3/ Représentation du Graal dans l'église de Tréhorenteuc
Le Graal apparaît ou est suggéré dans les vitraux du choeur et les tableaux arthuriens de la nef.

Vitraux

Vitrail de L'Action de Grâces

Vitrail: L'action de Grâces, (t3m.voila.net)

Détail Vitrail l'Action de Graces (Marie Duval)

Jésus auréolé d'un cercle divisé par une croix rouge, préside la table de la Cène, entouré de ses onze apôtres. Un siège est vacant au premier plan. Le Graal est posé au centre de la table vide qui forme un carré de quatre. En traduction symbolique, c'est le carré de Jupiter, le Dieu des dieux.
Le Graal est un calice vert, il a été taillé dans une émeraude dit la légende.

Dieu auréolé d'un cercle divisé en trois, (donc en Y) bénit la scène au sommet et une colombe (symbole du Saint-Esprit) s'envole. Des rayons émanent de Dieu et se dirigent vers les convives de la Cène.
En périphérie, remarquons les triskèles aux coins inférieurs et au sommet une croix noire sur un cercle rouge au centre de deux demi-cercles tangents (dessinant une coupe ou des cornes?, voir photo de détail), forme qui se retrouve dix fois sur le pourtour avec neuf demi-croix intercalées.
 
Vitrail de l'Apparition du Saint Graal

Vitrail: Apparition du Saint-Graal (leblogdemerlin.blogspot.com)

C'est la table du Roi Arthur, il est entouré de dix chevaliers, la table est servie en pain et en vin. Deux anges portent le Graal au-dessus des convives qui le regardent.

Le Graal

Le Christ en croix rayonne au sommet et un flot rouge se déverse de son côté droit dans le Graal qui rayonne aussi mais plus discrètement.
En périphérie, on retrouve sensiblement les mêmes motifs que sur celui de l'Action de Grâces, sauf au sommet où l'on voit une croix celtique verte.

Le grand vitrail du Saint Graal

Juste en dessous de ce vitrail du choeur, on lit l'inscription "Jésus le Seigneur dieu maître de tout", les deux extrémités de la banderole sont enroulées comme un parchemin, mais en forme de roses rouges.

Grand vitrail du Saint Graal (guer-coetquidan.pagesperso-orange.fr)

Le décor de ce vitrail du Graal est riche avec de nombreux éléments imposant un ordre de lecture pour les distinguer. En général un vitrail se lit de bas en haut et de gauche à droite.

Au premier niveau:

On voit un écusson divisé en cinq parties parsemées d'hermines évoquant les cinq départements bretons.

A côté un lièvre debout qui place sa patte comme pour transmettre un secret: illustration de l'expression "lever un lièvre"? Face à ce lièvre, on voit un autre léporidé de trois couleurs (roux, rouge, brun). De façon générale, le lapin est un animal lunaire (d'où les trois couleurs pour les trois phases?) associé à la Grande Déesse.

Pour les alchimistes, il représente la materia prima. Le lièvre en particulier est le guide de la quête spirituelle de l'apprenti sous la terre, c'est-à-dire dans son inconscient. A noter qu'il a la même posture dans la tapisserie de la Dame à la Licorne** considérée comme une illustration des phases du Grand Oeuvre alchimique.
**http://aqua-permanens.blogspot.com/2012/02/lievre.html

Pour en savoir plus sur le lièvre ou le lapin, voir ici.

Au milieu on distingue le tronc d'un chêne qui va s'étendre dans tout le vitrail sous forme de bouquets de feuilles et de glands. Le chêne est bien sûr l'arbre druidique par excellence, arbre du monde et de connaissance. Il assure la communication entre le ciel et la terre.

Près du centre, une oie rouge picore. L'oie est un symbole du mercure philosophique et un symbole solaire (illumination par l'esprit). Certaines confréries de charpentiers portaient une patte d’oie en drap rouge.
Le rouge est symbole de Vie et d'amour. Pour l'Eglise, c'est la couleur de l'Esprit; en alchimie, l'oeuvre au rouge est l'aboutissement du Grand Oeuvre, l'entière réalisation de l'Homme. C'est la couleur de la Connaissance ésotérique.

Dressé au-dessus de l'oie, s'élève un chardon, c'est pour l'Eglise un symbole de la douleur du Christ et de la Vierge.
En alchimie, le chardon symbolise le gardien de la Rosée, produite par l'Arbre de Vie (représenté ici par le chêne), qu'il garde entre ses feuilles.

A l'extrémité droite, un phénix rouge aux serres et au bec bleus étend ses ailes sur un fond de flammes. Il symbolise la résurrection et l'immortalité de l'âme.

Au second niveau, le Lion symbolise Saint Marc, au milieu les donateurs sont agenouillés devant une colombe évoquant le Saint-Esprit. A droite le Taureau représente Saint Luc.

Au troisième niveau, on voit de façon symétrique des branches de chêne et des colombes. Au centre, Joseph d'Arimathie est agenouillé devant le Christ auréolé d'un cercle divisé par une croix celtique, ils sont sur un damier aux carrés ornés de motifs géométriques.

Croix celtique, détail

Grâce au Graal selon Robert de Boron, Joseph d'Arimathie s'est maintenu en vie quarante ans en prison avant de venir en Europe.

Au quatrième niveau, l'Aigle représente Saint Jean, un écusson porte la croix de l'Ordre du Saint Sépulcre, croix "potencée, cantonnée de quatre croisettes". Les cinq croix évoquent les cinq plaies du Christ.
Le Graal rayonne à hauteur de la tête du Christ.

L'ange à droite représente Saint Mathieu.
Les 4 évangélistes sont au complet autour du Christ, l'aigle représente Saint Jean; l'ange, Mathieu; le lion, Saint Marc; le taureau Saint Luc. Ils se tiennent aux quatre points cardinaux et aux changements des quatre saisons. Ils constituent le Tétramorphe traditionnellement en rapport avec le Zodiaque. Voir ici.

Au-dessus du Graal à droite, se tient un écureuil. Comment ne pas penser à l'écureuil de l'arbre du monde, messager entre l'aigle à sa droite et le serpent de la base de l'arbre? Voir ici.
Il assure traditionnellement la communication entre le haut (céleste) et le bas (les racines en terre).

Croix de l'Ordre du Saint Sépulcre
On la trouve non seulement dans le grand vitrail du Graal, mais aussi sur le sol en dessous du vitrail de l'Action de Grâces. Les Questeurs de Brocéliande attirent notre attention sur l'importance de ce symbole.

L'Ordre du Saint Sépulcre

Le Saint Sépulcre (appelé parfois à tort le Tombeau du Christ) à Jérusalem est la grotte où le corps de Jésus fut déposé après la descente de la croix et avant la Résurrection (qui explique la disparition du corps et fonde la religion chrétienne).
C'est là où Joseph d'Arimathie avait préparé son futur tombeau. L'empereur Constantin aidé par sa mère Hélène "découvrit" ce lieu saint. Ils y firent détruire le temple de Vénus implanté par les romains et construire le Saint Sépulcre. Or le nom de Constantin reste accolé au Chrisme ou Monogramme du Christ, autre symbole solaire beaucoup plus ancien.
Godefroy de Bouillon refuse la couronne après la prise de Jérusalem en 1099 lors de la première croisade pour créer l’ordre du Saint-Sépulcre, ordre religieux de CHEVALERIE, soit vingt ans environ avant que ne soit créé l'ordre du Temple, ordre militaire avec une dimension religieuse. L'ordre du Saint Sépulcre devient propriétaire ou gardien de nombreux lieux saints en Terre sainte et essaime en Europe.
Après la perte de Saint Jean d'Acre (1291), c'est la fin du royaume franc d'Orient et la fin de l'épopée des croisades qui a duré presque deux siècles.
Cette défaite impose aux Templiers de rentrer en Europe, elle marque un tournant dans leur histoire qui les conduira à leur chute.

L'Ordre du Sépulcre se replie aussi en France, mais les franciscains prennent la relève en tant que gardiens des lieux saints. Au XIV° siècle avec le développement de la chevalerie, ils procèdent à l'adoubement de chevalier pour les nobles pèlerins. La référence n'est plus la chevalerie militaire, mais un idéal de chevalerie. C'est dans cet esprit que sera créé au XIX° siècle l'ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, pour perpétuer cette référence aux lieux saints et cet adoubement de chevaliers. Fin XIX°, la croix de l'ordre est même décernée à des femmes, les Dames du Saint Sépulcre.

Dans la chapelle du Graal de Tréhorenteuc, cette croix prend valeur d'attachement à une chevalerie "célestielle" dans la droite ligne des romans arthuriens du cycle du Graal.

Tableaux arthuriens

Tableau La Table Ronde et le Graal

La Table Ronde et le Graal (belissor.net/spip.php?article168)

Chevaliers et têtes couronnées sont assis autour de la Table Ronde présidée par le Roi Arthur, les mets sont copieux et le Graal rayonne au milieu de la table, porté par deux anges, tel un plat distribuant à chacun la nourriture qu'il désire en abondance. C'est une fonction traditionnelle du Graal celtique qui le rapproche du chaudron mythique pourvoyeur de nourriture. Dans ce cas, c'est à une autre forme de nourriture qu'il faut penser, non plus terrestre, mais divine.

Comparer avec miniature du Moyen Age : Apparition du Graal (wikipédia)


Tableau Le Val sans Retour

Le Val sans Retour (carnets.over-blog.fr)

Les chevaliers sont prisonniers des sortilèges suggérés au-delà d'une barrière de feu. En arrière-plan on y voit les dragons rouge et blanc qui s'affrontent sous la forteresse de Vortigen évoquant le premier épisode des aventures de Merlin alors enfant. Un géant avec sa massue combat un chevalier de la quête arthurienne du Graal. 

Dans le Val sans retour, infidèles à leur amour de la Dame et donc leur idéal selon les règles de la chevalerie, les chevaliers ont tout oublié. Ils profitent des plaisirs concoctés par Morgane en robe rouge au premier plan qui fait face à Lancelot. Le chevalier fidèle à son amour pour la Reine va vaincre les sortilèges et ainsi libérer ses compagnons. La table est bien garnie et les coupes se remplissent de boissons alcoolisées. On est dans le domaine de l'illusion, le faux graal sous son aspect de plaisirs d'une vie matérialiste. On voit l'église de Tréhorenteuc à proximité du Val.

