.

- En effet, confirma Clarance, le forgeron apparaît dans les mythes comme un démiurge, un créateur de monde ou organisateur de l'univers déjà créé. Et dans de nombreuses mythologies c'est un dieu : Héphaïstos pour les grecs, fils de Héra, grande Déesse qui est l'épouse de Zeus le dieu des Dieux. C'est Vulcain pour les romains, fils de Junon épouse de Jupiter. C'est Goibniu pour les celtes, fils de la grande déesse Dana.
''Son continuateur chrétien est Saint Eloi, patron des métallurgistes et orfèvres entre autres, et la chapelle des Forges de Paimpont lui est d'ailleurs fort logiquement dédiée. Le site historique des Forges de Paimpont classé en 2001 évoque le passé industriel local. Créées au XVII° siècle au bord de l'étang du Pont du secret près de Plélan, elles ont été parmi les forges les plus importantes de Bretagne jusqu'à leur fermeture à la fin XIX° siècle, mais en fait l'histoire locale de la métallurgie est plus ancienne. Au XIII° siècle, des forges monastiques sont mentionnées dans les archives et des fouilles archéologiques ont mis à jour des sites de bas-fourneaux, des fours installés au sol datant du début de notre ère.

Fernand s'exclama soudain:
- C'est sûrement ici que le fameux chaudron magique de Merlin a été fabriqué. Et Merlin lui-même soit il était forgeron, soit il connaissait les meilleurs. Il a procuré au roi Arthur son armure et son épée.

Clarance ajouta:
- C'est vrai qu'ici, près de Plélan vivaient des forgerons très habiles pour forger en particulier des armes qui au XV° siècle étaient aussi réputées que celles d'Espagne.

Fernand s'installa sous un énorme chêne et mit alors à chanter. Clarance nous dit qu'il était sous le chêne dit d'Anatole Le Braz, le grand écrivain conteur breton et qu'il chantait la chanson des Filles des Forges. 

Pont-du-Secret

Notre étape suivante nous mena au Pont-du-Secret entre Plélan-le-Grand et Beignon,

Clarance nous dit:

- Le Pont-du-Secret enjambe la rivière Aff qui limite les départements d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Il se situe tout près des Forges de Paimpont. N'oublions pas que l'étang des Forges s'appelait avant son extension l'étang du Pont-du-Secret. C'est là que l'on raconte l'histoire du début d'amours mythiques. En effet, en traversant la forêt de Brocéliande, au Pont-du-Secret, Lancelot déclara son amour à Guenièvre. Il l'escortait alors pour rejoindre la cour du Roi Arthur afin d'y célébrer ses noces avec Arthur.

Clarance avait les yeux humides et un sourire tendre. Elle ajouta:

- Chacun a sa version de ce grand moment, je me souviens de celle du film Lancelot de Jerry Zucker, avec Richard Gere et Julia Ormond, film dans lequel Sean Connery est le roi Arthur.
Dans les légendes arthuriennes, Lancelot est le héros des passages et en particulier des ponts. On le retrouve ainsi au Pont de l'Épée dans Lancelot ou le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes. Cette épreuve terriblement difficile et douloureuse le conduit à sauver la reine Guenièvre. Le passage de ce pont est « plus tranchant qu’une faux » au dessus d’un gouffre.
Au Moyen-âge le pont en tant que point de passage des eaux est porteur d'une forte symbolique, c'est une antique tradition sacrée qui s'exprime encore dans la religion et apparaît dans les écrits profanes, les premiers "romans".

Fernand intervint:
- Moi aussi je verrai un jour ma bien-aimée venir à ma rencontre sur le pont fin comme un cheveu.

Et joignant le geste à la parole il s'avança vers Clarance les yeux plantés dans ses yeux, en lui tendant la main. Un instant décontenancée elle le laissa faire, il lui baisa la main et déclara à l'assemblée :

- Ne suis-je pas aussi beau que Richard Gere dans les yeux de ma bien-aimée.

Tous éclatèrent de rire, il salua et s'écarta de Clarance avec un immense sourire en tournant sur lui-même. Clarance sourit à son tour.
- Fernand vient de nous évoquer la tradition d'amour orientale qui a probablement inspiré les écrivains du Moyen-âge, celle du Pont-de-Cinvat où le héros rencontre son âme au Paradis sous la forme d'une belle jeune fille, sa bien-aimée ou daena qui se présente face à lui pour être à ses côtés en tant que représentation de ses bonnes actions et pensées.

Un homme âgé qui semblait perdu dans ses rêves dit :
- Comme dans la tradition hébraïque, Dieu donne pour compagne au premier homme Adam, "celle qui lui fait face", son autre "côté". Ce que la religion chrétienne a dévoyé en histoire de côte par une mauvaise traduction!
Une femme dit aussi d'un ton rêveur:
- Et Lancelot rencontre Guenièvre...
Fernand poursuivit sur le même ton:
- Son féminin sacré, sa soeur mystique, celle qui le conduit vers son âme pour le mariage alchimique.

Clarance nous ramena à notre environnement en désignant l'Aff à nos pieds.
- Cette rivière nous a aussi livré un trésor, on y a découvert à la fin du XIX°siècle tout près du Pont-du-Secret, une tasse en or datant du bronze final. Peut-être est-ce le genre de récipient évoqué dans la légende de la Fontaine de Barenton dont nous parlerons plus tard?

Fernand proposa au groupe:
- Allons voir le Rocher des amants.
Clarance demanda:
- Tu veux parler du rocher glissant de Beignon?
- Il n'y en a qu'un, en route pour l'extase!

Effectivement sur les pentes surplombant l'Aff apparaissait un affleurement rocheux plat, mais très incliné.

Fernand s'allongea et s'esclaffa:
- Qui veut me rejoindre sur cette noble couche, j'attends ma bien-aimée pour lui donner le baiser qui scellera notre amour à jamais.
Sans succès, il finit par se relever à grand-peine. Le rocher n'était pas convaincant en tant que lieu légendaire mais le point de vue sur la rivière en contrebas valait le détour.

Fernand s'éloigna en s'exclamant:

- Je suis donc le seul à croire encore à l'amour! J'aurais voulu vivre au temps de l'amour courtois en Europe ou encore mieux, connaître l'amour soufi qui l'a sûrement inspiré! Pauvre de moi!

Il adopta alors une mine si comique qu'il nous fit sourire tandis qu'il soupirait comme une âme en peine! Il nous suivit en marmonnant pour rejoindre Paimpont.

Paimpont

Là, nous étions maintenant au coeur de la forêt de Brocéliande. Un immense étang bordait les grands bâtiments de l'Abbaye de Paimpont. La rue principale du bourg avec ses belles maisons de pierre s'étirait entre la Rue de la Fée Morgane et celle du Roi Arthur. Nous étions dans le pays des légendes.

Clarance prit la parole:
- Le nom de Paimpont est diversement interprété: Pen-Ponthus, Tête ou "capitale" de Ponthus, ancêtre à priori mythique des Rois de Bretagne. Une autre étymologie à partir des textes latins évoque Panispontis, le "pain du pont" en souvenir du pain de charité distribué par les moines de l'abbaye, juste à l'entrée du bourg qui est aussi la "tête du Pont".

Une femme qui prenait des notes lui demanda:
- Et avant les moines, qu'y avait-il ici?
- Ce que l'on sait de façon certaine remonte au VII° siècle. Le Roi Judicaël avait un château et avec son ami Mewen devenu localement Saint Méen, il fonda un prieuré. Les moines étaient de grands défricheurs et savaient exploiter les territoires. Très tôt, ils établirent une digue pour former une vaste retenue d'eau alimentée par les nombreux ruisseaux venant de la Haute Forêt.

''Le prieuré fut détruit lors les invasions normandes au VIII° siècle, mais reconstruit, il se développa entraînant la construction du bourg qui s'est encore davantage étendu au XIX° siècle. Au XIII° siècle une abbaye fut fondée en remplacement du prieuré, elle accueillait des bénédictins. L'église fut l'une des premières de style gothique ou "ogival" de Bretagne qui par ailleurs adopta tardivement ce mode architectural.
- L'église est dédiée à Saint Judicaël ou Saint Méen? demanda un vieil homme.
- Ni l'un ni l'autre, répondit Clarance, ses fondateurs l'ont dédiée à Notre Dame.
- C'était plutôt rare au VII° siècle remarqua le même homme.

Clarance approuva:
- En effet, le culte de la Vierge Marie se développa surtout à partir du XI° siècle.
Une femme désigna l'immensité du site des bâtiments monastiques et dit:
- L'Abbaye devait être bien riche.

