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AMOUR TROUBADOUR EN CHANTANT
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  • Quête de connaissances oubliées avec un esprit troubadour. Partage de contes poétiques et de poèmes-chants d'amour, illustrés de photos de nature, pour célébrer l'Amour, la vie et les troubadours.
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1 mars 2013

LES QUESTEURS DE BROCELIANDE

Chapitre III du Roman du Graal dévoilé

A l'heure dite, Fernand m'attendait devant le local où avait lieu la réunion. Je retrouvai là quelques-uns des membres de ce petit groupe de passionnés de Brocéliande plus ou moins érudits ou franchement mystiques pour certains d'entre eux comme me l'avait dit Clarance. Ils avaient l'habitude de faire le point sur différents thèmes et en faisaient ensuite le compte rendu sous forme de plaquettes archivées. Merlin y faisait quelques apparitions, mais en général de courte durée et je ne l'ai pas vu ce soir là. J'y revis par contre Abdul, notre premier guide, érudit breton d'origine arabe par sa culture parentale, passionné de mythologie et d'histoire des religions. Fernand me procura quelques plaquettes en rapport avec les thèmes abordés. Je lui fis part de l'intérêt de Clarance pour cette soirée, il me dit que je pouvais partager ces connaissances avec elle et même qu'elle pourrait m'aider à y voir plus clair.

Le zodiaque, Tréhorenteuc

Le lendemain, je retrouvai Clarance dans son bureau. Après quelques banalités d'usage, elle consulta rapidement les plaquettes et alla droit au but:

- Je sais qu'ils sont fascinés par le zodiaque et que celui de l'abbé Gillard caché dans la sacristie a beaucoup d'importance pour eux. C'est vrai que dans toutes les civilisations antiques et en Europe au Moyen-âge ou à la Renaissance, le zodiaque était une figure centrale de la transmission du savoir. Qu'as-tu compris avec eux?

- Le zodiaque représentait le temps cyclique, ses travaux saisonniers et ses fêtes traditionnelles. Le christianisme nous en a détaché en instituant une lecture du temps linéaire, focalisée sur l'histoire de Jésus, Dieu fait homme. Cela s'est fait peu à peu, le Christ cosmique est d'abord apparu au centre du zodiaque en particulier au tympan des églises romanes. Puis il en est sorti, il s'est dissocié du cosmos et peu à peu le chemin de croix centré sur sa Passion (sa mort et résurrection) - donc un événement certes fondamental pour les chrétiens, mais très court dans le temps- est devenu l'élément incontournable de la décoration intérieure des églises.

- Intéressant, ainsi il y aurait peut-être un lien entre le zodiaque des conceptions du temps cyclique ancien et le chemin de croix du temps linéaire chrétien et moderne, en attente de sa fin, de la fin des temps avant le retour du Christ.

Clarance avait synthétisé en quelques mots à la fois les apports de Questeurs et mes propres questions, j'étais impressionnée. Elle perçut mon état d'esprit, mais sans attendre que je trouve les mots pour le lui exprimer, elle préféra poursuivre l'examen des sujets de la soirée. Elle me demanda:
- Et pour Tréhorenteuc?
- Localement on dit que ce nom de Tréhorenteuc signifierait Trois chemins ou Trois voies. Tréhorenteuc pourrait être le peuple des trois orients. Oran(t) ou orent pour les prières dans les trois directions de l'orient délimitant le parcours du soleil, les deux solstices et l'axe des équinoxes.

- Ils ont évoqué les indo-européens?

- Ils ont cité les trois pas de Vishnou, dieu solaire en Inde, ses trois pas correspondent aussi à la répartition de l'année en deux tiers clairs et un tiers sombre l'hiver. Et en effet, le même symbolisme existait chez les celtes qui étaient de culture indo-européenne.

- Et le point de rencontre de ces trois voies serait à Tréhorenteuc?

- Si l'on situe le németon ou temple astronomique de plein air des gaulois dans les bois vers Néant qui est très proche de Tréhorenteuc et dont le nom signifie németon, lieu où la terre rencontre le ciel, nous découvrons la butte Saint-Michel d'une centaine de mètres, point d'observation idéal vers l'est. A partir de ce lieu, Tréhorenteuc qui est à la latitude de 48°, est alors sur la ligne des équinoxes, comme nous l'indiquent Sainte Onenne et la déesse celtique de l'équinoxe la précédant, Onionna.
La ligne du solstice d'été se dirige vers la Butte aux Tombes (146 m) près du Pertuis-Néanti et se prolonge jusqu'à la fontaine de Barenton, autrefois Belenton, évoquant le dieu solaire Bélénos christianisé en Saint Jean.
La ligne du solstice d'hiver se dirige vers les hauteurs du Val sans Retour, donc vers le siège de Merlin d'où il observait les astres et se prolonge vers la Butte de Tiot (190 m) près de Saint-Jean, sa chapelle et sa fontaine.
- Tu as dit que Sainte Onenne remplaçait une déesse celtique de l'équinoxe?

- Il existait une déesse gauloise, Onniona, son nom associait un arbuste, Onn l'Ajonc et un arbre Nion, le Frêne. Or le jaune solaire des ajoncs éclaire les landes bretonnes lors du mois celtique du Frêne, vers l'équinoxe de printemps. L'Ajonc était particulièrement associé à l'équinoxe de printemps .

- Elle était aussi accompagnée par des oies?

- L'histoire ne le dit pas, mais l'Oie était un des oiseaux de la déesse Vénus. La planète est étroitement liée au soleil et l'oeuf d'oie était un symbole solaire. Par ailleurs Némésis était la déesse grecque de la Loi morale assurant la juste mesure et la vengeance divine contre les abus. Pour échapper à Zeus, elle prit l'aspect d'une oie.

- Ah oui, s'exclama Clarance, d'où les contes de ma Mère l'Oye, mère Loi, amère loi... L'Oie évoque l'ordre cosmique sacré primordial. Il fallait bien un oiseau dont la plume servait d'ailleurs à l'écriture en occident, pour symboliser cet ordre autrefois représenté en Egypte par la plume de Maât...
- Toujours est-il que selon les Questeurs, Onenne était probablement un avatar de Onniona, une déesse du printemps associée au frêne et à la fontaine. Le frêne pour les celtes est l'arbre cosmique représentant le Macrocosme. En Europe du Nord, Yggdrasil le grand frêne est l'arbre des mondes et le dieu Yggr ou Odin l'aurait dérobé à la Triple déesse qui rendait la justice en lien avec l'ordre cosmique bien sûr, la vieille Loi, au pied de cet arbre près de la fontaine.

- Onenne ou la déesse du printemps, moi je veux bien, s'étonna Clarance, mais selon la plaque apposée sur l'autel de l'église de Tréhorenteuc, sa fête est le 1° octobre.

- Ah oui, c'est vrai et c'est étrange, car en fait Saint Eutrope et Sainte Onenne étaient officiellement fêtés le 30 avril selon le calendrier des saints, or cette date correspond à la nuit de Beltaine, la grande fête du printemps et de la fécondité du 1° mai.

- Pourquoi l'abbé Gillard a-t-il fait inscrire cette date?

- Peut-être pour lutter contre les cultes archaïques de fécondité?

- C'est vrai que l'abbé avait fait retirer la statue de la sainte qui avait un gros ventre, remarqua Clarance, il avait été choqué parce qu'elle drainait la dévotion de jeunes filles ou femmes aux moeurs trop libres... Passons, quand tu parlais des 48° de latitude, je me souviens que c'était une fierté de certains habitants, c'est important pour le németon de Brocéliande?

- Les Questeurs disent que Chartres a la même latitude ainsi qu'un important complexe de mégalithes de la côte ouest, d'ailleurs c'est à Plouharnel que se tient un festival du solstice d'été! Ce serait en raison du "rectangle solsticial", déterminé par des lignes en X, correspondant à partir d'un point central à la visée des levers et couchers solaires lors des deux solstices. Ce rectangle présente une géométrie particulière selon les latitudes. En remontant vers le Nord, le X tend vers le I, les deux lignes se confondent sur l'Axe du monde. En descendant vers le Sud le X devient un trait horizontal sur l'équateur.
- Oui, remarqua Clarance en ouvrant une des plaquettes, j'ai vu ça ici. A Jérusalem, environ 32° de latitude, le rectangle solsticial est quasiment de 1 par 2, c'est un double carré. En Irlande, plus de 55° de latitude, cela devient un carré. Et sur le 48° parallèle, la différence entre les deux lignes des solstices est de 72° qui est l'angle principal du pentagone, figure fondamentale liée au Nombre d'or et à la grande Déesse. Par ailleurs, entre la ligne d'un solstice et celle de l'équinoxe on observe le Triangle sacré ou Triangle 3-4-5 ou Equerre des charpentiers. Un vrai cours de géométrie grâce au soleil!

- Et le pentagone est le symbole de Vénus.

- Exact, me dit Clarance, mais je ne m'aventurerai pas sur ce terrain. En tout cas je te remercie et je te souhaite de poursuivre tes découvertes dans notre belle région. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir de temps à autre. Je serai heureuse de t'aider dans tes recherches, c'est passionnant.

Elle m'embrassa gentiment et me laissa, elle devait partir pour rejoindre un groupe de touristes.

L'église de Tréhorenteuc, vitraux de Sainte Onenne

L'après-midi même, je retrouvais Fernand sur la place de l'église de Tréhorenteuc sans que nous ayons convenu d'un rendez-vous. Il avait une apparence décontractée plus présentable que la veille. Il était accompagné d'une femme de très petite taille qui le faisait paraître d'autant plus grand. Elle s'éclipsa dès qu'il me repéra en faisant un grand signe de la main pour que je vienne le voir.

Je lui confirmais mon désir d'accéder à certains de leurs documents, aussi sans perdre de temps, il me conduisit dans la maison relais des Questeurs de Brocéliande et par un escalier un peu raide me fit accéder à une pièce cernée de rayonnages couverts de livres, dossiers et cahiers soigneusement étiquetés. Chaque espace était occupé par des documents, au-dessus de la porte, sous la fenêtre, autour du radiateur, c'était manifestement un lieu de stockage, mais aussi un lieu de travail solitaire possible : une planche de bois nue posée sur tréteaux et un siège de secrétaire à roulettes occupaient le milieu de la pièce. Un escabeau et un solide pupitre complétaient l'équipement.

Fernand me guida dans la découverte des secrets de Sainte Onenne basés sur l'observation des éléments de décor de l'église qui l'évoquaient. Cette omniprésence d'une soi-disant sainte, plus en rapport avec un culte ancien d'une fête de printemps qu'avec une tradition chrétienne, m'intriguait.
Après avoir sélectionné le dossier correspondant, Fernand m'accompagna dans l'église. Une partie des bancs avaient été retirés du côté ouest. Je me mis au travail alternant la lecture des documents et l'observation directe de ces vitraux voulus par l'abbé Gillard pour offrir l'exemple d'une vie chrétienne exemplaire au-delà même de l'histoire personnelle d'Onenne.

Je remarquai l'ordre particulier des six vitraux, sur le mur du Sud, les deux premiers des six vitraux racontant la vie de la sainte encadrent l'entrée habituelle, le suivant est dans la partie ouest isolée de la nef par une paroi percée de trois ouvertures, le narthex. Pour la suite, il faut revenir dans la nef et reprendre sur le mur Nord en symétrie par rapport au trois premiers. Le dernier, l'enterrement considéré comme l'entrée dans l'autre monde chrétien ou Paradis, est donc aussi dans le narthex.

Fernand me fit remarquer la présence de signes zodiacaux sous forme symbolique dans le cadre décoratif des vitraux, chacun apparaissant dans deux vitraux, puis il me laissa continuer seule. Il devait revenir un peu plus tard.

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On y voit deux signes cardinaux (c'est-à-dire d'entrée dans les saisons, les quatre étant représentés sur la croix des points cardinaux), Bélier et Cancer; et un signe fixe, le Verseau, (signe de milieu de saison, appartenant à la croix des fixes).

