La Pierre de Lumière avait d'abord été associée à Lucifer, puis à Adam, elle symbolisait ce qu'ils avaient perdu après leur désobéissance à Dieu et le péché originel. Elle était le plus souvent assimilée à une pierre précieuse, une émeraude. Abdul me proposa d'examiner les différentes versions de cette histoire selon les cultures.

Dans la Bible, le Livre d'Isaïe évoque un ange "porteur de lumière", traduction littérale de Lucifer. Et le Christ dans le Nouveau Testament est également ainsi qualifié. 

Jusqu'au Moyen-âge, Lucifer n'est pas satanique, il est le plus grand et brillant des anges, associé à la Connaissance (qui historiquement a toujours été ressentie comme potentiellement dangereuse hors de la voie initiatique chrétienne, hébraïque ou religieuse en général).

Lucifer porteur de lumière (paris-unplugged.com/2012/06/1833-qui-est-vraiment-lange-de-la.html)

Le Livre d'Enoch ou Hénoch apporte plus de précisions, mais c'est un texte apocryphe, donc exclu du choix des textes rassemblés pour former la Bible. Ecrit au III° siècle avant notre ère, il fait partie du canon officiel de l'Eglise Ethiopienne qui a gardé avec le plus de fidélité les premiers textes d'origine. Dans ce livre, certains éléments, en lien avec l'astronomie ou concernant les anges déchus, appartiennent à des traditions plus anciennes en particulier perses. Ils se retrouvent aussi dans d'autres littératures traditionnelles éthiopiennes et arabes.

Dans le Coran, selon les traductions, Lucifer est appelé Satan (l'Adversaire) ou Îblis, puis assimilé au Diable (Diviseur). Il est évoqué dans plusieurs sourates, ainsi dans la sourate 7, s'enchaînent le péché d'orgueil de Satan et la faute d'Adam. 

Abdul se souvenait d'un vieux livre arabe du X° siècle, compilant sourates du Coran et tradition orale ancienne, il m'en confia un exemplaire datant des années 60: Les Prairies d'or de Massoudi. On y retrouve effectivement des extraits du Coran organisés en un récit concernant Îblis (Lucifer) et Adam.

Dieu crée sept cieux, celui qui est au-dessus de la terre est en émeraude. Le dernier est une masse de feu où les anges chantent les louanges de Dieu situé dans son trône au-dessus de leurs têtes.

Dieu peuple d'abord la terre de créatures de feu, les Djinns ou Génies. Îblis est parmi eux, mais lui seul s'abstient de mal agir, il obtient donc de Dieu d'être élevé au ciel et est institué gardien du ciel d'émeraude.

Dieu veut créer Adam pour l'établir comme son représentant sur terre, (son vicaire), il le forme avec de la boue fétide et le laisse ainsi longtemps comme un Vase de terre. Les anges et Îblis sont effrayés de cette forme qui sonne le creux comme un Vase d'argile.

Dieu égyptien potier de l'homme (khnoum_potier_de_l_homme-toutankharton.com/Les-theogamies?artsuite=1)

Lorsque Dieu s'apprête à animer ce corps du Souffle de Vie, il ordonne aux anges de se prosterner devant Adam. Îblis, orgueilleux refuse, il se dit meilleur étant créé de feu, plus noble que l'argile; Dieu l'a déjà établi comme vicaire sur terre, il a une auréole de lumière et sa tête est couronnée; C'est lui qui adore Dieu au ciel et sur la terre.

Dieu le renvoie et le maudit. Îblis demande un délai jusqu'au jour de la résurrection, Dieu le lui accorde, Îblis devient l'Adversaire, il détournera de Dieu ceux qui se laisseront séduire par lui (sauf les serviteurs fidèles de Dieu).

Dieu complète la création d'Adam de son Souffle, lui demande de Lui adresser des LOUANGES et informe les anges de la haute dignité de l'homme. Il leur est supérieur en science: il NOMME tous les éléments de la Création. Les anges se tournent vers lui pour prier.

Dieu révèle à Adam le précieux trésor qui lui est confié, Adam est honoré comme gardien de la lumière divine.

Le trésor est donc bien celui de la Connaissance qui permet de nommer tout élément de la création en gloire à Dieu. Adam est le premier "imam" et les imams qui succèdent à Mohammed le Prophète, ont reçu cette transmission de LUMIERE. Le texte leur donne la parole: "En nous est le Salut, de nous sort le SECRET DE LA SCIENCE, … le guide pris parmi nous sera le foyer de la LUMIERE et la SOURCE de toutes choses."

J'avais quitté mon ami Abdul apaisée par son attitude sereine et volontaire fondée sur sa vision de la vie. Il avait eu la générosité de la partager sans l'imposer et cela me permettait de mieux le comprendre. Il était bien parti pour vivre le temps dont il disposait "en ajoutant de la vie aux années" à sa façon et non "des jours à sa vie" comme le proposaient certains de ses médecins ou de ses amis obnubilés par la "vie à tout prix" aux relents de fantasme de jouvence éternelle.

Au moment de mon départ, il avait lancé sous forme d'une boutade une pierre dans mon jardin de quête, et quelle pierre! La Pierre de lumière et de gloire liée au sort de Lucifer déchu qui fut le plus beau des anges. Cette Pierre est aussi liée à l'exil de notre père mythique, Adam, chassé du Paradis terrestre!

Rien que ça! Il est vrai qu'après avoir vu la scène représentée sur les vantaux de l'ancien portail de l'église de Mauron*, je lui avais fait part de mon intérêt pour ce qu'elle révélait des croyances anciennes sur le destin de l'homme.

L'Exil du Paradis, La Pierre de Lumière

(4°_l'Expulsion_du_Paradis.cc-mauron-broceliande.com/wiki/index.php5?title=Les_vantaux_de_l'église_de_Mauron.jpg)

Le défi était de taille, mais si j'en avais ri sur le coup comme confrontée à une impossibilité, l'idée s'était finalement imposée. Il fallait que j'examine cette histoire en suivant la piste de cette Pierre qui était parfois assimilée au Graal ou à la Pierre Philosophale. Abdul s'était engagé à m'aider et nous devions faire le point régulièrement. 

Au cours du temps, différentes histoires concernant ce mythe de la Pierre de lumière étaient apparues, plus ou moins inspirées de légendes forgées à partir d'éléments bibliques et populaires. Abdul me conseilla d'en faire d'abord ma propre synthèse afin d'y voir plus clair.

Le mythe de Lucifer et la Pierre de Lumière

Acte I: Au Paradis céleste, Lucifer est le plus beau des anges, le plus proche de Dieu, son nom Luci-lumière, fer(ro)-porte correspond à son rôle. Il porte la Lumière de Gloire divine. Mais un jour, Dieu qui vient de créer l'homme demande aux anges de se prosterner devant lui. Choqué de la vile matière de cet humain, Lucifer qui ne se prosterne que devant Dieu, se rebelle et entraîne à sa suite une partie des anges. Confronté à cette désobéissance manifeste conduisant Lucifer à vouloir prendre sa place, Dieu les expulse. C'est la Chute pendant laquelle Lucifer perd sa Pierre frontale, (ou la pierre principale de sa couronne), une émeraude.

Exil de Lucifer (Rofocale.net)

Acte II: Dieu a fini sa Création, Il a placé Adam et la compagne qu'Il a mise à côté de lui, Eve, au Paradis terrestre. Dieu leur a donné des instructions précises et Adam, doté du pouvoir de donner un nom à toute chose, doit "garder et travailler" la Terre (Adamah) dont il est constitué.  Dieu le NOURRIT à différents niveaux d'être et d'énergie puisqu'Il l'a créé à son Image et sa Ressemblance. En particulier Adam porte la Lumière de la Gloire de Dieu sur lui, ainsi il n'est pas nu. Mais Dieu lui recommande de ne pas manger du fruit de l'Arbre de la Connaissance sous peine de mourir le même jour.

Acte III: Adam et Eve ont goûté le fruit interdit, le serpent leur ayant dit qu'ils ne mourraient pas et deviendraient comme des dieux, alors ils se voient nus et tentent de se cacher. Dieu sait qu'ils ont mangé de l'Arbre de Connaissance quand Adam Lui dit qu'ils se voient nus! Dieu ne veut pas qu'ils mangent ensuite les fruits de l'Arbre de Vie, Adam et Eve sont donc expulsés du Paradis avec pour mission nouvelle de cultiver la terre dont Adam a été tiré et de gagner sa NOURRITURE, sa subsistance à force de peine. 

Ils emmènent une branche de l'Arbre de Vie qui planté donnera un arbre dont le bois deviendra celui de la Croix du Christ. Et ils emmènent aussi la Pierre de Lumière, qui lors de la Chute de Lucifer était tombée dans le Jardin d'Eden devant Adam, en tant que nouveau gardien de la Lumière de Gloire divine. 

Cette pierre creusée deviendra le Calice dans lequel Joseph d'Arimathie recueille le sang du Christ, le Saint-Graal ou Sangréal, (Sang Réal, Sang de Royauté ou Sang Réel, Vrai Sang).

Acte IV: Après la Chute de Lucifer du Paradis céleste par désobéissance, l'exil d'Adam et Eve du Paradis terrestre aussi par désobéissance, le péché est inhérent à l'humanité. Paul dira: "Tous ont pêché et sont privés de la GLOIRE DE DIEU". Romains 3-23. Mais Dieu a envoyé son fils, mort pour la rédemption de l'humanité, le Salut est désormais dans la foi en Jésus-Christ, chemin d'accès à la Gloire de Dieu.

J'avais ainsi un récit à peu près cohérent, il me restait à en démêler les fils et à en déterminer si possible l'origine.

* http://cc-mauron-broceliande.com/wiki/index.php5?title=Les_vantaux_de_l'église_de_Mauron

Pour éviter de se faire battre comme plâtre quand on a une tête à claques, il vaut mieux éviter de tendre l’autre joue!

Expressions mélangées:

Avoir une tête à claques : avoir un aspect qui déclenche l'envie de gifler!

Tendre l'autre joue : référence à la Bible, l'évangéliste Mathieu exhorte à ne pas riposter.

Battre comme plâtre : battre violemment par analogie avec le plâtre réduit en poudre autrefois au maillet (sorte de marteau en bois).

L'Asphodèle est une superbe plante protégée qui fleurit dans nos sous-bois calcaires, émergeant d'une touffe de feuilles en rubans étroits. Son nom en grec désigne une lance ou une pique. C'était dans le monde antique un symbole de résurrection pour les âmes des morts. Autrefois la mort était associée non à la fin de tout, mais plutôt à un passage vers une autre forme de vie, dans un autre monde.

Asphodèles de sous-bois, Anjou, Mai 2013

Dans les pays méditerranéens, un rituel de Toussaint utilisait les épis d'asphodèles imbibés d'huile d'olive et enflammés près des tombes, superbe représentation de la finitude qui consume la matière pour libérer l'âme éternelle.

Voici un poème en alexandrins inspiré par ces fleurs magnifiques:

Le choeur d'asphodèles

Dans le sous-bois où fleurissent les asphodèles fières

Danse le tendre souvenir de nos amours fantômes.

Leurs rubans effilochés entrelacent les âmes

Qui séparées sont en quête de la même lumière.

Le printemps hisse les hampes des fleurs claires comme les flammes

Des sacrifices de héros sur des scènes tragiques.

La vie triomphe et renouvelle le choeur antique

En célébrant l'élan vital du chemin des âmes. 

Marie Duval

Pour en savoir plus sur l'aspect botanique, voir ici.

Merci à SergioH pour ses commentaires. Comme j'ai un peu tardé à les lire, étant absorbée par d'autres activités, il a posté un long commentaire sur le forum canalblog

Le voici:

Ceci est un commentaire de l'énigme du carré Rotas publié sur : 

http://chantsdamour.canalblog.com/archives/2013/05/08/27106149.html : 

Donc si vous n'avez pas lu les huit épisodes sur le site dont je donne l'adresse ci dessus vous risquez fort d'être dérouté et de ne pas comprendre ce dont il s'agit. Bien que je ne partage pas toutes les idées émises dans cette histoire,elle est bien documentée et référencée et présente de surcroît l'intérêt d'être agréable à lire. De nombreux sites font références au carré SATOR et dans l'ensemble on trouve les adresses nécessaires pour compléter son point de vue. J'ai, pour ma part, fait le lien avec deux autres énigmes qui possèdent également leurs propres sites ... 