Clarance confirma:
- La richesse locale en minerai de fer de qualité et facilement exploitable permit en effet un développement de la commune et un peuplement rural remarquable par rapport aux autres communes du département. Il fallait exploiter la forêt, fabriquer le charbon de bois; extraire, raffiner puis transporter le minerai. Une partie de ce fer était utilisée localement en particulier pour la fabrication de clous et d'armes réputées.
''Les cendres abondantes favorisèrent l'établissement de blanchisseries locales comme au Cannée, village voisin où l'on blanchissait des toiles de lin ou de fil exposées au soleil dans les prés jusqu'à la concurrence de produits chimiques au XIX° siècle.

Fernand s'anima pour dire:
- Le Cannée comme le canard!
- C'est peut-être aussi le canet, dit Clarance, le roseau, qui devait être aussi abondant que le canard dans ces terres autrefois marécageuses. Maintenant allons visiter les bâtiments.

Clarance attira notre attention sur les différents éléments architecturaux datant du XIII° au XVII° selon les phases de construction. Dans la sacristie, le trésor de l'abbaye était exposé, je remarquai le christ en ivoire du XVII°, le bras reliquaire de Saint Judicaël du XIV° siècle et surtout l'exceptionnelle statue de bois du XV° siècle, Sainte Anne portant la Vierge qui porte elle-même l'enfant.

Fernand était subjugué par la statue, il murmura:
- Il y avait autrefois une chapelle Sainte Anne au milieu du cimetière. Sainte Anne, ... la mère de Marie, mais surtout notre Mère à tous, la transformation de la grande Déesse Ana.
Soudain, il sortit en disant:
- Je sais où tout a commencé!

Mes compagnons de visite haussèrent les épaules et restèrent près de Clarance. Je choisis de le suivre. Il longeait l'étang lorsque je le rattrapai. Il me conduisit devant une grotte fermée par une grille. Il dit:
- C'est là que se situe l'origine du culte de la Vierge de Paimpont. Dans les marécages, avant que l'étang ne soit réalisé par les moines, il existait déjà un lieu de culte très ancien de la déesse Mère. Voilà pourquoi l'église est dédiée à Notre-Dame. Les chrétiens ont raconté que Judicaël avait vu la Vierge apparaître ici et aurait donc décidé de construire le prieuré en son honneur. C'est ainsi que les cultes anciens sont récupérés.
''Quant à Sainte Anne, elle avait vraiment sa place au milieu du cimetière, en breton anaon désigne le peuple des trépassés autrement dit le peuple d'Ana. Ana ou Anan est la Vieille, mère des dieux et des hommes vivants ou morts.

Le groupe nous avait rejoint, une femme dit:
- Je connais une église à Vienne, près de Lyon, Notre-Dame-de-la-Vieille et ce serait une des plus anciennes églises dédiée à la Vierge. Elle a été rebaptisée Notre-Dame-de-la-Vie.

Fernand battit des mains avec enthousiasme:
- Chez nous, le Tombeau des géants est aussi appelé la Roche à la Vieille et...
Mais Clarance capta aussitôt l'attention du groupe:
- Cette grotte a été construite au XIX°siècle à l'imitation de celle de Lourdes. Elle a été fabriquée à partir de résidus de fonderie et vous pouvez voir en face la statue de Judicaël. Un pèlerinage y fut établi par ce Roi qui vit la Vierge ici tandis qu'une source miraculeuse jaillissait sous ses pieds. Le pèlerinage à Notre-Dame de Paimpont attirait beaucoup de monde au Moyen-âge pour guérir ou implorer protection. Le pèlerinage de la Pentecôte était encore fort réputé au XX° siècle.

Fernand s'exclama:
- L'eau miraculeuse de la Vierge, grande Déesse de toutes les douleurs et de toutes les peines, mais aussi de toutes les joies, Mère vieille des bretons et de tous les humains, ma Mère!
Et il se jeta à genoux sur le sol les bras en croix d'une façon si théâtrale qu'il déclencha l'hilarité parmi nous malgré sa dévotion.
- Riez autant que vous voulez. Vous êtes comme ceux qui croient que Morgane est la demi-soeur d'Arthur. Ce n'est pas pour rien que leurs rues les rassemblent ici. Morgane est la part d'ombre du Roi Arthur, celle de la culture païenne qui a été occultée dans son héritage. Morgane est la Grande Mère, la Grande Déesse dans l'un de ses nombreux aspects. J'ai dit.

Et balayant l'assemblée d'un regard étrangement pénétrant il fit semblant de se draper dans une cape avant de nous tourner le dos pour rejoindre notre véhicule.

Après un court trajet dans notre minibus, nous étions prêts pour faire une longue balade et découvrir le Val sans Retour. Tout près de Tréhorenteuc le circuit devait nous conduire jusqu'au sommet avant de redescendre dans la vallée du ruisseau, le Rauco.

Val sans retour

Le chemin de terre montait doucement à travers des pans de forêt privée. En passant près d'une sorte de tombe, Fernand s'écria:
- La voilà la Roche à la Vieille!
Clarance nous informa:
- Ce Tombeau du Géant est une sépulture datant de l'âge de Bronze, vers 1500 ans avant notre ère. Il a été réalisé en récupérant deux sur quatre des menhirs locaux. On raconte parfois que les chevaliers de la Table Ronde auraient enterré là un valeureux combattant géant, d'où son nom. Mais celui de Roche à la Vieille lui était donné depuis le XI° siècle. Et vous savez que ce nom est attribué à de nombreux endroits en Bretagne.
- Et ce n'est pas pour rien, ajouta Fernand. La Vieille ou la Groac'h, c'est la Terre Mère dans son aspect le plus primitif, sauvage, le sol pauvre et ses cailloux, les montagnes et leurs forêts qui lui étaient tous consacrés.
- Oui, précisa Clarance, c'était Cybèle pour les grecs et les romains, représentée initialement par une pierre, tandis que Déméter était la déesse de la terre cultivée et abondante.

- Ici, reprit Fernand, de nombreux mégalithes ou sites remarquables sont dédiés à la Vieille. On rencontre parfois aussi des sites dédiés à la princesse Ahès, une géante de Bretagne qui a des tombes ou surtout d'anciennes routes, des chaussées à son nom. Comprenne qui pourra...
''Et la Vieille a des jours bien à elle, les Jours de la Vieille, le plus souvent fin février, début mars. Ce sont des périodes de danger pour la végétation et les animaux, on y redoute une dernière offensive hivernale avant que le redoux ne l'emporte.

Sur les pas de Clarance, nous avions repris le chemin pour grimper encore. Au sommet de la colline, une échine de roche évoquait la silhouette fantastique d'un dragon. Nos esprits emplis de légendes et avides de mystères imaginaient déjà de nouvelles histoires lorsque notre guide nous arrêta non loin d'un ensemble de petites roches dressées sur un lit circulaire de pierres tapissant le sol herbeux.
- Nous arrivons à l'Hotié de Viviane, autrement dit la Maison de Viviane. On raconte qu'elle y recevait les enseignements de Merlin dont elle était une des disciples avec Morgane.

- Tu parles, s'exclama Fernand, elle en connaissait au moins autant que lui, elle est la grande déesse déchue! Dans la légende elle apparaît comme une élève pour mieux correspondre à l'image féminine dans une société patriarcale dominée par le christianisme qui n'a heureusement pas tout à fait réussi à éradiquer nos racines. Et Merlin, l'homme des bois et des arbres est pour toujours uni à Viviane, sa parèdre, déesse de l'Eau et des sommets.

Clarance désigna les pierres entourant un petit espace rectangulaire à ciel ouvert.
- Cette sépulture collective dont il ne reste plus que quelques éléments verticaux était appelée aussi Tombeau des druides. Elle date d'environ 2500 ans avant notre ère et lors des fouilles dans les années 80, on a établi qu'il s'agissait d'un cairn d'au moins dix mètres de diamètre fait de blocs de schiste comme on en trouve beaucoup sur ce sommet qui domine le Val sans retour.
- Là ça me convient, dit Fernand en contournant les blocs, les dolmens servaient parfois de sépultures, mais à priori pas pour tout le monde. Seuls quelques membres choisis de la communauté bénéficiaient de cette dernière demeure.
Un homme approuva:
- Tout à fait comme dans les premières églises où seuls les nobles et les dignitaires religieux avaient un tombeau dans l'édifice même.

Fernand s'élança vers l'échine de pierre à quelques mètres et les bras tendus vers le ciel, il cria:
- Oh Grande Déesse, sous ton aspect de Viviane, déesse terre des druides, ou de Morgane déesse primordiale du temps des mégalithes, je viens vers toi comme un nouveau Merlin.
Et en agitant les bras comme s'il s'envolait, il disparut.

Une des femmes s'avança pour aller voir pendant que le reste du groupe et Clarance souriaient d'un air entendu. Elle revint bientôt et nous dit:
- Il descend à travers bois, mais il n'y a pas de chemin.