Tableau La Fontaine de Barenton

La fontaine de Barenton Tréhorenteuc (fr.topic-topos.com)

Le tableau se présente en quatre parties séparées par des formes courbes dessinant une coupe évoquant le Graal. Les quatre coins sont marqués de triskèles, symbole solaire celtique.

De chaque côté de la forme du vase, les scènes sont dans des tons passés. A gauche de la coupe, on voit Eon de l'Etoile, personnage local du XII° siècle, moine hérétique devenu une légende et plus ou moins associé au personnage de Merlin (il est considéré parfois comme le dernier druide ou du moins leur héritier). Il est somptueusement vêtu d'une chasuble sacerdotale et porteur d'une épée comme un chevalier, il se tient debout près de la table où sont étalés ses trésors d'or et de victuailles. L'église de son monastère est en arrière-plan surmontée d'une étoile.
Il remettait en cause l'église et ses abus, il dérobait aux puissants pour distribuer aux pauvres, mais il était aussi maître de l'illusion, il invitait parfois pour des repas somptueux, pourtant les convives avaient faim dès leur départ, ils n'avaient rien mangé!
Il a deux étoiles dans la main gauche et une au-dessus de la tête. Ce personnage mystérieux était d'origine noble, son blason comportait trois étoiles.

C'était surtout un maître de l'illusion qui utilisait ses dons pour propager ses idées. Assimilé à un prophète par ses disciples, l'église s'émeut de son succès (en Bretagne et jusqu'en Gascogne), elle craint une nouvelle hérésie.
Il se dit "fils de Dieu", juge des vivants et des morts et maître du monde (faut-il entendre mètre, c'est-à-dire mesure du monde par rapport aux normes cosmiques - la vieille Loi-?). En effet interrogé sur son bâton fourchu (en Y), il répond que ses deux pointes vers le ciel signifient que Dieu, maître des deux tiers du monde lui laisse le tiers. Tourné vers le bas, c'est lui qui dispose des deux tiers. Cela se référait à sa doctrine et aux pouvoirs temporel, spirituel et céleste revendiqués par l'Eglise.
Comment ne pas penser à l'inscription de l'abbé Gillard dans le baptistère: "souviens-toi si ce monde est à toi l'autre monde est à Dieu"?
Considéré comme fou par le tribunal ecclésiastique qui le juge, il échappe au bûcher mais il meurt rapidement en prison.
Ces étoiles dans la main d'Eon représentent une autre richesse que celle des bijoux et de l'or qu'il brandit. Richesse spirituelle d'une ancienne tradition (celtique et gnostique) bien implantée localement et dont le Graal est le trésor symbolique transmis pour notre époque.
A droite de la coupe, Merlin jeune (d'une éternelle jeunesse?) alangui au pied d'un arbre regarde Viviane telle une apparition qui l'enchante. Une étoile brille au-dessus d'elle, elle est la Fée inséparable de Merlin, son "autre" face à lui et elle le garde dans un  amour sans fin. Une écharpe transparente serpente sur son bras.


A la base de la coupe, Ponthus combat un cavalier pour l'amour de la belle Sidoine dont il est séparé par la jalousie d'un rival malgré leur amour réciproque. Les couleurs sont grises sans paysage précis, on est là dans le passé d'un chevalier donné en modèle.
L'histoire de Ponthus et Sidoine est une adaptation au XV° siècle du poème anglo-normand de Horn de la fin XII° siècle. Ponthus, fils de roi de Galice, est en exil après avoir été victime des sarrasins. A la cour du Roi de Bretagne il se fait honorablement remarquer et la fille du roi, Sidoine est séduite. Mais victime d'un rival, il va affronter de longues épreuves qui séparent les amoureux. Ponthus exprime en actes un idéal de chevalier au service de la dame de ses pensées, il se construit en se confrontant aux épreuves qui lui sont imposées. Son destin bascule à plusieurs reprises de façon dramatique (la roue du destin), mais il reconquiert amour et pouvoir au terme d'aventures épiques.

Dans la coupe, c'est l'univers de la clairière de la fontaine de Barenton représenté avec des couleurs vives et une perspective qui rendent la scène très vivante. Le chevalier Yvain qui connaît les prédictions associées à ce lieu, brandit le gobelet (bassin) d'or attaché par une chaîne au-dessus du perron de la fontaine pour y renverser l'eau. Ce geste va déclencher une tempête et faire basculer Yvain dans l'Autre monde, monde féerique où il fait beau, de nombreux oiseaux chantent...

Le chevalier gardien de la "merveille" (c'est-à-dire qui procure crainte et fascination) vient chasser Yvain, il le combat à mort. Yvain rencontre sa femme devenue veuve par sa faute, la fée Laudine et l'épouse. Au terme d'un éloignement imposé, il retrouve Laudine et garde à son tour la fontaine.
Dans la littérature du Moyen Age, Yvain présente des éléments d‘anciens mythes de la végétation: le jeune dieu doit remplacer le vieux dieu de la nature auprès de la puissante déesse de la Terre. Il personnifie le renouveau du printemps qui règne sur la terre. (Voir en PDF)

Yvain est le chevalier qui passe dans l'Autre monde à Barenton, lieu magique où se côtoient les contraires, merveilleux et périlleux, il est capable de passer d'un monde à l'autre. Il accède à la Connaissance de l'Autre monde et à l'issue des épreuves, il devient le gardien de son seuil magique, la fontaine et son perron (passage périlleux). Son amour (pour Laudine) est un élément important de cet univers et de ce voyage à double sens, c'est aussi le cas de Merlin qui apparaît à la droite du tableau.

Vous croyiez vous aussi que le printemps était le 21 mars?

Et bien non! Cette année c'était le 20 mars et je l'ai raté!

Heureusement on nous dit que ce sera comme ça pendant de nombreuses années maintenant. Nous aurons le temps de nous y habituer.

Et comme c'est aujourd'hui la journée mondiale de la poésie, voici un poème court de printemps.

VIVE LE PRINTEMPS

La sève nouvelle qui fait éclater les bourgeons
Etoile les champs en constellations de fleurs.
Les couleurs surgissent au creux des fossés,
Il me vient des envies de bouquet sauvage.

Marie Duval

Le Printemps des poètes se prolonge, son thème en 2012 est "Enfances".

Cela m'a inspiré une chanson

NATURE D'ENFANT

Dans tes yeux d'enfant ravi
Le ciel s'ouvre à l'infini
Sur des oiseaux frissonnants
Qui chantent de brefs tourments.

Refrain

ça devient charmant
Quand tu me révèles
Ta nature d'enfant
Qui teste ses ailes.

Tes oreilles d'enfant déploient
Leur attention sans émoi
Lorsque nos mots indécents
Finissent par se faire blessants.

Refrain

ça devient charmant
Quand tu me révèles
Ta nature d'enfant
Qui teste ses ailes.

Ta bouche d'enfant me ravit
Lorsque tu chantes et tu ris
Et mon coeur s'emplit d'amour
Dans tes tendres bras de velours.

Refrain

ça devient charmant
Quand tu me révèles
Ta nature d'enfant
Qui teste ses ailes.

Tes mains d'enfant se font si douces
Que ma volonté s'émousse
Devant tes désirs câlins
Qui te transforment en félin.

Refrain

ça devient charmant
Quand tu me révèles
Ta nature d'enfant
Qui teste ses ailes.

Marie Duval

2/ Le Zodiaque inversé de l'église de Tréhorenteuc

Le Baptistère et le Zodiaque inversé (ecrivains.xooit.fr)

Notons que près des fonts baptismaux, sur le mur qui fait face à la porte vers le narthex et dont le linteau s'orne du Nombre d'Or, on trouve une inscription :
"enfant souviens-toi si ce monde est à toi l'autre monde est à Dieu".

Dans le même espace, le zodiaque figure sous le vitrail de l'enterrement de Sainte Onenne qui évoque l'entrée dans l'Autre Monde de l'âme comme nous l'avons dit dans un précédent message. Il est bien sûr inversé, mais surtout le signe des poissons est représenté par une queue de poisson.
Et pour les Questeurs, il fallait y voir autre chose, voici une partie de notre dialogue à ce sujet:
- Quel est le signe du zodiaque qui comporte une queue de poisson et une tête à cornes?
- Le Capricorne.

Signe du Capricorne (forum.doctissimo.fr)

- Le signe du Capricorne selon la tradition est une des portes du cycle zodiacal du soleil, celle du solstice d'hiver et dans la Tradition, la Lore, elle était nommée la Porte des dieux. L'autre porte, celle du solstice d'été, dans le signe du Cancer était la Porte des hommes. Ces deux signes déterminent l'axe solsticial.
- Cela confirme l'interprétation de l'entrée dans l'Autre Monde qui pour l'homme profane a lieu lors de sa mort (par la porte des hommes symbolisée par le Cancer). Mais pour le chercheur initié, il existe une autre porte, la Porte des dieux.
- C'est quoi un initié?
- C'est un être qui travaille sur lui-même afin de se mettre à l'écoute de sa sagesse intérieure jusqu'à ce qu'il entre en relation avec une dimension spatio-temporelle différente qui selon son niveau d'évolution spirituelle élève ses facultés pour une compréhension directe de la vie. C'est l'étape fondamentale du "connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux" de la Sagesse grecque puis universelle.
Et l'initiation permet d'installer un lien conscient entre la conscience humaine "intellectuelle" et la conscience supérieure dans ses différents niveaux "spirituels".
- Les anciens disaient que par la "Porte des dieux", l'âme retourne au divin. Et si l'on comprend ce que l'on vient de dire à propos de l'initié, comme l'a écrit l'abbé Gillard, alors effectivement la "Porte est en dedans".

Généralités sur l'importance du Zodiaque
Pour l'abbé Gillard, le Zodiaque était un élément symbolique très important. Il avait fait des études classiques et à l'époque l'on étudiait encore les anciens auteurs latins ou grecs qui en exploitaient la tradition. Dans toutes les civilisations antiques et en Europe au Moyen-âge ou à la Renaissance, le zodiaque était une figure centrale de la transmission du savoir. Il figurait au porche ou même en médaillons intérieurs dans les églises et cathédrales.