Le signe du Bélier est sur l'axe des équinoxes avec à l'autre extrémité, le signe de la Balance.

Le signe du Cancer est selon la Tradition (ou Lore), la porte des hommes (qui correspond au solstice d'été) sur l'axe zodiacal des solstices. C'est l'une des deux portes cosmiques de cet axe et c'est la porte des humains ordinaires. L'autre étant le signe du Capricorne ou porte des dieux qui correspond au solstice d'hiver.

Par ailleurs, je vis en faisant le tour de l'église un vitrail rond dans la chapelle latérale, des tableaux et une statue évoquant Sainte Onenne. En reportant sur un plan le trajet que tous ces éléments me proposaient, je constatai que les lettres O-N pour Onenne se dessinaient dans l'église confirmant sa dédicace! Je me souvins que le nom de la déesse gauloise correspondante était Onniona : Onn l'Ajonc et Nion, le Frêne, l'ajonc désignant le jour de l'équinoxe de printemps (environ le 20 mars actuellement).

Soudain j'eus une intuition. Et si ce O N de la nef signalait aussi son orientation? En effet la date de la fête signalée par l'abbé Gillard sur l'autel, le 1° octobre, qui ne correspondait pas au calendrier officiel, attira mon attention. En raison du décalage des dates liées au changement de calendrier (julien à grégorien), cette date dans le calendrier actuel correspond à la date de l'équinoxe d'automne au moment de la dédicace de la première église construite sur un bâtiment du VII° siècle. Or les équinoxes de printemps et d'automne sont sur le même axe.

Une mesure de l'orientation réelle donne un azimut de 77°, ce qui la rattache selon les géobiologistes aux édifices bénéficiant de « l'onde d'Isis » caractérisant des édifices sacrés très anciens consacrés à la Grande Déesse mère, qu'elle soit nommée Isis, Vénus, Cybèle ou autre, avant d'être réutilisés ou transformés en église. Les connaissances associées se seraient perdues vers le XIII°, XIV° siècle. Les géobiologistes actuels disent que dans ces églises, sur cette ligne d'orientation, le biochamp d'un humain serait plus augmenté que pour toute autre orientation.
C'était des lieux bénéfiques pour la santé et la fécondité en particulier des femmes. Or on disait que la résidence de Onenne était installée sur un ancien temple de Vénus et l'abbé Gillard avait fait disparaître l'ancienne statue qui était trop vénérée par les femmes et jeunes filles...



Le labyrinthe et le monogramme de la Vierge

Lorsque j'eus fini, je sortis sur la place, encore perdue dans mes pensées, soudain je vis comme dans un rêve Merlin immobile à quelques mètres de moi. Il marcha à grandes enjambées vers la partie ouest de l'église. Je le suivis, il s'arrêta devant la rampe d'accès, la porte était maintenant ouverte. L'imitant, je marchais à pas lents vers l'entrée, il se mit à gauche près du portail d'accès au cimetière sur lequel se détachaient les lettres alpha et oméga.

D'un geste de la main il m'arrêta à quelques pas du seuil puis traçant un grand cercle avec ses bras, il me signala la totalité de l'espace qui nous entourait et je le perçus de tous mes sens comme un concentré de vie quotidienne. Puis il me montra l'ensemble de la façade de l'église. J'étais à bonne distance pour la voir en entier, mais rien n'attira spécialement mon regard.

Lorsqu'il me guida d'un signe sur le seuil, j'eus l'impression de rentrer dans un autre monde. Le narthex qui me séparait de la nef était éclairé par l'ouverture et les vitraux latéraux. De l'autre côté la porte d'entrée sud était fermée, les vitraux illuminaient la nef grâce à un franc soleil au zénith. Je regardais le zodiaque inversé, queue de poisson - tête de bélier à ma gauche. J'avais quitté le temps des minutes, des horaires, des rendez-vous et des contraintes, j'étais dans le temps immuable des cycles de vie toujours renouvelés.
Lorsque Merlin resté sur le seuil tapa dans ses mains, je me concentrai sur les jeux de lumière émanant des vitraux et du narthex qui dessinaient devant moi une sorte de quadrillage de trois par trois avec une forme plus ronde orangée au centre correspondant à la projection du demi Chrisme du deuxième vitrail à ma droite au sud.

Merlin murmura : "trois pas", j'avançai donc devant la porte intérieure et l'inscription sur l'autel attira mon attention comme un aimant:
"Dans l'emplacement de cette église
élevée en son honneur
a été enterrée Sainte Onenne
Vierge"
Fête le 1° Octobre"

Merlin avait disparu après m'avoir dit "voici le temps du dieu" et comme en état second, je parcourus la moitié de la nef avant de me retourner.

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Je connaissais maintenant les thèmes des différents vitraux et j'eus alors l'image d'une relation entre eux plus complexe que je ne l'avais perçue par l'analyse:

 

Carré de Neuf

Carré de Neuf et monogramme de la Vierge

Cela formait un carré de trois fois trois cases. 1 est le lieu de ma vision de l'inscription sur l'autel. 2, 3, 4 sont les trois premiers vitraux de Sainte Onenne au sud; 5, 6, 7, les trois derniers au nord. 9 est l'emplacement de ma vision du demi-oeuf-chrisme. 8 est le seuil de l'entrée ouest.

Les cases 1, 4, 7 déterminent un triangle de sainteté: 1, sur l'autel, c'est l'affirmation de la sainteté de Sainte Onenne pour les siècles après sa mort. Le vitrail 4, représente son voeu de religion (face à Saint Elocan!) et donc sa mort à la vie civile. Le vitrail 7 montre son enterrement, son entrée dans la vie éternelle à sa mort.

Les cases 2, 5, 8 déterminent le triangle de vie en Dieu: Le vitrail 2 met en scène le choix d'une vie simple contre sa vie de princesse, elle échange ses vêtements avec une pauvresse. Le vitrail 5 montre la Providence divine venant à son secours sous la forme des oies alertant les soldats qui viennent la défendre contre l'homme qui en « voulait à sa vertu ». Le seuil en 8 est l'entrée dans l'église, espace sacré conçu comme espace d'entrée dans un autre monde et donc en rapport avec le divin comme le rappelle l'inscription sur ce mur intérieur au-dessus de la porte.

Les cases 3, 6, 9, déterminent une ligne de vie sainte avec plusieurs moments clés.
Le vitrail 3 met en scène le baiser de la Vierge qui la prédestine à une vie sainte. Le vitrail 6 expose le moment où elle fait don de ses biens pour s'en remettre à Dieu.
La case centrale 9 symbolise l'accomplissement. Dans ce centre c'est le Neuf où se projette l'Oeuf contenant le symbole du Chrisme représentant le Christ.

Après cette analyse, il était soudain évident pour moi que cet "exemple d'une vie chrétienne" cachait sous une histoire à priori dramatique, celle du personnage Onenne, le plan d'une progression spirituelle. Je remarquai alors que l'ordre de ces nombres sur le carré dessinaient une figure : le monogramme de la Vierge, A M ou A V M qui signifie Ave Marie et évoque la Salutation à la Vierge. Or cette Salutation correspond à un moment précis de l'année, le 25 mars, jour de fête de l'Annonciation de l'Incarnation du Verbe par l'archange Gabriel qui apparaît à la Vierge. C'était encore lié à l'équinoxe de printemps selon la Tradition. Ce jour-là, Gabriel annonça à la Vierge Marie qu'elle était enceinte de Jésus-Christ dont la naissance eut lieu neuf mois plus tard à Noël au solstice d'hiver.

Fernand me rejoignit alors dans la nef de l'église, il me regarda intensément comme pour comprendre où j'en étais. Sans un mot il me prit par la main, nous plaça sur la forme en Oeuf de projection du Chrisme face à l'autel et fit prendre à nos corps une forme de X. Nous étions devenus le symbole de la Vierge, le Monogramme, féminin à gauche (côté nord), masculin à droite (côté sud), ancrés dans la terre, tendus vers le ciel, baignés de lumière et traversés par des énergies invisibles jusqu'à nous ressentir comme des vibrations dans un univers entièrement vibratoire!

Lorsque Fernand baissa les bras, il garda ma main et m'entraîna dans un parcours au sol reproduisant d'un seul trait la figure de l'AVM, comme une sorte de forme de lemniscate ou de huit plus complexe.

J'eus en un espace restreint une impression physique ressemblant à celle que l'on a en parcourant un labyrinthe, (qui autrefois se situait à ce niveau dans les églises, comme celui de Chartres), le corps changeant d'orientation à plusieurs reprises sur le parcours de ces figures! Cela me sembla une façon d'augmenter mon énergie, de m'accorder à celle du lieu et d'induire une forme de transe permettant l'accès à d'autres réalités subtiles ou spirituelles.

Mais lorsque je voulus un peu plus tard refaire cette expérience, je n'y parvins pas. J'en parlais à Fernand qui me dit: "c'était un instant d'éternité". Il vit ma perplexité et comprit mon besoin de mettre des mots sur ce qui pourtant ne pouvait se décrire avec le langage, aussi il me proposa d'aller voir Abdul le conteur que je connaissais déjà, "arabe breton" et grand érudit.

A ma grande surprise, Abdul fut très heureux de nous recevoir et à la fin d'une soirée passée à parler de choses et d'autres, je pus enfin lui demander son avis.
Il me cita d'abord quelques mots extraits des Upanishads, texte sacré originaire de l'Inde:
"Aussi vaste que l'espace qu'embrasse notre regard est cet espace à l'intérieur de notre coeur. L'un et l'autre, le ciel et la terre y sont réunis, le feu et l'air, le soleil et la lune. Tout cela y est réuni."

Devant mon air perplexe, il me dit que j'avais connu un état de conscience modifiée qui m'avait donné accès à une perception différente du temps. C'était ce que Merlin avait nommé les trois pas. Et les grecs anciens avaient donné des noms de dieux à ces perceptions de temps différents:
Chronos pour le temps chronologique, celui dans lequel nous vivons le plus souvent et qui nous dévore. (Chronos est représenté dévorant ses enfants).

Aïon pour le temps cyclique (souvent représenté avec un serpent).

Kaïros pour le temps du dieu fugace (il porte des ailes aux talons) qu'il faut savoir saisir lorsqu'il se présente, un moment plus tard ou plus tôt et il n'est plus là! C'est un instant d'éternité qui s'ouvre dans notre vie. C'est aussi un moment où se manifeste la synchronicité.

Par ailleurs selon lui, j'avais perçu une figure, le carré de trois qui s'apparentait à un carré de fondation mais aussi au schéma traditionnel de la cité idéale de Jérusalem, centre du monde céleste chrétien. Il pouvait également être vu comme un ennéagramme (neuf éléments) ou un octogramme centré (figure davantage celtique ou templière), mais peu importait le nom, l'essentiel était d'expérimenter l'énergie du lieu par mes allées et venues dans cet espace.

Je remerciais Fernand et en pensée Merlin, qui m'avaient permis de vivre cela et j'écoutais le conseil d'Abdul : pour vivre le temps du dieu, il n'est pas besoin de venir dans la chapelle du Graal, de nombreuses vieilles églises ou autres lieux sacrés, voire naturels de notre environnement peuvent le permettre, le plus important est notre disposition intérieure, notre attention et notre respect pour ce temps particulier.
L'essentiel ne se voit qu'avec le coeur disait le Petit Prince de Saint-Exupéry, mais pour voir avec le coeur - ou entendre -, il faut le libérer de tout ce qui entrave son ouverture sur l'amour universel et cela aussi toutes les traditions de sagesse le disent à leur manière. Pour atteindre la ''béatitude'', il faut devenir béants, ouverts d'une certaine manière!


L'abbé Gillard nourri par le Graal

Deux jours plus tard je revis Clarance, j'avais beaucoup de choses à lui raconter. Je n'avais pas perdu mon temps, grâce à l'aide des Questeurs, j'étais partie sur les traces laissées par l'abbé Gillard dans la très riche décoration symbolique de son église devenue pour tous la « Chapelle du Graal », mais aussi dans quelques-uns des écrits qu'il avait fait publier pour alimenter les fonds nécessaires à son fabuleux projet.