Intéressé par l'énigme du carré SATOR, je lui préfère ROTAS son inverse ou symétrique. 
La raison en est simple si l'on suit les consonnes mis en évidence dans la pierre de Stenay nous remarquons le V qu'elles forment (ou chevron). V vaut 5 en chiffres romains et est la Vingtième lettre d'un alphabet à 25 lettres (il existe différents ordres d'alphabets.) Cela donne 
R-O-T-A-S 
---P-E-R 
-----N 
Ce que je traduis par « tourne autour de N ». Cette seule interprétation se suffit à elle-même. En effet, elle donne le sens profond du carré. Les mathématiciens (en herbe : ce n'est pas compliqué) trouveront en quoi N de valeur 13 régit un carré de 25 cases. Il faut savoir, et c'est utilisé dans l'un des épisodes de l'article cité que de nos jours un système courant de cryptage s’appelle ROT13. Cela fonctionne en faisant correspondre A=>O, B=> P, C=> Q etc. 

l'auteur a également très justement établi le rapprochement avec la croix des huit béatitudes. Sa version complète comporte un carré magique, 3 points, 24 lettres réparties en groupe de six lettres au bout des « flèches »et N au centre. 

Il existe un autre dispositif à mettre en corrélation, c'est celui de « Et in Arcadia ego ». On observe une insistance certaine dans ce dispositif ci, à désigner la lettre N comme étant importante. J'ai une petite préférence pour : « Arcadia eg eti n o » N et O se retrouvant à leurs places : respectivement en 13ème et 14ème place (le reste est une question d'agencement et d'observation). 

A Rennes le Château ce lien est fait. A Shugborough Hall (voir la version anglaise de Wikipédia et faire traduire par Google, par exemple). On peut deviner une référence au 25 de Sator ainsi qu'à Nostradamus. (l'écriture DM liée à la croix des 8 béatitudes). Il faut savoir que ces 3 dispositifs sont certainement liés et contemporains. 

-Les évangiles parlent de la croix des huit béatitudes, même s'ils ont été écrits après coup, ils citent Jésus Christ sur ce propos ; 

-Le carré Sator est nécessairement antérieur à la destruction de Pompéi (donc avant août 79 après J.C. ) ; 

- quant à la locution de 14 lettres « Et in Arcadia ego » reprise par Nicolas Poussin et d'autres, elle est citée avant la naissance de Jésus Christ par Virgile dans les « bucoliques »; 

-l'inscription naturelle du dessin de la croix des huit béatitudes dans un carré de 25 cases est une utilisation de la grille du théorème de Pythagore à la façon des pythagoriciens (voir le lien plus bas) peut également être d'une époque antérieure à Jésus. 

Il est invraisemblable que les chrétiens soient à l'origine de ces signes de ralliement. Les juifs, le sont peut-être, selon l'hypothèse de Nicolas Vinel, il faut noter que les dimensions de l'autel: 5 par 5 et 3 font 13 (ici N). Je tiens aussi à préciser que Noun, selon sa forme peut se référer au poisson (fermée) ou le serpent ( ouverte) interprétation qui n'est pas nécessairement maléfique. 

Je pense que l'hypothèse pythagoricienne pour expliquer la source de ces trois dispositifs, reste la plus vraisemblable. Il semble qu'ils aient eu une très forte influence pendant des siècles. Virgile, Dante (pour ne citer qu'eux) semblent y faire référence. 

Pour voir quelques figures plus explicites qu'un long discours sur mon "blog": 

http://sergioh.canalblog.com/archives/2013/05/25/27237558.html 

Si pour un cheveu qui tombe sur la soupe, le client demande à voir le garçon qui a un cheveu sur la langue, il risque de se les faire prendre pour avoir voulu les couper en quatre!

Expressions mélangées:

(Se) prendre par les cheveux ((Se) disputer)

Comme un cheveu sur la soupe  (pas au bon moment)

Couper les cheveux en quatre (compliquer les choses)

Avoir un cheveu sur la langue (zozoter)

Mon hôtesse, Emeline avait préparé un solide petit déjeuner et je le terminai en sa compagnie lorsque je reçus un appel de Abdul, il m'invitait pour le déjeuner en présence d'Amy et souhaitait que nous finissions ensemble le travail sur le Carré avant mon départ. 

Emeline me proposa de m'emmener à Mauron puisqu'elle avait une course à faire, elle me déposerait au retour chez Abdul. Elle me laissa sur la place du village et je pris plaisir à parcourir les ruelles anciennes. Nous devions nous retrouver à l'église aussi je pris le temps d'admirer les fameux vantaux de l'ancien portail* installés maintenant à l'intérieur pour les préserver.  Ils datent du XV° pour deux d'entre eux, du XVI° pour les autres. 

Je fus particulièrement intriguée par la représentation de l'exil d'Adam et Eve. Chassés par l'Ange, ils quittent le Paradis, mais une forme grossièrement pentagonale semble tomber derrière Adam et Eve tient une sorte de branche.

Adam et Eve chassés du Paradis-XV°-Mauron*

Je fus très bien accueilli par Abdul et Amy, le repas était simple et savoureux. J'aidai Amy à ranger et nettoyer pendant que Abdul se reposait dans son bureau. Lorsque je le rejoignis, il m'attendait pour prendre le café. Je lui racontai ma découverte des portes de l'église. Il rit et me montra sur son ordinateur les photos de ce que j'avais vu et la même scène quasiment datant du XVI° siècle dans l'église de Saint-Maxent à l'est de Brocéliande.

Adam et Eve chassés du Paradis-XVI°-Saint-Maxent (1)

- Tu as bien observé, dit-il, d'après des érudits locaux, sur le premier tu vois la pierre de Lumière qui tombe après le péché d'Adam, c'était la même pierre, une émeraude, qui était tombée après le péché de Lucifer et Jean Markale lui-même l'affirmait (2). Dans cette pierre sera taillée la Coupe remise à Joseph d'Arimathie assimilée au Graal.

"La branche pourrait être celle de l'Arbre du Paradis qui comme tu le sais donnera l'arbre dans lequel sera taillée la Croix du Christ. (3) Tu pourras approfondir tout cela une fois rentrée chez toi.

- On dirait une pierre taillée, remarquai-je.

- Tout-à-fait, confirma Abdul, on peut y voir la Pierre philosophale qui permet une métamorphose de l'état grossier à un état évolué allant jusqu'à la réintégration potentielle dans l'état divin.

"Pour être honnête, d'autres personnes en le comparant à la représentation de Saint-Maxent parlent plutôt d'une bêche ou pelle pour Adam et d'un fuseau à filer pour Eve!

"Mais, laissons-là ces passionnantes digressions, aujourd'hui, je souhaiterai que nous voyons ensemble un autre aspect du Graal lié à l'astronomie. Selon Cicéron, Jupiter était appelé Caelestum sator, tu vois le lien…

"Tout comme la Génèse raconte l'histoire de la Création par Dieu, les dieux des transformations du Carré évoquent l'histoire égyptienne de la Création. Et tu te souviens que selon Wolfram Von Eschenbach, un certain Flégétanis avait vu le Graal inscrit dans le ciel.

- Il était arabe je crois, dis-je.

Abdul sourit et reprit:

- Voici un schéma de la carte du ciel avec la Voie Lactée au milieu en vertical:

Schéma Carte du Ciel

"Une configuration particulière du ciel nocturne s'appelle le Grand G des étoiles, Orion-1 est au centre avec en spirale autour : Sirius (Grand Chien-2), Licorne-3, Procyon (Petit Chien-4), Castor et Pollux (Gémeaux-5), Capella (Cocher-6) et Aldebaran (Taureau-7). 

Etoiles du mythe égyptien

- C'est le Graal? demandai-je.

- Pas vraiment, répondit Abdul, mais c'est dans cette zone. Pour comprendre, il faut déterminer ce qu'on peut voir à l'oeil nu. Selon la magnitude des étoiles correspondant aux différentes constellations, voici ce qui apparaît:

Graal des étoiles

Le G s'étend sur la constellation de la Licorne et englobe Sirius et à l'autre extrémité Procyon.

Le R correspond à Orion

Un A est formé par les Gémeaux, 

Un deuxième est visible à l'emplacement du Cocher,

Enfin on distingue dans le Taureau un L de type archaïque ressemblant à un V à l'envers.

J'étais stupéfaite et je m'exclamai:

- Incroyable, le Graal dans le ciel… Mais en quoi cet endroit du ciel est-il spécial? Il existe beaucoup d'autres constellations.

- En effet, c'est une bonne question, dit Abdul qui se réjouissait manifestement de partager ce spectacle. D'abord ce sont des étoiles très importantes dans le ciel égyptien. La nuit, royaume de la Lune, Sirius est l'étoile la plus lumineuse du ciel, donc facile à repérer, sa réapparition annuelle dans le ciel annonçait la crue du Nil avant que la précession n'entraîne un décalage trop important. Le baudrier d'Orion est aussi très reconnaissable. Ces constellations sont à une extrémité de la Voie Lactée, et surtout, le Soleil, l'astre du jour, semble surgir des parages de Sirius dans son trajet à l'intérieur de la Voie Lactée.

- Le lieu de naissance de Rê! dis-je.

Abdul resta silencieux puis me dit:

- Voilà ce que je devais te transmettre, maintenant j'ai fini, mais pour toi cela ne fait que commencer…

- Je comprends et avec ton aide, je ferai de mon mieux pour transmettre à mon tour, le plus clairement et simplement possible.

Abdul se leva et m'invita à sortir de son bureau en disant:

- Il est l'heure pour toi, Amy va te conduire là où tu veux, je te laisse partir…

Le temps des adieux est toujours un peu délicat, Abdul l'abrégea en limitant mes remerciements au strict minimum. Je le quittai avec un émerveillement sans nom et une infinie gratitude, même s'il m'avait dit:

- Ne te trompe pas de cible, c'est Lui que tu dois remercier, je ne suis qu'un serviteur sur la Voie! Et je ne t'ai finalement montré que la Lune et quelques étoiles!

C'était dans cette légèreté souriante que nous nous étions quittés, mais je vivais comme une grâce inouïe d'avoir vécu en parallèle ce séminaire d'une grande richesse sur le Graal et la découverte des secrets du Carré. 

Un chantier intellectuel exaltant d'une immense valeur spirituelle m'attendait, pourrais-je le mener à bien, moi aussi simple "serviteur sur la Voie"? 

* Voir http://cc-mauron-broceliande.com/wiki/index.php5?title=Les_vantaux_de_l'église_de_Mauron

Ce lien ne fonctionne pas sur canalblog, merci de m'avoir signalé ce problème.

1 Panneau de Saint-Maxent

http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/regnault/pages/reg331.htm

2 Emeraude de Lucifer et Adam

http://www.graal.be/graal022.html

Jean Markale : la pierre tombe du front de Lucifer lorsqu’il est précipité dans l’abîme. Parce que c’est une pierre de lumière. Et elle tombe aux pieds d’Adam et Eve au paradis ? Et quand ils sont chassés, ils ont le droit de l’emporter, et elle se transmet de génération en génération... Et elle arrive aux mains de Ponce-Pilate...

A de Souzenelle, 

http://books.google.fr/books?id=zmOg9SYoA1MC&pg=PT442&lpg=PT442&dq=symbolisme+chute+d'émeraude+

de+Lucifer&source=bl&ots=V7f19R6Lop&sig=3Zr1mJewjX2IGwPLUUv1VgbPW1M&hl

=fr&sa=X&ei=uomQUdPRMMiw0AW9h4CABg&ved=0CDUQ6AEwATge

L’émeraude frontale, ornait le front de Lucifer, puis celui d’Adam dans le Paradis, lorsque Lucifer la perdit. A son tour, Adam connu la chute et l’émeraude se détacha de lui. Les Anges la reçurent, la creusèrent, et en formèrent la coupe dont le Christ se servit à la Cène. Cette coupe recueillit le sang qui s’écoulait de la plaie du Christ en Croix, la légende continue dans le Graal. Avec sa couleur verte, l’émeraude œil-frontal, indique son intégration à l’Arbre de Vie.