La médecine établissait des correspondances entre les constellations et les planètes - le cosmos en tant que Macrocosme - et les organes de l'homme considéré traditionnellement comme Microcosme.

Homme zodiacal, Très riches heures du duc de Berry.Wikipédia

Le Zodiaque était aussi un support de connaissance et de mémoire. Ainsi Giordano Bruno lui-même, condamné au bûcher par l'Eglise (pour avoir soutenu les idées de Copernic sur l'héliocentrisme qui remettaient en question la position centrale de la Terre ou géocentrisme), élabora un "art de mémoire", à partir du Zodiaque et des constellations, conçu comme un système encyclopédique en accord avec l'ordre cosmique.

Dans l'époque médiévale l'église n'était pas en reste, le zodiaque, le plus souvent associé au Christ y apparaît comme dominant le temps et l'espace à l'époque romane. Il en est le maître ou il assure une médiation entre les différents niveaux d'organisation aussi bien célestes que terrestres.
Aussi en tant que modèle universel, au Moyen-âge le zodiaque organise l'occupation du territoire tout comme c'était le cas semble-t-il dans la société traditionnelle pré-chrétienne si l'on en croit la disposition des lieux sacrés.
Les premiers modèles de zodiaques connus datent de l'Antiquité, citons par exemple le Zodiaque de Dendérah qui allie symbolisme astral et mythe d'Isis, Osiris, les principaux dieux d'Egypte. Voir le commentaire illustré ici.

Selon la légende, Osiris démembré en 14 morceaux (ou plus selon les versions) est réparti dans toute l'Egypte. Il est aussi le Nil et l'inondation recrée pour un temps son unité sur le territoire. De même que les fonctions du corps humain ont leurs correspondances avec les constellations, le sol d'Egypte par l'intermédiaire des "nomes", systèmes d'organisation administrative, est donc organisé à l'image du ciel.

Par ailleurs une correspondance étroite entre les épisodes de la mort et résurrection d'Osiris était établie avec la configuration du ciel à différentes périodes de l'année. Voir en 12 Tableaux du ciel l'histoire d'Osiris ici.

On peut affirmer que pour les égyptiens dans l'Antiquité, Osiris était l'Homme cosmique assimilé au zodiaque, ce zodiaque étant projeté sur le sol égyptien en temps que modèle d'harmonisation du territoire avec le cosmos. Par ailleurs, ils dénombraient 14 constellations, celle de la Cuisse (la Grande Ourse) et du Dragon complétaient les 12 constellations de nos zodiaques classiques.

De même, dans de nombreuses sociétés traditionnelles, il existait une organisation spatiale intégrant le zodiaque dans le paysage telle une géographie sacrée en harmonie avec le ciel, les astres et les constellations.
Ce concept peut sembler étrange à nos mentalités modernes, mais c'était une nécessité rituelle, pour l'homme d'autrefois qui s'installait sur une nouvelle terre dans des conditions souvent difficiles (périodes glaciaires, concurrence avec des animaux dangereux, dépendance étroite des conditions climatiques pour la survie - jusqu'au XIX° siècle les menaces de famine était une réalité pour tous). L'homme avait un besoin vital de se sentir en harmonie avec ce qu'il comprenait des lois du monde représentées par des dieux qu'il fallait se concilier.

En voici quelques exemples:
Zodiaque autour de Delphes
Voir l'interview de Jean Richer pour son ouvrage Géographie sacrée du monde grec ici.

Divers zodiaques géographiques
dont Glastonbury en Angleterre. Pour K. Maltwood, le zodiaque de Glastonbury peut également être mis en rapport avec la table ronde du roi Arthur, ses 12 chevaliers, Guenièvre et Merlin, car Glastonbury (situé dans le signe du verseau) est l'île d'Avalon mythique.

Zodiaques géographiques en France
Zodiaque celte des Leuques Nancy
Les plateaux qui correspondaient à des divinités celtiques tout autour de Nancy avaient une triple fonction : lunaire-solaire et stellaire à différentes époques de l'année.

Zodiaque de Neuvy-Saint-Sépulchre (la carte ici)

Zodiaque de Rennes-les Bains

Zodiaque de Rennes-le-chateau

Zodiaque du Verdon
 (schéma + carte ici)

Du Zodiaque au Chemin de Croix

Mais progressivement les zodiaques disparaissent dans les églises,  le Christ est dissocié de leur représentation. L'évolution des connaissances, en particulier scientifiques, fait évoluer la notion même du temps. On passe de la conception d'un temps cyclique avec une périodicité reproduisant les mêmes faits, à la conception d'un temps linéaire qui a un début et une fin et permet d'écrire une histoire sur une longue durée.

Ainsi symboliquement le zodiaque représentait le temps cyclique, ses travaux saisonniers et ses fêtes traditionnelles. Avec le christianisme s'impose une lecture du temps focalisée sur l'histoire de Jésus, Dieu fait homme. Dans un premier temps, il est au centre du zodiaque en particulier au tympan des églises romanes. Puis il en sort, il est dissocié du cosmos et peu à peu le chemin de croix centré sur sa Passion - donc un événement certes fondamental pour les chrétiens, mais très court dans le temps-, devient l'élément incontournable de la décoration intérieure des églises.

Tympan art roman Cathédrale d'Autun (XII° siècle) lieuxsacres.canalblog.com

(détails de lecture sur http://voyagesenfrance.blogspot.fr/2006/04/vezelay.html Christ Pantocrator, la lune et le soleil=le cosmos, signes du zodiaque et travaux des mois),

Création du monde-XIV°siècle Christ-Zodiaque.expositions.bnf.fr/ciel

Christ crucifié Cathédrale de Metz (fin de construction XVI° siècle) metz.over-blog.org

C'est surtout à partir du XIX° siècle que se développent les chemins de croix des églises. Pour leur représentation, la "tradition" prévaut longtemps malgré les efforts des papes d'imposer les coutumes romaines. Le nombre des stations est d'ailleurs variable jusqu'à la fin du XIX° siècle puis il obéit à la norme romaine de 14 stations, une 15° est parfois ajoutée. Est-ce inspiré d'Osiris?

Le chemin de croix de Tréhorenteuc
Comme nous l'avons vu dans le message précédent ce chemin de croix présente en arrière-plan des éléments du paysage des alentours. Quelques stations attirent notre attention.

Dans la V° station, celle où Simon de Cyrène aide le Christ à porter sa croix, des boeufs sont menés par un homme, le Bouvier, (gardien des boeufs). Notons que le nord se dit Septentrion, c'est-à-dire Sept boeufs, référence romaine aux étoiles de la Petite Ourse, la constellation du Pôle. Cette station représente un endroit très particulier du territoire de Tréhorenteuc qui se situe à la limite entre Morbihan et Ille-et-Vilaine sur le 48° parallèle.
Voir Tréhorenteuc sur géoportail.fr pour déterminer cette latitude.

Station VII à IX, Tréhorenteuc vacanceo.com

Dans la VIII° station, on reconnaît le Manoir des Rues Neuves de Tréhorenteuc.

Manoir-des-rues-neuves-Tréhorenteuc-morbihan.com

Mais la station la plus célèbre de ce chemin de croix est la IX°, là où Morgane vêtue de rouge (couleur cuivre, couleur de l'Amour, de la Déesse) assiste à la chute du Christ.
Elle se situe dans le Val sans retour et l'on voit nettement le sommet du "siège de Merlin".

Siège de Merlin broceliande.valsansretour.com

A la XIII° station, Joseph d'Arimathie recueille le sang du Christ dans le Graal. Ce même Graal qui est mis en scène dans les vitraux du choeur.

Dans ce message, nous n'irons pas plus loin sur ce sujet, si vous avez les photos des 14 stations de ce chemin de croix ou votre interprétation, n'hésitez pas à m'en faire part, en attendant... patience!

Avertissement
Avant de poursuivre le récit de mon tour sur les traces de Merlin, je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps pour un compte rendu de la réunion des questeurs de Brocéliande à propos de Tréhorenteuc qui a eu lieu le soir même, après la fin de notre visite de Brocéliande.

Grâce à Fernand, j'ai aussi pu consulter les comptes rendus de leurs réunions de travail précédentes. Dans la mesure du possible j'ai vérifié les informations et je vous propose alors les liens. Parfois ce n'est pas possible lorsque ce sont des hypothèses originales, à vous de vous faire votre propre opinion, mais je préfère vous avertir, si vous désirez rester sur des chemins intellectuels bien balisés, ne continuez pas, attendez la reprise des prochains messages plus "touristiques"!
Vous pouvez aussi consulter cet excellent guide alphabétique fait par J-C Fichet sur le canton de Mauron, en particulier sur l'abbé Gillard, Sainte Onenne, Tréhorenteuc... Ici. Ou en PDF

Et pour une exceptionnelle visite en panoramique de l'église de Tréhorenteuc ou chapelle du Graal, et des environs, cliquer sur les photos pour le défilement des images une fois sur le site, ici.

Si vous arrivez sur ce message sans avoir suivi l'histoire de découverte de Brocéliande, une première présentation de Tréhorenteuc avec photos est sur ce blog: Merlin... IV, 6° étape : Tréhorenteuc.

L'abbé Gillard et la chapelle du Graal de Tréhorenteuc

bretagne-tours.com.L'abbe-Gillard

Le nom de l'abbé Gillard (1902-1979) est maintenant associé à Tréhorenteuc, voici donc les grandes lignes de ce que j'ai appris sur lui grâce aux Questeurs de Brocéliande afin de mieux comprendre l'originalité de son oeuvre.
On peut dire que l'abbé Gillard a été "nourri" par le Graal et lui a voué sa vie jusqu'au bout. Le Graal pour lui était clairement associé au Christ, mais aussi à un fond celtique ancien.

L'histoire commence lorsqu'il est démobilisé en 1940 vers Rodez, il a 38 ans. Dans une France en débâcle, occupée par endroits, il attend de reprendre son ministère en Bretagne. Intéressé par les légendes du Saint Graal, il visite en particulier Montségur, château cathare "du Graal" et Rennes-le-château où il découvre les travaux de l'abbé Saunière réalisés fin XIX°, début XX° siècle (l'abbé est décédé en 1917).