Clarance était curieuse et j'avais besoin d'elle pour débrouiller les fils de cette exploration complexe, aussi elle m'invita à passer la soirée chez elle et à y dormir. Son compagnon travaillait de nuit et nous aurions tout notre temps. Je l'aperçus à peine dans sa voiture lorsque j'arrivais, il partait et me salua d'un vague signe de la main avant de démarrer. Clarance était sur le pas de la porte et me dit qu'il était déjà en retard. Elle me fit entrer dans son salon et asseoir sur un canapé en rotin aux coussins confortables avant de s'installer près de moi. Je sortis des documents de mon sac et les étalai sur le plateau en verre de la table basse.

Elle connaissait bien l'histoire officielle de l'abbé Gillard liée à son oeuvre et elle partageait l'avis des Questeurs, elle était un élément clé pour comprendre Merlin et le Graal dans ce lieu mythique de Brocéliande.

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Cette histoire commence pendant la guerre, lorsqu'il est démobilisé en 1940 vers Rodez, il a alors 38 ans. Dans une France en débâcle, occupée par endroits, il attend de reprendre son ministère en Bretagne. Intéressé par les légendes du Saint-Graal, il visite en particulier Montségur, château cathare "du Graal" et Rennes-le-château où il découvre les travaux de l'abbé Saunière réalisés fin XIX°, début XX° siècle (il est décédé en 1917).

Déjà connu pour des idées originales mal vues par sa hiérarchie, l'abbé Gillard est enfin nommé dans la plus petite commune du diocèse, en Morbihan, Tréhorenteuc. Il sait que c'est une sanction, mais il va relever le défi comme l'avait fait aussi en son temps l'abbé Saunière nommé en charge d'une église presque ruinée.

Dès son arrivée en 1942, l'abbé Gillard décide de faire de sa petite église une oeuvre d'art et de réflexion symbolique autour des légendes du Graal sur ce territoire magique de Brocéliande qui n'est pourtant pas encore le haut-lieu qu'il deviendra en grande partie grâce à lui.

Il était lié à des bretons intellectuels ou artistes inspirés eux aussi par les traditions celtiques, il connaissait entre autres, Xavier de Langlais, artiste, écrivain passionné par la matière de Bretagne et professeur aux Beaux-Arts de Rennes. A cette époque, il rencontre un jeune homme qui vient en vacances chez sa grand-mère bretonne et sera connu sous le nom de Jean Markale, écrivain apprécié du grand public pour ses ouvrages sur le celtisme, ses mythes et la "matière de Bretagne". Ce dernier restera en contact tout au long de sa vie avec l'abbé Gillard à qui il doit en partie sa vocation.

Sans tarder, l'abbé Gillard engage toute son énergie et ses faibles moyens dans la réalisation de son oeuvre, il fait appel à sa centaine de paroissiens hélas très pauvres, et il élargit son cercle au fur et à mesure que son projet avance.
En 1945, il démarche un camp de prisonniers de guerre allemands dans la Marne, il ramène un ébéniste, Peter Wissdorf et un peintre, Karl Rezabeck. Ils partagent un ordinaire spartiate, une passion pour l'art et leur foi qu'ils mettent au service de la restauration et de l'embellissement de l'église.

L'abbé Gillard leur fait découvrir les lieux et récits de la légende arthurienne. Karl Razebeck réalise les tableaux du chemin de croix, de la vie de Sainte Onenne et des légendes de Brocéliande sous l'inspiration et l'enseignement de l'abbé Gillard qui veut un sanctuaire de fraternité et de tolérance entre les hommes, unissant les traditions celtes, bretonnes et le christianisme. Karl Razebeck reste jusqu'en 1947, année où il est libéré de captivité sur la recommandation de l'abbé Gillard et retourne en Allemagne.

A partir de 1948, l'abbé fait éditer des guides sur Brocéliande et ses légendes, sur Tréhorenteuc. Suivront des écrits sur le symbolisme, le zodiaque, les nombres... Les bénéfices contribuent aux travaux et à la renommée de son église. Peu à peu les vitraux sont installés, le choeur pavé, et enfin la mosaïque du cerf aux quatre lions est finalisée vers 1955.

La réputation du sanctuaire s'étend, des gens célèbres, intellectuels et artistes s'y rendent, ainsi André Breton le maître du surréalisme qui cherche son inspiration dans les racines mythiques de l'inconscient. Mais les supérieurs de l'abbé voient cette renommée d'un mauvais oeil. Finalement accablé par les mauvaises langues qui se déchaînent, il quitte son église en 1962, mais il n'a pas d'autre lieu pour exercer son ministère, et malgré l'appui de paroissiens et d'élus, l'évêché lui interdit de reprendre son exercice à Tréhorenteuc.

Pourtant il revient vivre en Brocéliande dans la commune voisine, Néant-sur-Yvel grâce à l'abbé Rouxel qui poursuit son oeuvre et l'accueille. A sa mort en 1979, il est inhumé dans ce qui restera son église dans les mémoires. Sa statue accueille le pèlerin devant la porte d'accès au sud de l'église.



Clarance conclut sur ces mots:

- On peut dire que l'abbé Gillard a été "nourri" par le Graal presque concrètement étant donné les conditions dans lesquelles il a vécu et il lui a voué sa vie jusqu'au bout. Le Graal pour lui était clairement associé au Christ, mais aussi à un fond celtique ancien et c'est ce qui donne autant force à son oeuvre.

La Chapelle du Graal, Saint Eutrope, Sainte Onenne

Puis nous avons comparé notre façon de voir le décor de la Chapelle du Graal qu'elle faisait régulièrement visiter en s'en tenant à la version officiellement admise. Les Questeurs eux n'avaient pas à s'embarrasser de considérations de bienséance... Mais je la sentais très réticente face à ce qui dépassait certaines limites rationnelles, aussi je préférai ne pas lui parler de mon expérience vécue avec Merlin et Fernand sur le monogramme de la Vierge.

Elle savait qu'en Bretagne encore plus qu'ailleurs en France, les saints ont remplacé des divinités locales et que les caractéristiques de leur vie ou de leur mort permettent de substituer au culte païen une dévotion et des rites plus chrétiens. La plupart des lieux de culte anciens sont associés à une fontaine ou un puits, Tréhorenteuc n'échappe pas à la règle, la fontaine locale dite de Sainte Onenne attirait autrefois de nombreux pèlerins.

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L'église était primitivement dédiée à Saint Eutrope, mais il avait été remplacé par Sainte Onenne.

Il a pourtant une chapelle dédiée dans l'église, la chapelle latérale sud aussi appelée chapelle du Saint-Sacrement. Le fond de cette minuscule chapelle est couvert d'une mosaïque rouge, le rouge évoquant l'amour (ou caritas chrétienne mal traduite par charité). La grille fermant cet espace est particulièrement travaillée, on y voit des esses sur les côtés, des triskèles en partie supérieure et les deux vantaux latéraux sont ornés de poissons entrecroisés, cinq entiers et la moitié caudale d'un autre sur les côtés en partie inférieure (comme dans le zodiaque inversé du baptistère que nous avions vu lors de la visite faite avec Clarance).

Cette chapelle pourrait tout aussi bien s'appeler chapelle du Graal. En effet l
a filiation entre Graal en tant que symbole du calice contenant le sang du Christ et le Saint-Sacrement assimilé à l'Eucharistie est évidente. Le nom moderne de la fête est d'ailleurs parlant, c'est la "Fête du Corps et du sang du Christ".


Le poisson est bien sûr le symbole du Christ chez les premiers chrétiens et leur signe de reconnaissance.
Ichtys (ou ichtus) en grec signifie poisson et c'est l'acrostiche du nom de Jésus.

Pour les celtes, le poisson est principalement le saumon, c'est un symbole de connaissance, de sagesse et parce qu'il remonte à la source, il symbolise aussi l'illumination et la résurrection.

Clarance ne connaissait pas la légende irlandaise selon laquelle un héros en quête de sagesse apprend qu'il faut boire aussi bien à la source, Fontaine de Sagesse et lieu de vie de cinq saumons, qu'aux cinq courants qui représentent les cinq sens humains. Ceux qui accèdent à la Connaissance boivent à tous.
- Cette fontaine, remarqua Clarance, se présente comme un mandala ou modèle de représentation synthétique, et comme un lieu d'accès à l'Autre monde par la connaissance.

J'étais contente qu'elle parvienne aussi bien à synthétiser ces éléments. A sa demande, j'enchaînai sur Saint Eutrope.

C'est un saint pour le moins mystérieux, son tombeau a été retrouvé quelques siècles après sa mort, authentifié par la trace du coup de hache qui lui avait fendu le crâne et un songe où il apparut pour confirmer son martyr! Sa vie appartient à la légende et se présente sous différentes versions.

L'une d'elle en fait le "treizième apôtre" arrivé en Gaule en même temps que des chrétiens, dont
Joseph d'Arimathie le porteur du Graal, il accostera avec Marthe et Marie-Madeleine aux Saintes-Maries-de-la-Mer. On peut donc dire que dans ce cas il a vu le Graal, ou du moins il sait ce qu'il en est étant un témoin très proche.
Une autre version en fait un disciple de Saint Denis au III° siècle, il aurait été le premier évêque de Saintes, là où a été retrouvé son sarcophage (la ville est au sud de la Rochelle et c'est une étape du Chemin de Compostelle). Furieux qu'il ait converti sa fille, le gouverneur de la région ordonna qu'on lui fende le crâne avec une cognée. C'était une époque violente, mais héroïque, son maître Saint Denis mourut décapité et porta sa tête en marchant avant de s'écrouler...

Saint Eutrope est invoqué pour soulager les migraines et les maux de têtes (ce qui selon l'expression populaire "casse la tête"!), mais aussi l'hydropisie (ou mal de Saint Eutrope) qui est un nom ancien pour les oedèmes, que ce soient ceux qui donnent un gros ventre, (c'était à l'époque principalement dû à l'alcoolisme) ou ceux qui font gonfler les articulations (et sont alors associés à des rhumatismes).
En Bretagne, on prend l'eau de la fontaine qui lui est dédiée pour mouiller l'endroit atteint et ainsi se soulager. Ailleurs en France, Saint Eutrope est aussi fréquemment associé à des fontaines.
D'après les Questeurs de Brocéliande, il existait un lien entre le culte des têtes et les fontaines.

- Oui, confirma Clarance, je connais les légendes de nombreux saints qui lavent leur tête coupée à la fontaine ou bien une fontaine surgit là où ils l'ont déposée. C'est peut-être le reflet d'un ancien culte des têtes que le christianisme a récupéré à défaut de pouvoir le faire disparaître.

''Mais selon la légende, Saint Eutrope a eu le crâne fendu. Comment ne pas penser au fameux "coup de merlin" bien connu en Bretagne et dont nous a parlé Fernand. Le Mel Beniged était une pierre polie ou une hache néolithique utilisée dans une chapelle selon un rituel christianisé -pose de la hache sur le crâne et accompagnement par des prières- pour libérer les mourants. C'était une pratique attestée en Morbihan au XIX°.

- Les Questeurs disent que Merlin peut être associé au dieu gaulois Sucellos dont le maillet tue ou ressuscite. On pourrait dire qu'il fait passer dans l'Autre monde ou donne une nouvelle naissance, autrement dit une prise de conscience ou même une initiation. La valeur du sommet de la tête s'intègre dans une conception traditionnelle du corps qui voit dans la fontanelle (espace entre les sutures du crâne qui se referme dans les premiers mois de vie), la porte du ciel ou porte de l'âme, franchie au moment de la mort.
''Elle est aussi appelé la
"porte étroite" ou dixième porte, elle met en correspondance la conscience humaine et le cosmos (en tant que conscience cosmique), c'est l'ouverture vers l'Autre monde au sens symbolique ou l'Au-delà après la mort.
''Et dans les légendes celtiques, le
symbole du saumon est parfois associé à une tête coupée, dans une même référence à la connaissance, science sacrée.