Exil du Paradis avec une branche de l'Arbre de Connaissance

http://lemondedaleos.wordpress.com/category/mythologie-comparee/

3 De la branche de l'Arbre du Paradis au bois de la Croix (P 145)

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ethio_0066-2127_1955_num_1_1_1239

4 Les étoiles de magnitude apparente inférieure à 3,50 sont potentiellement visibles sans difficulté. Voir la liste ici.

Lorsque nous arrivâmes au local des Questeurs, Abdul et Amy étaient déjà là. Florian et Clarance avaient d'autres engagements et Fernand ferait peut-être une apparition si l'envie le prenait. Marianne était passée et avait installé le tableau et les feuilles qui nous avaient servi la veille, Abdul était pressé de reprendre nos travaux. Il rayonnait d'une nouvelle énergie qui faisait plaisir à voir. Il nous restait à transformer les lettres du Carré O en valeurs numériques:

B 2

F 6

S 60

P 80

Q 100

T 400

Nombres du Carré O

Comme pour les précédents Carrés, Sylvia traça les traits entre les nombres d'ordre croissants. Nous vîmes dans les figures entremêlées des triangles, des carrés, un hexagone, un octogone ou étoile à huit pointes et enfin une grille!

Quel foisonnement géométrique!

Tracé Carré O

Nous qui venions de vivre pendant quelques jours centrés sur le Graal, chaque pas fait dans le déchiffrement du Carré nous faisait comprendre l'aspect sacré et parallèle des deux symboles. Nous en étions stupéfaits et les résultats nous comblaient, pourtant nous n'étions pas au bout de nos surprises. Mais avant de nous dévoiler un autre aspect du Carré, Abdul demanda à Amy de nous parler des Horus. 

Elle prit volontiers la parole:

- Je vais essayer de vous présenter simplement cette notion qui peut sembler complexe, n'hésitez pas à intervenir si vous le souhaitez. Dans la pensée égyptienne, il existe deux Horus, vous savez que le pharaon régnant est toujours un Horus. 

"Le premier Horus, l'Ancien, correspond à celui qui a pris le nom d'Osiris après sa mort. Horus l'Ancien a été tué par son frère Seth, le nouvel Horus a été engendré par Isis qui a utilisé ses pouvoirs magiques pour être fécondée par Osiris. 

"On peut dire que Horus qualifie le vivant qui règne sur terre, Osiris qualifie le mort qui rejoint le royaume éternel céleste. Dans la formule héliopolitaine qui raconte la création des dieux, Atoum appelle Horus l'Ancien Khent-n-Maa (1) ou Khent-en-Maat, avec une référence à Maât, la rectitude de pensée.

- Cela me fait penser, dit Nathan à "pensée rectifiée" terme évoqué me semble-t-il dans la formule alchimique V.I.T.R.I.O.L, Visitando Interioram Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem, (En visitant l'intérieur de la Terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée).

- C'est une bonne observation, reprit Amy, mais parlons aussi de Khent. Ecrit en hiéroglyphes, ce mot s'écrit avec 3 jarres (Kh), une miche de pain (T)…

- Comme sur le côté de la Pierre de Stenay, m'exclamai-je.

- Pas vraiment, dit Abdul, mais il y a des éléments comparables. 

- Revenons à Khent, reprit Amy, le hiéroglyphe le plus intéressant de ce mot est un masque de visage humain de profil. Cette conception du Khent lié à Horus signifierait que la qualité d'Horus est là en potentiel, elle doit être activée par la Présence d'Horus en l'humain, et c'est la même idée que la Shekinah, Présence de Dieu. (1*) Voilà les précisions que je pouvais apporter.

- On pourrait dire que Khent serait le contenant,  la jarre, dit Nathan, et Horus serait le contenu, la Présence.

Amy se contenta de sourire, Abdul se leva et donna le marqueur à Nathan, il dit:

- Nous allons maintenant opérer la dernière transformation du Carré. Celle qui nous conduit vers Horus et nous allons donc placer un H au centre. 

Il se rassit et nous aidâmes Nathan à établir la correspondance nécessaire.

Carré O / H

Il nous dessina ce Carré de centre H.

Carré H

Abdul nous dit:

- Vous avez compris le principe, nous allons trouver quatre éléments autour d'Horus, avez-vous une idée sur ce qu'ils sont?

- Je me souviens, dis-je, qu'il avait quatre fils, associés aux vases canopes servant à recueillir les viscères lors de la momification.

- Ces quatre fils correspondaient aussi, ajouta Amy, aux quatre points cardinaux et ils portaient des noms variables, trouvés effectivement sur les vases canopes.

- Mais je croyais que le mort était associé à Osiris, remarqua Sylvia.

- Peut-être est-il là aussi, dit Nathan en entourant les lettres OZ dans le Carré, OZ, Osiris?

- Ok, dit Abdul en s'approchant du tableau de papier, je vous propose les quatre débuts de noms des fils. 

Et il entoura: MI, KI, NU, IM.

- … Avec cette correspondance suivante (2): Mih… ou Mak… pour celui du Nord à tête de babouin; Nu pour (A)NUbis, à l'Ouest, à tête de chacal; K(N)I, El Keni ou Kena, à l'Est, à tête de faucon; Imset ou Amset au Sud à tête humaine. J'ai conscience que ce n'est pas parfait, mais pour moi, c'est tout à fait satisfaisant, surtout si l'on pense que c'est un support de méditation et que nous en sommes à la troisième transformation du Carré.

- On dirait que cette disposition ressemble aux quatre vivants du char d'Ezéchiel, remarqua Nathan.

- Les quatre évangélistes, le Tétramorphe, murmura Sylvia. 

Nous sommes restés silencieux, admirant cette composition déployée autour de nous sur toutes ces feuilles. Nous avions le plan de la Création remontant aux égyptiens sous les yeux. Je croyais rêver, mais c'était bien réel et d'autant plus fabuleux. 

Amy nous tira de notre méditation:

- Si j'ai bien compris, il nous reste à établir l'équivalence numérique de ce Carré.

Et elle joignit le geste à la parole en se saisissant du marqueur.

Nombres du Carré H

Puis en quelques traits elle dessina cette figure:

 Tracé Carré H

- Je connais cette figure, dit Abdul, elle ressemble à la Triple enceinte, symbole architectural cosmogonique évoquant la Jérusalem céleste en tant que cité idéale, les trois enceintes du Temple, … C'est un modèle décrit par Platon qui était aussi utilisé par les Celtes, les Perses et les Egyptiens de l'Antiquité (3)

- Le Carré, symbole de l'accomplissement terrestre du projet céleste, conclut Amy.

Il était temps de se séparer, Sylvia et Nathan devaient me raccompagner pour une dernière nuit dans ma chambre d'hôte. Je leur demandai de saluer pour moi nos amis que je n'avais pas revus et je les remerciai de leur accueil chaleureux à mon égard. 

Mon hôtesse m'invita à partager son repas et sa soirée musicale au coin du feu, ce qui me fit une transition propice à un sommeil réparateur.

1 Horus-Kent

* http://www.lebistrotdelarosecroix.com/article-de-l-horus-khent-an-maa-a-la-shekinah-80502014.html

Traducteur de hiéroglyphes: http://pguillas.free.fr/fichiers/traducteurHF/traducteurHF.htm

(2) Noms des quatre fils d'Horus

http://www.idumea.org/Etudes/Ecritures/PGP/Nom%20des%20quatres%20canopes.htm

http://jfbradu.free.fr/egypte/LA%20RELIGION/LES%20DIEUX/horus.php3

(3) Triple enceinte

René Guénon: http://elkorg-projects.blogspot.fr/2007/09/ren-gunon-symboles-de-la-science-sacre.html

http://lespierresdusonge.over-blog.com/page-4801045.html

Voyage d'Anacharsis, Triple enceinte

Après le départ de Marianne et Abdul, notre petit groupe flotta un moment. Je m'apprêtais à partir quand Estelle me proposa de finir la soirée avec eux, une méditation de groupe était prévue chez le voisin de Fernand, Guillaume. Florian et Clarance déclinèrent l'invitation, mais Sylvia et Nathan acceptèrent. Ils étaient venus en voiture et nous proposèrent de faire les quelques kilomètres avec eux.

A l'arrivée je fus surprise de trouver Lucienne et Yves en compagnie de Guillaume et Karen l'amie de Fernand qu'il me présenta simplement. Ils finissaient de ranger et nettoyer une dépendance de l'ancienne ferme que restaurait le maître des lieux. Guillaume embrassa tout le monde avec enthousiasme, moi y compris. Fernand l'aida à allumer les trois lampes à gaz qui serviraient d'éclairage. Ils étaient très différents, mais semblaient bien s'entendre et Guillaume savait mettre une bonne ambiance. 

Lorsque tout fut prêt, il nous réunit en cercle, nous fit joindre les mains et nous recueillir quelques instants. Il nous expliqua que nous pouvions en cette soirée contacter notre bien-aimé(e) intérieur, il ou elle pourrait se manifester en une autre personne de l'assistance et ainsi nos parts divines se rencontreraient. 

Si nous réussissions, nous pourrions continuer à évoquer notre bien-aimé(e) intérieurement et éventuellement le "projeter" ensuite sur une personne de notre choix, mais il nous fit des recommandations de prudence nous engageant à l'éviter sans être sûr de notre partenaire et sans se connaître assez, les pouvoirs de "l'imaginal" étant fascinants et difficiles à maîtriser.

Son rituel était très simple en terme de réalisation extérieure: pas de contact physique étroit mais un rapprochement progressif "comme si nous étions des poissons", utiliser ses sens, sentir l'énergie en soi sans jugement et l'aider à monter. C'était beaucoup plus complexe sur le plan intérieur, mais il ne développa pas davantage, chaque participant devant se laisser guider par son ressenti.

Il diffusa une musique envoûtante, tambour et flûte indienne et nous commençâmes à circuler de façon fluide dans tout l'espace en nous croisant d'abord sans nous regarder, pour mieux contacter notre part divine intérieure. 

Puis à son signal -un coup de gong-, sans changer notre mode de circulation, à chaque fois que nous croisions une personne, nous prenions le temps de la saluer de tout notre corps sans un mot en laissant la place à nos parts divines. 

Après un nouveau coup de gong, nous nous sommes fixés sur place et très lentement nous sommes dirigés vers la personne de l'autre sexe la plus proche de nous, nous l'avons regardée dans les yeux, emplis de l'amour inconditionnel qui dès lors nous guidait.  

Temps de rencontre du Bien-aimé divin dans un corps.

Moment d'une intensité indescriptible et pourtant d'une totale évidence.

Je fus très heureuse que Sylvia et Nathan viennent me chercher à la fin, j'étais si bien que je n'avais plus aucune notion du temps ni du lieu. Estelle après quelques hésitations rentra aussi avec nous. Le trajet se fit en silence, mais nos souhaits de bonne nuit furent accompagnés de tendres accolades. La nuit me fut douce et peuplée de rêves d'amour océanique irradiant depuis la Source, le Graal qui donnait l'impulsion à la grande Roue cosmique, le Moulin céleste.

Estelle m'attendit pour le petit-déjeuner, elle m'annonça qu'elle partait dès la clôture du séminaire en milieu d'après-midi, pleine d'une énergie nouvelle. Elle était heureuse de tout ce qui s'était déroulé pendant ces quelques jours, bien qu'elle ait de la peine pour notre ami Abdul.

Elle espérait que nous nous reverrions une fois rentrées et elle fut émue que je partage son souhait. Elle finit en disant que ce moment serait déterminant dans sa vie à venir.

La matinée se déroula sans heurt, les interventions se succédèrent sur les figures du Chevalier et la Dame dans la société féodale puis sur l'aspect civilisateur et les valeurs du Graal. 

Je pensai déjeuner avec Estelle, mais elle était pressée, elle tenait à passer un peu de temps avec Fernand qui l'avait si merveilleusement accompagnée ces derniers jours. J'entendis nos voisins faire des commentaires sur leur relation et je préférai les fuir.

Je rejoignis la table de Marianne, Lucienne et Yves qui étaient fatigués, mais manifestement heureux du bon déroulement de la session. Abdul devait venir à la toute fin dire quelques mots et Marianne nous donna de ses nouvelles. 

Depuis son retour il avait subi le défilé, heureusement limité par ses soins, de toutes les personnes de bonne foi qui tenaient à lui vanter des thérapies plus ou moins nouvelles promettant une guérison certaine. Cela allait de l'urinothérapie bien connue en Allemagne à des séances chamaniques ou de retour dans les vies antérieures...

Yves dit en riant qu'il n'avait pas besoin de tout ça puisqu'il était sur le chemin de Lorre et croyait au Graal, mais Lucienne comprenait ces gens et grâce à elle, nous n'avons pas blagué sur ce que Yves appela la "Patathérapix", terme qu'il n'explicita pas plus après avoir vu le coup d'oeil de Lucienne. 