Notre guide nous entraîna de l'autre côté et nous désigna un sentier annoncé par une pancarte de randonnée:
- Nous allons passer par l'itinéraire balisé, venez.

Nous descendions attentifs aux obstacles depuis quelques minutes lorsque soudain l'un d'entre nous se retourna et s'exclama:
- Regardez, là-haut c'est Merlin!

En effet, sur un éperon rocheux, se tenait un homme qui ressemblait à Merlin. J'étais prête à faire demi-tour pour tenter de le rejoindre, mais il disparut aussitôt, ce serait pour une prochaine fois!
Clarance nous dit:
- C'est en effet le siège de Merlin, on raconte qu'il venait regarder le soleil se coucher sur le val et en particulier sur le Miroir aux fées, l'étang aux eaux calmes qui reflète les astres et les étoiles. Mais descendons encore, nous entrons dans le Val sans Retour ou val périlleux ou encore val des faux amants. C'est selon la légende le domaine de Morgane, soeur d'Arthur et surtout disciple de Merlin.

- C'est quoi l'histoire de ce val? demanda une femme qui se tenait près de Clarance.
- Morgane aimait le chevalier Guyomart qui lui rendait son amour, mais un jour, dans ces bois, elle le vit avec une amante. Furieuse, elle utilisa ses pouvoirs pour les séparer et les fixer à quelques mètres l'un de l'autre.

''En souvenir, on voit le Rocher des Faux Amants sous forme d'un cœur cassé en deux. Puis elle ensorcela le val parcouru par le ruisseau du Rauco et construisit un château magique où les chevaliers infidèles restaient prisonniers de ses sortilèges qui les invitaient à tout oublier. Morgane voulait séduire aussi Lancelot, mais fidèle à son amour pour Guenièvre, il resta prisonnier plusieurs saisons et peignit sur les murs les épisodes de son histoire d'amour avec la dame de ses pensées. Les chevaliers venus à sa recherche restaient tous victimes de leurs appétits de plaisir satisfaits par les illusions de Morgane.

''Viviane prévenue par Merlin envoya une de ses disciples qui endormit la forteresse du Val sans Retour. Lancelot put alors combattre les terreurs imaginaires qui prenaient vie dans ce décor et délivra ses compagnons. Cependant plus tard, Morgane utilisa les peintures de Lancelot pour révéler au Roi Arthur son infortune.

 

Pendant ce temps nous avions parcouru les abords du ruisseau parfois glissants, parfois empierrés. En arrivant au bord du Miroir aux fées, l'un des étangs alimentés par le ruisseau du Val sans Retour, nous fîmes une pause éblouis par le spectacle des eaux lisses reflétant le ciel. L'endroit portait bien son nom. Fernand nous rejoignit alors et nous dit:
- Vous imaginez l'usage que Merlin, passionné d'astronomie pouvait faire d'un tel miroir pour étudier les astres et les constellations.
Une femme remarqua:
- Cela me fait penser à Odin, le dieu germanique qui en contemplant les étoiles reçut la révélation des runes.
Fernand s'exclama:
- C'est trop beau, je suis béni des fées! Vous venez de passer la porte des légendes!
- C'est ce qu'on dit, précisa Clarance, lorsqu'on atteint le Miroir de fées en passant par le Val sans retour.

Fernand dit comme pour lui-même:
- Merlin contemple le miroir du ciel, il se met en harmonie avec l'univers, le temps et l'espace, c'est ainsi, comme le dieu Odin qu'il accède à une forme de connaissance révélée, inspirée par la Nature elle-même...

Attentifs à la magie de l'endroit, nous regardions ce décor incroyable d'eau, de pierres et d'arbres dans lequel le soleil dessinait des ombres d'apparitions féeriques. L'un d'entre nous penché à la surface du ruisseau près de l'étang nous fit remarquer sa couleur particulière, ocre rouge. Selon Clarance, c'était dû à la présence du fer dans le sous-sol de ces eaux ferrugineuses. Fernand ajouta d'un air mystérieux:
- Le mystère du sang et de la vie, le domaine de la grande déesse.
Soudain une femme s'exclama en tendant le bras:
- Regardez, on dirait les bois d'un cerf dans la lumière.

Clarance sourit et dit:
- C'est l'Arbre d'Or. Venez, approchons-nous. Ce châtaignier doré à l'or fin entouré de cinq arbres noirs calcinés est là en mémoire du terrible incendie qui a ravagé la forêt en septembre 1990. Plus de 30 000 arbres ont été replantés dès l'hiver et ce lieu a été inauguré l'été suivant.

Nous étions arrêtés par de nombreuses aiguilles de schistes dressées autour des arbres. Il fallait bien protéger le lieu de l'appétit des hommes pour l'or et du vandalisme. Fernand dit:
- Ce sont les bébés-menhirs de la forêt de Brocéliande!

Nous étions tout près du parking où nous attendait notre véhicule. Nous laissâmes Fernand à ses méditations pour aller prendre une collation bien méritée!

Tréhorenteuc

Avant d'arriver à Tréhorenteuc, Clarance nous informa:

- La commune est la plus petite du département, le Morbihan, elle est à la lisière de la forêt de Brocéliande, donc de l'Ille-et-Vilaine. Comme vous le constatez, elle est tout près du Val sans retour et de l'Arbre d'or. L'Hotié de Viviane, le siège de Merlin et un site mégalithique vers le nord, le Jardin aux Moines sur la Butte aux tombes sont aussi sur son territoire.
''Mais l'endroit le plus célèbre ici est la chapelle du Graal ou église Sainte Onenne. Lorsque l'abbé Gillard après avoir été démobilisé fut nommé recteur à Tréhorenteuc en 1942, il découvrit une église en mauvais état datant du XVII° siècle et des paroissiens soumis à des restrictions terribles en raison des temps de guerre. Pourtant animé de sa foi chrétienne, passionné de légendes bretonnes arthuriennes et malgré une hiérarchie qui le désapprouvait, il fit de son église un haut lieu de Brocéliande qui deviendra un passage touristique obligé.

Elle nous fit découvrir au passage le château local privé et la fontaine de Sainte Onenne qui était toujours en compagnie des oies selon la légende. Elle est ainsi représentée avec le saint patron de la commune, Saint Eutrope, sur la bannière de Tréhorenteuc réalisée début XVII° qui se trouve dans l'église.

Clarance nous réunit devant l'église, elle nous fit remarquer l'inscription au-dessus de la petite porte sud: « La porte est en dedans » et nous invita à la visiter dans le recueillement.

Nous entrâmes, l'église était éclairée par des vitraux colorés que l'on ne s'attendait pas à trouver dans la si petite église d'une minuscule bourgade, 150 habitants à l'arrivée de l'abbé Gillard, 116 en 2007. Nos compagnons se dirigèrent vers l'autel ou les chapelles latérales. Après un regard circulaire pour découvrir les lieux, je ne savais plus par où commencer, je vis Fernand me regarder d'un air sérieux et intrigant puis se diriger vers une porte ouverte située à notre gauche, vers l'ouest. Je le suivis.

Il s'arrêta devant le vitrail nord de cette petite "chambre" ou antichambre, le narthex de l'église. Il représentait le convoi funèbre de Sainte Onenne, la sainte à laquelle est maintenant dédicacée l'église, auparavant c'était à Saint Eutrope. Devant, je remarquai la masse imposante de la cuve de baptême et juste sous le vitrail, la représentation à gauche d'une queue de poisson et à droite d'une tête de bélier. Sur le linteau de la porte, "du dedans", était écrit 1,618.

J'entendis notre guide proposer de passer à la boutique-office de tourisme tout près de l'église. Je restai avec Fernand qui s'approcha de moi lorsque nous fûmes seuls. Sans préambule il me demanda:
- Que vois-tu ici?
- Que dois-je voir?
Il rit et me demanda d'approcher du vitrail en disant:
-Il faut toujours commencer au Nord.

Je regardais attentivement cette représentation des funérailles de Sainte Onenne.
Fernand, rêveur, murmura:
- La mort n'est pas la fin de tout, c'est l'entrée...
Je finis sa phrase:
- Dans l'Autre Monde.
Il bondit sur ses pieds et s'exclama:
- C'est bon ça, continuons. Tu sais qui est Onenne.