 

 

Clarance résuma:

-Saint Eutrope est donc un saint bénéficiaire d'un culte des têtes puisqu'il a eu le crâne fendu comme par un coup de merlin, associé à une fontaine et à la fête de Beltaine. Cela aurait pu effectivement lui permettre de s'implanter dans ce village du Morbihan, mais en fait la greffe de l'évêque de Saintonges n'a pas bien pris et c'est Sainte Onenne qui l'a emporté. La fontaine locale lui est dédiée, l'église porte son nom et c'est sûrement la seule en France, car ce n'est pas non plus une sainte très "catholique"! Tu connais son histoire officielle?

- Dans les grandes lignes, mais j'aime bien quand tu racontes, je t'écoute.

- Son nom est d'origine celtique, Onn(Gw)enn : Onn signifie frêne, Gwenn signifie blanc, brillant. Ce nom pourrait aussi être associé à l'eau: en Indo-Européen -onna- ou -anna- désigne l'eau qui coule, eaux vives, eaux courantes, rivières. Née vers la fin du VI° siècle, elle serait la dernière d'une fratrie de 22 enfants, fille du roi Judhaël et soeur du roi de Domnonée, Judicaël. Pour le reste, les épisodes de sa vie sont mis en scène dans l'église. J'aime tout particulièrement sa bénédiction par Saint Elocan! Eloquent n'est-ce pas? Onenne était accompagné par des oies comme tu le sais.
Et l'oie est l'oiseau qui nous invite à parler une autre langue, la langue des oiseaux. C'était parfois un "jargon" d'initiés, (le jars étant le mâle de l'oie) qui portaient la patte d'oie de tissu rouge, tels certains constructeurs de cathédrale du Moyen-âge. Le mot peut s'associer à l'ouïe et c'est une invitation à entendre autre chose, pour favoriser "l'entendement".

Elle fit une pause et je ne dis rien, elle en connaissait manifestement plus que ce qu'elle disait lors de ses animations de groupe et je comprenais mieux l'accueil qu'elle avait réservé à Fernand... Elle reprit sur un ton léger:

- Bien sûr, en tant que chrétienne, Onenne était un exemple de jeune fille qui ayant renoncé à sa vie de princesse recherchait la pauvreté et a su par dévotion à la Vierge rester pure (elle est morte à 26 ans). Passons à autre chose. Au dessus de la porte ouest de l'église, près des fonts baptismaux, as-tu remarqué l'inscription?

- "Enfant souviens-toi si ce monde est à toi l'autre monde est à Dieu", récitai-je. C'est éclairé par le vitrail de l'enterrement de Sainte Onenne qui évoque l'entrée dans l'Autre Monde de l'âme. Avec le fameux zodiaque inversé juste dessous.
- Queue de poisson et tête de bélier.

Je lui posai la question des Questeurs:
- Et quel est le signe du zodiaque qui comporte une queue de poisson et une tête à cornes?
- Le Capricorne, répondit-elle avec un petit sourire, signe du Capricorne qui selon la tradition est une des portes du cycle zodiacal du soleil, celle du solstice d'hiver, l
a Porte des dieux. Et comme nous l'avons vu, l'autre porte, celle du solstice d'été, dans le signe du Cancer était la Porte des hommes.
- Oui et cela confirme l'interprétation de l'entrée dans l'Autre Monde qui pour l'homme profane a lieu lors de sa mort (par la porte des hommes symbolisée par le Cancer). Mais pour le chercheur initié, c'est la Porte des dieux.
- Que veux-tu dire par initié?
- Selon les Questeurs, c'est l'être qui travaille sur lui-même afin de se mettre à l'écoute de sa sagesse intérieure jusqu'à ce qu'il entre en relation avec une dimension spatio-temporelle différente qui selon son niveau d'évolution spirituelle élève ses facultés pour une compréhension directe de la vie. C'est l'étape fondamentale du "connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux" de la Sagesse grecque puis universelle.
L'initiation permet d'installer un lien conscient entre la conscience humaine "intellectuelle" et la conscience supérieure dans ses différents niveaux "spirituels".
- Les anciens, ajouta Clarance, disaient que par la "Porte des dieux", l'âme retourne au divin. Et si l'on comprend ce que tu viens de dire à propos de l'initié, comme l'a écrit l'abbé Gillard, alors effectivement la "Porte est en dedans". Mais le zodiaque en lui-même qui fascinait tant l'abbé, qu'en disent tes Questeurs?

Du zodiaque au chemin de croix

Je sentis une légère ironie dans ses propos, mais je passais outre, le sujet était trop fascinant. Je répondis:

- Effectivement, pour l'abbé Gillard, le Zodiaque était un élément symbolique très important. Il avait fait des études classiques et à l'époque on étudiait encore les anciens auteurs latins ou grecs qui en exploitaient la tradition. Dans toutes les civilisations antiques et en Europe au Moyen-âge ou à la Renaissance, le zodiaque était une figure centrale de la transmission du savoir. Il figurait au porche ou même en médaillons intérieurs dans les églises et cathédrales. La médecine établissait des correspondances entre les constellations, les planètes - le cosmos en tant que Macrocosme - et les organes de l'homme considéré traditionnellement comme Microcosme.

- Oui, je me souviens, ajouta Clarance, et le Zodiaque était aussi un support de connaissance et de mémoire. Giordano Bruno lui-même, condamné au bûcher par l'Eglise pour avoir soutenu les idées de Copernic sur l'héliocentrisme qui remettaient en question la position centrale de la Terre (géocentrisme), élabora un "art de mémoire", à partir du Zodiaque et des constellations. Il l'avait conçu comme un système encyclopédique en accord avec l'ordre cosmique.

J'étais contente de partager sa culture et enthousiaste, je repris:

- Au Moyen-âge, l'église utilisait aussi le zodiaque, le plus souvent associé au Christ. Il y apparaît comme dominant le temps et l'espace à l'époque romane. Il en est le maître ou il assure une médiation entre les différents niveaux d'organisation aussi bien célestes que terrestres.
Et en tant que modèle universel, le zodiaque organisait aussi l'occupation du territoire dans la société traditionnelle pré-chrétienne si l'on en croit la disposition des lieux sacrés.

Elle eut une moue dubitative et dit:

- N'est-ce pas une interprétation? Ce qui est sûr, c'est que le zodiaque est utilisé dans de nombreuses sociétés et ce de façon très ancienne.
- C'est vrai, les premiers modèles de zodiaques connus datent de l'Antiquité, en particulier en Egypte.

- Comme le fabuleux Zodiaque de Dendérah, reprit Clarance, avec son symbolisme astral mêlé au mythe d'Isis et Osiris, les principaux dieux d'Egypte. Tu connais la légende bien sûr.

Je lui souris pour l'encourager à poursuivre, ce qu'elle fit sans se faire prier.

- Selon la légende, Osiris démembré en 14 morceaux (ou plus selon les versions) est réparti dans toute l'Egypte. Mais il est aussi le Nil et l'inondation recrée pour un temps son unité sur le territoire. De même que les fonctions du corps humain ont leurs correspondances avec les constellations, le sol d'Egypte par l'intermédiaire des "nomes", systèmes d'organisation administrative, est donc organisé à l'image du ciel. Par ailleurs une correspondance étroite entre les épisodes de la mort et résurrection d'Osiris était établie avec la configuration du ciel à différentes périodes de l'année.

- C'est tout à fait ça, dis-je, pour les égyptiens dans l'Antiquité, Osiris était l'Homme cosmique assimilé au zodiaque et ce zodiaque était projeté sur le sol égyptien en tant que modèle d'harmonisation du territoire avec le cosmos.

- D'accord, c'est ce que tu évoquais, dit Clarance, et en effet, les égyptiens dénombraient 14 constellations, celle de la Cuisse (la Grande Ourse) et du Dragon complétaient les 12 constellations de nos zodiaques classiques.
- Oui, de même, dans de nombreuses sociétés traditionnelles, il existait une organisation spatiale intégrant le zodiaque dans le paysage telle une géographie sacrée en harmonie avec le ciel, les astres et les constellations. C'est vrai que c'est une interprétation particulière, mais qui se rattache à un modèle très ancien: de nombreux territoires en France possèdent une histoire de zodiaque implanté sur leur sol. Nancy, Rennes-le-Château, le Verdon...
''Ce concept peut sembler étrange à nos mentalités modernes, mais c'était une nécessité rituelle pour l'homme d'autrefois. Ce concept l'aidait à s'installer sur une nouvelle terre dans des conditions souvent difficiles : périodes glaciaires, concurrence avec des animaux dangereux, dépendance étroite des conditions climatiques pour la survie, et jusqu'au XIX° siècle, les menaces de famine était une réalité pour tous. L'homme avait un besoin vital de se sentir en harmonie avec ce qu'il comprenait des lois du monde représentées par des dieux qu'il fallait se concilier.

- OK, vu comme ça, je comprends mieux, dit Clarance. Mais pourquoi ce modèle du zodiaque a-t-il été abandonné par l'église?

- Ce n'est pas la façon dont les Questeurs envisagent les choses, c'est peut-être plus lié à un changement de façon de penser qu'à un choix délibéré. L'évolution des connaissances, en particulier scientifiques, fait évoluer la notion même du temps. On passe de la conception d'un temps cyclique avec une périodicité reproduisant les mêmes faits, à la conception d'un temps linéaire qui a un début, une fin et permet d'écrire une histoire sur une longue durée.

- C'est vrai, ajouta Clarance, le zodiaque symbolisait l'éternel retour des tâches quotidiennes et des événements astronomiques, donc des dieux qui leur étaient associés. Avec l'église, c'est la vie du Christ qui est importante. Il est d'abord cosmique comme Osiris dans la mythologie égyptienne, c'est le Christ Pantocrator qui règne sur le Monde et figure au centre du zodiaque roman. Puis il est mythique, c'est Jésus-Christ, le guide à suivre pour le salut de l'âme et la vie éternelle. Et enfin il est devenu un personnage historique dans notre époque obsédée par la preuve matérielle de la vie ou des restes d'un homme, Jésus. Et donc où se situe le chemin de Croix dans cette histoire?

C'était effectivement une bonne question, je dis prudemment:

- Il faudrait s'intéresser à l'élaboration de ces monuments de la foi et à leur contexte historique.

- Pour ce que j'en sais, affirma Clarance, c'est surtout à partir du XIX° siècle que se sont développés les chemins de croix dans les églises. Mais pour leur représentation, la "tradition" régionale a longtemps prévalu malgré les efforts des papes d'imposer les coutumes romaines. Le nombre des stations était d'ailleurs variable jusqu'à la fin du XIX° siècle puis la norme romaine de 14 stations s'est répandue, parfois une 15° est ajoutée. Est-ce que ce chemin est inspiré de l'histoire d'Osiris? Mais comment concilier un événement de la vie d'un homme-dieu qui s'est déroulé sur un temps si court et la vie d'Osiris répondant aux cycles du temps et des astres...

Elle resta rêveuse, puis elle s'anima pour me dire:

- Nous avons assez parlé pour l'instant, si nous mangions un peu avant de faire une petite visite privée à la Chapelle du Graal.

Nous étions tout près, la soirée ne faisait que commencer et j'étais loin d'avoir découvert toutes les richesses de ce sanctuaire! J'acceptai donc avec le même enthousiasme. Après un en-cas rapide, je pris mes notes et les fascicules des Questeurs et je suivis Clarance jusqu'à l'église. Elle avait la clé de la porte extérieure, mais pas celle de la sacristie où l'abbé Gillard avait fait mettre le vitrail d'un superbe zodiaque ainsi difficilement accessible, probablement pour ne pas heurter davantage les autorités ecclésiastiques qui n'en voulaient plus dans leurs lieux de culte.