Selon elle, la pensée magique concernait chacun de nous et le plus rationnel des humains n'y échappait pas même si la raison était indispensable pour éviter l'absurde ou le dangereux. 

Profitant d'un silence après ces sages paroles, Marianne reprit son récit des derniers événements. Amy était rentrée, elle avait été tenue au fait de tout ce qui se passait et respectait la décision de son mari. Elle l'avait assuré de sa présence à ses côtés les six mois suivants tout en menant ses activités pour qu'il ne se sente pas étouffé. Mais elle était prête à se mettre en disponibilité si c'était nécessaire.

Ils étaient tous rassurés par son retour et manifestement ils l'aimaient beaucoup, elle les avait touchés en les remerciant sincèrement de l'aide qu'ils apportaient à Abdul et en leur proposant de ne rien changer à leurs habitudes tant que ce serait son souhait.

Estelle me rejoignit juste avant que nous ne quittions la table, l'un des convives lui demanda :

- Fernand va bien? Le Chevalier a trouvé sa Dame?

Je vis Estelle très gênée et plutôt que de la laisser affronter une discussion inutile, je la pris par le bras pour nous éloigner tout en nous excusant d'avoir quelque chose à régler de façon urgente.

Elle me remercia et voulut s'expliquer. Je lui dis:

- Tu n'as pas à te justifier, je te connais, je connais un peu Fernand et après ce que nous avons vécu hier soir, je crois que les mots sont superflus.

Elle m'embrassa chaleureusement et passa à des considérations plus pratiques. Je lui appris que je différai mon départ à la demande d'Abdul et elle s'en réjouit. Je lui promis de l'appeler dès mon retour.

Au bout d'une heure trente de synthèse, conclusions et perspectives sur le Graal, Abdul fit son apparition. Il fut longuement applaudi et se contenta de quelques mots avant d'inviter les participants à poursuivre leurs recherches, à vivre leur passion et à revenir l'an prochain.

Quelques personnes vinrent le voir, principalement des proches. Pour les autres, ils étaient pressés de partir et le ballet des véhicules rythma les adieux.

Je regagnai ma chambre et réglai les derniers détails de mon séjour avec Lucienne qui m'avait trouvé une chambre d'hôte pour finir mon séjour. Elle proposa de m'y emmener lorsque tout serait fini. En attendant l'heure du rendez-vous je me promenai dans la campagne environnante.

A mon retour, j'aperçus Abdul qui traversait la cour, il vint à ma rencontre. Il me proposa de rejoindre leur petit groupe, tout était convenu avec Lucienne qui avait emmené mes bagages, Sylvia et Nathan me déposeraient après le dîner à l'adresse indiquée, ils connaissaient la propriétaire. 

Il me précéda au jardin d'hiver où je retrouvai Clarance et Florian, Marianne et Yves, Fernand, Sylvia et Nathan. Ils étaient déjà au travail, échangeant sur les différentes formes du Carré Rotas que nous avions vues ensemble, les grandes feuilles étaient affichées sur les vitres et un pan de mur dégagé pour l'occasion.

Abdul me fournit quelques explications. Après la transformation du Carré N en Carré A, il était tentant de le transformer en Carré O dans la mesure où sur les Carrés de Pompéi figuraient les lettres ANO. Marianne finissait d'écrire au marqueur le tableau de correspondance:

 Transformation A/O 

Florian la relaya pour écrire le nouveau Carré tandis qu'elle tenait sa feuille visible afin que nous l'aidions tous dans cette dernière transformation:

Carré O

Nous n'y voyions pas de signification particulière à première vue. Nathan s'approcha de la représentation des Carrés de Pompéi et attira notre attention sur le mot Sautran situé en partie inférieure. Il nous fit remarquer le A retourné qui en fait ressemblait plus à un F. 

- Et autrefois le F s'écrivait comme un S, remarqua Clarance.

- Admettons et remplaçons le F par un S, dit Florian en l'inscrivant dans le Carré, on obtient OSU ou USO, ça ne me semble pas plus concluant.

- Regardez au centre du Carré, dit Abdul, on peut lire Sos et c'est un des noms de Shou (1).

- Et Sof ou Fos? demanda Sylvia.

- Excellente idée confirma Clarance, Sos ou Fos est un des noms désignant la lumière (Phos en grec). Et Sof, c'est l'infini comme dans l'Aïn Sof ou Ayn Soph hébraïque de l'Arbre de la Kabbale.

- De l'Ain ou Néant, dit Abdul comme inspiré, vient l'Ain Soph, Espace infini puis l'Ain Soph Aur, la Lumière qui l'emplit et fait naître les sphères de l'Arbre de Vie. Ain est représenté par un point dans un cercle tel un O.

- Comme un oeil, remarqua Fernand

- Nous avons sous les yeux l'histoire de la Création, murmura Sylvia comme subjuguée.

Le silence nous réunit dans la contemplation. Fernand l'interrompit:

- Mais on avait une histoire égyptienne avec le Carré A, que devient-elle ici?

Je me souvenais de la Clé de vie, l'Ankh, je suggérai de l'utiliser aussi pour ce Carré.

Florian écrivit nos différentes hypothèses en rajoutant les lettres T ou R (rho). Nous nous arrêtâmes sur ces quatre propositions:

SPT : Sept correspondant à Seth

BSR : Busiris correspondant à Osiris qui est à l'origine le dieu de Busiris

QPT : Copte correspondant à Isis ainsi qualifiée en tant que déesse première d'Egypte. Copte était synonyme d'égyptienne encore au début de notre ère.

BT  pour neBThet, autre nom de Nephtys

Clarance nous apprit que l'oeil, la source, le néant ou rien en hébreu se dit Ayin, or l'oeil était le symbole d'Horus. Nous avions dans un même Carré les quatre descendants des quatre premiers principes égyptiens, Isis et Osiris, Seth et Nephtys regroupés autour du symbole d'Horus, fils posthume d'Osiris et d'Isis qui s'écrivait encore au XIX° siècle, Orus.

Nous avions fait le chemin de A à O, de l'alpha à l'oméga, de Atoum à Orus. 

Abdul était manifestement très heureux de ce résultat, mais il resta silencieux avant de nous proposer de nous recueillir pour honorer l'aspect sacré de ce fabuleux symbole dont nous venions de percevoir toute la richesse.  

Nous avions le sentiment de vivre un moment d'une intensité incroyable et de nous relier comme en une chaîne ininterrompue à tous ces chercheurs spirituels qui nous avaient précédés et avaient réussi à en assurer la transmission au péril de leur vie. 

Nous étions libres maintenant de considérer les données cachées par le Carré, mais des hommes étaient morts pour ces connaissances tout au long des siècles où elles étaient considérées comme dangereuses et strictement encadrées par les tenants du pouvoir.

 A la fin de ce moment, Abdul nous remercia et nous embrassa avant de nous quitter rapidement pour rejoindre sa femme, Amy. Il était pressé de lui faire partager l'aboutissement de ses années de recherche.

Un buffet froid nous fut servi dès son départ et nous le partageâmes avec entrain, heureux de notre collaboration et surtout de nos conclusions si importantes pour Abdul.

Puis Sylvia et Nathan, comme convenu me conduisirent dans la maison où ma chambre avait été réservée, ils devaient passer me chercher le lendemain.

(1) Sos, (autre nom de Shou) http://fr.wikipedia.org/wiki/Shou

Le même terme est attesté dans le langage courant, depuis le Moyen Empire , avec le sens « lumière ».

(2) http://nicolas.damour.free.fr/Loisirs/Nephilim/arbre.html

Après un moment de détente, je poursuivis le travail initié avec Abdul en établissant un tableau de correspondances entre N et A.

Carré N/A

Lorsque je l'appliquai au mot Tenet, j'eus un choc, j'obtins GRA… Comment ne pas voir le Graal dans le Carré comme l'avait dit Abdul? Je poursuivis la transcription.

GRA-Carré

Je ne distinguai pas de sens particulier, mais sur un des feuillets d'Abdul, je vis : 

A : Atoum ou Amon, Créateur, dieu caché, (amon signifie caché)

R : Rê ou Râ, Soleil

G ou Γ en grec : Maât, harmonie cosmique, rectitude

G R A, Trinité fondamentale; GRA-Al : Al est un des noms de Dieu; GRA-al : al est un article en arabe, ce serait l'équivalent de "le GRA". 

J'établis aussi la correspondance numérique.

B = 2

C-G = 3

F = 6

R = 20

N = 50

CARRÉ numérique GRA

Le N cachait le "dieu caché", le Créateur Atoum et le Graal le révélait dans sa Gloire, la Shekinah manifestée sur l'Autel…

Je ne pouvais pas aller plus loin sans Abdul aussi je décidai de sortir de ma chambre pour tenter de retrouver mes amis. C'est alors que j'aperçus Marianne qui me cherchait. Un dîner privé nous réunissait dans le jardin d'hiver. Je la suivis avec plaisir.

Le repas fut vite expédié et Marianne à la demande de Abdul fit le point sur ce que nous avions vu ensemble à propos du Carré Rotas-Sator afin que nous en soyons tous au même point. Elle utilisa de grandes feuilles accrochées sur son tableau portatif et lorsqu'elle eut fini, nous avions devant les yeux deux carrés de nombres avec des trous. 

Abdul nous dit que dans la tradition hébraïque, mais aussi pythagoricienne, les nombres et leur assemblage en carré avaient une représentation graphique ou géométrique. Nous pouvions déterminer leur schéma de base, leur "sceau" respectif. 

Marianne reprit son marqueur et traça des traits entre les nombres par ordre croissant. Une figure émergea, dans le Carré Rotas, nous voyions un parallélépipède centré sur un carré surmonté de deux triangles de même base. 

Tracé Rotas

- On dirait une figure en 3D, dit Nathan d'un ton inspiré, une structure cristalline.

- La Pierre Cubique, murmura Florian.

- Et en indo-européen, le radical gr signifie justement "tirer des traits" (1)

Marianne fit de même pour le Carré en rotation, le TopoTara où apparaissait Ara Aerea, l'Autel d'Airain.

Tracé  ARA

- Je vois deux losanges encastrés entre deux tables, remarqua Sylvia.

- Ou les deux triangles du sceau de Salomon dans un carré  compris entre deux colonnes, dit Nathan, en le mettant de côté.

- Intéressant cette idée de table, ajouta Clarance, c'est peut-être une des trois Tables du Graal dont nous avons parlé aujourd'hui!

Marianne finit le dessin à partir du Carré transformé du N en A, elle avait utilisé des couleurs pour mettre en valeur les différentes formes géométriques. 

Tracé GRA

Les interprétations fusèrent:

- Deux sabliers qui tournent dans leurs carrés…

- … avec une grille centrale.

- Le jeu de la Création qui s'anime, dit enfin Fernand approuvé par Estelle.

- Qu'est-ce qui a été créé au tout début? demanda Florian.

- Revenons aux lettres, proposa Abdul, mon Maître m'a dit que cette première création était sous le signe de Maât, l'harmonie de l'ordre cosmique, la rectitude; selon lui il fallait rajouter ce signe pour lire le nom des premiers éléments créés, mais je ne vois pas comment. Avez-vous une idée?

- Je repense aux lettres GRA, dit Clarance, tu nous as dit que G était l'équerre de Maât, R représentait le soleil, Rê; A était pour Atoum. Mais la langue des créateurs du Carré même inspirés par d'autres courants gnostiques ou égyptiens, serait l'hébreu. 

"Or dans ce cas, on n'utilise pas la voyelle, Atoum devient Tm en hébreu, - et nous avons donc trois lettres : équerre pour Maât - R sous forme du Ro grec pour Rê le soleil - T pour le dieu créateur Atoum. Et si on regroupe graphiquement cette triade, on a l'image de la Clé de vie égyptienne, l'Ankh.  

- Pour le Carré, ça nous donne quoi? demanda Marianne

- Peut-être faut-il recourir aux méthodes de la Kabbale hébraïque (2) qui pour résumer sont basées sur trois pratiques, le Notarikon ou technique de l'acrostiche; 

"l'équivalence numérique des lettres et la guematria que nous connaissons déjà; 

"la Temourah que nous pourrions peut-être utiliser ici. Elle est basée sur la combinaison, permutation des lettres. C'est l'équivalent de l'anagramme, or en hébreu le fait que l'on interpole ou insère des lettres (les voyelles principalement) offre beaucoup de possibilités combinatoires. 