J'avais entendu notre guide en parler. Je me souvins:
- Je crois que c'est la soeur du Roi Judicaël de Domnonée, elle a renoncé à son statut de princesse pour vivre simplement en compagnie des oies.
- En gros c'est ça. Mais en fait Onenne est très probablement un personnage légendaire. On pense que là où elle résidait se dressait auparavant un temple dédié à Vénus. Par ailleurs son nom pourrait venir de onna ou anna en indo-européen qui est en rapport avec l'eau courante, les rivières, or une fontaine lui est dédiée dans ce bourg. Tu vois où je veux en venir.
- A la grande déesse?
- Tu connais les légendes des fées ou déesses associées aux oies?
- Je me rappelle celle de la Reine Pédauque si célèbre dans le midi.
- Bien! L'oie permet de signaler selon la Tradition un rapport avec la Vieille Loi comme dans les contes initiatiques de Ma Mère l'oie.

Là j'étais perdue, je ne voyais plus où il voulait m'emmener! Il vit mon trouble et me dit alors:
- L'oie est réputée pour être associée au langage des oiseaux.
Je me sentis rassurée, si c'était un jeu de mots, je devais pouvoir avancer sur cette piste. Fernand me désigna les représentations qui figuraient juste sous le vitrail, queue de poisson et tête de bélier.
- Que remarques-tu?
- Ce sont des signes du zodiaque.
- Et...
- Ils sont inversés par rapport à l'ordre astrologique habituel.
- Et oui, le commun des mortels subit le cycle du temps sur la roue du zodiaque. L'inversion signale le chercheur initié, celui qui assume son destin...
Je prononçais lentement:
- Queue de poisson au bélier..., j'entendis alors "que de poids sont au Bel liés" et je me souvins que Bel était le dieu solaire autrement appelé Bélénos. Fernand dit:
- Et par ailleurs le graphisme particulier évoque des lettres...

Cela m'apparut soudain évident, je m'exclamai:

- Mais oui! De l'alpha à l'oméga, alpha formé par la queue du poissson, oméga par les cornes du bélier.
- Un symbole de totalité et si tu rassembles tout?

Je savais que 1,618 était le Nombre par excellence, nombre d'or représentant la divine proportion; le zodiaque me parlait de "poids". Je me souvins alors qu'un verset biblique énonçait : "Tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids " (Sg 11, 20), le Tu désignant le Dieu créateur. Il me manquait la mesure, je jetai un regard circulaire dans ce minuscule espace. Fernand suivit mon regard et hocha la tête positivement lorsque je fixai la cuve baptismale. Il me dit:
- Selon Paul, la grâce nous a été donnée selon la mesure - metron en grec - du don du Christ (Ephésiens 4), le baptême étant bien sûr le don du Christ.
- Ainsi les fonts baptismaux donnent la mesure, dis-je, du moins de l'homme chrétien, l'Homme Anthropos.
- Et Platon disait l'homme est la mesure de toute chose, dit Fernand. A propos de philosophie, que sais-tu de celle de l'abbé Gillard?
- J'ai cru comprendre que son ambition était une sorte de fusion entre celtisme-druidisme, légendes arthuriennes et christianisme dans un esprit de tolérance et de tradition universelle, une quête de l'Harmonie en toute chose.
- Oui et le symbole qu'il a utilisé pour représenter tout ça?
- Le Graal.

Sans rien ajouter, Fernand passa alors dans la nef de l'église et se dirigea vers les premiers tableaux du chemin de croix. L'abbé Gillard avait fait représenter les paysages des alentours de Tréhorenteuc, dont le Val sans retour, en arrière-plan des quatorze stations. Et Morgane en robe rouge, apparaissait dans le IX° tableau, la Troisième chute du Christ.

Notre conversation reprit sur la présence symbolique de la Grande déesse aux côtés du Christ.
Grâce à Fernand, je compris que si le paysage local et non Jérusalem était évoqué dans les tableaux de la Passion du Christ, c'était pour que le message de chaque station du chemin de croix concerne chacun de nous en son être profond au même titre que les images des alchimistes d'autrefois.

Puis je découvris les impressionnants vitraux du Graal, il était représenté dans l'un sous forme d'une coupe portée par des anges, dans l'autre rayonnant dans la lumière de l'orient. Dans la nef, les vitraux de Sainte Onenne racontaient des épisodes de sa vie et côté ouest, une immense mosaïque représentait un cerf blanc avec une croix d'or en collier et quatre lions devant le perron de la fontaine de Barenton.

Je ne vis pas Fernand sortir, je restai seule pour finir le tour de cette église dédiée à cette forme d'harmonie universelle. Mais lorsque je rejoignis le groupe, Fernand s'approcha de moi tout sourire et me tendit un papier chiffonné où il avait griffonné "ce soir réunion des Questeurs, 20H devant l'église". Il s'éloigna aussitôt comme pour éviter de me donner les renseignements que je souhaitais avant d'accepter, je le remerciai et glissai le message dans ma poche.

Jardin-aux-Moines

Clarance nous proposa de faire notre prochain arrêt près du fameux Jardin-aux-Moines non loin du hameau de Perthuis-Néanti. C'est-à-dire "Porte du sanctuaire"ou Porte du ciel. Pertuis pour ouverture ou porte; Néanti pour németon, le sanctuaire gaulois qui fait référence au ciel en tant que lieu de rencontre terre-ciel.

Sur une butte, ce quadrilatère mégalithique d'environ 25 m par 5 à 6 mètres est ruiné, il en reste des blocs de schiste rouge alternant avec des blocs de grès blanc enfoncés dans le sol. Clarance nous dit:
- La légende locale raconte que ce sont des moines ou des seigneurs locaux ripailleurs punis par Saint Méen de leurs moeurs contraires à la nouvelle foi et transformés en pierre! Il a été fouillé dans les années 80, mais on ne connaît pas la fonction de ce monument construit en plusieurs étapes, on y a trouvé des silex datant de 5000 ans avant notre ère et des poteries évoquant un usage funéraire plus récent (-2500 ans).



Fernand s'approcha à pas de loup et me chuchota:
- Il existe deux autres sanctuaires de ce type en Bretagne, le Manio près de Carnac et Crucuno à Plouharnel. Il faudrait faire la même chose pour celui-ci, mesurer les angles des trajets des astres au cours de l'année pour mieux comprendre sa place en tant que sanctuaire, mais on préfère combler l'ignorance par une histoire touristique absurde de ripailleurs impies!
Il appuya ses propos par un regard évaluant ma qualité de touriste, puis il me sourit avec un clin d'oeil complice. Je crus qu'il voulait me parler de la réunion prévue le soir, mais il se ravisa et s'éloigna brusquement.

Folle-Pensée, Fontaine de Barenton
Clarance nous rassembla, une étape au hameau de Folle-Pensée était prévue avant de faire une nouvelle randonnée pédestre et l'heure tournait. Elle nous dit que les quelques maisons réparties le long de la route unique du hameau avaient probablement été construites avec les pierres du monastère de Barenton établi par le mystérieux Eon de l'Etoile. Cet hérétique breton du XII° siècle faisait des prodiges, prêchait une vision personnelle de la religion lui attirant de nombreux disciples et s'en prenait aux biens ou aux personnes des ecclésiastiques et des riches locaux jusqu'à ce qu'il soit arrêté, reconnu fou et donc mis en prison où il mourut rapidement.

- Folle-Pensée, c'est en rapport avec ce druide-moine fou? demanda un homme qui ne quittait plus Clarance depuis le début d'après-midi.
- Pas vraiment, répondit Clarance, l'eau de fontaine ou de source était ici réputée pour ses vertus thérapeutiques et cet environnement de forêt était un refuge. D'où le nom de Folie "pansée", vieux mot pour "soignée", déformé en pensée. D'autant qu'au Moyen-âge, folie évoquait la feuille donc la présence d'arbres. La fontaine de Folle-Pensée est à l'entrée du hameau où dit-on les druides soignaient dans un asile, mais nous sommes surtout au point de départ vers la fontaine de Barenton que nous allons voir maintenant, elle est située en hauteur et en pleine forêt.

Fernand avait sa propre version:
- Folle-Pensée, c'est la "pensée des feuilles", c'est ici que Merlin est venu lors de son accès de folie, il errait dans ces bois en criant parfois, le "brai" de Merlin. En s'immergeant dans la nature ici et en buvant l'eau de la source, il a retrouvé ses esprits, devenant même le voyant magicien dont la tradition a gardé le souvenir. On recommandait de se plonger la tête plusieurs fois dans l'eau en affirmant sa guérison tout en reconnaissant sa folie. C'est ainsi que l'on devient sage, en admettant d'abord sa propre folie!
- Combien de fois avez-vous plongé votre tête vous-même? dit l'homme proche de Clarance avec un ton ironique.
Fernand se déplaça à grandes enjambées pour se planter devant lui et lui déclarer:
- Monseigneur, sept fois, tout comme il est recommandé de tourner sept fois la langue dans sa bouche avant d'émettre un avis péremptoire. Vous pourrez essayer si vous en éprouvez le besoin. Mais la vraie guérison, c'est de trouver le secret du sens de sa vie et surtout il y a folie et folie...