Visite de la chapelle du Graal

Avec la lumière, les proportions et donc les perceptions changeaient, j'eus l'impression de redécouvrir cette petite église. Clarance était aussi différente, comme apaisée, elle parlait à voix basse et marchait doucement. Elle me demanda:

- Par quoi veux-tu que nous commençions?

- Par le Graal, si tu le veux bien.

Elle se mit à rire et dit:

- Il n'est pas ici, tu penses bien! Mais soyons sérieuses, seuls les ignorants et certains enfants croient encore qu'il s'agit d'un objet. Voyons comment notre bon abbé Gillard l'a mis en scène. Le Graal est évoqué dans les vitraux du choeur et les tableaux arthuriens de la nef.

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Et elle me conduisit vers le vitrail de l'Action de Grâces. Jésus auréolé d'un cercle divisé par une croix rouge, préside la table de la Cène, entouré de ses onze apôtres. Un siège est vacant au premier plan. Le Graal est posé au centre de la table vide qui forme un carré de quatre. Clarance dit:
- Ici, le Graal est un calice vert, il a été taillé dans une émeraude selon la légende. Dieu auréolé d'un cercle divisé en trois, (donc en Y) bénit la scène au sommet et une colombe (symbole du Saint-Esprit) s'envole. Des rayons émanent de Dieu et se dirigent vers les convives de la Cène. Remarque les triskèles aux coins inférieurs.

Elle se déplaça jusqu'au suivant:

- Ici, nous avons le vitrail de l'Apparition du Saint Graal. C'est la table du Roi Arthur, il est entouré de dix chevaliers, la table est servie en pain et en vin. Deux anges portent le Graal au-dessus des convives qui le regardent. Le Christ en croix rayonne au sommet et un flot rouge se déverse de son côté droit dans le Graal qui rayonne aussi mais plus discrètement. En périphérie, on retrouve sensiblement les mêmes motifs que sur celui de l'Action de Grâces, sauf au sommet où l'on voit une croix celtique verte.

Elle contourna l'autel pour se mettre face au grand vitrail du choeur, celui du Saint-Graal. Juste en dessous, je vis l'inscription "Jésus le Seigneur dieu maître de tout" peinte sur une banderole dont les deux extrémités étaient enroulées comme un parchemin, mais en forme de roses rouges. Elle me proposa de lire le riche décor de ce vitrail du Graal de bas en haut et de gauche à droite.

- Au premier niveau, tu vois l'écusson divisé en cinq parties parsemées d'hermines évoquant les cinq départements bretons. A côté un lièvre debout qui place sa patte comme pour transmettre un secret: est-ce l'illustration de l'expression "lever un lièvre"? Face à ce lièvre, on voit un autre léporidé de trois couleurs (roux, rouge, brun). De façon générale, le lapin est un animal lunaire (d'où les trois couleurs pour les trois phases?). Pour les alchimistes, il représente la materia prima. Le lièvre en particulier est le guide de la quête spirituelle de l'apprenti sous la terre, c'est-à-dire dans son inconscient.

Au milieu des deux personnages évoquant les donateurs, on distingue le tronc d'un chêne qui va s'étendre dans tout le vitrail sous forme de bouquets de feuilles et de glands. Le chêne est bien sûr l'arbre druidique par excellence, arbre du monde et de connaissance. Il assure la communication entre le ciel et la terre. Près du centre, une oie rouge picore. L'oie est un symbole solaire et de l'illumination par l'esprit. Le rouge est symbole de Vie et d'amour. Pour l'Eglise, c'est la couleur de l'Esprit; en alchimie, l'oeuvre au rouge est l'aboutissement du Grand Oeuvre, l'entière réalisation de l'Homme. C'est la couleur de la Connaissance ésotérique.

Dressé au-dessus de l'oie, s'élève un chardon qui est pour l'Eglise un symbole de la douleur du Christ et de la Vierge. En alchimie, le chardon symbolise le gardien de la Rosée, produite par l'Arbre de Vie (représenté ici par le chêne), qu'il garde entre ses feuilles. A l'extrémité droite, un phénix rouge aux serres et au bec bleus étend ses ailes sur un fond de flammes. Il symbolise la résurrection et l'immortalité de l'âme.

Au second niveau, le Lion évoque Saint Marc, au milieu les donateurs sont agenouillés devant une colombe comme celle du Saint-Esprit. A droite le Taureau représente Saint Luc.

Au troisième niveau, on voit de façon symétrique des branches de chêne et des colombes. Au centre, Joseph d'Arimathie est agenouillé devant le Christ auréolé d'un cercle divisé par une croix celtique, ils sont sur un damier aux carrés ornés de motifs géométriques. Grâce au Graal selon Robert de Boron, Joseph d'Arimathie s'est maintenu en vie quarante ans en prison avant de venir en Europe. Lui aussi s'est « nourri » concrètement du Graal afin d'accomplir sa vie.

Au quatrième niveau, l'Aigle représente Saint Jean, un écusson porte la croix de l'Ordre du Saint Sépulcre, croix "potencée, cantonnée de quatre croisettes". Les cinq croix au total évoquent les cinq plaies du Christ. Le Graal rayonne à hauteur de la tête du Christ au-dessus de la tête de Joseph d'Arimathie. L'ange à droite représente Saint Mathieu.

- Je vois, dis-je, les quatre évangélistes sont au complet autour du Christ, l'aigle c'est Saint Jean; l'ange, Mathieu; le lion, Saint Marc; le taureau, Saint Luc. Ils se tiennent aux quatre points cardinaux et aux changements des quatre saisons. Ils constituent le Tétramorphe et c'est une vision traditionnellement liée au Zodiaque.

Clarance se contenta de sourire et pointa son doigt vers le haut.
- Regarde, au-dessus du Graal à droite, se tient un écureuil. Comment ne pas penser à l'écureuil de l'arbre du monde nordique qui assure traditionnellement la communication entre le haut céleste et le bas, la terre où s'enfoncent les racines.

 

- Connais-tu, demandai-je, l'importance de la Croix de l'Ordre du Saint Sépulcre pour l'abbé Gillard?

- C'est vrai, répondit-elle, qu'on la trouve non seulement dans le grand vitrail du Graal, mais aussi sur le sol en dessous du vitrail de l'Action de Grâces et peut-être ailleurs, mais le carrelage est détérioré. Manifestement l'abbé tenait à se relier à l'Ordre de chevalerie du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Qu'en disent les Questeurs?

Je sortis mes notes et lui dis:

- Selon eux, il faut reprendre l'histoire en amont. Le Saint Sépulcre, appelé parfois à tort le Tombeau du Christ, à Jérusalem est la grotte où le corps de Jésus fut déposé après la descente de la croix et avant la Résurrection, fait qui explique la disparition du corps et fonde la religion chrétienne.
C'est là où Joseph d'Arimathie avait préparé son futur tombeau. L'empereur Constantin aidé par sa mère Hélène "découvrit" ce lieu saint. Ils y firent détruire le temple de Vénus implanté par les romains et construire le Saint Sépulcre.

- Constantin, remarqua Clarance, c'est lui dont le nom reste accolé au Labarum ou Chrisme autrement appelé Monogramme du Christ.

- Tout à fait, mais en fait le Chrisme était un symbole bénéfique beaucoup plus ancien.

- Encore une récupération chrétienne d'une croyance païenne, reprit Clarance, il aurait vu ce symbole dans le ciel, assorti d'une promesse de victoire et cela me rappelle le Graal..., mais revenons à la Croix de l'abbé. Tu disais?

- Lors de la première croisade, après la prise de Jérusalem, Godefroy de Bouillon refuse la couronne de Roi de Jérusalem pour créer l’ordre du Saint-Sépulcre en 1099, premier ordre religieux de CHEVALERIE. C'est vingt ans environ avant que ne soit créé l'ordre du Temple, ordre militaire avec une dimension religieuse. L'ordre du Saint Sépulcre devient propriétaire ou gardien de nombreux lieux saints en Terre sainte et essaime en Europe.
Mais après la
perte de Saint Jean d'Acre (1291), c'est la fin du royaume franc d'Orient et la fin de l'épopée des croisades qui a duré presque deux siècles.

- Eh oui, dit Clarance, les Templiers doivent rentrer en Europe, leur mission principale de défense des accès aux lieux saints n'a plus lieu d'être et c'est ce tournant de leur histoire qui les conduira à leur perte.

- C'est probable, dis-je, à l'époque l'Ordre du Sépulcre se replie aussi en France, mais les franciscains prennent la relève en tant que seuls gardiens encore tolérés des lieux saints. Au XIV° siècle la chevalerie se développe, aussi ils poursuivent la mission de l'Ordre quant à la Chevalerie et procèdent à l'adoubement de chevalier pour les nobles pèlerins. Leur référence n'est pas la chevalerie militaire, mais un idéal de chevalerie. Et c'est dans cet esprit que sera créé au XIX° siècle l'ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, pour perpétuer cette référence aux lieux saints et poursuivre l'adoubement de chevaliers.

- D'accord, s'exclama Clarance avec un grand geste des bras désignant tout l'espace, dans la chapelle du Graal de Tréhorenteuc, cette croix prend valeur d'attachement à une chevalerie "célestielle" dans la droite ligne des romans arthuriens du cycle du Graal.

- Justement, tu devais me parler des tableaux arthuriens de l'abbé Gillard réalisés par son peintre allemand.

- Commençons par La Table Ronde et le Graal. Ici, chevaliers et têtes couronnées sont assis autour de la Table Ronde présidée par le Roi Arthur, les mets sont copieux et le Graal rayonne au milieu de la table, porté par deux anges, tel un plat distribuant à chacun la nourriture qu'il désire en abondance. C'est une des fonctions traditionnelles du Graal celtique qui le rapproche du chaudron mythique pourvoyeur de nourriture. Dans ce cas, c'est à une autre forme de nourriture qu'il faut penser, non plus terrestre, mais divine.

Elle passa au tableau suivant.

- Celui-ci est Le Val sans Retour. Les chevaliers sont prisonniers des sortilèges suggérés au-delà d'une barrière de feu. En arrière-plan on y voit les dragons rouge et blanc qui s'affrontent sous la forteresse de Vortigen, c'est le premier épisode des aventures de Merlin alors enfant. Un géant avec sa massue combat un chevalier de la quête arthurienne du Graal. Dans le Val sans retour, infidèles à leur amour de la Dame et donc leur idéal selon les règles de la chevalerie, les chevaliers ont tout oublié. Ils profitent des plaisirs concoctés par Morgane qui figure en robe rouge au premier plan et fait face à Lancelot. Le chevalier fidèle à son amour pour la Reine va vaincre les sortilèges et ainsi libérer ses compagnons. La table est bien garnie et les coupes se remplissent de boissons alcoolisées. On est dans le domaine de l'illusion, le faux graal sous son aspect de plaisirs d'une vie matérialiste. Mais on voit l'église de Tréhorenteuc à proximité du Val.

- Ouf, le salut n'est pas loin!

Toute à son rôle de guide, Clarance poursuivit la visite.

- Voici la Fontaine de Barenton. Le tableau se présente en quatre parties séparées par des formes courbes dessinant une coupe évoquant le Graal. Les quatre coins sont marqués de triskèles, le fameux symbole solaire celtique. De chaque côté de la forme du vase, les scènes sont dans des tons passés. A gauche de la coupe, on voit Eon de l'Etoile, personnage local du XII° siècle, moine hérétique devenu une légende et plus ou moins associé au personnage de Merlin (il est considéré parfois comme le dernier druide ou du moins leur héritier). Il est somptueusement vêtu d'une chasuble sacerdotale et porte une épée comme un chevalier. Il se tient debout près de la table où sont étalés ses trésors d'or et de victuailles. L'église de son monastère est en arrière-plan surmontée d'une étoile.
Eon remettait en cause l'église et ses abus, il dérobait aux puissants pour distribuer aux pauvres, mais il était aussi maître de l'illusion, il invitait parfois pour des repas somptueux, pourtant les convives avaient faim dès leur départ, ils n'avaient rien mangé! Il a deux étoiles dans la main gauc
he et une au-dessus de la tête. Ce personnage mystérieux était d'origine noble, son blason comportait trois étoiles.