"Ce Carré est le début de la Création du dieu Atoum selon l'ordre cosmique de Mâat. Si nous utilisons le T ou le G qui les symbolisent en complément des lettres du Carré, qu'obtenons-nous?

- On reconnaît Geb (Terre) et Net pour Neit ou Nout (Ciel).

- C est Chou ou Shou.

- Il nous en manque un, dit Abdul. Si nous avons Chou (Air), nous devrions trouver Tefnout (humidité). 

- En mettant le T en premier, ça marche, s'exclama Fernand, TFN, Tefnout.

Abdul était rayonnant, il étendit la main pour avoir le silence, il dit:

- Merci Clarance, nous avons ouvert la porte en tournant la clé! Atoum a créé Chou et Tefnout qui ont eux-mêmes créé Geb et Nout. Nous avons les premiers éléments de la Création, les émanations divines d'où tout découle comme nous l'avait annoncé le mot AEON du Carré, c'est magnifique! 

"Merci mes amis, vous savez que c'est très important pour moi. Lorsque j'ai reçu mes premières données sur le Graal, cela me semblait intéressant, mais je ne me sentais pas concerné. 

"C'est en fait après mon premier cancer voici un peu plus de huit ans que j'ai commencé à chercher, j'ai essayé de vérifier chaque élément qui m'avait été transmis et cela m'a amené vers vous... 

"On peut dire que la pensée du Graal m'a fait vivre toutes ces dernières années au point que je me croyais guéri. Je suis en rechute actuellement et mon cancer ne réagit pas très bien au traitement. Mais j'ai décidé de ne pas franchir le palier proposé par mon médecin, je ne veux pas d'escalade thérapeutique. 

"Et grâce à vous ce soir, je sais que ce merveilleux symbole de Salut s'est activé pour moi, je vous en souhaite autant à chacun dans vos vies. Maintenant je vais vous laisser finir la soirée à votre convenance, pour moi la journée a été bien longue et demain je retrouve Amy. Bonne soirée.

(1) Gr en indo-européen.

Voir aussi http://fr.wiktionary.org/wiki/-gram

(2) Voir par exemple De l'arbre au labyrinthe Par Umberto Eco

Au dîner, j'avais revu Lucienne, elle m'avait demandé des nouvelles de Abdul. Elle ne s'était pas fait prié pour me donner plus de détails sur sa vie. Sa femme, Amy, devait rentrer d'ici quelques jours d'un cycle de conférences aux Etats-Unis. Elle était américaine et passait plusieurs mois par an là-bas. Elle savait pour Abdul et s'était organisée pour rester en France dès son retour. Mais ils étaient très indépendants et Abdul tenait à ce qu'elle le reste.

Leur fils était au Japon et Abdul avait coutume de dire qu'il les honorait vraiment dans le sens où il menait sa propre vie et ne se préoccupait pas de la leur, tout en prenant régulièrement de leurs nouvelles. Autant ses parents étaient passionnés par le symbolisme, autant lui ne s'intéressait aux nombres que pour la quantité qu'ils représentaient. Il était financier et vivait aux antipodes aussi bien en terme de culture que de centres d'intérêt. 

Leur fille était très différente, elle avait épousé un éleveur du Massif Central du côté de Montluçon, elle avait 4 enfants et malgré quelques années d'études supérieures, n'était pas du tout une intellectuelle. 

Lorsque je rejoignis ma place à table, Estelle et Fernand avaient disparu, Florian et Clarance écoutaient Sylvia et Nathan conter en duo de façon très animée. Je me détendis en leur présence.

Je ne revis pas Estelle avant le début de la séance du lendemain qui portait sur les aspects spirituels et religieux de la Quête. Marianne commençait la présentation du programme lorsqu'une vague de murmure parcourut la salle. Fernand et Estelle arrivaient ensemble en retard et il n'en fallait pas plus pour que les commentaires aillent bon train. 

Elle vint s'installer à côté de moi en se faisant toute petite pendant que Fernand faisait lever des gens pour aller s'asseoir à la place convoitée malgré les regards courroucés de Marianne qui continuait tant bien que mal son discours. Il se contenta d'un grand geste de la main pour tenter de l'apaiser en s'excusant, ce qui fit rire ses voisins.

Estelle se concentra sur les interventions et j'en fis autant jusqu'à la pause. Elle m'entraîna alors jusqu'à la table de collation en me disant qu'elle n'avait pas eu le temps de déjeuner. Je répondis:

- C'était à ce point-là!

Elle leva les yeux au ciel et tout en sirotant son thé avec un gâteau, elle m'entraîna dans le jardin dès que j'eus été servie en café.

- C'était incroyable, j'ai passé la soirée avec Fernand, son amie Karen et son voisin Guillaume. Nous avons fait une séance de méditation à quatre et ce fut divin. J'étais sur un nuage céleste, incapable de rentrer, alors je suis restée sur place, voilà tout.

- Tu es consciente que ça fait jaser et que David risque d'en souffrir.

- Je m'en fiche, les gens peuvent penser ce qu'ils veulent, je lui expliquerai l'essentiel, nous sommes ensemble depuis assez longtemps pour qu'il me fasse confiance. Il veut mon bonheur comme je veux le sien, il ne veut pas me couper les ailes pour me garder en cage!

- Alors je suis très heureuse pour toi.

Nous avons poursuivi une conversation banale entrecoupée de longs silences qui lui permit de finir de se restaurer tranquillement, puis les interventions reprenant, nous sommes rentrées pour la suite du programme.

A la fin du déjeuner, j'aperçus Marianne qui arrivait en voiture dans la cour. La suivant du regard, je vis qu'elle pleurait. Je me levai discrètement et la rattrapai dans l'entrée.

Dès que je lui parlai, elle éclata en sanglots et se jeta dans mes bras. Elle était allée voir Abdul dès la fin des conférences du matin, il devait sortir de l'hôpital dans l'après-midi. Il avait refusé le traitement tout en sachant que cela le condamnait à court terme. Elle aurait voulu qu'il se batte, elle ne comprenait pas son attitude.

Il lui avait dit de ne pas s'inquiéter car il détenait quelque chose qui assurait son salut en toutes circonstances. Elle craignait qu'il ne soit influencé par des charlatans ou perturbé par sa maladie, il était devenu secret ces derniers temps.

Il lui avait demandé de continuer à numériser ses documents et à classer ses notes, mais elle n'y arriverait pas en le voyant se dégrader en si peu de temps. Et elle n'en voyait plus l'intérêt s'il disparaissait. Heureusement un étudiant utilisait les derniers travaux de Abdul pour rédiger un Mémoire, tout ne serait pas perdu.

Elle n'arrêtait plus de pleurer, aussi je lui proposai de prendre l'après-midi pour se remettre, mais avec un sursaut de volonté elle se redressa et me demanda de transmettre qu'elle aurait un peu de retard, puis elle courut vers sa chambre.

J'avertis Yves et Lucienne qui firent de leur mieux pour former des groupes autour de chaque conférencier et les placer dans les différentes salles comme prévu. J'avais choisi un groupe lorsque Clarance me rejoignit, elle rythma si bien les participations face à notre intervenant peu sûr de lui que le temps passa très vite.

Marianne vint me chercher à la fin de la session, Abdul était arrivé depuis deux heures et installé sur place, il demandait à me voir. Je la suivis aussitôt.

Il était dans un charmant salon rustique chauffé par un vieux poêle à bois. Il prenait un thé et des petits gâteaux qu'il me proposa de partager, je me contentai du thé. 

Il me dit:

- Je sais que Marianne t'a parlé, nous n'y reviendrons pas, je veux mourir vivant et non ajouter des jours à ma vie pour juste survivre. J'ai un livre à finir sur des contes traditionnels, l'association m'a trouvé un secrétaire qui s'occupera de tous les détails rédactionnels ou éditoriaux, cela m'aidera à tenir… Pour le reste,... 

Et une grimace de douleur l'interrompit, il respira calmement en fermant les yeux, se détendit, puis reprit comme si de rien n'était:

- Ils m'ont donné de quoi ne pas trop souffrir. J'ai besoin de toi si tu l'acceptes, mais puisque tu es ici, je ne doute pas.

- Tout dépend ce que tu me demandes, répondis-je prudemment.

- Je dois transmettre ce que j'ai reçu et je sais que tu es la bonne personne, tu as bien les trois feuillets que je t'ai demandé?

- Oui, dis-je, dans ma chambre, mais compte tenu des événements, je pensais…

- Ne pense pas à renoncer, c'est mon Salut, le salut de mon âme et le moyen quoiqu'il arrive d'être en paix, dans l'harmonie de Mâat, la Vieille Loi, dit-il en appuyant son propos d'un clin d'oeil souriant qui démentait le sérieux de ses propos.

- Pourquoi moi? demandai-je.

- Cette connaissance s'est transmise de personne à personne par des modalités qui ne sont pas toujours conventionnelles que tu n'as pas besoin de connaître. Le temps est venu qu'elle ne soit plus destinée à seulement quelques personnes aussi bien choisies soit-elles, mais partagée avec tout chercheur intéressé. Tu sauras la transmettre sans l'enfermer dans des croyances inappropriées ou un dogmatisme sclérosant et comme tu n'es rien dans ce milieu de spécialistes, ça passera. Le temps qu'ils réagissent avec leur esprit de chapelle habituel, ils ne pourront plus la bloquer, elle se diffusera librement!

Je ne partageais pas son enthousiasme et je ne voyais pas clairement mon rôle dans cette histoire, mais il insista.

- Ne t'inquiète pas, si je t'ai choisie, c'est pour que tu transmettes cela simplement et tu en es capable, je sais que cela ne te fera pas disjoncter et que tu n'essaieras pas de te l'approprier pour en tirer bénéfice. Tu peux rester jusqu'à lundi prochain?

- Je ne sais pas, il faut que je m'organise. Je peux téléphoner maintenant pour le savoir.

- D'accord et si tu pouvais aller chercher les feuillets en même temps, je me repose un peu, nous reprendrons dès ton retour.

J'avais obtenu un accord pour prolonger mon séjour et ma famille s'attendait à ma demande puisque j'étais à Brocéliande! Abdul s'en réjouit et enchaîna aussitôt sur la connaissance des carrés magiques.

- Dans ma famille paternelle arabe, dit-il, on utilisait des carrés magiques de trois, quatre ou cinq lettres comme des talismans ou amulettes et cette utilisation est aussi attestée en France, au moins au Moyen-âge. On utilisait des carrés avec des lettres ou des chiffres dont la composition faisait apparaître des propriétés mathématiques particulières. 

"On connaissait le Carré Sator ou approché avec des changements de lettres parfois, les cinq mots étaient associés au Christ (les cinq clous). Le carré de quatre était parfois associé aux "Quatre Vivants" du Tétramorphe. (1)

"En Europe les carrés magiques, selon le nombre de leurs colonnes, étaient mis en correspondance avec des planètes et représentaient en quelque sorte leur sceau. Comme le disaient les Pythagoriciens qui utilisaient une représentation géométrique des nombres, tout est Nombre, ainsi posséder un carré magique permettait de bénéficier de la protection de la planète, donc du dieu correspondant. 

"Au XVII° siècle encore, le Roi Louis XIV reçut un talisman avec un carré magique à six colonnes, donc en rapport avec le Soleil.

- Et le carré de cinq? demandai-je.

- C'est le carré de Mars (2). Pour comprendre ce type de représentation, il faut la remettre dans son contexte d'utilisation magique. La plus haute "magie" est de reproduire l'état initial d'origine de la Création puisque là tout était parfait selon l'Ordre cosmique. 

"Le carré magique représentant cet Ordre cosmique parfait, au moins en partie, a une valeur protectrice et ce indépendamment de son sens réel, de ses propriétés linguistiques ou mathématiques. Et ne croit pas que c'était particulier à mon peuple, il était également utilisé en ce sens en milieu juif. 

- Le carré Sator-Rotas aussi? demandai-je.

- C'est ce que l'on m'a transmis et les termes utilisés le rattachent à un type de conception magique particulière. Les Roues et l'Oeuvre se rapportent à la description de la vision de Dieu par Ezéchiel (Bible) qui fonde la Mystique du Char ou Merkaba juive. Les mystiques parlent de l'Oeuvre du Char dont les Roues représentent l'action de Dieu dans le monde.