Il s'inclina cérémonieusement devant lui et se glissa derrière Clarance qui se mit aussitôt en route. Le chemin bien balisé serpentait en s'élevant le long d'un petit ruisseau et ne permettait pas le passage à deux par endroits. Les arbres le bordaient étroitement, la lumière du soleil qui jouait dans les feuilles peinait à éclairer les profondeurs du sous-bois. Nous étions en Haute-Forêt, le ruisseau nous conduisait à la source, la célèbre Fontaine de Barenton. C'était selon toute vraisemblance un lieu de culte druidique avec sa source en hauteur dans une clairière.

Un guide parlait à un petit groupe rassemblé autour du perron, la grande pierre près de la source. Je m'approchai pour profiter de son discours:
- Autrefois la forêt ne continuait guère au-delà de ce niveau, aussi il était plus facile d'accéder au site par le haut et l'on comprenait mieux l'origine du nom qui était Balanton ou Belenton: source de Bel, dieu solaire dont le culte était célébré sur les hauteurs. Bel était associé à sa parèdre Bélisama, "La Très Brillante". C'est la Dame Blanche des sources et fontaines où on lui accorde des fonctions guérisseuses.
''Cette source de Barenton est très particulière, en hauteur, dans cette partie de la forêt de Brocéliande appelée Haute-Forêt. Son eau claire reflète le ciel dans la clairière et qualité précieuse, elle est ni acide ni alcaline mais neutre.

''Sa température constante est plutôt fraîche comme celle de la nappe phréatique où elle s'alimente, mais elle semble bouillir parfois lorsque des bulles viennent à la surface, surtout par temps chaud. Cette fontaine est située sur une faille géologique, en effet vous observez que le sol de la forêt est parsemé de grès schisteux rouge chargé en éléments ferreux comme dans de nombreux endroits en Brocéliande, tandis que l'eau émerge dans un lit de grès blanc. Cette géologie explique des particularités magnétiques à cet endroit...

Je dus alors quitter précipitamment ce groupe, Clarance regroupait ses randonneurs avant de parler:
- C'est ici que Merlin rencontra Viviane qui d'après la légende l'y attendait. Année après année, il lui enseigna son savoir jusqu'à lui donner consciemment le moyen de l'enfermer dans une prison d'air par la magie de neuf cercles. Par ailleurs, comme vous le savez grâce à l'histoire du chevalier Yvain, la légende dit que lorsqu'on arrose le perron de la fontaine, parfois un orage ou une tempête se déclenche. Le clergé faisait autrefois des processions depuis Concoret jusqu'ici en cas de sécheresse. On dit aussi que les fées de Concoret, village où les sorciers étaient réputés, s'y réunissaient avant que les prêtres n'investissent la place.


Elle nous laissa nous approcher de la source libérée de ses précédents admirateurs, chacun s'y livra à différentes approches: photos, bain de pieds, eau sur le corps... Nul ne se risqua à arroser la pierre, nous tenions à finir la journée sans pluie!

Un peu à l'écart, Fernand scrutait les pierres dans le lit du petit ruisseau de Barenton, il en avait extrait deux petites, l'une rouge, l'autre blanche. Lorsque je le rejoignis, il les éleva et murmura:
- Ici le souvenir de Merlin et Viviane évoque l'union sacrée de la Grande Déesse et du Dieu à laquelle communiait le peuple des anciens.

Puis il déposa les pierres dans l'eau et sans un regard pour moi, il revint vers le groupe, je le suivis tandis que nous prenions le chemin du retour vers le parking de Folle-Pensée.
Clarance nous signala la présence des ruines du château de Ponthus non loin de la source, près du lieu nommé "le champ des tournois", souvenir du chevalier Ponthus et de Sydoine évoqué aussi dans un des tableaux de l'église de Tréhorenteuc. Leurs descendants auraient été parmi les plus importants rois de Bretagne. A l'emplacement de ce château, un hêtre du même nom couvrait le site de sa magnifique frondaison.

Clarance souligna la présence de mégalithes localement et peut-être du "vrai" tombeau de Merlin tout près d'ici dans la forêt, mais les plus remarquables étaient les trois pierres de la Vieille qui autrefois situées dans les Champs Morgan avaient été incorporées à un monument commémoratif de Mauron.
La Vieille, Morgan, je me souvenais de ce qu'avait dit Fernand, il y avait décidément beaucoup de traces d'un culte à la Grande Déesse ici.

Chêne Guillotin, Concoret

Notre chauffeur nous mena près du célèbre chêne Guillotin à Concoret. L'arbre immense était encerclé d'une estrade de bois fort imposante aussi, à laquelle on accédait par un escalier. Clarance nous dit:
- Concoret était appelé Val des sorciers ou Val de Fées selon son nom breton Kon-Kored. Etait-ce à cause de ce Eon de l'étoile qui a laissé son nom ici et passe pour avoir été le dernier héritier connu du savoir des druides? Nous sommes dans la Rue Eon et voici le chêne Eon ou Guillotin. C'est un géant de 20 mètres de haut et de presque 10 mètres de circonférence. Contemporain du célèbre moine Eon (mort en 1148), il est daté du passage de la comète de Halley (1144) qui s'accompagna d'un grand effroi et explique peut-être la popularité d'Eon en lutte contre les abus de l'église dans les temps difficiles de l'époque. On dit qu'avant d'être pris, Eon qui avait amassé un trésor, l'aurait caché par ici. Mais nul n'en a trouvé la trace.
Fernand haussa les épaules:
- Le trésor appartient aux Korrigans du coin. L'essentiel est invisible aux yeux, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.
- Ce qui signifie? demanda poliment une femme habituellement silencieuse.
- Celui ou celle, dit-il en la regardant fixement, qui perçoit les fées ou écoute les oiseaux sait que le macrocosme est en correspondance avec le microcosme.

Un silence d'incompréhension suivit Fernand qui s'éloigna sans attendre une autre question ou remarque. Les regards s'élevèrent vers la cime de l'arbre où des oiseaux indifférents à notre présence semblaient discourir entre eux à grands renforts de trilles et chants variés. Clarance reprit:
- Le surnom de Guillotin est attribué à ce chêne en souvenir d'un abbé réfractaire qui est venu se réfugier dans le creux de son tronc alors qu'il était recherché par les révolutionnaires à la fin du XVIII° siècle. En réponse à ses prières à Notre-Dame de Paimpont, une araignée l'aurait caché en tissant sa toile au bon moment.

Fernand fit le tour de l'arbre qui, un peu malmené par les dernières intempéries, avait perdu quelques feuilles. Il en ramassa une et dit :
- Tant de choses se sont passées ici, guerres, réconciliations, haines, amours, joies et peines, sécheresses ou froid rigoureux... Qu'en reste-t-il au pied de ce vénérable de près de 900 ans qui continue à reverdir au printemps. Cette feuille est neuve de l'année! Secret de la jeunesse?

 

Comper, le château de Viviane

Nul ne lui répondit, il fallait poursuivre notre programme. Toujours sur le territoire de Concoret, nous fîmes une nouvelle étape au château de Comper au pied duquel s'étale un superbe étang.

Clarance nous informa:
- Le lieu tirait son nom du ruisseau le Comper, ce qui signifie confluent en celtique ancien (Kemper). Il s'agit de la confluence avec le Meu et le Mel. C'était une place forte de Haute Bretagne au XII° siècle jusqu'à ce qu'il soit ravagé par Du Guesclin au XIV° siècle. Reconstruit, il a été de nouveau démantelé pendant les guerres de religion par Henri IV au XVI° siècle. Il abrite maintenant le Centre de l'Imaginaire Arthurien.
Selon certains, la grande druidesse Velléda vivait ici avant la conquête de la Gaule par les Romains. Mais selon la légende, c'est le château de Dyonas (filleul de la déesse Diane!), le père de Viviane. Elle fût élevée ici et Merlin lui fit un palais au fond de l'eau où elle éleva Lancelot, le valeureux chevalier de la Table Ronde. Etaient-ce les reflets du château dans l'eau de son étang qui avaient donné naissance à la légende?

Fernand s'éloigna vers la partie boisée le long de l'étang et sous nos yeux stupéfaits, il entra dans l'eau tout habillé! Clarance nous demanda de le laisser s'ébattre et d'aller visiter le bâtiment où se tenait une exposition sur un des thèmes arthuriens.
A la sortie du Centre de l'Imaginaire, nous étions dans l'univers magique des légendes, nous suivîmes Clarance sans hésitation jusqu'à notre véhicule. En chemin, elle nous signala la présence d'un chêne remarquable non loin de là, le chêne des Hindrés et nous proposa d'aller voir le célèbre Tombeau de Merlin. Une femme s'exclama alors:
- Fernand a disparu!