Mais avant tout, il utilisait ses dons pour propager ses idées. Assimilé à un prophète par ses disciples, l'église finit par s'émouvoir de son succès (en Bretagne et jusqu'en Gascogne) craignant une nouvelle hérésie.
Il se dit "fils de Dieu", juge des vivants et des morts et maître du monde, faut-il entendre mètre, c'est-à-dire mesure du monde par rapport aux normes cosmiques - la vieille Loi-? En effet, interrogé sur son bâton fourchu en Y, il répondit que ses deux pointes vers le ciel signifiaient que Dieu, maître des deux tiers du monde lui laissait le tiers. Tourné vers le bas, c'était lui qui disposait des deux tiers. Cela se référait à sa doctrine et aux pouvoirs temporel, spirituel et céleste revendiqués par l'Eglise.

- Comment ne pas penser à l'inscription de l'abbé Gillard dans le baptistère: "souviens-toi si ce monde est à toi l'autre monde est à Dieu"?

Clarance était emportée par son talent d'orateur, elle enchaîna:
- Considéré comme fou par le tribunal ecclésiastique qui le juge, il échappe au bûcher mais il meurt rapidement en prison. Ces étoiles dans la main d'Eon représentent une autre richesse que celle des bijoux et de l'or qu'il brandit. Richesse spirituelle d'une ancienne tradition celtique et gnostique bien implantée localement et dont le Graal est le trésor symbolique transmis pour notre époque.
Regarde maintenant à droite de la coupe, Merlin jeune (d'une éternelle jeunesse?) alangui au pied d'un arbre regarde Viviane telle une apparition qui l'enchante. Une étoile brille au-dessus d'elle, elle est la Fée inséparable de Merlin, son "autre" face à lui et elle le garde dans un amour sans fin. Une écharpe transparente serpente sur son bras.

A la base de la coupe, Ponthus combat un cavalier pour l'amour de la belle Sidoine dont il est séparé par la jalousie d'un rival malgré leur amour réciproque. Les couleurs sont grises sans paysage précis, on est là dans le passé d'un chevalier donné en modèle.
L'histoire d
e Ponthus et Sidoine est une adaptation au XV° siècle d'un poème anglo-normand de Horn écrit à la fin du XII° siècle. Ponthus, fils de roi de Galice, est en exil après avoir été victime des sarrasins. A la cour du Roi de Bretagne il se fait honorablement remarquer et la fille du roi, Sidoine est séduite. Mais victime d'un rival, Ponthus va affronter de longues épreuves qui séparent les amoureux. Ponthus exprime en actes un idéal de chevalier au service de la dame de ses pensées, il se construit en se confrontant aux épreuves qui lui sont imposées sans jamais se dérober. Son destin bascule à plusieurs reprises de façon dramatique (la roue du destin), mais il reconquiert amour et pouvoir au terme d'aventures épiques.
Enfin, au sommet, dans la coupe même, l'univers de la clairière de la fontaine de Barenton est représenté avec des couleurs vives et une perspective qui rendent la scène très vivante. Le chevalier Yvain qui connaît les prédictions associées à ce lieu, brandit le gobelet ou bassin d'or attaché par une chaîne au-dessus du perron de la fontaine pour y renverser l'eau. Ce geste va déclencher une tempête et faire basculer Yvain dans l'Autre monde, monde féerique où il fait beau, de nombreux oiseaux chantent... Mais l
e chevalier gardien de la "merveille" -c'est-à-dire selon le langage de l'époque, qui procure crainte et fascination- vient chasser Yvain qui le combat jusqu'à la mort. Yvain rencontre alors sa femme devenue veuve par sa faute, la fée Laudine et l'épouse. Au terme d'un éloignement imposé, il retrouve Laudine et garde à son tour la fontaine...
Profitant d'un répit, j'ajoutai:

- Selon les Questeurs, dans la littérature du Moyen Age, Yvain présente des éléments d'anciens mythes de la végétation: le jeune dieu doit remplacer le vieux dieu de la nature auprès de la puissante déesse de la Terre. Il personnifie le renouveau du printemps qui règne sur la terre.

- En tout cas, reprit Clarance, Yvain est le chevalier qui passe dans l'Autre monde à Barenton, ce lieu magique où se côtoient les contraires, merveilleux et périlleux et lui est capable de passer d'un monde à l'autre. Il accède à la Connaissance de l'Autre monde et à l'issue des épreuves, il devient le gardien de son seuil magique, la fontaine et son perron ou passage périlleux. Son amour pour Laudine est un élément important de cet univers et de ce voyage à double sens, ce qui est aussi le cas de Merlin représenté à droite du tableau.

- Yvain et Laudine, Merlin et Viviane, murmurai-je.

Clarance était en pleine forme, elle me proposa:

- Continuons dans l'univers des légendes et passons à la mosaïque du Cerf blanc aux quatre lions. C'est rare dans une église, un tel décor de mosaïque qui s'étend sur toute la partie haute à l'ouest de la nef. Il date de 1955, il a été réalisé par Jean Delpech sur commande de l'abbé Gillard. Cette scène évoque la vision de Galaad, fils de Lancelot et chevalier au coeur pur qui au cours de la quête du Graal, dans la forêt Gaste, rencontre cette "merveille". Avec ses deux compagnons, ils suivent le cerf et les lions dans une chapelle où un vieux prêtre commence une messe, ils découvrent que le Cerf est le Christ et les lions sont les quatre évangélistes.

- Ainsi, dis-je, on retrouve sous une autre forme le Christ au centre du Tétramorphe qui est un condensé du Zodiaque.

- Tout à fait, confirma Clarance, dans le roman de Lancelot, cette scène est annoncée par Lancelot qui aperçoit aussi le cerf, une prédiction lui révèle ensuite que seul son fils connaîtra le sens de cette apparition. Les Questeurs ont parlé du symbolisme du Cerf blanc?

Je cherchai aussitôt dans mes documents et je lui lus ce qui s'y rapportait:

- Effectivement, le cerf blanc apparaît à plusieurs reprises dans les récits de la Table Ronde. Il est le prélude à des aventures auxquelles sont confrontés les chevaliers, il représente la quête du dieu mystérieux, caché sous des apparences animales, le Christ. De même, dans les mythes celtes, il est le messager de l'Autre monde qui fait basculer le destin de ceux qui le rencontrent. Il est aussi un animal psychopompe: il conduit les âmes vers leur dernière demeure.

________________________________________________________________________________

Le cerf est en rapport avec l'ouest, le coucher (ou mort) du soleil, le pays des morts et l'automne. Il est en effet associé à la mort et à la résurrection du fait de ses changements cycliques de ramure. Pour les celtes, c'est un animal solaire, dont les transformations symbolisent les saisons. Il est au maximum de son développement et de ses capacités reproductives en automne, avec des bois triomphants alors que la terre se dépouille de sa végétation qui doit mourir avant de renaître.

Il était représenté dans la constellation du Cerf regroupant l'ensemble de la Balance et du Scorpion actuel et le soleil entrait dans ce Signe lors de la fête de Samain, grande fête celtique de fin-début d'année.

Les traditions celtes en rapport avec le cerf sont riches, surtout autour du dieu Cernunnos: le Cornu arborant des bois de cerf, le chaudron de résurrection. Arthur lors du rituel de Beltaine assume le rôle du dieu-cerf qui épouse rituellement la déesse (rôle tenu par Morgane sa demi-soeur). Merlin lui-même apparaît parfois monté sur un cerf ou se transforme en cerf.

En alchimie, le cerf blanc désigne le premier mercure de l'oeuvre au blanc, le servus fugitivus (esclave fugitif) par analogie avec le cervus fugitivus (cerf fugitif).
C'est le mental ou âme psychique des anciens qui menace toujours de s'échapper, de nous entraîner dans les aventures de l'inconscient et surtout qui résiste à l'intégration dans la conscience.
- Passionnant, et pour les lions? demanda Clarance.

- Attends, je viens de le voir... Le lion est un symbole de courage et de noblesse, c'est aussi un symbole solaire et il est associé à la résurrection, on disait au Moyen-âge que les lionceaux naissaient morts et qu'ils étaient ramenés à la vie au troisième jour par leur père. En alchimie, le lion rouge est associé au Mercure philosophique qui représente le lien entre le monde de la matière et celui de l'âme prenant conscience du processus d'intégration sur son chemin vers le centre caché. Quant à cette mosaïque, les Questeurs de Brocéliande disent qu'il relie la quête du Graal christianisée et la quête païenne oubliée.

- Oui, dit Clarance, regardons plus attentivement: le cerf porte une croix d'or, il a une auréole tout comme les lions. Mais dans son auréole figure une croix et ses bois finissant en Y sont orientés pour suggérer la possibilité d'une figure à 8 branches. L'étoile au-dessus de sa tête comporte sept pointes. Au premier plan on distingue le perron de la fontaine de Barenton. L'eau prend une forme de croissant de lune. Les arbres représentent la clairière.

Nous avons vu dans un des tableaux arthuriens de l'église que le chevalier au lion, Yvain qui figure dans la partie "coupe-graal" du tableau, est le gardien de la Fontaine de Barenton. Le croissant de lune associé à l'eau est un symbole de la Déesse.

 

Dans mes documents, un passage évoquait la royauté et la chasse au cerf. Je le lus à Clarance:
- L'épisode chrétien de la chasse au cerf concernait Galaad, mais Chrétien de Troyes dans son premier roman Erec et Enide, qui est aussi un des premiers romans courtois, parle d'u
ne chasse au cerf tout à fait déterminante puisqu'elle est le préalable au choix du chevalier qui épousera la femme représentant la souveraineté du pays et la déesse, (il s'agit donc d'un mariage sacré ou hiérogamie), on y apprend aussi la façon dont le brave chevalier Yvain est devenu le chevalier au lion. Enfin, la « chasse au blanc cerf » y est clairement établi comme un rituel de royauté sacrée, le héros désigné avait droit au morceau royal, la hanche de cerf.
Selon les Questeurs de Brocéliande, cela avait un rapport avec le Graal. Dans le roman Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes, lors de l'apparition du Graal dans le château du Roi pêcheur, le premier mets servi est de la hanche de cerf au poivre. Perceval en ne participant pas au rituel qui se joue devant lui se dérobe en fait à cette hiérogamie qui n'a plus lieu d'être dans un contexte devenu chrétien. Il refuse de jouer le jeu selon les règles des anciens rites païens.
- Si je comprends bien, dit Clarance, le cerf blanc qui était considéré dans l'optique païenne comme le messager de l'autre monde (et de la déesse) désignant le roi aux yeux de tous est maintenant le Christ lui-même et c'est lui qui oriente les aventures des chevaliers chrétiens engagés dans la quête du Graal avec leur idéal de chevalerie célestielle.

On ne pouvait mieux résumer, je n'ajoutai rien. Soudain Clarance frissonna, elle dit:

- Finalement nous avons passé toute la soirée ici, il fait froid maintenant, il est temps de rentrer.

En quelques minutes nous étions chez elle bien au chaud avec une tasse d'infusion parfumée pour clore la soirée. Nous étions fatiguées après cette journée bien remplie et elle me montra rapidement la chambre d'amis. Je ne tardai pas à sombrer dans un sommeil animé de rêves où Merlin tenait le premier rôle.

Je fus heureuse de retrouver Clarance au petit déjeuner. Son compagnon était déjà parti se coucher à peine rentré de son travail. Nous avions peu de temps, mais elle me demanda:

- Je me pose une question, la latitude de 48° de Tréhorenteuc semblait importante pour l'abbé Gillard et nous savons que c'est celle de Chartres, nous avons parlé du rectangle solsticial qui détermine une géométrie particulière. Donnerait-il la mesure?
- Je me souviens que le premier sanctuaire de Chartres était dédiée à la Grande Déesse-mère puis à la Vierge noire. La coudée est localement déterminée par référence à la
"géométrie solaire", le rectangle solsticial étant subdivisé en coudées (avec un nombre rond pour faciliter les calculs, la coudée est la longueur d'environ un avant-bras). Ainsi on peut effectivement dire que le 48° parallèle détermine sa mesure.