Déjà connu pour des idées originales mal vues par sa hiérarchie, l'abbé Gillard est enfin nommé dans la plus petite commune du diocèse, en Morbihan, Tréhorenteuc. Il sait que c'est une sanction, mais il va relever le défi comme l'avait fait aussi en son temps l'abbé Saunière nommé en charge d'une église presque ruinée.

Dès son arrivée en 1942, l'abbé Gillard décide de faire de sa petite église une oeuvre d'art et de réflexion symbolique autour des légendes du Graal sur ce territoire magique de Brocéliande qui n'est pourtant pas encore le haut-lieu qu'il deviendra en grande partie grâce à lui.

Il était lié à des bretons intellectuels ou artistes inspirés eux aussi par les traditions celtiques, il connaissait entre autres, Xavier de Langlais, artiste, écrivain passionné par la matière de Bretagne et professeur aux Beaux-Arts de Rennes. A cette époque, il rencontre un jeune homme qui vient en vacances chez sa grand-mère bretonne et sera connu sous le nom de Jean Markale, écrivain connu du grand public pour ses ouvrages sur le celtisme, ses mythes et la "matière de Bretagne". Ce dernier restera en contact tout au long de sa vie avec l'abbé Gillard à qui il doit en partie sa vocation.

Sans tarder, l'abbé Gillard engage toute son énergie et ses faibles moyens dans la réalisation de son oeuvre, il fait appel à ses paroissiens hélas très pauvres et il élargit son cercle au fur et à mesure que son projet avance.
En 1945, il démarche un camp de prisonniers de guerre allemands dans la Marne et ramène un ébéniste, Peter Wissdorf et un peintre chrétien, Karl Rezabeck. Ils partagent un ordinaire spartiate, une passion pour l'art et leur foi qu'ils mettent au service de la restauration et de l'embellissement de l'église.

L'abbé Gillard leur fait découvrir les lieux et récits de la légende arthurienne. Karl Rezabeck réalise les tableaux du chemin de croix, de la vie de Sainte Onenne et des légendes de Brocéliande sous l'inspiration et l'enseignement de l'abbé Gillard qui veut un sanctuaire de fraternité et de tolérance entre les hommes, les traditions celtes, bretonnes et le christianisme. Karl Rezabeck reste jusqu'en 1947, année où il est libéré de captivité sur la recommandation de l'abbé Gillard et retourne en Allemagne.

A partir de 1948, l'abbé fait éditer des guides sur Brocéliande et ses légendes, sur Tréhorenteuc. Suivront des écrits sur le symbolisme, le zodiaque, les nombres... Les bénéfices contribuent aux travaux et à la renommée de son église. Peu à peu les vitraux sont installés, le choeur pavé, et enfin la mosaïque du cerf aux quatre lions est finalisée vers 1955.

La réputation du sanctuaire s'étend, des gens célèbres, intellectuels et artistes, dont André Breton s'y rendent. Mais les supérieurs de l'abbé voient cette renommée d'un mauvais oeil. Finalement accablé par les mauvaises langues qui se déchaînent, il quitte son église en 1962, mais ne trouve pas d'autre lieu pour exercer son ministère, or malgré l'appui de paroissiens et d'élus, l'évêché lui interdit de reprendre son exercice à Tréhorenteuc.

Mais il revient vivre en Brocéliande dans la commune voisine, Néant-sur-Yvel grâce à l'abbé Rouxel qui poursuit son oeuvre et l'accueille. A sa mort en 1979, il est inhumé dans ce qui restera son église dans les mémoires. Sa statue accueille le pélerin devant la porte d'accès au sud de l'église.

Quelques aspects de la "chapelle du Graal".
C'est le seul sanctuaire à porter ce nom, du moins en France. Selon les questeurs de Brocéliande, il n'y avait pas d'hésitation, pour comprendre les mystères du lieu, il fallait commencer par les saints dédicataires de l'église. Elle était primitivement dédiée à Saint Eutrope, mais il a été remplacé par Sainte Onenne. On sait qu'en Bretagne encore plus qu'ailleurs en France, les saints ont remplacé des divinités locales et que les caractéristiques de leur vie ou de leur mort permettent de substituer au culte païen local une dévotion et des rites plus chrétiens. Une chapelle leur est justement attribuée.

1/ Chapelle Saint-Eutrope ou chapelle du Saint-Sacrement

Chapelle-Saint-Eutrope-bretagne-broceliande.com

Vitrail Saint Eutrope (Marie Duval)

Le fond de cette minuscule chapelle est couvert d'une mosaïque rouge, le rouge évoquant l'amour (caritas chrétienne mal traduite par charité). Elle  contient la bannière de Tréhorenteuc représentant Saint Eutrope à gauche, face à Sainte Onenne, ils sont environnés d'oies, agenouillés devant une apparition de la Vierge à l'enfant. Une croix de bois simple est cerclée comme un rappel de croix celtique.

Bannière de Tréhorenteuc-fr.topic-topos.com

La grille fermant cet espace est particulièrement travaillée, on y voit des esses sur les côtés, des triskèles en partie supérieure et les deux vantaux latéraux sont ornés de poissons entrecroisés, cinq entiers et la moitié caudale d'un autre sur les côtés en partie inférieure (comme dans le zodiaque inversé du baptistère). N'oublions pas que la plupart des lieux de culte anciens sont associés à une fontaine ou un puits, Tréhorenteuc n'échappe pas à la règle, la fontaine locale dite de Sainte Onenne attirait de nombreux pèlerins.

Le Graal ou le Saint-Sacrement
Cette chapelle pourrait tout aussi bien s'appeler chapelle du Graal. En effet la filiation entre Graal en tant que symbole du calice contenant le sang du Christ et le Saint-Sacrement assimilé à l'Eucharistie est évidente. Le nom moderne de la fête est d'ailleurs parlant, c'est la "Fête du Corps et du sang du Christ".       

Symbolisme des Poisssons
Le poisson est bien sûr le symbole du Christ chez les premiers chrétiens et leur signe de reconnaissance. Ichtys (ou ichtus) en grec signifie poisson et c'est l'acrostiche du nom de Jésus.

Wikipédia-Jésus-Ichtys

Pour les celtes, le poisson est principalement le saumon, c'est un symbole de connaissance, de sagesse et parce qu'il remonte à la source, il symbolise aussi l'illumination et la résurrection.

Selon une légende irlandaise racontant les aventures de Cormac au Pays de la Promesse, cinq saumons vivent dans la fontaine de Sagais où poussent neuf noisetiers, arbres de la connaissance et de la sagesse, au seuil de l'Autre monde. Les saumons mangent les noisettes, fruits de sagesse, ce qui leur donne la connaissance sacrée et ils envoient les coquilles dans cinq sens ou courants qui partent de la source.
Mananann dit à Cormac qu'il faut boire aussi bien à la source, Fontaine de Sagesse, qu'aux cinq courants qui représentent les cinq sens humains. Ceux qui accèdent à la Connaissance boivent à tous.
Cette fontaine avec ses saumons, ses noisetiers et ses courants se présente comme un mandala ou un modèle de représentation synthétique et un lieu d'accès à l'Autre monde par la connaissance (5 voyelles, 5 couleurs, 5 directions, 5 émotions, 5 qualités..., voir ici)

Nous sommes ainsi face à cette chapelle Saint Eutrope invités à voir au-delà des apparences, à deviner (selon une forme de "divination"?) pour nous relier à la Connaissance sacrée, à la sagesse.
Les symboles associés au nombre de poissons sont aussi expressifs, ils proposent de passer du Dix au Onze: le Dix est un cycle complet, et selon la figure du Tarot que l'on peut considérer dans ce cadre symbolique comme un ensemble de figures exprimant d'anciennes connaissances, le X est la Roue de Fortune. Le dixième signe du zodiaque est le Capricorne, signe associé au solstice d'hiver, le 21 décembre. Nous reparlerons de ce signe dans le prochain message.
Le Onze symbolise l'intuition, l'inspiration, le dépassement pour une montée de conscience. Le XI est la Force au Tarot,  la force d'amour qui ne peut changer le Monde mais celui qui la vit change de telle sorte qu'il change finalement le monde autour de lui. Le onzième signe zodiacal est celui du Verseau et c'est l'ère dans laquelle nous entrons à la fin des 2000 ans de l'ère des Poissons.

Saint Eutrope

C'est un saint pour le moins mystérieux, son tombeau a été retrouvé quelques siècles après sa mort, authentifié par la trace du coup de hache qui lui avait fendu le crâne et un songe où il apparut pour confirmer son martyr! Sa vie appartient à la légende et se présente sous différentes versions.

L'une d'elle en fait le "treizième apôtre" arrivé en Gaule en même temps que des chrétiens, dont Joseph d'Arimathie le porteur du Graal, et qui accostera avec Marthe, Marie-Madeleine aux Saintes-Maries-de-la-Mer. On peut donc dire que dans ce cas il a vu le Graal ou du moins il sait ce qu'il en est étant un témoin très proche.

Une autre version en fait un disciple de Saint Denis au III° siècle, il aurait été le premier évêque de Saintes, là où a été retrouvé son sarcophage (ville au sud de la Rochelle, étape du Chemin de Compostelle). Furieux qu'il ait converti sa fille, le gouverneur de la région ordonna qu'on lui fendit le crâne avec une cognée. C'était une époque violente, mais héroïque, son maître Saint Denis mourut décapité et porta sa tête en marchant avant de s'écrouler...

Saint Eutrope est invoqué pour soulager les migraines et les maux de têtes (ce qui selon l'expression populaire "casse la tête"!), mais aussi l'hydropisie (ou mal de Saint Eutrope) qui est un nom ancien pour les oedèmes, que ce soient ceux qui donnent un gros ventre, (c'était à l'époque principalement du à l'alcoolisme) ou ceux qui font gonfler les articulations (et sont associés à des rhumatismes).
En Bretagne on prend l'eau de la fontaine qui lui est dédiée pour mouiller l'endroit atteint et ainsi se soulager. Ailleurs en France, Saint Eutrope est aussi fréquemment associé à des fontaines.