Vers le Tombeau de Merlin
Clarance nous dit de ne pas nous inquiéter, il connaissait la région comme sa poche et prisait avant tout sa liberté. Certains dans le groupe approuvèrent lorsqu'un des hommes dit: "Bon débarras, je ne pouvais pas le sentir!" Une femme surenchérit: "Moi non plus et pas au sens figuré, un bon bain n'était pas du luxe!". Une jeune femme protesta en pointant leur intolérance, mais Clarance calma tout le monde dès notre arrivée au pied du Tombeau en affirmant:
- C'est un endroit sacré, vous pouvez faire un voeu ici et prenez garde de bien le formuler, il risque fort de se réaliser.

Cela détendit les participants et si la moitié rit, l'autre moitié se concentra en silence. Clarance poursuivit:
- C'est un vestige d'une allée couverte détruite fin XIX° siècle pour y chercher un trésor qui bien entendu n'existait pas, il n'en subsiste que ces deux blocs.

Un pied de houx gardait la trace de quelques voeux accrochés à ses branches. La jeune femme qui avait protesté quelques instants plutôt semblait déçue de l'aspect du site, elle dit:
- Si Fernand avait été là il nous aurait probablement rappelé que de toute façon, Merlin ne peut pas être dans un tombeau! Du moins pas son esprit, il est au centre des neufs cercles magiques de Viviane.


Sans manifester son avis sur la question, Clarance nous réunit pour faire la petite randonnée qui nous conduisit près de la fontaine de Jouvence. Fernand sec, changé, coiffé et rayonnant de la joie de nous avoir fait une bonne surprise nous y attendait. Il nous accueillit avec ces mots:
- Vous qui êtes en quête des secrets de jouvence, sachez que cette eau a le pouvoir de faire entrer qui en boit dans la vie éternelle.
Clarance sourit et ajouta:
- Ici, comme auprès des fontaines de chaque localité autrefois, les enfants de l'année étaient bénis par les prêtres à la date du solstice d'été. Ils étaient inscrits sur un registre et donc à quelques jours près pour la date d'enregistrement, il étaient rajeunis d'une année! C'est peut-être ça la Jouvence, ce rajeunissement.
Fernand dit d'une voix grave:
- Il ne faut pas confondre l'esprit et le corps.
La jeune femme qui l'avait précédemment évoqué se tourna alors vers ses voisins avec un air de triomphe:
- Vous entendez, je vous l'avais bien dit.

Le val de la Marette
Clarance nous précéda pour nous guider vers le site de la Marette non loin de Saint Malon-sur-Mel, une vallée encaissée avec un ruisseau (celui du Pont Dom-Jean ou du Mel), un étang et une carrière aux dispositions rocheuses spectaculaires montrant les strates du passé géologique de la région.

Sur le chemin du retour, Clarance nous dit:
- Dans les premières années du XIX° siècle, c'était dans cette vallée que se situait le Val sans retour et le lieu évoquant les légendes arthuriennes. Mais vers 1840, une usine métallurgique s'y étant installée, le lieu n'était plus propice aux légendes. Tréhorenteuc et son Val a été choisi pour la faire revivre à partir de la moitié du XIX° siècle. Mais dans cette zone, les mégalithes sont très nombreux!

Quelques personnes protestèrent
- C'était bien la peine de nous dire ça à la fin, on ne sait plus ce qu'on doit croire maintenant!
Fernand émit un rire tonitruant et dit:
- Pour accéder au royaume il faut redevenir comme des petits enfants au coeur pur. Chacun est libre!
Sur ce il disparut après avoir fait un grand geste de la main sans se retourner.

Nous étions revenu près de notre véhicule, Clarance nous montra alors une immense table de bois entourée de troncs coupés en guise de sièges. Merlin, l'homme ainsi surnommé que nous avions parfois aperçu dans la journée y était assis. Clarance nous proposa de le rejoindre et d'y partager le verre de l'amitié qui devait clore cette journée bien remplie, en sa compagnie. Hélas, le temps de sortir les boissons, il avait disparu. Un seul tronc resta libre lorsque chacun de nous s'installa autour de la Table Ronde... celui de Fernand! Mais je savais que je le reverrai dès le soir même pour la réunion à laquelle il m'avait invité, celle des Questeurs de Brocéliande à Tréhorenteuc.

Clarance avait repéré mon intérêt pour Fernand et avant que je ne parte, elle s'approcha de moi. Elle me dit:

- Tu as de la chance d'être invitée à la réunion des Questeurs. L'histoire de Brocéliande te passionne?

- Je la découvre peu à peu, je cherche plutôt à comprendre l'univers mythique de Merlin et à le rencontrer pour autant que ce soit possible...

Elle sourit et m'interrompit d'un ton légèrement moqueur:

- Quel Merlin cherches-tu? L'homme qui se fait appeler ainsi et cultive plus le mystère que la transmission de connaissance ou le vrai Merlin, celui de la légende dont ils font une sorte de dieu, prétendant qu'ils peuvent parfois avoir un contact avec lui?

 

J'étais intriguée et j'eus l'intuition que deux univers très différents se côtoyaient peut-être ici, encore à notre époque. Mais je restai prudente et lui dit:

- Je vais juste à une réunion pour en apprendre plus.

- J'aurais bien voulu y aller, mais je suis prise ce soir, c'est dommage le thème m'intéressait. J'y vais quand je peux, mais je ne participe pas à leurs rituels. Peut-être pourrons-nous en reparler demain matin, ils sont étranges, mais leurs recherches sont originales.

J'acceptai le rendez-vous qu'elle me proposait et je pris ses propos comme une mise en garde à rester dans le domaine de la connaissance.

 

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26 février 2013

BROCÉLIANDE, PAYS DE MERLIN

Chapitre I du Roman du Graal dévoilé

J'avais longtemps attendu ce moment : visiter le territoire de Brocéliande situé dans la forêt de Paimpont en Ille-et-Vilaine. Mais je ne savais pas que je serais fascinée à mon tour par ce petit bout de Bretagne tout comme de nombreux autres visiteurs y compris étrangers qui s'y pressent chaque année et ce depuis fort longtemps.

Au bout de deux jours, je cherchais à comprendre l'origine de cet engouement et je m'intéressais alors aux activités d'exploration proposées par les conteurs-randonneurs de la région. C'est ainsi que j'entendis parler d'un homme que tous nommaient Merlin.
Nul ne se souvenait de son nom officiel, on savait peu de choses de lui si ce n'est qu'il parcourait la forêt en tous sens et en toutes saisons et qu'il connaissait mieux que personne le monde des mythes et des légendes arthuriennes.
Il avait souvent un point de vue original et parfois contradictoire par rapport aux conventions locales. C'était donc tout à fait le genre de personnage que je souhaitais entendre.
Seul problème, lorsque je demandais où je pouvais le contacter, on me répondait qu'il était imprévisible, il surgissait quand on ne l'attendait pas et disparaissait tout aussi soudainement. Mais on me rassurait, si j'étais sincère dans ma quête des mystères de Brocéliande, je le trouverais sans peine.
Le lendemain, je rejoignais un groupe de randonneurs lorsque j'entendis un conteur haranguer les personnes qui passaient à sa portée, je le reconnus sans peine, c'était lui et en effet, par son aspect physique au moins, il ressemblait à Merlin tel que l'on peut se l'imaginer.

Brocéliande

Il avait une barbe broussailleuse, de longs cheveux fins grisonnants, des yeux bleus comme le ciel sous des sourcils bien fournis et une voix qui sans être forte ni particulièrement séduisante captivait son auditoire. S'il avait été en ville, sa tenue et son allure négligée l'auraient fait passer pour un mendiant, mais là, dans la forêt de Brocéliande, il était simplement Merlin!
Hélas, il disparut rapidement et à défaut je restai près de la dizaine de personnes qui discutaient avec le guide bénévole d'une association de passionnés locaux. Physiquement il était l'opposé de Merlin, il était petit et replet, vêtu d'un costume sombre un peu fripé sur un col roulé noir. Il jouait fréquemment avec ses petites lunettes rondes en les glissant parfois dans ses cheveux poivre et sel abondants bien que fraîchement coupés. Il ressemblait plus à un intellectuel habitué des bibliothèques qu'à un explorateur de grands chemins même s'il avait un teint naturellement hâlé inhabituel chez les gens du pays.