- OK, dit Clarance, c'est vrai que pour nos ancêtres tout était en cohérence, les oeuvres de l'homme devaient se mettre en harmonie avec le cosmos et comme le rappelle Fernand, tout est relié par le Nombre, le poids et la mesure.

Me souvenant de mes notes, j'ajoutai:

- Les Questeurs ont dit: le Nombre définit l'harmonie et relie les proportions. La Mesure est en rapport avec les astres et en particulier le soleil. Et pour les anciens, le Poids lui-même était lié à la mesure par référence à une unité fonctionnelle: combien de grains de blé mesurant tant de longueur sont-ils nécessaires pour faire tel produit.
- Magnifique! s'exclama Clarance, notre défi actuel est de relier intellectuellement la connaissance mythique et traditionnelle à la pensée basée sur l'expérience et l'intuition des phénomènes naturels. Que l'esprit de Merlin nous guide sur le chemin de
la connaissance unifiée, seule à même de nous donner une représentation globale qui nous réconcilie avec le monde et notre place en son sein. Sur ce, je dois revenir à des occupations plus concrètes. J'ai un groupe à balader.

J'avais la même façon de voir les choses à ce stade, j'approuvai et filai rassembler mes affaires. Je fus prête en quelques minutes et je la quittai pour retourner au relais des Questeurs. En s'éloignant elle se retourna, me salua de la main et dit:

- La prochaine fois tu me parleras du chemin de croix. A bientôt.

Les heures suivantes passèrent très vite, partagées entre la plongée dans les documents et les discussions fructueuses avec Abdul afin d'approfondir les notions complexes que je découvrais.

Le chemin de croix, chemin de vie

Je voulus revoir le chemin de croix de l'église de Tréhorenteuc en fin d'après-midi et je fus agréablement surprise lorsque Clarance m'y rejoignit. Elle me dit:

- Je t'ai vu entrer juste au moment où les derniers participants de la journée partaient. Je ne te dérange pas?

- Pas du tout, mais je n'ai pas fini, ça va peut-être t'ennuyer?

- Je peux éventuellement t'aider et si tu veux bien partager...

- Volontiers, nous pourrions reprendre les éléments d'histoire qui nous permettront de mieux comprendre le message de l'abbé Gillard.

- C'est une bonne idée, répondit Clarance, ça commence au moment des croisades si je me souviens bien.

- A la fin, répondis-je, lorsqu'elles se soldent par un échec tel que seuls les franciscains sont autorisés par les vainqueurs turcs à rester. Ils gardent alors le Saint Sépulcre et la Via Dolorosa ou itinéraire de la Passion du Christ. Inspirés des traditions de l'Eglise Orthodoxe et de l'exemple de leur saint fondateur, Saint François, qui avait édifié la première crèche pour offrir une représentation propre à susciter la piété populaire, ils conçurent les étapes de la Passion du Christ pour les pèlerins empêchés de venir sur les lieux saints à Jérusalem. Le but était de se recueillir au souvenir des étapes de la Passion du Christ vécue pour la rédemption de tous, mais aussi de vivre un chemin spirituel chrétien sous une nouvelle forme toujours ancrée dans la tradition.

- Comme l'ont toujours fait les chrétiens, remarqua Clarance, champions du recyclage religieux! Et le temps de finaliser l'ensemble, il faudra attendre le début du XX° siècle pour que s'impose le modèle des chemins de croix visibles maintenant dans toutes les églises. Mais comment retrouver la tradition préalable sous cette histoire dramatique d'un Jésus mort sur la croix?

- Tu caricatures, lui dis-je en riant, il est ressuscité! Plus sérieusement, c'est l'abbé Gillard qui nous donne la clé! Il explique ainsi la démarche conduisant à la conception des étapes du chemin de croix: on part des douze nombres sacrés représentant des idées ou des qualités en rapport avec le système traditionnel du Zodiaque. Il était totalement intégré à la pratique de l'église avant la période moderne. Ces données selon un ordre précis, sont mises en rapport avec une scène de la Passion exprimant sous cette forme nouvelle les idées anciennes. Il déclare : "IL EN EST AINSI DE TOUS LES CHEMINS DE CROIX,... il importe que ce soit connu".

- OK, dit Clarance intriguée, le zodiaque de l'abbé Gillard nous donnerait la clé. Comment se fait-il que personne n'en parle?

- Je me suis posé la même question et avec l'aide d'un Questeur féru en histoire des religions, Abdul, nous avons cherché de quel enseignement il avait pu s'inspirer. Nous avons suivi la piste de l'église Gallicane, celle de l'ancienne église d'avant 1870, l'église des Gaules qui se référait aux anciens rites en particulier de l'Eglise Orthodoxe. Nous avons même trouvé la trace d'une Eglise celtique orthodoxe datant de la fin du XIX° siècle, dans le Morbihan même, qui se dit "héritière d'une antique Église celtique fondée par saint Joseph d'Arimathie".

- Je comprends, s'exclama Clarance, les croix du Saint Sépulcre du choeur de l'église de Tréhorenteuc en serait peut-être le signe? Et alors?

- Abdul m'a expliqué que douze croix étaient nécessaires lors de la consécration d'une église et cinq pour l'autel. Lors de cette cérémonie, l'église de la terre se joint alors à l'Eglise du ciel. 
Selon les orthodoxes toujours très attachés au symbolisme traditionnel, ces douze croix sont le symbole des douze portes de la Jérusalem céleste représentées aussi par douze pierres précieuses et en rapport avec les douze signes du zodiaque ou douze apôtres. LA CORRESPONDANCE ENTRE LES DOUZE APÔTRES ET LES DOUZE SIGNES ZODIACAUX EST UNE TRADITION CHRÉTIENNE MÉDIÉVALE PRÉSENTE DANS L'ART ROMAN.


- Finalement, dit Clarance, le travail de l'Abbé Gillard se rattache à une tradition chrétienne authentique, mais cette filiation s'est obscurcie au fil du temps dans l'église moderne qui néglige le symbolisme si riche des siècles précédents au profit d'une vision rationnelle historique.


- On ne saurait mieux le formuler, dis-je avec admiration. Or l'abbé Gillard enseignait une méthode de lecture visuelle basée sur la notion d'idéogrammes, tradition en vigueur dans l'église médiévale et en particulier dans l'art roman.
La représentation figurative n'est donc pas à entendre selon un sens littéral, elle exprime une ou des idées abstraites, comme une allégorie.


- Oui, confirma Clarance, ainsi par exemple le sang qui coule du flanc du Christ mort n'est pas du sang, il représente le flot abondant des mérites du Christ. Cette lecture est symbolique.
 En tant que guide, nous savons que ce cadre de référence est fondamental pour comprendre la démarche qui a présidé à la réalisation de chaque élément "décoratif" de la Chapelle du Graal. Mais la tradition a été abandonnée, on est passé du visuel au littéral. Autre temps, autre mode d'expression.

Je repris mes notes pour lui dire:

- En effet, cette représentation ou écriture idéographique supposait un mode de vision traditionnel. L'être humain était mis en état de réceptivité sensorielle afin qu'il accède au niveau de Connaissance autorisé par ses capacités présentes et ce par la compréhension symbolique directe. Le symbole permet différents niveaux de lecture selon l'évolution intérieure de la personne. Au contraire, notre vision moderne est basée sur le cartésianisme exclusif (l'homme accède au savoir par la raison). 
Pour en revenir à la CLÉ de l'abbé Gillard, le zodiaque est le recueil traditionnel occidental d'idéogrammes.

- Et la serrure serait son chemin de croix? dit Clarance avec une pointe d'ironie. Je demande à voir.

Je lui montrai alors le tableau des équivalences symboliques que nous avions établies en suivant les indications données par l'Abbé Gillard. Nous avions une grille de lecture du symbolisme du chemin de croix associant à ses stations les Nombres, des qualités ou vertus, des péchés, trois couleurs.

Correspondance Zodiaque-Gillard



Clarance le regarda attentivement et commenta:

- Espérance, Charité, Foi sont les trois Vertus théologales. Orgueil, Avarice, Luxure sont les trois principaux péchés capitaux. L'Orgueil est le premier d'où découlent les autres, c'est le péché du plus beau des anges, Lucifer, ce qui a entraîné sa chute. 
Mais comment concilier les douze signes et les quatorze stations...

Je l'interrompis:

- Abdul m'a expliqué: les chemins de croix ont 14 ou 15 stations, la dernière suggère alors la résurrection. Mais à partir de la XII°, sa vie terrestre se termine.

- D'accord, acquiesça Clarance, et comment retrouver les données traditionnelles sous la forme des scènes de la Passion? Plutôt que de les renouveler, elles y sont tellement enfouies qu'elles ont disparu!

Je souris, je ne savais plus si elle doutait, prête à rire de vaines recherches ou si au contraire, elle en savait plus qu'elle ne le disait et me poussait à en exposer le cheminement aussi ardu soit-il. Je repris:

- Selon la théologie orthodoxe, nous avons « douze croix, symbole des douze portes de la Jérusalem céleste, douze signes du zodiaque sanctifiés par les douze Apôtres, douze pierres précieuses."
 Nous avons cherché la liste des douze pierres précieuses correspondant au Zodiaque et c'était la bonne voie, la clé s'est mise à tourner dans la serrure! Sur le cercle de douze éléments du Zodiaque, un ensemble encyclopédique se déclinait, remontant à la tradition hébraïque d'où émergent les religions monothéistes.
 La source la plus détaillée en était le Sepher Yetsirah, Livre de la Formation ou de la Création dans lequel sont exposées les correspondances entre les lettres hébraïques, les directions dans l'espace, le zodiaque, les planètes, les organes du corps...

- Fabuleux! s'exclama Clarance. Le savoir encodé à partir d'un modèle structuré qui explique l'Univers! Et dans les tableaux mêmes, y-a-t-il une symbolique évocatrice?

Elle se déplaça aussitôt pour venir devant la I° station située du côté nord. Je répondis:

- D'après notre étude réalisée avec les Questeurs, on peut en effet retrouver des correspondances, mais c'est très complexe.

Je parcourus du regard les treize autres tableaux qui ceinturaient la partie ouest, les deux derniers encadrant la porte sud. Clarance savait bien sûr que tout comme celui de Rennes-le-Château visité par l'abbé Gillard avant sa nomination à Tréhorenteuc, ce chemin de croix, de façon très inhabituelle, avait pour décor certains paysages locaux et elle me confirma que son sens correspondait à celui de la plupart des églises. Je tentai de la faire parler le plus possible, mais elle ne se laissa pas entraîner et insista pour avoir une idée de ce que les Questeurs voyaient dans ces tableaux. Je lui proposai d'essayer de le formuler en m'aidant de mes notes au moins pour la I° station sous nos yeux.

- Ce tableau représente la condamnation à mort de Jésus. L'abbé Gillard y voit une correspondance avec le signe zodiacal des Poissons dont le symbolisme exprime l'union du Créateur et de la créature. Dans le Sepher Yetsirah cela nous donne un lien avec l'Améthyste, la lettre 
Qof, le nombre 100. Qof est symboliquemement la porte étroite (le chas de l'aiguille), celle qui débouche sur la Pensée du Créateur, la Sagesse et mène à la déification, aboutissement du processus Créateur avant le retour à Dieu. Un autre lien s'établit avec la sephira Yesod de l'Arbre des sephirot ou Arbre de Vie, Yesod est le Fondement, la base de création pour l'homme dans son rôle de créateur (ou créatif).