- Le Carré est d'origine juive, dis-je, ces mots étaient donc clairs pour cette communauté, ils sont devenus obscurs pour les chrétiens ou les arabes.

- Il faut que je te transmette à mon tour, écoute bien. Le Carré a un lien avec le Graal, c'est un symbole de Salut au sens pythagoricien et ce n'est pas pour rien qu'il est associé à l'autre voeu pythagoricien de bonne santé sur les Carrés de Pompéi, le mot VALE. 

"Les carrés romains sont plus souvent sous la forme Rotas, la forme Sator serait plus tardive et peut-être plus souvent associée à un contexte chrétien. 

"Tu sais que chaque lettre en hébreu correspond à un nombre, par ailleurs un carré magique numérique, selon les Arabes, a une clé et un verrou. La Clé est le plus petit nombre, le Verrou le plus grand (3). 

"Pour transformer notre Carré en nombres, il faut retrouver les mots hébreux correspondants aux mots latins. En hébreu, en général seules les consonnes comptent, les voyelles permettent la vocalisation.

"Sator devient STR qui signifie caché comme l'a fort bien écrit entre autres Nicolas Vinel. 

De là à penser au Dieu Caché de la Bible en rapport d'ailleurs avec le concept de la Shekinah, Présence de Dieu qui se révèle ou se cache selon les moments… Passons, nous y reviendrons. Transformons notre carré selon la correspondance numérique des lettres qui est à la base de la guématrie.

N = 50, Clé du Carré

S = 60

P = 80

R = 200

T = 400, Verrou du Carré

Nous avons la Clé au centre en N, dans le Verrou des quatre T. 

Carré numérique Rotas

"Revenons aux lettres, N correspond en hébreu à Noun, le poisson, les profondeurs, le chaos primordial selon la conception égyptienne qui comme tu le sais a inspiré la religion juive. Maintenant pour ouvrir la porte sur les secrets du Carré Rotas-Sator, il faut tourner la Clé dans le Verrou. C'est une "rotation" comme évoquée par le terme Rotas. Nous allons changer le N en A. 

- Pourquoi? demandai-je.

- Selon le récit de la Création égyptienne, du Noun primordial émerge Atoum ou Amon, le dieu caché créateur. En changeant le N en A, on fait tourner la roue, on remplace chaque lettre dans le Carré en la décalant d'autant dans l'alphabet.

- Quel alphabet, le latin, l'hébreu?

- Le latin bien sûr, dit Abdul, le Carré est en lettres latines, par contre à l'époque l'alphabet n'était pas aussi complet que notre alphabet moderne. (Voir ici)

"Nous allons le reconstituer.

A - B - C - D - E - F - G - H - I/J - K - L - M - N - O - P - Q - R - S - T - U/V - W - X - Y - Z

"Il ne nous reste qu'à établir la correspondance.

Mais à ce moment, Marianne entra après avoir frappé, elle demanda si Abdul pouvait recevoir Mme Delaporte qui avait fait le trajet spécialement dès qu'elle avait appris sa sortie de l'hôpital. Il se tourna vers moi et dit:

- Tu vas finir ça toute seule, ta surprise n'en sera que plus belle et tu as les feuillets…

Je lui souhaitai une bonne soirée ainsi qu'à Marianne et regagnai ma chambre pour m'y remettre aussitôt. 

1 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ethio_0066-2127_1957_num_2_1_1271
A propos du carré Sator chez les Ethiopiens par J. SCHWARTZ

Le Tétramorphe renvoie aux Quatre Vivants de la vision d'Ezéchiel, qui sont représentés par le Lion, l'Aigle, le Taureau et l'Ange autour du Christ.

http://www.an1000.org/forum/889_20-le-mysterieux-carre-sator.html

La formule a laissé des traces en Cappadoce où les bergers de la Nativité s'appellent au Xe siecle Sator, Arepon et Teneton et en Ethiopie où une légende courait encore au XVIIe nommant les clous de la Croix Sador, Alador, Danet, Adera, Rodas.

http://www.umanitoba.ca/colleges/st_pauls/ccha/Back%20Issues/CCHA1959/Fishwick.htm En anglais

Au XIe siècle, les cinq mots ont été utilisés en Abyssinie pour désigner les cinq plaies du Christ. La fonction du charme Rotas pourrait donc être d'assurer le salut. 

2 http://carresmagiques.blogspot.fr/2010/07/les-carres-magiques-et-les-spheres.html

3 La Lettre d'Information de l'APAM - Ernst-Herzfeld-Gesellschaft eV

www.ernst-herzfeld-gesellschaft.de/files/lettre_apam_16.pdf

Je revis Estelle dès le matin, elle occupait la chambre voisine de la mienne et nous avions convenu de descendre déjeuner ensemble. 

Elle me raconta sa soirée avec enthousiasme. Après mon départ, Fernand avait soudain esquissé quelques pas de danse avec elle sans que ce soit prévu au programme. Ils furent rejoints par d'autres convives et les musiciens changèrent de registre pour improviser une sorte de festnoz jusqu'à minuit. Ils se réfugièrent ensuite dans le jardin d'hiver juste éclairé par la lune et discutèrent longuement. 

Il lui avait parlé de sa vie, de Lorrekey et de sa conception de l'amour pour la Dame, sa Bien-aimée intérieure qui le guidait. Il avait rejoint un groupe de méditants qui sans être des Fidèles d'amour pratiquaient des méditations à deux incluant la conscience élargie et l'amour inconditionnel. Il y avait rencontré une jeune femme avec laquelle il avait des relations suivies, mais ils ne souhaitaient ni l'un ni l'autre vivre ensemble.

Estelle était émue par son histoire et touchée par sa délicatesse qui effaçait ses maladresses et les aspérités de son aspect pour le moins négligé. Je lui confirmai ses qualités de coeur que j'eus l'occasion d'apprécier lors de mon séjour à Brocéliande. Je lui en avais fait le récit de mon mieux, mais elle n'avait pas imaginé rencontrer une telle personne et c'était pour elle une agréable surprise.

Nous disposions d'un peu de temps avant la reprise du séminaire et je choisis d'aller à la rencontre des bénévoles pour avoir des nouvelles de mon ami Abdul. Je vis Yves qui chargeait une fourgonnette de cageots vides. Il devait faire des courses en début d'après-midi et passerait lui remettre son courrier. 

Je lui demandai s'il pouvait m'emmener. Notre accord fut rapide et je pus rejoindre Estelle juste avant que la première intervention ne commence. Nous étions d'emblée dans le vif du sujet, le Graal ou ses équivalents dans les mythes. 

A la pause, Fernand fit une apparition remarquée, il offrit une rose à Estelle en lui disant "A la Dame en toi". Nos amis avaient l'habitude de ses comportements originaux et Clarance, attentive à ce qui se passait, mit tout le monde à l'aise en racontant une petite histoire de fleur et de papillon. Estelle accepta gentiment la rose et pour cacher son trouble écouta attentivement l'histoire.

Le temps passa très vite, j'expédiai le déjeuner au buffet dressé près de la salle de conférence et je retrouvai Yves à l'heure convenue. Sur la route il me précisa l'état de notre ami Abdul. Il était à la fin de sa première série de chimiothérapie. 

Il avait eu une séance supplémentaire car un premier bilan d'évolution était mauvais. L'équipe médicale souhaitait le compléter avant de lui proposer une nouvelle thérapie. 

Yves était sympathique, mais ne souhaitait pas m'en dire plus que ce que tous savaient dans leur groupe. Il aimait beaucoup Abdul dont il appréciait le sérieux tout en reconnaissant qu'il était souvent dépassé par sa stature intellectuelle. 

La passion d'Yves pour la Lorre en général, la connaissance traditionnelle, lui avait été transmise par un oncle et il avait retrouvé avec Abdul, malgré la différence d'âge, la même fascination pour ce savoir oublié qui affleurait sous d'anciennes légendes ou des éléments de Folk-Lore dont il était l'observateur attentif. 

Avec Lucienne, sa femme, ils suivaient tant bien que mal l'évolution du groupe réuni autour d'Abdul tout en participant à la vie locale associative. Il me dit en riant:

- Lucienne préfèrerait peut-être l'or à Lorre, mais elle me suit depuis si longtemps maintenant, elle s'y connaît presque autant que moi.

Yves était attentionné et après avoir envisagé de me laisser devant l'hôpital, constatant mon ignorance des lieux, il décida de rentrer pour me déposer à l'entrée du service. Un bref échange avec le vigile de l'entrée qui l'avait reconnu suffit et la barrière d'accès se leva devant nous.

J'étais un peu en avance pour l'heure des visites, mais Abdul prévenu par Yves m'attendait dans le hall d'accueil. Il était amaigri et fatigué, pourtant la maladie et les traitements ne l'avaient pas trop marqué. Il me tendit les bras et je l'embrassai chaleureusement. Il dit quelques mots à l'infirmière qui sortait de son bureau et me conduisit vers sa chambre. Je lui remis le sac préparé par Yves, qu'il déposa sur une tablette près de son lit.

Après son dernier examen du matin, la réunion des médecins qui se tenait en ce moment même allait décider son sort. En attendant il s'occupait l'esprit au mieux, il poursuivait ses travaux sur l'ordinateur portable qu'il sortit d'une valise dissimulée dans son placard sur lequel un panneau signalait le risque de vol des objets de valeur. 

Il me demanda où nous en étions à propos du Carré magique Sator-Rotas après l'exposé de Marianne réalisé la veille. Je lui parlai de l'AEON que nous y avions vu. Il approuva en souriant et me demanda:

- Sais-tu ce que Aeon signifie?

Je dus avouer mon ignorance, je n'avais même pas envisagé que cela ait pu avoir un sens!

- La curiosité est peut-être un vilain défaut dans certains cas, mais elle est indispensable pour la recherche, me dit Abdul.  Ce mot AEON désignait chez Platon le monde éternel des Idées et chez les gnostiques des émanations divines plus ou moins inspirés des dieux égyptiens. Dans des écrits grecs se référant à la magie, ce terme désigne l'aspect suprême de Dieu, le Tout. (1)

- Cela confirme le côté sacré du Carré, remarquai-je.

- Bien sûr, confirma Abdul, les modernes ont perdu cette dimension et raisonnent de façon morcelée, mais pour les anciens tout était lié, chaque chose avait sa place dans l'ordre divin et les créations humaines respectaient forcément cet ordre ou disparaissaient. Ce Carré ayant traversé le temps depuis l'Antiquité dans de nombreux pays, nul doute qu'il représente quelque chose de profondément sacré et de magique pour les populations qui l'utilisaient.

- L'autel d'airain et le serpent-étendard vont en ce sens, ajoutai-je.

- Tout à fait, dit Abdul, gnostiques, pythagoriciens et communautés juives en exil menaient chacun leurs spéculations (2) avant que le Christianisme au IV° siècle avec l'Empereur Constantin ne finissent par faire disparaître ces courants en les incorporant pour certains, en les excluant pour d'autres avec la violence que l'on sait. Mais ils n'ont pas forcément complètement disparu. Et que penses-tu de la Pierre de Stenay?

- L'hypothèse d'un lien avec le Carré me semble fondée. Elle pourrait être une sorte de code pour trouver l'autel d'airain, Ara Aerea.

- Sais-tu ce qui était gravé sur le côté de cette pierre? demanda Abdul tout en ouvrant un fichier sur son ordinateur. Il tapa un mot clé pour lancer la recherche et constatant mon silence, il tourna l'écran vers moi.

Je m'attendais à voir une image, il s'agissait de deux descriptions différentes. L'une parlait d'une sorte de flacon et de trois pains ou navettes disposés en triangle. L'autre d'une fiole et de trois disques. A la fin de ma lecture, Abdul reprit son clavier et ouvrit un nouveau fichier.

- Voici mon interprétation dessinée.

- On dirait des hiéroglyphes.

Abdul eut un petit sourire et dit:

- Dans le Temple de Jérusalem, (3) il y avait trois autels, l'autel recouvert d'airain des holocaustes avec sa grille d'airain en forme de treillis (Exode 38, 1-8), l'autel des Parfums, la Table des pains de proposition. Sur cette pierre, nous avons donc le code pour l'autel d'airain, la fiole contenant peut-être les Parfums, et les Pains. Ces derniers seront symbolisés par le vin et le pain dans l'Eucharistie des chrétiens.