Soudain je prêtai l'oreille, j'entendis:
- Brocéliande, qu'est-ce que ça veut dire?
- Brocéliande est le lieu des légendes liées au Roi Arthur, répondit le guide. Le poète normand Robert Wace, a évoqué le premier les fées de Brocéliande dans un livre, le Roman de Brut écrit au XII° siècle. Il a été suivi par Chrétien de Troyes (dans le Chevalier au Lion) puis ensuite par d'autres continuateurs des romans de la Table Ronde. Au XII° siècle, on parlait plutôt de Brécilien ou de Brec'helean en breton. C'est-à-dire le Mont de l'Anguille ou le Pays des Enchanteurs selon les versions.
- L'Anguille, le poisson-serpent? demanda un homme en s'esclaffant.
Le guide répondit calmement:
- C'est effectivement sous cette forme qu'était vénérée la grande Déesse-mère de l'Armorique et d'une partie de la Gaule (comme dans le monde antique). Elle était représentée en femme serpente ou en sirène en particulier dans les sculptures des églises romanes.

 

- Et quelles sont les limites de Brocéliande selon vous? enchaîna une femme âgée.
- Les troubadours bretons, disaient que c'était la Bretagne toute entière, affirma le guide en faisant un large geste de la main, puis il déclama : les légendes anciennes évoquent une immense forêt qui s'étendait jusqu'à Fougères au Nord, Corlay à l'ouest, Redon au Sud. Selon moi, la forêt avant déboisement était située entre les monts du Menez ou Mené au Nord, les rivières de l'Oust à l'ouest, de l'Ille et de la Vilaine à l'est, dans ce pays autrefois nommé Porhoët, c'est-à-dire « pays au travers de la forêt ». Elle est maintenant réduite à la forêt de Paimpont.

- Pourtant d'autres territoires revendiquent ce nom de Brocéliande et les légendes qui s'y rapportent! s'exclama un homme qui semblait fort irrité.
- Bien sûr, mais il n'y a pas de quoi se disputer, cela ne nous pose aucun problème que la Normandie, le Maine, La Provence ou le Valais suisse revendiquent ce titre, même si c'est surtout de la localisation du Graal qu'ils se prévalent. Qu'importe, plutôt que de chercher où, vous devriez vous posez la question "pourquoi". Pourquoi ces lieux des légendes arthuriennes et le temple ou château du Graal sont-ils revendiqués dans ces différentes contrées?

 

Nous nous regardions tous sans avoir manifestement de réponse à cette bonne question. Sûr de son ascendant sur son auditoire, notre guide reprit:

- En fait ce serait le même modèle symbolique décliné dans la géographie de certains territoires qui se réfèrent tous au Graal. Par exemple, Alfred Weysen lorsqu'il décrivit le Temple naturel du Graal en Provence, dans les gorges du Verdon, parla de Veilleurs astronomes "laissant dans la pierre la trace de ce dessein", le saint Graal, temple du ciel.

- Oui, mais pourquoi ici précisément? insista un vieux monsieur.
Notre guide répondit :
- Si l'on regarde les reliefs, on note que les terres bretonnes ont peu de zones élevées en dehors de la masse des Monts d'Arrée prolongée par les Monts du Menez. Lors des transgressions marines qui ont longtemps menacé les terres bretonnes, puis lors des invasions des romains et des francs venant de l'est ou des normands envahissant les côtes, le relief de la forêt de Paimpont par ailleurs gorgée d'eau jaillissant en multiples ruisseaux et fontaines, même sur les hauteurs, a pu apparaître comme un refuge naturel pour les rois bretons dont on retrouve les traces historiques dans ce territoire. C'est aussi un des derniers bastions des druides chassés par la christianisation agressive qui accompagnait la conquête gallo-romaine puis franque.

- C'est bien joli, mais ça nous éloigne de l'anguille! C'est vrai que c'est le genre de bestiau impossible à attraper tellement ça glisse, dit un homme corpulent qui mimait en même temps de façon comique la prise du "poisson".
- C'est vrai, revenons à Brocéliande, reprit notre guide en souriant, pour moi c'est surtout le Pays de la Grande Déesse, l'Anguille, déesse des eaux sur la terre. Observons que sur le mont dit "la Hutte à l'Anguille" le long de la crête du Menez, qui est donc le point haut de la Bretagne centrale, naissent le Ninian et son affluent l'Yvel et juste à côté comme un jumeau le Meu! Les rivières courent comme des serpents autour du territoire de la forêt.

On lui demanda aussitôt:
- Ninian, n'est-ce pas l'équivalent de Viviane, la fée de la légende arthurienne.
- Tout à fait confirma notre guide, et l'on dit même que le réseau des rivières s'est beaucoup modifié au cours du temps (lors des périodes glaciaires, des transgressions marines), le Ninian aurait autrefois traversé le territoire de la forêt de Paimpont-Brocéliande, c'était alors probablement la rivière principale de ce territoire.
''Actuellement c'est l'Aff qui draine l'eau de cette forêt avant de rejoindre la Vilaine au sud. A l'ouest on trouve donc l'Yvel et le Ninian, affluent de l'Oust. Au nord et à l'est on trouve le Meu et ses affluents aux noms évocateurs le Mel, le Muel. Ainsi le territoire de la forêt de Paimpont est complètement cerné par ces rivières qui finissent toutes dans la Vilaine. C'est ce que j'appelle le Premier Cercle, celui de l'Eau vive, l'Eau serpente.

Une personne passionnée par la toponymie demanda: est-ce que les noms des rivières entourant Brocéliande ont une référence légendaire?

Notre guide sourit en haussant les épaules et répondit:
- Voyons d'abord l'étymologie, Yvel signifie l'Eau, Ninian est l'Eau du sommet, l'eau céleste. L'Aff est l'Eau par excellence, l'Ame de l'eau.
Le Meu, le Mel, le Muel mais aussi la Vilaine font référence à un Grand Moulin tout comme le nom de Merlin ou Melin d'ailleurs.

La même personne insista :

- Peut-on préciser les limites de la forêt grâce à la toponymie des lieux?
- On peut effectivement relever les toponymes comportant le mot qui désigne localement la forêt: ouët ou oëd. C'est à l'Est près d'Iffendic, Penhouët ''Tête de forêt''. De même à l'Ouest, Penhouët en Loyat ou Penhouët en Néant sur Yvel. Au Sud, c'est la "Porte de la forêt", Gwern-Porc'hoëd devenu Guer. Au Nord, c'est la "Queue de la forêt" avec Loscouët en Gaël. N'oublions pas que Porhoët, le nom de ce territoire, signifie "Pays à travers ou occupant la forêt".
C'est le second cercle, celui du Bois.

La Grande Déesse
Un homme réagit :
- Mais quand même vous nous avez parlé de la Grande Déesse, si Brocéliande est son territoire, comment y est-elle évoquée?

- La Grande Déesse des Bretons était Ana, c'était la déesse des marais, lieux de vie et de mort. Les marais étaient considérés comme les limites ou frontières de l'Autre-Monde, dimension parallèle des esprits, des fées. Pour les celtes, la Grande Déesse a toujours trois aspects, c'est une triade divine. Mais pour en revenir aux légendes du Graal, on pourrait se demander quels sont ces trois aspects dans les romans de la Table Ronde, autrement dit les trois femmes mythiques?

Une jeune femme qui prenait des notes s'agita près de moi, elle dit:

- Ces femmes, Viviane, Morgane et Guenièvre ont chacune une histoire et un rôle bien défini dans les légendes arthuriennes, elles ne semblent pas "mythiques".

Notre guide répondit:

- En effet, considérons d'abord la grande figure féminine légendaire de Brocéliande, Viviane. C'est la compagne et disciple de Merlin, elle finit par dépasser son maître et le garder près d'elle. Ensuite, l'autre personnage plus sombre est Morgane, également disciple de Merlin et soeur d'Arthur, elle est évoquée en particulier dans le Val sans retour. La troisième est Guenièvre, l'épouse du Roi Arthur et donc la Reine qui vécut par ailleurs un amour intense avec Lancelot, le chevalier élevé par Viviane. 

La jeune femme suivait son idée et dit :

- Selon le point de vue mythique, la déesse apparaît sous forme triple, on pourrait ainsi dire que les trois femmes principales des romans de la Table ronde correspondent en fait à une seule et même figure mythique déclinée sous trois aspects.

Un homme, la moue dubitative intervint.

- Je crois surtout que cette culture païenne a disparu sans laisser de traces, effacée par la christianisation qui n'a élu qu'une femme et encore tardivement, la Vierge Marie!

- C'est vrai, confirma notre guide, du moins en apparence, mais la christianisation n'a pas effacé complètement la déesse serpente, ainsi à Brennilis, la Vierge a un aspect curieux pour qui sait observer. A ses pieds la femme-sirène se prélasse et au dos de la statue, la tresse de la Vierge est en continuité avec la queue de la Serpente! Remarquons l'allusion subtile à la triade celte avec la ... tresse de la coiffure!