- Oui, dans la tradition chrétienne, ajouta Clarance, le poisson en grec ancien, ichtus, est l'acronyme et le symbole de Jésus-Christ, ça colle. Et que dis-tu du décor?

- Et toi? lui demandai-je.

Elle sourit, hésita, puis elle se lança:

- Le décor est à Jérusalem et non dans un lieu de Brocéliande comme sur presque tous les autres tableaux. Tu vois S P Q R sur le fronton? Ce sont les initiales de Senatus PopulusQue Romanus pour Sénat et Peuple Romain. Pilate se lave les mains, Jésus est habillé en rouge, au fond un homme brandit un calice vert évoquant le Graal. Je pense à la légende dans laquelle le héros Perceval est privé de la vision du Graal parce qu'il ne pose pas de question sur ce qu'il voit lors du défilé au château du Roi-Pêcheur qui par ailleurs attrape le poisson nourrissant toute la table du Graal. Poser la question... Pilate a posé une question à Jésus: "Qu'est-ce que la vérité?", Jésus venait de lui dire: "Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix" (Jean 18,37). Pilate n'attend pas la réponse, Jésus va en répondre sur sa vie avec le Chemin de Croix.

- Le Chemin de Croix est la réponse? demandai-je.

- D'une certaine façon, le Christ a dit "Je suis le chemin, la vérité et la vie" (Jean 14:6). Poser la question est la vocation même de l'homme. Dans la tradition hébraïque, le mot adam désignant l'humain a la même valeur numérique que "ma" signifiant quoi. "L'homme est un "quoi", en questionnement dynamique" dit Marc-Alain Ouaknin, dans son livre Mystères de la Kabbale, or ce que tu me dis ouvre la porte sur cette tradition dont le plus beau symbole est l'Arbre de Vie ou Arbre des sephirot. Et selon Jean, Jésus a aussi dit "C'est moi qui suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé" (Jean 10:9)

Je lui montrai alors un schéma de l'Arbre des sephirot en correspondance avec les étapes du chemin de croix de l'abbé Gillard.

Chemin-Croix-Gillard-ArbreA

Chemin-Croix-Gillard-ArbreB

Chemin-Croix-Gillard-ArbreC





- Tu vois, lui dis-je, on retrouve avec ce schéma un écho de la tradition chrétienne assimilant la croix du Christ à l'arbre de vie, les deux donnent vie à l'humanité au sens symbolique, la Vie en Dieu. Contrairement à ce que ressentent les chrétiens modernes coupés de ces racines spirituelles, le Chemin de Croix n'est pas un chemin de mort, c'est un chemin de remontée dans les sphères d'énergie de l'Arbre de vie.

- Et concrètement? demanda Clarance.

- Le modèle archétype de la Création selon la Kabbale hébraïque est cet Arbre des sephirot ou des sphères qui est aussi une représentation de l'archétype de l'Homme primordial cosmique, l'Anthropos. Chaque sephira le composant est un vase, un contenant. Elle est à la fois féminine, c'est-à-dire qu'elle reçoit et masculine, elle donne. Pour créer le monde, Dieu a envoyé la Lumière représentant l'ensemble des éléments du plan divin. Or, les vases ou sephirot furent brisés car ils refusèrent d'accueillir la Lumière.

''Mais Dieu désire toujours établir sa lumière en l'homme qui doit auparavant restaurer en lui les vases ou sephirot pour l'accueillir.
 Le Féminin de l'être est la dimension verticale reliée au Divin en nous-même.
 Lorsqu'elle est restaurée, Dieu s'y établit en Présence. Lors de sa vie puis de sa Passion qui finit sur la Croix, le Christ nous montre le chemin et sur ce schéma, on voit qu'il accomplit la restauration des sephirot entre Yesod et Kether.

- D'où la Quête, dit Clarance, la Coupe est au centre de l'Arbre de Vie et c'est en Tipheret, que l'ouverture du cœur doit se réaliser avant de recevoir la lumière.

Je ne m'étais pas trompée, elle connaissait cette tradition! Elle me fit un petit clin d'oeil comme pour confirmer mon intuition et elle enchaîna:

- Et que disent les Questeurs sur la disposition en marches du tableau?

Je cherchai dans mes notes pour lui dire:

- Les personnages sont disposés sur une sorte d'escalier, de bas en haut nous voyons un demi hexagone, une marche droite, quatre marches avec angle, trois marches classiques soit Neuf étapes horizontales ou paliers. Or les chrétiens le disent, pendant les 9/10ème de sa vie sur terre, le Christ a vécu dans une famille juive pieuse une vie simple et de labeur, il travaillait de ses mains comme son père charpentier jusqu'à ses trente ans.

Par le parcours spirituel du chemin de Croix, les neuf sephiroth restaurées sont comme des degrés descendus par la Présence divine qui va s'établir en Malkut, la dixième sephira, en tant que Schekina (c'est le terme hébreu pour Présence divine).
 Malkut est le niveau le plus bas de l'Arbre, celui où l'on rend l'âme, mais avec la Shekinah le plus bas devient comme le plus élevé, Malkuth devient le Royaume!
 Selon René Guénon, la Shekinah est la synthèse des Sephirot.
 Or le Christ mort (muté) et ressuscité peut être assimilé à la Présence divine manifestée pour l'humanité.


- Intéressant, commenta Clarance, maintenant j'aimerais que tu me parles du tableau qui se situe au passage du 48° parallèle sur la commune de Tréhorenteuc.

Et elle se déplaça aussitôt vers la V° station du Chemin de Croix, où Simon de Cyrène aide le Christ à porter sa croix. Je lui dis:

- Jésus a déjà chuté sous le poids de sa croix à la III° station. Ici un soldat romain oblige un homme qui revient de son travail aux champs à exécuter un nouveau labeur, porter la croix. A droite du tableau deux boeufs liés par un joug sont conduits par un bouvier ou laboureur.

- Labeur, labour, j'entends bien, remarqua Clarance, l'abbé Gillard associe le travail manuel à cette station.

- Oui, selon la tradition hébraïque, Adam a reçu l'ordre divin de labourer la terre, symboliquement de travailler ses terres intérieures ou champs de conscience. C'est son véritable travail d'humanisation pour accueillir la Présence divine à la fin. Dans le travail manuel, la main est le premier outil de l'homme prolongé ou non par un objet matériel, elle représente sa capacité d'action sur le plan terrestre. En hébreu, la main se dit « iad », elle contient la lettre Yod assimilée au germe divin.

- Et chez les chrétiens? demanda Clarance.

- Le Labour est aussi un symbole fort: l'homme doit préparer sa terre en profondeur afin que la Parole de Dieu y prospère. Sur le plan de la Tradition en particulier romaine, l'acte de labourer était un acte sacré, pensons au tracé du sillon déterminant l'enceinte sacrée d'une ville. C'est un acte d'organisation, de structuration de l'espace pour le mettre en ordre par rapport au chaos extérieur. C'est le roi lui-même qui trace ce trait, il sacralise ainsi l'espace de la future ville en le mettant en harmonie avec le cosmos et donc le ciel.

- Mais Simon de Cyrène n'est pas un roi, remarqua Clarance avec un petit sourire moqueur.

- Non, on ne sait pas grand chose de lui. Mais son nom en hébreu signifie « Yahvé m'a entendu ». Jésus souffre et voilà que Simon se présente et vient l'aider. En grec, Cyrène se dit Kurênê, rayonner. En hébreu QRN évoque la Corne symbole du rayonnement divin, mais aussi le Crâne, or la Croix est dressée au lieu du Crâne: le Golgotha. Par ailleurs Simon en hébreu se dit aussi chemen, l'huile, l'aliment sacré par excellence d'autant plus qu'il fournit aussi la lumière dans les lampes...

- Bon j'ai compris, me dit Clarance, dans la tradition hébraïque tout a un sens et permet une méditation sans fin.

Je ne savais pas si elle en avait assez ou si elle estimait que j'avais restitué l'essentiel. Je restai sans rien dire à la regarder. Elle reprit:

- Y a-t-il un lien entre le 48° parallèle et les boeufs?

Cela semblait une obsession chez elle ce 48° parallèle, mais elle avait sûrement de bonnes raisons, je répondis prudemment:

- Tout ce que je peux dire c'est que cette scène de boeufs sous le joug pourrait être une évocation de la constellation du Bouvier qui conduit les sept boeufs -à l'origine du mot Septentrion signifiant Nord- de la constellation du Chariot. Ces constellations tournent autour de la Polaire, axe du monde. En grec les Boukoloï sont les gardiens des boeufs, mais aussi sur un plan symbolique les gardiens du Pôle et donc de l'organisation cosmique symbolisée par le Temple, comme l'étaient les Templiers qui rappelons-le adoraient la Croix, mais pas le Crucifié.

- Dans cette représentation de la V° station, nous retrouvons donc l'évocation d'un modèle d'harmonie cosmique, remarqua Clarance. Et si j'ai bien compris, dans le système révélé par les Questeurs, la Clé est le tableau des correspondances de l'abbé Gillard basé sur les Nombres sacrés.

"Cette clé appliquée à la Serrure du Zodiaque ouvre la Porte du Christ en croix. N'a-t-il pas dit selon l'évangile de Jean « Je suis la Porte. Si quelqu'un entre en passant par moi, il sera sauvé » (Jean 10). Le Chemin de Croix est ainsi un chemin de Salut, de Vie éternelle. Il est greffé sur l'Arbre de Vie, la tradition de la Kabbale et ses spéculations métaphysiques. Et nous avons dit au début que le Chemin de Croix était peut-être la réponse à la question de Pilate sur le rapport entre Jésus et la vérité. Qu'en disent les Questeurs?

J'en étais maintenant sûre, Clarance me testait. Je ne comprenais pas bien son lien avec les Questeurs car si elle semblait réticente au sujet de certaines de leurs pratiques, manifestement elle partageait leurs connaissances, mais jusqu'à quel point? Comme Fernand m'avait encouragé à lui parler, je lui livrai leurs conclusions:

- Chemin en hébreu se dit Magal, mais c'est aussi le cercle du camp, la tranchée, ne peut-on y voir la notion du chemin-sillon du laboureur? Vérité en hébreu, se dit Emet et la mort se dit Met. La lettre Aleph qui se prononce E ici, symbolise la présence de Dieu. Met signifie aussi mutation. Jésus en prenant la croix montre à l'humain le chemin de la mutation.

"Muter en Dieu, c'est aller vers la Vérité. Par ailleurs les lettres du mot Emet sont Aleph, Mem, Tav. C'est-à-dire la première lettre de l'alphabet hébreu, alpha en grec; une lettre du milieu, la treizième, Mem, Matrice de vie ou de mort; la dernière Tav, correspond à l'Oméga grec. Ainsi "je suis vérité" et "je suis l'alpha et l'oméga" se répondent.

"Vie en hébreu se dit Havvah et c'est aussi le nom de Eve. La racine hébraïque de ce nom signifie Souffle de vie, Eve est dite Mère des Vivants.

- Profond mystère et belle démonstration, approuva Clarance. Ainsi compris dans son rapport à la tradition ancienne, le Chemin de croix serait donc entre autres la réponse du Christ à la question de Pilate, "Qu'est-ce que la vérité?" et la justification de son affirmation: "Je suis le chemin, la vérité, la vie" en tant que Christ cosmique. Je crois que cela suffit pour aujourd'hui. Je ne sais pas si tu seras là quand je reviendrai, je m'absente pour plusieurs jours de randonnée. En tout cas je te remercie de ton partage et je te souhaite bonne chance pour ta quête. Je la remerciai à mon tour.

 

Elle me tendit alors les bras et m'embrassa avec chaleur en me disant:

- Prends bien soin de toi, tu as ouvert la Porte, mais le Royaume est immense, on dit que 32 chemins le parcourent, il y a de quoi se perdre. Suis la Lumière...

- Le Graal, lui dis-je en désignant le grand vitrail où il rayonnait.

- Ça ne me rassure pas vraiment, mais c'est ton choix, bonne chance.

- Et toi, bon voyage.

  

 

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