D'après les Questeurs de Brocéliande, il faut chercher un lien entre le culte des têtes et les fontaines.
Rappelons d'abord l'expérience primordiale de l'image de notre tête reflétée dans l'eau claire et son impact dans une société quasiment sans miroir. Le vocabulaire l'exprime: reflet, réflexion, réfléchir; de même en latin speculare, spéculer. La réflexion sur soi, le face-à-face avec soi-même est l'étape fondamentale d'une progression de conscience et donc de connaissance.
Remarquons que dans les légendes qui leur sont associées, de nombreux saints lavent leur tête coupée à la fontaine ou bien une fontaine surgit là où ils ont déposé leur tête.
Comment ne pas y voir le reflet d'un ancien culte des têtes que le christianisme a récupéré à défaut de pouvoir le faire disparaître?

Mais selon la légende, Saint Eutrope a eu le crâne fendu. Ce détail ajoute-t-il une autre dimension à l'importance accordée au culte de la tête? Comment ne pas penser au fameux "coup de merlin" en Bretagne?
Nous avions vu que Merlin pouvait être associé au dieu gaulois Sucellos dont le maillet tue ou ressuscite. On pourrait dire qu'il fait passer dans l'Autre monde ou donne une nouvelle naissance, autrement dit une prise de conscience ou même une initiation.
Un membre d'une loge forestière (de type maçonnique) évoque le symbolisme de la hache dans le coup de Merlin : lié à la vie et à la mort, ne représente-t-il pas également, la libération de la lumière du nouveau soleil, qui préside à la reprise des activités en fin de saison sombre. De façon analogue, cette lumière illumine l'esprit de l'initié, grâce au rayonnement qu'il reçoit du cercle des compagnons. L'ignorance qui assombrit l'esprit est combattue par les lumières de la connaissance. Voir l'article complet ici.
Nous avons aussi déjà évoqué le rite breton du Marteau béni ou Mel Beniged. C'était une pierre polie ou une hache néolithique utilisée dans une chapelle selon un rituel christianisé -pose de la hache sur le crâne et accompagnement par des prières- pour libérer les mourants. C'était une pratique attestée en Morbihan au XIX°.
Mais ce rite n'est pas uniquement breton, lorsque le pape meurt, on lui donne aussi trois coups de marteau sur la tête. Et le culte des têtes est mondial, voir ici pour de nombreux exemples illustrés y compris dans un contexte chrétien.

La valeur du sommet de la tête s'intègre dans une conception traditionnelle du corps qui voit dans la fontanelle (espace entre les sutures du crâne qui se referme dans les premiers mois de vie), la porte du ciel ou porte de l'âme, franchie au moment de la mort.
Elle est aussi appelé la "porte étroite" ou dixième porte, elle met en correspondance la conscience humaine et le cosmos (en tant que conscience cosmique), c'est l'ouverture vers l'Autre monde au sens symbolique ou l'Au-delà en référence à la mort.

En fin de compte, que la tête soit fendue ou coupée, l'important est le symbolisme du crâne exprimé dans de nombreuses notions en particulier celtiques et dont on retrouve la trace dans le vocabulaire:  CRaNe, CouRoNne, CoRNes (penser au culte du cerf), CaiRN, ... voir ici.

Notons par ailleurs que le symbole du saumon est parfois associé à une tête coupée, dans une même référence à la connaissance, science sacrée.

Saint Eutrope et Beltaine
Dernier détail et non des moindres, Saint Eutrope et Sainte Onenne sont fêtés en général le même jour, le 30 avril. Or en terme de fête celtique qui comme toutes les fêtes traditionnelles commence la veille au soir, ce 30 avril est loin d'être une date banale. C'est la fête de la nuit du 1° Mai qui correspond à la Nuit de Walpurgis au Nord de l'Europe, mais aussi celle de la fête celtique de Beltane ou Beltaine, (traditionnellement autour de la première lune de Mai). C'est l'ouverture de la saison claire, célébrant le printemps et le renouveau de la fécondité!

En conclusion pour Saint Eutrope, c'est un saint bénéficiaire d'un culte des têtes puisqu'il a eu le crâne fendu comme par un coup de merlin, associé à une fontaine et à la fête de Beltaine. Cela aurait pu lui permettre de s'implanter dans ce village du Morbihan, mais en fait la greffe de l'évêque de Saintonges n'a pas bien pris et c'est Sainte Onenne qui l'a emporté. La fontaine locale lui est dédiée, l'église porte son nom et c'est sûrement la seule en France, car là aussi ce n'est pas une sainte très "catholique"!

Sainte Onenne

Son nom est d'origine celtique, Onn(Gw)enn : Onn signifie frêne, Gwenn correspond à blanc, brillant. Ce nom pourrait aussi être associé à l'eau: en Indo-Européen -onna- ou -anna- désigne l'eau qui coule, eaux vives, eaux courantes, rivières. Née vers la fin du VI° siècle, elle serait la dernière d'une fratrie de 22 enfants, fille du roi Judhaël et soeur du roi de Domnonée, Judicaël.
L'abbé Gillard avait fait enlever l'ancienne statue de la sainte - qui avait un gros ventre -, elle était elle aussi invoquée contre l'hydropisie et surtout par les femmes. Dans l'église, des vitraux et tableaux racontent les épisodes légendaires (voir ici) de sa vie mis en valeur par l'abbé.

Vitraux de Sainte Onenne à voir ici et pour les voir en même temps que les descriptions sommaires ci-dessous, ouvrir dans une nouvelle fenêtre de votre navigateur.

En voici une liste avec quelques-unes de leurs caractéristiques.
1 Celle qu'aima Sainte Onenne:

Vitrail rond, Vierge couronnée, mains jointes devant le coeur. On voit des triskèles*, swastikas°, croix celtiques**, croix de St André** en périphérie, ce sont tous des symboles solaires.

Pour en savoir plus sur sur le symbolisme solaire de ces termes: * voir ici, ° ici ,** ici

2 Sainte Onenne recevant le baiser de la Vierge:

Elle lui amenait des fleurs en dévotion, entourée par 2 anges, elle est élevée à la hauteur de la statue de la Vierge (lévitation). En périphérie on voit croix, swastikas dextrogyre et lévogyre, signe du verseau?; un demi-chrisme est en dessous du bouquet de fleurs.

Détail, signe du Verseau en bleu?

Pour l'hypothèse des signes astrologiques, comparer avec leurs symboles idéographiques représentés par exemple dans cette roue zodiacale.

Roue zodiacale, Boudry.net

3 Sainte Onenne change d'habits avec une pauvresse.

Entrelacs celtiques, Signe du bélier au-dessus de svastikas en périphérie.

Détail, signe du Bélier en bleu?

4 Sainte Onenne défendant son honneur:

Trois soldats avec casques à cornes et lances. Même motifs que le vitrail précédent.
 
5 Sainte Onenne recevant la bénédiction de Saint Elocan = éloquent!!

Croix, losanges en périphérie, Signe du cancer au-dessus du quadrilatère?

Détail, signe du Cancer?

6 Sainte Onenne montrant son testament (je lègue aux pauvres):

On y voit un fauteuil avec roue à 8 rayons (cette roue évoque la roue de fortune du Tarot, c'est aussi un symbole solaire, la rouelle ou roue celtique, voir ici); Des svastikas, des motifs celtiques et serpentiformes entrelacés sont en périphérie. Signes du Verseau?

7 Enterrement de Sainte Onenne

Triskèle central haut, Signe du Cancer?, comme en 5.

Remarque pour les 6 vitraux de la vie de Sainte Onenne: Verseau pour 2 et 6, Bélier en 3 et 4, Cancer en 5 et 7.

Tableau: la table familiale à la cour du roi Judhaël, père de Sainte Onenne.

Vie de Ste Onenne-belissor.net

12 noms sont inscrits à gauche, 11 à droite plus un emplacement occupé par 3 points.
Un triskèle figure en haut du pilier à droite et un grand triskèle est derrière le siège du roi, on aperçoit l'église à droite.

Statue en bois de Sainte Onenne offrant des fleurs. Sur le piétement, des oies sont à ses côtés comme sur la bannière de Tréhorenteuc.

Ste Onenne-grandterrier.net 

Sainte Onenne-belissor.net

En tant que chrétienne, Onenne était un exemple de jeune fille qui ayant renoncé à sa vie de princesse recherchait la pauvreté, elle a su par dévotion à la Vierge rester pure (elle est morte à 26 ans). Sur le lieu où elle vivait, auparavant existait un sanctuaire dédié à Vénus.

En face de la chapelle Saint-Eutrope, Sainte Onenne a sa chapelle (et son tombeau) avec un fond de mosaïque bleue et le vitrail rond représentant la Vierge "Celle qui aima Sainte Onenne".

Tombeau de Ste Onenne-Tréhorenteuc-imagessaintes.canalblog.com

Dans l'église une plaque indique qu'elle y est enterrée et fêtée le 1° octobre. Serait-ce une tentative de lutter contre les pratiques ancestrales plutôt païennes de Beltaine associées à la fête du 30 avril?
Mais quel saint est officiellement fêté le 1 octobre? Saint Rémi. Il a converti et conseillé Clovis, il a placé au premier plan l'abbaye de Saint-Denis (celle de notre décapité!) et fondé la royauté sacrée de France.
Un Saint Michel du 8° siècle est aussi fêté ce même jour, il meurt décapité en Géorgie. (L'archange Saint Michel, lui est fêté le 29 septembre).

Finalement on a le choix, Sainte Onenne est fêtée le 30 avril et le 1 octobre!

Onenne et les oies
L'oie est l'oiseau qui nous invite à parler une autre langue, la langue des oiseaux. C'est parfois un "jargon" d'initiés qui portaient la patte d'oie de tissu rouge, tels certains constructeurs de cathédrale du Moyen-âge.
Le mot peut s'associer à l'ouïe et c'est une invitation à entendre autre chose, pour favoriser "l'entendement".

Némésis était la déesse grecque de la loi morale assurant la juste mesure et la vengeance divine contre les abus. Pour échapper à Zeus, elle prit l'aspect d'une oie. Les contes de ma Mère l'Oye doivent être entendu en référence à leur dimension initiatique, mère Loi, amère loi... L'Oie évoque l'ordre cosmique sacré primordial.