Soudain un murmure parcourut notre petit groupe, Merlin approchait. Il paraissait absorbé dans ses pensées et ne nous regardait pas, mais il s'arrêta à notre hauteur et dit comme pour lui-même.

- La royauté est sacrée pour les celtes et c'est la Reine qui la confère. N'oublions pas, la Reine!

Et il poursuivit son chemin avec son bâton noueux en marmonnant.

- La reine, c'est Guenièvre, reprit la jeune fille avec enthousiasme, mais il me semble qu'elle ne devient reine que lorsque Arthur le Roi, l'épouse. Qu'a-t-il voulu dire avec la royauté sacrée des celtes?

Notre guide reprit :

- Poursuivons notre examen des trois principaux aspects féminins des romans arthuriens, Guenièvre est l'épouse et la Reine, elle amène en dot la Table Ronde, elle est effectivement celle qui confère la royauté à Arthur conformément à la tradition celte déformée par la vision chrétienne. Et dans certaines versions, elle la confère ensuite à Mordred, neveu ou fils d'Arthur en l'épousant selon le schéma de renouvellement de la royauté sacrée: le vieux Roi est mis à mort ou écarté rituellement et remplacé par un jeune qui épouse la Reine, avatar humain de la déesse! Dans ce contexte, la Reine incarne alors la terre, la souveraineté et l'amour.

Viviane est l'initiatrice, l'enseignante ou conseillère du héros (Arthur, Lancelot) et elle est affiliée à la Déesse Mère par son père, filleul de Diane. Elle est son héritière pour ce qui est des secrets de la Nature, de la Connaissance des rythmes de vie et des cycles du temps, elle vit dans son domaine enchanté. Elle remet ou reprend l'épée de royauté, Excalibur. Elle incarne l'initiatrice, l'enseignante, la sage conseillère et prophétesse.

Morgane est mère -d'un enfant d'Arthur-, c'est une amante, "la femme la plus luxurieuse de Bretagne" et celle qui emmène Arthur mort après son combat contre son fils -ou son neveu selon les versions- sur l'île d'Avalon en l'attente de son retour autrement dit sa "résurrection" à l'issue de sa "dormition". Elle incarne la fécondité, la sexualité, la mort.

Un homme intervint:

- Comme le dit Merlin, pour comprendre ce que voilent les romans arthuriens de la culture païenne et ce sont les premiers romans écrits en langue romane rappelons-le, il faut comprendre la mentalité de l'époque des mythes fondateurs et en particulier ce que représentait le Roi.

Je me rapprochai de cet homme et lui demandai où je pouvais rencontrer Merlin. Il me regarda intensément et dit:

- Que cherches-tu?

- Je cherche Merlin.

- Es-tu consciente que le chemin de Merlin est celui de la connaissance, le plus aride et exigeant.

- Je ne pense pas le comprendre concrètement, mais je sais que c'est mon chemin.

- Alors cherche, tu sais que selon la légende, il est au sein de neuf cercles...

- J'en connais déjà deux, celui de l'Eau serpente et celui des Bois, quel est le troisième?

- C'est plutôt Abdul qui les connaît, dit-il en désignant discrètement notre guide. Mais admettons, connais-tu le sens du mot bois en celte?

-Pas vraiment.

- Dans toutes les langues celtiques, le mot "vidu" qui signifie bois, végétal -en breton-armoricain "koad", en gallois "coed"- provient de la même racine que les mots qui expriment la connaissance.

- Intéressant, mais quel est le troisième cercle?

- Le troisième cercle qui serait aussi en rapport avec la royauté sacrée pourrait être celui des terres de forteresses et des châteaux. Mais si je devais chercher Merlin sur le chemin de connaissance, je m'intéresserais d'abord aux figures archétypiques dont les légendes s'enracinent dans le sol de la forêt de Brocéliande.

J'acceptai cette suggestion et je m'inscrivis pour la découverte des sites remarquables dès le lendemain. Le cercle des forteresses attendrait...



26 février 2013

Roman du Graal dévoilé, Présentation

Le Graal dévoilé ou le Salut de Lorrekey à Brocéliande

Voici un roman Historique, géographique, légendaire, symbolique tiré du travail réalisé pour le blog* de connaissance et d'Amour troubadour sous la rubrique Merlin, Brocéliande et le Graal. Le récit y avait été conçu avec le souci d'apporter des références au fur et à mesure pour étayer le cheminement de l'auteur grâce à de nombreuses photos, des liens et des parties documents.

*Voir ici: http://chantsdamour.canalblog.com/tag/Merlin%2DGraal

Dans ce nouveau texte, les personnages esquissés ont été étoffés et l'histoire remaniée sous une forme plus littéraire. Quelques schémas sont intégrés afin de présenter des données difficiles à expliquer et pourtant nécessaires. Les références des recherches évoquées sont accessibles sur le blog*.

C'est un voyage en pays de Connaissance traditionnelle qui vous convie à parcourir l'histoire des croyances qui sous-tendent notre civilisation actuelle sous son aspect symbolique. C'est aussi une plongée dans l'évolution de la conscience humaine qui transparaît sous les mythes en particulier du Graal et dans les légendes où certains aspects du christianisme et des connaissances oubliées plongent leurs racines.

Ainsi même si le fil de l'histoire romancée aide à faire le parcours, un certain nombres de notions plus « savantes » sont intégrées dans le récit afin de préparer le lecteur au dévoilement final. Elles ont été réduites au mieux et certains passages non indispensables pour suivre l'histoire ont été encadrés et mis en couleur.

Bonne lecture et bon parcours en Brocéliande sur les pas de Merlin afin d'assurer le Salut de Lorrekey.

Vous pouvez lire ce Roman du Graal dévoilé en version Pdf à télécharger ci-dessous ou le lire sur ce blog où je le mettrai en ligne chapitre par chapitre. (Tag Graal)

Roman_graal

25 février 2013

Crépuscule

1

2

3

Pinceaux roses,

Palette du soleil

Teintent le soir.

 

Solitude d'oiseaux,

Les branches découpent

Des reflets profonds.

 

Creux de matière,

Tourbillons et remous

Noient chien et loup.

 

25 février 2013

De lumière et d'eau

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Les branches nues découpent la lumière,

L'eau part à l'assaut de la terre,

Pas un souffle ne trouble ni l'eau ni l'air,

L'hiver ensommeille la rivière.

Marie Duval

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24 février 2013

Âme de troubadour

Il y a des moments où tout est en harmonie, intérieur et extérieur se répondent, alors on trouve un poème au moment où quelques flocons de neige virevoltent sur une rose qui meurt en beauté du froid de l'hiver, comment ne pas partager?

 

Rose

 

Âme de troubadour

 

Le soleil fait fondre deux petits flocons de neige

Sur la feuille de la dernière rose de la saison.

Vie éphémère rendue à l'éternité en ce matin

Où un jour tout neuf se célèbre en multiples éclats.



Nous avons tourné la page du livre de notre vie,

Notre âme se trouble au terme de tant de grâces.

C'est une histoire de beauté et de force à la fois,

De celle qui fait mouvoir les astres et les étoiles (1).



Ni attente ni reproche n'existe plus désormais,

Les tourments fondent à l'annonce du printemps.

Dans le feuillet de son âme, j'ai lu le motif de la Vie

Selon son modèle éternel inscrit en esquisse divine.



Les secrets du projet des troubadours y étaient

Soigneusement cachés sous de viles atours.

La Lumière de l'Amour en a révélé la splendeur,

Le livre est refermé, il m'en reste l'éblouissement!

 

Isabelle Gallé

 

(1) Les poètes classiques disaient que c'était l'Amour.

 

 

 

 

24 février 2013

Ephéméride à sonsulter

Un éphéméride sympa à consulter en ligne:

http://www.gralon.net/calendrier/

24 février 2013

L'histoire se trame

 

J'ai cru que le fil de ma vie allait casser,

C'était voici un peu plus de dix ans.

 

J'ai vécu suspendue à un fil d'amour,

Je me suis accrochée pour ne pas le perdre

 

Et j'ai prié pour qu'il soit assez solide

Pour voir nos filles et fils grandir.

 

J'ai été emportée au fil de l'eau

Dans des aventures inimaginables

 

J'ai parfois perdu le fil de l'histoire

Quand il a fait des noeuds serrés,

 

Mais au fil du temps il s'est déroulé

Et voici que j'en prends la mesure.

 

Tour à tour, nos enfants ont coupé le fil

De l'arrivée dans l'âge adulte.

 

Et quand je vois qu'avec ce fil si fragile,

La vie a tissé une vie de famille accomplie,

 

J'éprouve une immense gratitude

Et de la curiosité pour la suite...

Marie Duval

Merci la vie, merci à l'homme de ma vie, merci à nos enfants et à tous ceux et celles que j'ai rencontré sur ce chemin.



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