- Ainsi le Carré évoquerait le Temple de Jérusalem, dis-je, ce qui confirme l'hypothèse d'une origine juive.

- Certes, mais c'est peut-être plus complexe encore, répondit Abdul. En tout cas dans le Saint du saint une pierre servait de support à l'Arche d'Alliance (4). C'était là que se manifestait la Présence de Dieu, Gloire ou Shekinah, sur la Pierre de Fondation ou shetiyah.

Pour les chrétiens tous ces éléments seront représentés par la seule pierre d'autel, elle-même symbolisant le Christ.

- Que signifie Shekinah? demandai-je.

- Le terme shakan est "demeurer sous la tente". La tente abritait effectivement l'Arche avant la construction du Temple et elle était alors assimilée à un temple. Cela me fait penser que dans une forme d'écriture de la vieille Europe (Hongrie), les Rovas, dérivés de l'ancien araméen, Sator signifie tente! Sator pour Shekinah, tente de Dieu? 

- La shekinah étant dans la pierre d'autel, dis-je, le Carré Sator contenant l'Autel d'airain représenterait la Présence de Dieu?

- Je te laisse penser ce que tu veux, répondit Abdul. Du moment que cela te donne accès à sa dimension sacrée… 

La porte s'ouvrit à ce moment, le médecin, un homme corpulent aux cheveux grisonnants s'avança suivi d'une jeune femme rousse dont le visage était constellé de tâches de rousseur. Elle avait un dossier médical épais à la main.

Je voulus m'éclipser discrètement, mais Abdul me dit:

- Non, j'aimerais que tu restes.

Il leur expliqua sa position à mon égard et après un coup d'oeil à son interne, le médecin commença ses explications.

Il faisait de gros efforts pour être le plus clair possible dans l'exposé du diagnostic en utilisant des mots simples, mais il eut plus de mal pour parler du traitement proposé et laissa la jeune interne l'expliquer. Lorsqu'elle eut fini, elle tendit une feuille à Abdul en disant:

- Voilà, vous n'avez qu'à signer ici et nous commençons le nouveau protocole dès ce soir.

Abdul prit la feuille, la parcourut rapidement et dit:

- Je vais y réfléchir jusqu'à demain matin.

Le médecin voulut protester, mais Abdul leva la main.

- N'insistez pas, c'est ma vie et j'ai besoin d'y réfléchir calmement.

Les médecins sortirent, il avait l'air soudainement épuisé et je lui proposai de le laisser. Il accepta tout en me demandant de continuer le travail sur le Carré, il  m'assura que c'était très important pour lui. 

Avec ce que je venais d'entendre j'en fus étonnée, son pronostic vital était en jeu, l'avait-il bien compris? On lui proposait un protocole de la dernière chance qui n'était pas encore vraiment validé, mais on ne pouvait rien faire d'autre. 

Sans ce traitement il en avait pour quelques mois. Avec, il n'aurait probablement pas plus de deux ans de survie et au prix de nombreux effets secondaires que le médecin avait préféré ne pas trop détailler pour mieux en défendre l'intérêt vital. 

Alors que représentait le Carré pour lui? Et pour quelle raison avait-il tenu à ce que j'entende tout cela? Etait-il si seul à ce moment de sa vie ou la situation l'avait-il obligé à utiliser la seule personne qu'il avait sous la main?

Autant de questions qui tournaient dans ma tête mais que je choisis de garder pour moi. Je ne racontai rien à Yves lorsqu'il revint me chercher dans le hall du service de soins pour me ramener au Gîte des Roses.

1 Wikipédia (en anglais) http://en.wikipedia.org/wiki/Aeon (Anglais, pour la traduction en français, mettre ce lien dans la zone de recherche google de votre navigateur en enlevant http:// et sélectionner traduire cette page)

Chez les égyptiens et Valentin le gnostique, ici.

2 Histoire critique du gnosticisme et de son influence sur les sectes religieuses et philosophiques des premiers siècles de l'ère chrétienne Jacques Matter, ici.

3 http://www.bibliquest.org/JMu/JM-at02-Paris-Exode_Tabernacle.htm#TM13

4 Jean Hani La divine liturgie

La Gloire dans Ezechiel: La manifestation visible de la gloire de Dieu dans certaines circonstances avait pour but de revendiquer Son honneur et de faire briller Sa majesté devant son peuple. Elle était le rayonnement de son Être, le faisant connaître au milieu des hommes, comme le Juge de tous (Héb. 12:23). Cette gloire siégeait habituellement sur le propitiatoire, ombragé par des chérubins, dans le Lieu Très-Saint.

A mon arrivée au Gîte des Roses où se déroulait le séminaire, je fus accueillie par une charmante bénévole d'une soixantaine d'années, Lucienne, qui m'équipa aussitôt d'un badge, m'expliqua la disposition des lieux et l'emploi du temps. Munie de mes bagages je me présentai à l'entrée du bâtiment réservé aux chambres. Un autre bénévole sensiblement du même âge nommé Yves, m'offrit de revenir prendre un verre après avoir déposé mes affaires. 

La chambre était très fraîche, je réglai le thermostat pour avoir une ambiance plus agréable à mon retour. Yves me guida jusqu'à une véranda à l'arrière de la maison dont les baies vitrées donnaient sur un petit jardin clos de murs. 

Cinq personnes étaient là, un couple trentenaire, Sylvia et Nathan, conteurs et animateurs pour enfants, Marianne une proche collaboratrice d'Abdul et surtout mes amis Florian et Clarance, conteurs et guides qui m'embrassèrent avec enthousiasme.

Florian reprit la conversation interrompue par mon arrivée sur son expérience théâtrale de l'oeuvre de Wolfram von Eschenbach, d'abord avec Lohengrin et prochainement avec une adaptation de Parzifal.

Je demandai à Clarance si elle avait vu Abdul, Marianne intervint aussitôt en disant:

- Il vous prie de l'excuser, il ne peut se joindre à nous et m'a demandé de le remplacer, il nous rejoindra dès que possible. 

- J'espère que ce n'est pas grave, dit Clarance manifestement inquiète. 

Marianne se raidit un peu et répondit:

- Vous savez que je ne peux rien dire, mais je puis vous assurer que nous le verrons avant la fin de ce séminaire. Quant à moi, je vais préparer mon intervention, à tout de suite.

Elle s'éloigna aussitôt sans se retourner.

Clarance me dit que Abdul était en chimiothérapie une semaine par mois depuis quelques séances, mais habituellement il les supportait bien et les dates en avaient été choisies en fonction de son planning.  

Cette nouvelle était un choc pour moi, aussi elle tenta de me rassurer et orienta notre conversation sur les passions qui nous avaient rapprochées lors de mon dernier séjour, archéologie, architecture sacrée, histoire du christianisme. Mais je n'avais pas la tête à la discussion et la sonnerie de début de séance fut un soulagement.

Notre petit groupe se dirigea vers la salle de conférence en traversant la cour sablée de notre arrivée. La salle d'une centaine de places était à moitié remplie, les sièges étaient disposés par rangées de six, Florian et Clarance rejoignirent Marianne. Une jeune femme avec laquelle j'avais déjà sympathisé, Estelle, s'installa près de moi. Je l'avais vue à plusieurs reprises au hasard de conférences dans ma région. Nous étions aussi surprises l'une que l'autre de nous retrouver si loin de nos bases. 

Elle me raconta son dernier stage de méditation pendant lequel elle avait continué sa progression en pratique énergétique de guérison-harmonie avec son compagnon David. Pour elle le plus important était de se mettre en état d'amour inconditionnel et d'accepter d'être un canal d'énergie sans s'impliquer.

Soudain au moment où Marianne commença à parler au micro, je sentis une main sur mon épaule, je me retournai sans voir personne, mais j'entendis un petit rire dans mon dos. Fernand était là! Il m'embrassa bruyamment suscitant des "chuts" insistants de nos voisins, je lui présentai brièvement Estelle qu'il embrassa aussi et il s'assit derrière nous.

Marianne fit un bref discours d'introduction et présenta les grandes lignes du programme en trois parties selon différents aspects du Graal. Si les thèmes n'étaient pas originaux par la force des choses, la méthode de présentation l'était plus. Des intervenants se succèderaient sur un même thème en présentant des exposés de dix minutes, puis se regrouperaient pour une séance d'échange avec le public. Des petits groupes de discussion dans l'après-midi seraient proposés en présence d'un ou deux intervenants du matin.

Chaque fin de journée une synthèse des échanges serait écrite et remise aux participants dès le lendemain.

Quelques officiels prirent ensuite la parole pour préciser les liens de ce colloque avec les organismes, les politiques régionaux, et les généreux contributeurs au titre du mécénat culturel.

En clôture de journée, un dîner devait réunir organisateurs, participants et intervenants à 20 heures. 

A la fin de cette présentation, Marianne nous fixa un rendez-vous à 19 heures au jardin d'hiver. En attendant, nous avions le temps de nous dégourdir les jambes. Fernand proposa de nous faire visiter le parc, façon pour lui de rester avec nous et surtout près d'Estelle qui ne semblait pas insensible à son charme d'homme des bois.

Lorsque Marianne nous appela de loin, Fernand fut un instant tenté de faire plutôt une séance buissonnière, mais il resta finalement aux côtés d'Estelle qui était motivée pour découvrir toutes les facettes de l'univers du Graal et autres mystères. 

La véranda-serre du jardin d'hiver était aménagée pour laisser un espace central entre les plantes aux pots imposants qui rejoindraient les allées du parc aux beaux jours. Quelques chaises, une table et un écran blanc étaient disposés dans cet espace vert luxuriant. 

Avec Florian, Clarance, Sylvia et Nathan, Lucienne et Yves, nous étions au complet et déplorions l'absence d'Abdul. Marianne ne nous laissa pas le temps de nous attendrir. Elle nous présenta de son mieux ce qu'elle avait préparé avec lui, il nous demandait notre participation pour regarder d'un oeil neuf ce marronnier des mystères ésotériques, le carré Rotas-Sator.

Elle nous montra des images de Carrés (1), majoritairement des Carrés Sator. Les plus originaux montraient des variantes comme celui du menhir du Pla de las Brugos à Rennes-le-Château transformé en statue du Roi Dagobert, accompagné d'une inscription en grec sur l'autre face. Le P y figurait pour un R grec: POTAS OPERA TEHET AREPO SATOP. 

Carré Rotas-Sator-Dagobert (http://www.angolohermes.com/simboli/sator/sator4.html)

Les O comportaient un point, comme un oeil et un H semblait remplacer le N au milieu. 

D'autres étaient circulaires ou encore d'un graphisme allusif comme la Pierre de Stenay (2) découverte à la fin du XIX° siècle, hélas disparue, mais qu'une copie restitue avec les lettres SRNPR disposées verticalement, un grand chevron et une croix.

Reproduction Pierre de Stenay (http://www.portail-rennes-le-chateau.com/stenay_dagobert.htm)

Le chevron montre effectivement la disposition des lettres dans le carré Sator.

sATOR

ArEPO

TEnET

OpERA

rOTAS

Marianne insista sur le relevé graphique des Carrés de Pompéi (3), nous demandant de prêter attention à chaque détail.

Elle conclut en rappelant les données que j'avais vues dans le livret envoyé par Abdul et nous fournit des références pour aller plus loin dans l'histoire des recherches et les différentes hypothèses d'interprétation. (4) Puis elle nous demanda notre avis. Je vous passe les remarques plus ou moins farfelues ou déjà formulées par ailleurs. Voici celles qui ont retenu notre attention:

Selon Fernand le terme Arepo qui serait gaulois et désignerait "l'extrémité du champ de labour" prise au sens figuré donnait en français "à tout bout de champ"(5). Cela nous sembla judicieux et donna l'idée à Marianne de l'expression "en toute extrémité". Nous avions alors un sens religieux qui se dégageait de cette phrase: 

Le Créateur en toute extrémité tient l'Oeuvre des Roues. Ces roues nous évoquant celles du destin.

On pouvait relier les O et A périphériques portant ainsi à trois le nombre des croix possibles dans le Carré avec celle du Tenet. 

Nathan remarqua alors la disposition des voyelles qui reliées formaient une croix de Malte ou croix des Béatitudes et en traversant la case centrale du N, le mot AEON.

Croix de Malte-AEON

Lucienne nous signala le triangle au-dessus du carré de Pompéi, Yves le vit comme une sorte de flèche désignant le T ou la ligne TENET. Fernand dit en blaguant "mets-le au coin". Florian se leva brusquement et dit:

-Mais c'est bien sûr, il faut tourner la croix Tenet jusque dans l'angle! 