L'Oie est aussi associée à Vénus, planète étroitement liée au soleil et l'oeuf d'oie était un symbole solaire. La décapitation de l'oie est un jeu folklorique très ancien en rapport avec des fêtes traditionnelles au symbolisme saisonnier et donc solaire fort. (Voir ici)

Onenne ou Onienne
Selon les Questeurs de Brocéliande, le personnage de la princesse renonçante accompagnée d'oies cachait une référence à une déesse celtique de bien plus grande envergure, aussi il fallait encore chercher. Après la piste des oies et leur symbolisme solaire, nous allions explorer la voie des arbres.
Onenne était parfois nommée Onienne ce qui pouvait se décomposer en Onn-Nion(ne). Effectivement une déesse gauloise, Onniona était signalée. En fait son nom était l'association d'un arbuste, Onn l'Ajonc et d'un arbre Nion, le Frêne. Excellente association puisque le jaune solaire des ajoncs éclaire les landes bretonnes lors du mois celtique du Frêne, vers l'équinoxe de printemps. (L'Ajonc est particulièrement associé à l'équinoxe de printemps).

Nous avions donc probablement en Onenne ou Onnienne un avatar de Onniona une déesse du printemps associée au frêne et à la fontaine. Le frêne pour les celtes est l'arbre cosmique représentant le Macrocosme. En Europe du Nord, Yggdrasil le grand frêne est en effet l'arbre des mondes et le dieu Yggr (Odin) l'aurait dérobé à la Triple déesse qui rendait la justice (en lien avec l'ordre cosmique bien sûr, la vieille Loi) au pied de cet arbre près de la fontaine.

Clarance nous dit quelques mots avant de nous lâcher pour une exploration du bourg:
- La commune est la plus petite du département, le Morbihan, elle est à la lisière de la forêt de Brocéliande, donc de l'Ille-et-Vilaine, et comme vous le découvrez, près du Val sans retour et de l'Arbre d'or. L'hotié de Viviane, le siège de Merlin et un site mégalithique vers le nord, le Jardin aux Moines sur la Butte aux tombes sont aussi sur son territoire.
Mais l'endroit le plus célèbre ici est la chapelle du Graal ou église Sainte-Onenne. Lorsque l'abbé Gillard après avoir été démobilisé fut nommé recteur à Tréhorenteuc en 1942, il découvrit une église en mauvais état datant du XVII° siècle et des paroissiens soumis à des restrictions terribles en raison des temps de guerre. Pourtant animé de sa foi chrétienne, passionné de légendes bretonnes arthuriennes et malgré une hiérarchie qui le désapprouvait, il fit de son église un haut lieu de Brocéliande qui deviendra un passage touristique obligé.

Tréhorenteuc, minuscule village, l'église est entre la Rue du Pâtis et la Rue de Brocéliande. (Google Map)

Elle nous fit découvrir au passage le château local (privé) et la fontaine de Sainte Onenne qui était toujours en compagnie des oies selon la légende. Elle figure avec le saint patron de la commune, Saint Eutrope sur la bannière de Tréhorenteuc qui a été réalisée début XVII° et se trouve dans l'église (chapelle Saint-Eutrope).

Manoir Tréhorenteuc (wikipédia), Fontaine Sainte-Onenne (pierreduchesne.blogspot.com)

Bannière Saint-Eutrope, Sainte-Onnenne (fr.topic-topos.com)

Nous étions arrivés devant l'église, Clarance nous invita à la visiter dans le recueillement.

Eglise de Tréhorenteuc (montfort-archeo-ecomusee)

"La porte est en dedans" (montfort-archeo-ecomusee)

La porte est en dedans
Nous entrâmes, l'église était éclairée par des vitraux colorés que l'on ne s'attendait pas à trouver dans une si petite église d'une minuscule bourgade (150 habitants à l'arrivée de l'abbé Gillard, 116 en 2007).

Est (imagessaintes.canalblog.com)

Intérieur de l'église de Tréhorenteuc, Ouest (flickr.com/photos/jeanpierrefleau)

Nos compagnons se dirigèrent vers l'autel ou la chapelle latérale. Après un regard circulaire pour découvrir les lieux, je ne savais plus par où commencer, je vis Fernand me regarder d'un air sérieux et intrigant puis se diriger vers une porte ouverte (l'abbé Gillard tenait à ce qu'elle le soit toujours) située à notre gauche, vers l'ouest. Je le suivis.

Derrière la "porte ouverte" à l'ouest (plumes.au.vent.xooit.fr)

Pour voir le vitrail des funérailles de Sainte Onenne, voir référence en (1), chercher sur ce site.

Il s'arrêta devant le vitrail nord de cette petite "chambre" ou antichambre qui représentait le convoi funèbre de Sainte Onenne, la sainte à laquelle est maintenant dédicacée l'église (auparavant c'était à Saint Eutrope). Devant, je remarquai la masse imposante de la cuve de baptême et juste sous le vitrail, la représentation à gauche d'une queue de poisson et à droite, d'une tête de bélier. Sur le linteau de la porte, "du dedans", était écrit 1,618.

J'entendis notre guide proposer de passer à la boutique-office de tourisme tout près de l'église. Je restai avec Fernand qui s'approcha de moi lorsque nous fûmes seuls. Sans préambule il me demanda:  
- Que vois-tu ici?
- Que dois-je voir?
Il rit et me demanda d'approcher du vitrail en disant:
-Il faut toujours commencer au Nord.

Je regardais attentivement cette représentation des funérailles de Sainte Onenne.
Fernand, rêveur, murmura:
- La mort n'est pas la fin de tout, c'est l'entrée...
Je finis sa phrase:
- Dans l'Autre Monde.
Il bondit sur ses pieds et s'exclama:
- C'est bon ça, continuons. Tu sais qui est Onenne.

J'avais entendu notre guide en parler. Je me souvins:
- Je crois que c'est la soeur du Roi Judicaël de Domnonée, elle a renoncé à son statut de princesse pour vivre simplement en compagnie des oies.
- En gros c'est ça. Mais en fait Onenne est très probablement un personnage légendaire. On pense que là où elle résidait se dressait auparavant un temple dédié à Vénus. Par ailleurs son nom viendrait de onna ou anna en indo-européen qui est en rapport avec l'eau courante, les rivières, une fontaine lui est dédiée dans ce bourg. Tu vois où je veux en venir.
- A la grande déesse?
- Tu connais les légendes des fées ou déesses associées aux oies?
- Je me rappelle celle de la Reine Pédauque si célèbre dans le midi.
- Bien! L'oie permet de signaler selon la Tradition un rapport avec la Vieille Loi comme dans les contes initiatiques de Ma Mère l'oie.

Là j'étais perdue, je ne voyais plus où il voulait m'emmener! Il vit mon trouble et me dit alors:
- L'oie est réputée pour être associée au langage des oiseaux.
Je me sentis rassurée, si c'était un jeu de mots, je devais pouvoir avancer sur cette piste. Fernand me désigna les représentations qui figuraient juste sous le vitrail, queue de poisson et tête de bélier.
- Que remarques-tu?
- Ce sont des signes du zodiaque.
- Et...
- Ils sont inversés par rapport à l'ordre astrologique habituel.
- Et oui, le commun des mortels subit le cycle du temps sur la roue du zodiaque. L'inversion signale le chercheur initié, celui qui assume son destin...
Je prononçais lentement:
- Queue de poisson au bélier..., j'entendis alors "que de poids sont au Bel liés" et je me souvins que Bel était le dieu solaire autrement appelé Bélénos.
- Et par ailleurs le graphisme particulier évoque des lettres...

Alpha, oméga, bélier aux cornes en oméga.

- Mais oui, de l'alpha à l'oméga, alpha formé par la queue du poissson, oméga par les cornes du bélier.
- Un symbole de totalité et si tu rassembles tout?

Je savais que 1,618 était le Nombre par excellence, nombre d'or représentant la divine proportion; le zodiaque me parlait de "poids". Je me souvins alors qu'un verset biblique énonçait : "Tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids " (Sg 11, 20), le Tu désignant le Dieu créateur. Il me manquait la mesure, je jetai un regard circulaire dans ce minuscule espace. Fernand suivit mon regard et hocha la tête positivement lorsque je fixai la cuve baptismale. Il me dit:
- Selon Paul, la grâce nous a été donnée selon la mesure - metron en grec - du don du Christ (Ephésiens 4), le baptême étant bien sûr le don du Christ.
- OK, les fonts baptismaux donnent la mesure de l'homme chrétien, l'Homme.
- Et Platon disait l'homme est la mesure de toute chose. A propos de philosophie, que sais-tu de celle de l'abbé Gillard?
- J'ai cru comprendre que son ambition était une sorte de fusion entre celtisme-druidisme, légendes arthuriennes et christianisme dans un esprit de tolérance et de tradition universelle, une quête de l'Harmonie en toute chose.
- Oui et le symbole qu'il a utilisé pour représenter tout ça?
- Le Graal.

La Porte en dedans et le Nombre d'or (paysdebroceliande.com)

Sans rien ajouter, Fernand passa alors dans la nef de l'église et se dirigea vers les premiers tableaux du chemin de croix. L'abbé Gillard avait fait représenter les paysages des alentours de Tréhorenteuc, le Val sans retour, en arrière-plan des quatorze stations. Et Morgane en robe rouge, apparaissait dans le IX° tableau, la Troisième chute du Christ. Voir en détail : référence en (2), chercher sur ce site.

Chemin de croix Tréhorenteuc, stations de VII à IX (vacanceo.com)

Notre conversation reprit sur la présence symbolique de la Grande déesse aux côtés du Christ.
Grâce à Fernand, je compris que si le paysage local et non Jérusalem était évoqué dans les tableaux de la Passion du Christ, c'était pour que le message de chaque station du chemin de croix concerne chacun de nous en son être profond au même titre que les images des alchimistes d'autrefois.

Je découvris les impressionnants vitraux du Graal représenté dans l'un sous forme d'une coupe portée par des anges, dans l'autre rayonnant dans la lumière de l'orient.

Vitraux du Graal (francerama.com/photos/fr), (t3m.voila.net)

(belissor.net)

Les vitraux de Sainte Onenne racontaient des épisodes de sa vie. Je ne vis pas Fernand sortir, je restai seule pour finir le tour de cette église dédiée à cette forme d'harmonie universelle.