Marianne alla chercher un tableau blanc équipé de feuillets de papier et prit un marqueur pour suivre l'idée. 

- Et voilà, dit Florian, on trouve en angle ou en chevron SRNPR comme sur la pierre de Stenay.

- Ce nouveau carré ressemble à l'hypothèse de Nicolas Vinel, ajouta Marianne. Il a utilisé un modèle mathématique de carré pythagoricien, il obtient ce carré avec une inversion des deux lettres de la croix autour du N.(6)

- Donc on inverse le R et le S.

- C'est peut-être ce que signifie le S rajouté à côté du R sur le premier carré de Pompéi, remarqua Estelle approuvée par Fernand.

- Voyons ce que ça donne, reprit Marianne en écrivant:

- Et voilà le Topo dit Fernand, Ara Aerea, autel d'airain? Ce Carré est un autel symbolique, ça alors!

Marianne précisa:

- Nicolas Vinel a aussi remarqué les lettres restantes, SERPENS, évoquant le serpent d'airain ou de bronze que Dieu a indiqué à Moïse, il a alors mis ce symbole de Salut en étendard pour protéger son peuple des serpents.

- C'est donc aussi un symbole de Salut, dit Clarance, ce qui va bien avec l'autre symbole pythagoricien VALE (Porte-toi bien, voeu de bonne santé) accompagnant les deux Carrés pompéiens.

- Mr Vinel attribue ce carré à une communauté juive, ajouta Marianne, mais les pythagoriciens n'étaient pas loin à l'époque et les plus importants d'entre eux vivaient quelques siècles auparavant à Tarente, en Italie du Sud.

- D'ailleurs, il reste en périphérie TopoTara, or Taras en latin désigne Tarente, remarqua Yves. Donc ce serait "lieu Tarente" comme une signature géographique? 

- Excellent, conclut Marianne, nous avons bien travaillé, il est temps maintenant d'aller dîner.

Fernand se leva brusquement de sa chaise, faillit la renverser et se précipita pour tendre sa veste à Estelle qui n'avait nul besoin de tant de sollicitude, mais se contenta de remercier avec un gentil sourire. 

Fernand ne remarqua pas nos sourires légèrement moqueurs. Il ne quittait plus Estelle des yeux, il se précipita pour lui ouvrir la porte, l'accompagna jusqu'à sa place au dîner et bien sûr se plaça près d'elle. 

Le repas simple et savoureux fut agréablement rythmé par un spectacle alternant contes mimés et chants accompagnés à la guitare et l'accordéon. L'ambiance était détendue et festive, mais fatiguée par le voyage, je laissai mes compagnons de table dès que j'eus fini mon dessert.

(1) http://www.duepassinelmistero.com/Il%20Magico%20quadrato,%20SATOR....htm

(2) http://www.portail-rennes-le-chateau.com/stenay_dagobert.htm

(3) Un carré partiel entouré d'autres annotations fut d'abord découvert dans les ruines de la riche villa de Pasquius Proculus en 1925. http://locipompeiani.free.fr/pages/paquiusproculus00.html

Un autre exemplaire, complet et aussi annoté fut découvert en 1936 gravé sur une colonne de la Grande Palestre de Pompéi, un gymnase à la mode grecque, donc lieu d'exercices sportifs et d'éducation.

http://www.duepassinelmistero.com/Il%20Magico%20quadrato,%20SATOR....htm

(4) Synthèse des hypothèses et aspect historique

http://www.paperblog.fr/1170737/le-carre-sator-le-pater-noster-et-la-croix/

(5) http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1953_num_97_2_10105

Extrait: Carcopino convaincu par Vendryies conclut: arepo correspond à un adjectif gaulois pris adverbialement qui voudrait dire « à l'extrémité du champ », c'est-à-dire au bout du carré par référence à la charrue qui tourne au bout du carré labouré pour tourner. C'est aussi au figuré le bout de la vie attesté par ailleurs dans des textes classiques latins.

Cela correspond à l'économie du carré qu'il s'est efforcé de définir. La phrase du carré a ainsi un sens banal pour les païens, un sens caché représentant la protection divine à l'extrémité du sillon, sur le passage qui mène de la vie à l'éternité.

(6) http://rhr.revues.org/5136  (PDF possible)

A la chasse, le galop d'un nudiste qui rentre par la fenêtre n'a rien de naturel.

Expression détournée: Chassez le naturel, il revient au galop (On ne peut échapper à sa nature!)

En lien avec le Graal, voici une nouvelle aventure autour d'une énigme de l'histoire de la pensée spirituelle concernant le plus célèbre des Carrés magiques, le Carré Rotas ou Sator.

Dans cette histoire vous retrouverez certains personnages présents dans l'histoire précédente, "Merlin, Brocéliande et le Graal", mais les deux récits peuvent se lire indépendamment l'un de l'autre.

1/ Présentation du Carré Rotas Sator

Abdul, mon ami de Brocéliande, érudit arabe-breton, conteur à l'occasion et chercheur dans le domaine des mythes et des religions m'invitait à un séminaire organisé par son équipe sur le "Graal, mythe et réalités". Il insistait pour que je vienne et j'avais réussi à me libérer pour quelques jours. Il me demandait d'emporter les feuillets qu'il m'avait fait remettre à la fin de notre aventure à Brocéliande. Nous devions y travailler en parallèle.

Je n'avais pas vraiment pris le temps de m'y intéresser tout en repérant que cela concernait un des objets les plus mystérieux dont on trouvait la trace dans de nombreux pays: un carré magique de lettres connu sous le nom de Carré Sator-Rotas.

Il joignait au dossier confirmant mon inscription un petit livret de présentation, je ne voyais pas de rapport avec les sujets du séminaire, mais pendant le trajet j'en pris connaissance.

Carré Rotas-Sator

Ce Carré est composé de cinq mots de cinq lettres qui peuvent se lire dans les deux sens, ce qui forme un palindrome: ROTAS OPERA TENET AREPO SATOR ou SATOR OPERA TENET AREPO SATOR. 

Les exemplaires les plus anciens connus de ce Carré ont été retrouvés en Italie, dans les ruines de Pompéi, ville d'Italie du Sud ensevelie sous l'éruption du Vésuve en l'an 79. Avant cette découverte faite au XX° siècle, on en connaissait quelques-uns en Europe, en Ethiopie, en Egypte, dans des Bibles du Moyen-âge… 

Ils étaient gravés sur des portes ou des façades, parfois dans des chapelles ou églises, des textes ou des livres. Leur contexte n'était donc pas obligatoirement religieux.

Tout au long du XX° siècle et en ce début de XXI°, les hypothèses avaient été nombreuses quant à la signification du Carré, son origine et son utilisation, mais sans certitude. A ce jour on en connaissait plus de cinquante de différentes époques depuis le premier siècle de notre ère, en Europe et au Moyen-Orient (1).

Les mots semblaient latins:

SATOR: semeur, créateur 

TENET : il continue, il tient, il maintient

OPERA: travail, activité, oeuvre

ROTAS: Roues, (rotations)

AREPO: ce mot restait mystérieux, c'était soit un nom de personne, soit par assimilation d'un mot gaulois "l'extrémité du sillon de la charrue" dans un champ labouré.

Selon l'interprétation la plus simple, cela formait une phrase: Le semeur Arepo tient le travail des roues ou Le créateur à l'extrémité du champ tient l'oeuvre des roues. (2)

Pendant longtemps, avant la découverte des Carrés de Pompéi, les chercheurs lui avaient attribué une valeur chrétienne en remarquant la croix centrale et les lettres A, O en périphérie pouvant évoquer l'alpha, l'oméga et donc le Christ.

Carré Rotas-Sator2

Carré Rotas-Sator3

Un chercheur au XX° siècle avait remarqué que les lettres formaient deux PATERNOSTER se coupant en croix au niveau du N, avec A ou O aux extrémités. (2*)

En faisant le trajet, j'avais hâte d'être arrivée et de revoir mes amis, surtout Abdul. Cette énigme était-il pour lui un jeu de l'esprit ou autre chose? Je sortis ses feuillets pour essayer de comprendre, mais si ce Carré et d'autres y figuraient bien sous différents aspects en particulier numériques, les indications étaient trop sommaires et mes connaissances trop réduites. 

Je devais attendre ses explications, d'autant qu'il m'avait demandé de ne les montrer à personne avant notre rencontre. Il me fallait de la patience et à dire vrai, cela m'était d'autant plus facile que j'avais peu de goût pour ce genre de mystère dont on ignorait la solution. Le sujet du séminaire me suffisait amplement "Graal, mythe et réalités", je n'avais pas envie de me disperser.

1 Catalogue de photos du Carré magique (en italien)

http://www.duepassinelmistero.com/Il%20Magico%20quadrato,%20SATOR....htm

Pour la traduction google, copier puis coller cette adresse à partir de duepassi..., sur la barre de recherche de votre navigateur et choisir traduire à côté du titre du site sur la page de recherche affichée.

2 Sens de Sator arepo tenet opera rotas

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1953_num_97_2_10105

*Autres hypothèses

http://chateau.over-blog.net/article-1788753.html

Si au lieu d’arrondir les angles tu tires dans les coins, tu peux finir avec la tête au carré.

Expressions mêlées :

Arrondir les angles (arranger les choses)

Tirer dans les coins (chercher les détails)

Mettre la tête au carré (corriger ou battre)

Sur la photo: Tête Carrée, immeuble d’après le sculpteur Sacha Sosno, cette Tête carrée abrite les bureaux d’une bibliothèque municipale. 
Voir http://www.meet-in-nice.com/

Quand tu dis je t'aime

Je te dis je t'aime,

ça me plaît.

Si tu dis je t'aime

Tu n'es plus le même

ça t'déplaît.

Quand y'a plus d'je t'aime

C'est tout d'suite la peine,

tu me hais.

Faut que j'te comprenne

Tu as tant de chaînes,

Tout t'déplaît.

Faut pas qu'on s'méprenne

Je suis pas ta reine,

c'est bien fait.

Ton mépris m'malmène

Et si j'la ramène,

Tu m'soumets.

Vois, la coupe est pleine

J'veux changer d'rengaine,

Je m'en vais.

Pleure comm'une fontaine

Et hurle tes je t'aime,

pas d'regrets.

J'fuis à perdr' haleine

Pour mêm' incertaine,

m'relever.

J'redirai je t'aime

Du fond de moi-même,

retrouvé.

Axelle Lelong

Chanson-poème composée à l'occasion de la journée des femmes, le 8 mars.

Dans les ombres du couchant

Je cherche le chemin qui résiste

A l'envahissement des eaux,

Miroir d'une saison humide.

Comme une douce marée

L'eau a gagné la partie,

La terre devient une plage

Ponctuée d'arbres nus.

Images d'hiver aux couleurs

Sépia d'un album nostalgique.

Le temps se fait immobile

Dans la sérénité d'un reflet.

Marie Duval (textes et photos)

De l'automne au début du printemps le village de Briollay était cerné par les crues jusqu'à 8 mois par an.

Dans la lumière de l'automne

Qui retient ses flammes,

L'eau se fait trait d'union

Entre la terre et le ciel.

Un clocher dans la nuit

Balise du destin des hommes

Qui se repéraient ainsi

De village en village.

L'eau se retire dans ses voiles

De brume légère habillant

Les rives de la rivière alanguie

Entre ses berges encore floues.

Marie Duval (textes et photos)

J'ai la tête à l'envers, jeux de je

Qui joue avec son double

Dans l'entre-deux saisons.

Est-ce le miroir des dieux

Qui frémit sous la réalité?

Le pont franchit l'espace,

S'élever ou plonger sans trace,

Choisir la lumière du ciel

Ou l'appel de la mer à l'horizon

… Et finir dans un tourbillon.

Solitude sereine du passant, 

Je foule l'ouvrage des hommes

Qui brave l'inertie des flots.

Ombres et lumière se lient

Dans la palette de l'automne.

Au loin la rivière suit son cours

Dans la haie d'honneur feuillée

Qui garde la mémoire de ses rives.

L'eau prend possession des terres

Rêve-t-elle de noyer le soleil?  

Les troncs ancrés dessinent

Les barreaux de la liberté

Là où s'affranchit la lumière.

Exaltée par la dentelle ajourée,

La vie s'affirme en contrastes.

Marie Duval