Chapelle Saint-Eutrope, Sainte-Onenne

(bretagne-broceliande.com)

Tableaux des légendes arthuriennes et vie de Sainte Onenne (le dernier en bas)

(montfort-archeo-ecomusee)

Fresque d'Odorico (1956)

Le cerf et les quatre lions devant le perron de la fontaine de Barenton (paysdebroceliande.com)
Lorsque je rejoignis le groupe, Fernand s'approcha de moi tout sourire et me tendit un papier chiffonné où il avait griffonné "ce soir réunion des Questeurs, 20H devant l'église". Il s'éloigna aussitôt comme pour éviter de me donner les renseignements que je désirai avant d'accepter, je le remerciai et glissai le message dans ma poche.

Pas de partie document pour cette étape, mais une sélection de sites

Sur ce blog, une sélection de courtes vidéos pour une vue d'ensemble: ici.

L’EGLISE de TREHORENTEUC dite la chapelle du GRAAL
Un diaporama sur l'église, une brève présentation illustrée de photos
http://www.bretagne-broceliande.com/wordpress/?page_id=95

Des photos panoramiques sphériques (technique exceptionnelle!) de divers lieux de Brocéliande et entre autres de l'église de Tréhorenteuc sur cette page:

http://www.panophoto.org/forums/viewtopic.php?f=112&t=2938

Un article sur l'église, l'abbé Gillard et des éléments symboliques de la chapelle du Graal
http://foret-broceliande.fr/L-eglise-de-l-abbe-Gillard

Des grandes photos de l'église de Tréhorenteuc
http://plumes.au.vent.xooit.fr/t4681-Chapelle-du-saint-Graal.htm

(1) De nombreuses photos dont le vitrail des funérailles de Sainte Onenne que l'on voit au-dessus du Zodiaque inversé.
http://scientiasapientiae.eklablog.com/la-quete-du-graal-a23158879#

(2) Des photos de qualité dont la IX° station du chemin de croix où apparaît Morgane
http://fr.topic-topos.com/patrimoine-eglise-sainte-onenne-trehorenteuc

Des photos (quelques vitraux et tableaux)
http://www.belissor.net/spip.php?article168

Pour une étude plus complète sur TRÉHORENTEUC et son territoire, voir à la suite de ce message sur la page ici. (Tag Tréhorenteuc)

Et le merle, hein?
Merci pour ce divertissant et instructif voyage merlinesque. J'ai apprécié notamment la riche iconographie et la mise en scène assez rudimentaire, mais qui met un peu de piment et d'humour. Romanesquement, c'est assez décevant quand même, mais ce n'est pas le but... Tu es dans ta manière, simple et touchante dans les petites maladresses même.
Quand il a été question du moulin et son symbolisme j'ai repensé au Moulin mystique, chef-d'oeuvre d'art roman de la basilique de Vezelay. Quand Sucellos a été évoqué, je m'attendais à ce que tu parles de Soucelles... et le merle en rapport avec Merlin, j'aurais aimé qu'il mette son grain de voix...
Je suis toujours impressionné par ton travail dans la Connaissance. J'apprécie particulièrement ce qui touche aux étymologies et la typonymie.
Fernand ne serait-il pas un gui...gnol? Le gui, ça va bien avec Merlin, quand à la gnôle, n'en parlons pas!... Clarence... L'ancienne clarté? ou l'ancienne connaissance et tradition? Bon, j'arrête-là.
Merci pour ce beau voyage spatio-temporelle et cosmique.
Juste un ajout: quelques comparaisons étonnantes et déroutantes (ex:look de Merlin avec les clodos: ça casse un peu la magie: on est dans la forêt de Brocéliande quand même! Est-ce pour davantage faire "pont" avec notre époque?)
PS
J'attends la suite. En espérant que le rendu de l'interaction des personnages soit aussi truculent qu'il a été annoncé...
Stéphane

Réponse

Merci à l'artiste inspiré qui a pris le temps de lire ma prose d'amateur qui revendique simplement d'être sur le chemin de l'âme. Merci de ce commentaire qui m'encourage à poursuivre ce chemin exigeant même s'il est parfois exaltant! Et justement c'est un de ses pièges pour un simple humain fragile dont je tente de me garder en respectant mon rythme pour me donner le temps de la profondeur et du recul... Donc patience pour la suite!

Je viens de lire un passage de Jung* sur l'esprit qui fait écho à cette discipline que je ressens nécessaire pour ne pas me laisser emporter par la matière merlinesque.
Je note ici ce que j'en ai compris pour m'en souvenir en cas de besoin.
Ce n'est pas l'homme qui crée l'esprit, c'est l'esprit qui le fait créer. L'homme ne doit pas oublier que l'esprit l'entraîne dans son univers et remplit sa conscience. L'homme sous son impulsion, saisi par l'inspiration peut croire que l'esprit lui appartient en propre. En fait c'est l'esprit qui prend possession de l'homme, tout comme le monde physique semble être l'objet des projets humains, mais en fait emprisonne la liberté de l'homme et s'impose en idée force.
L'esprit menace l'homme naïf d'inflation d'autant plus que son intérêt le porte sur un objet extérieur. L'homme ne doit pas oublier que la prise de conscience du rapport avec l'esprit doit aller de pair avec la prise de conscience de ses rapports avec l'aspect matériel, la nature pour créer l'équilibre nécessaire.
Si ce travail intérieur ne contrebalance pas l'intérêt pour l'objet extérieur, se développe alors un intérêt pour la matière sans limite, associé à la présomption la plus folle ou à l'effacement de toute personnalité.
Ce passage correspond tout à fait à mes réflexions du moment, aussi je me laisse dévier de la ligne directrice de ce blog pour l'inscrire ici comme un jalon sur ma voie.

* Pour une phénoménologie de l'esprit dans les contes. Carl Gustav Jung

Après un court trajet dans notre minibus, nous étions prêts pour faire une longue balade et découvrir le Val sans Retour. Tout près de Tréhorenteuc le circuit devait nous conduire jusqu'au sommet avant de redescendre dans la vallée du ruisseau, le Rauco.

Val sans Retour (Google map)

Tombeau du Géant ou Roche à la Vieille (france-pittoresque.com)

Fernand était très content:
- La voilà la Roche à la Vieille!
Clarance nous informa:
- Cette sépulture date de l'âge de Bronze ( vers -1500 ans). On sait qu'elle a été construite en récupérant deux sur quatre menhirs locaux. On raconte parfois que les chevaliers de la Table Ronde avaient enterré là un valeureux combattant géant. Le nom de Roche à la Vieille lui était donné depuis le XI° siècle. Et vous savez que ce nom est attribué à de nombreux endroits en Bretagne.
- Et ce n'est pas pour rien, ajouta Fernand. La Vieille ou la Groac'h, c'est la Terre Mère dans son aspect le plus primitif, sauvage, le sol pauvre et ses cailloux, les montagnes et leurs forêts qui lui étaient d'ailleurs consacrés.
- Oui, précisa Clarance, c'était Cybèle pour les grecs et les romains, représentée initialement par une pierre, tandis que Déméter était la déesse de la terre cultivée et abondante.

- Ici reprit Fernand, de nombreux mégalithes ou sites remarquables sont dédiés à la Vieille. On rencontre parfois aussi des sites dédiés à la princesse Ahès, une géante de Bretagne qui a des tombes ou surtout d'anciennes routes, des chaussées à son nom.
La Vieille a des jours dédiés, les Jours de la Vieille qui en général se situent fin février, début mars. Ce sont des périodes de danger pour la végétation et les animaux avec souvent une offensive hivernale avant que le redoux ne l'emporte.

Sur les pas de Clarance, nous avions repris le chemin pour grimper encore. Au sommet de la colline, une échine de roche évoquait la silhouette fantastique d'un dragon.

Echine du dragon, sommet Hotié de Viviane (photo Marie-Duval)

Hotié de Viviane (1) (guer-coetquidan.pagesperso-orange.fr)

Nos esprits emplis de légendes et avides de mystères imaginaient déjà de nouvelles histoires lorsque notre guide nous arrêta.
- Nous arrivons à l'Hotié de Viviane, autrement dit la Maison de Viviane. On raconte que c'est là qu'elle recevait les enseignements de Merlin dont elle était une des disciples avec Morgane.

Hotié de Viviane (2) (lieuxsacres.canalblog.com)

- Tu parles, s'exclama Fernand, elle en connaissait au moins autant que lui, elle est la grande déesse déchue, dans la légende elle apparaît comme une élève pour mieux correspondre à l'image féminine dans une société patriarcale dominée par le christianisme qui n'a pu tout à fait éradiquer nos racines. Et Merlin, homme des bois et des arbres est pour toujours uni à Viviane, sa parèdre, déesse de l'Eau et des sommets.

Merlin et Viviane (Mythologica)

Clarance désigna les pierres émergeant de l'herbe à quelques pas.
- Cette sépulture collective dont il ne reste plus que quelques éléments verticaux était appelée aussi Tombeau des druides. Elle date d'environ - 2500 ans et lors des fouilles dans les années 80, on a établi qu'il s'agissait d'un cairn d'au moins dix mètres de diamètre fait de blocs de schiste comme on en trouve beaucoup sur ce sommet qui domine le Val sans retour.
- Là ça me convient, dit Fernand en contournant les blocs, les dolmens servaient parfois de sépultures, mais à priori pas pour tout le monde. Seuls quelques membres choisis de la communauté bénéficiaient de cette dernière demeure.
Un homme approuva:
- Tout à fait comme dans les premières églises où seuls les nobles et les dignitaires religieux avaient un tombeau dans l'édifice même.

Fernand s'élança vers l'échine de pierre à quelques mètres et les bras tendus vers le ciel, il cria:
- Oh Grande Déesse, sous ton aspect de Viviane, déesse terre des druides, ou de Morgane déesse primordiale du temps des mégalithes, je viens vers toi comme un nouveau Merlin.
Et en agitant les bras comme s'il s'envolait, il disparut.

Une des femmes s'avança pour aller voir pendant que le reste du groupe et Clarance souriaient d'un air entendu. Elle revint bientôt et nous dit:
- Il descend à travers bois, mais il n'y a pas de chemin.

Notre guide nous entraîna de l'autre côté et nous désigna un sentier annoncé par une pancarte de randonnée:
- Nous allons passer par l'itinéraire balisé, venez.

Nous descendions attentifs aux obstacles depuis quelques minutes lorsque soudain l'un d'entre nous se retourna et s'exclama:
- Regardez, là-haut c'est Merlin!

En effet, sur un éperon rocheux, se tenait un homme qui ressemblait à Merlin. J'étais prête à faire demi-tour pour tenter de le rejoindre, mais il disparut aussitôt, ce serait pour une prochaine fois!
Clarance nous dit:
- C'est en effet le siège de Merlin, on raconte qu'il venait regarder le soleil se coucher sur le val et en particulier sur le Miroir aux fées, l'étang aux eaux calmes qui reflète les astres et les étoiles. Mais descendons encore, nous entrons dans le Val sans Retour ou val périlleux ou encore val des faux amants. C'est selon la légende le domaine de Morgane, soeur d'Arthur et surtout disciple de Merlin.

Siège de Merlin (enviedailleurs.forumpro.fr)

Miroir aux fées vu du sommet du Val sans Retour (dieudeschats.wordpress.com)

- C'est quoi l'histoire de ce val? demanda une femme qui se tenait près de Clarance.
- Morgane aimait le chevalier Guyomart qui lui rendait son amour, mais un jour, dans ces bois, elle le vit avec une amante. Furieuse, elle utilisa ses pouvoirs pour les séparer et les fixer à quelques mètres l'un de l'autre. En souvenir, on voit le Rocher des Faux Amants sous forme d'un cœur cassé en deux.

Rocher des Faux amants (broceliande.valsansretour.com)

Puis elle ensorcela le val parcouru par le ruisseau du Rauco en construisant un château magique où les chevaliers infidèles restaient prisonniers de ses sortilèges qui les invitaient à tout oublier. Morgane voulait séduire aussi Lancelot, mais fidèle à son amour pour Guenièvre, il resta prisonnier plusieurs saisons et peignit sur les murs les épisodes de son histoire d'amour avec la dame de ses pensées. Les chevaliers venus à sa recherche restaient tous victimes de leurs appétits de plaisir satisfaits par les illusions de Morgane. Mais Viviane prévenue par Merlin envoya une de ses disciples qui endormit la forteresse du Val sans Retour. Lancelot put alors combattre les terreurs imaginaires qui prenaient vie dans ce décor et délivra ses compagnons. Cependant plus tard, Morgane utilisa les peintures de Lancelot pour révéler au Roi Arthur son infortune.

Val sans retour, ruisseau du Rauco (J.Keller-Linternaute)

Pendant ce temps nous avions parcouru les abords du ruisseau parfois glissants, parfois empierrés. En arrivant au bord du Miroir aux fées, l'un des étangs alimentés par le ruisseau du Val sans Retour, nous fîmes une pause éblouis par le spectacle des eaux lisses reflétant le ciel. L'endroit portait bien son nom.

Miroir aux fées (margotcesson.blogspot.com)

Fernand nous rejoignit alors et nous dit:
- Vous imaginez l'usage que Merlin, passionné d'astronomie pouvait faire d'un tel miroir pour étudier les astres et les constellations.
Une femme remarqua:
- Cela me fait penser à Odin, le dieu germanique qui en contemplant les étoiles reçut la révélation des runes.
Fernand s'exclama:
- C'est trop beau, je suis béni des fées! Vous venez de passer la porte des légendes!
- C'est ce qu'on dit, précisa Clarance, lorsqu'on atteint le Miroir de fées en passant par le Val sans retour.

Fernand dit comme pour lui-même:
- Merlin contemple le miroir du ciel, il se met en harmonie avec l'univers, le temps et l'espace, c'est ainsi, comme le dieu Odin* qu'il accède à une forme de connaissance révélée, inspirée par la Nature elle-même...

Attentifs à la magie de l'endroit, nous regardions ce décor incroyable d'eau, de pierres et d'arbres dans lesquels le soleil dessinait des ombres aux aspects d'apparitions féeriques. L'un d'entre nous penché à la surface du ruisseau près de l'étang nous fit remarquer sa couleur particulière, ocre rouge.

Eaux ferrugineuses du Ruisseau du Rauco (foret-broceliande.fr)

Clarance nous expliqua que c'était dû à la présence du fer dans le sous-sol de ces eaux ferrugineuses. Fernand ajouta d'un air mystérieux:
- Le mystère du sang et de la vie, le domaine de la grande déesse.
Soudain une femme s'exclama en tendant le bras:
- Regardez, on dirait les bois d'un cerf dans la lumière.

Val sans Retour, l'Arbre d'Or (foret-broceliande.fr)

Clarance sourit,
- C'est l'Arbre d'Or et c'est vrai qu'il a cette forme. Venez approchons-nous.
Ce châtaignier doré à l'or fin entouré de cinq arbres noirs calcinés est là en mémoire du terrible incendie qui a ravagé la forêt en septembre 1990. Plus de 30 000 arbres ont été replantés dès l'hiver et ce lieu a été inauguré l'été suivant.
Nous étions arrêtés par de nombreuses aiguilles de schistes dressées autour des arbres, il fallait bien protéger le lieu de l'appétit des hommes pour l'or et du vandalisme. Fernand dit:
- Ce sont les bébés-menhirs de la forêt de Brocéliande!.

Arbre d'Or (kerlauberthy.over-blog.com)

Nous étions tout près du parking où nous attendait notre véhicule. Nous laissâmes Fernand à ses méditations pour aller prendre une collation bien méritée!  

* Voir en partie documents, ici, (à la fin).

Nous étions maintenant au coeur de la forêt de Brocéliande, à Paimpont même. Un immense étang bordait les grands bâtiments de l'Abbaye de Paimpont. La rue principale du bourg avec ses belles maisons de pierre s'étirait entre la Rue de la Fée Morgane et celle du Roi Arthur. Nous étions dans le pays des légendes.

Paimpont (Google Map)

Paimpont, Abbaye, bourg, étang

Clarance prit la parole:
- Le nom de Paimpont est diversement interprété: Pen-Ponthus, Tête ou "capitale" de Ponthus, ancêtre à priori mythique des Rois de Bretagne. Mais une autre étymologie à partir des textes latins évoque Panispontis, le "pain du pont" en souvenir du pain de charité distribué par les moines de l'abbaye, juste à l'entrée du bourg qui est aussi la "tête du Pont".

Une femme qui prenait des notes lui demanda:
- Et avant les moines, qu'y avait-il ici?
- Ce que l'on sait de façon certaine remonte au VII° siècle. Le Roi Judicaël avait un château et avec son ami Mewen devenu localement Saint Méen, il fonda un prieuré. Les moines étaient de grands défricheurs et savaient exploiter les territoires. Très tôt, ils établirent une digue pour former une vaste retenue d'eau alimentée par les nombreux ruisseaux venant de la Haute Forêt. Le prieuré fut détruit lors les invasions normandes au VIII° siècle, mais reconstruit, il se développa entraînant la construction du bourg qui s'est davantage étendu au XIX°siècle.

Paimpont, le bourg (photos Marie Duval)

Au XIII° siècle une abbaye fut fondée en remplacement du prieuré, elle accueillait des bénédictins. L'église fut l'une des premières de style gothique (ou "ogival") de Bretagne qui par ailleurs adopta tardivement ce mode architectural.
- L'église est dédiée à Saint Judicaël ou Saint Méen? demanda un vieil homme.
- Ni l'un ni l'autre répondit Clarance, ses fondateurs l'ont dédiée à Notre Dame.
- C'était plutôt rare au VII° siècle remarqua le même homme.

Abbaye de Paimpont vue de l'étang (broceliande.valsansretour.com)

Clarance approuva:
- En effet, le culte de la Vierge Marie se développa surtout à partir du XI° siècle.
Une femme désigna l'immensité du site des bâtiments monastiques et dit:
- L'Abbaye devait être bien riche.

Abbaye, Paimpont (premiumwanadoo.com)

Clarance confirma:
- La richesse locale en minerai de fer de qualité et facilement exploitable permit en effet un développement de la commune et un peuplement rural remarquable par rapport aux autres communes du département. Il fallait exploiter la forêt, fabriquer le charbon de bois; extraire, raffiner puis transporter le minerai. Une partie de ce fer était utilisée localement en particulier pour la fabrication de clous et d'armes réputées.
Les cendres abondantes favorisèrent l'établissement de blanchisseries locales comme au Cannée, village voisin où l'on blanchissait des toiles de lin ou de fil exposées au soleil dans les prés jusqu'à la concurrence de produits chimiques au XIX° siècle.

Fernand s'anima pour dire:
- Le Cannée comme le canard!
- C'est peut-être aussi le canet, dit Clarance, le roseau, qui devait être aussi abondant que le canard dans ces terres autrefois marécageuses. Maintenant allons visiter les bâtiments.

Clarance attira notre attention sur les différents éléments architecturaux datant du XIII°, du XV° ou du XVII° selon les phases de construction. Dans la sacristie, le trésor de l'abbaye était exposé, je remarquai le christ en ivoire du XVII°, le bras reliquaire de Saint Judicaël du XIV° siècle et surtout l'exceptionnelle statue de bois du XV° siècle, Sainte Anne portant la Vierge qui porte elle-même l'enfant.

Trésor de Paimpont (sacristie, photo ouest-france.fr) Bras reliquaire de Judicaël (tourisme.broceliande.pro)

Sainte Anne, Paimpont (patrimoine.region-bretagne.fr)

Fernand était subjugué par la statue, il murmura:
-Il y avait autrefois une chapelle Sainte Anne au milieu du cimetière. Sainte Anne, ... la mère de Marie, mais surtout notre Mère à tous, la transformation de la grande Déesse Ana.
Soudain, il sortit en disant:
- Je sais où tout a commencé!

Mes compagnons de visite haussèrent les épaules et restèrent près de Clarance. Je choisis de suivre Fernand. Il longeait l'étang lorsque je le rattrapai. Il me conduisit devant une grotte fermée par une grille.

Grotte de Notre-Dame de Paimpont (tourisme-broceliande.com) et statue de Judicaël (monnuage.fr)

Il dit:
- C'est là que se situe l'origine du culte de la Vierge de Paimpont. Dans les marécages, avant que l'étang ne soit réalisé par les moines, existait déjà un lieu de culte très ancien de la déesse Mère. Voilà pourquoi l'église est dédiée à Notre-Dame. Les chrétiens ont raconté que Judicaël avait vu la Vierge apparaître ici et aurait donc décidé de construire le prieuré en son honneur. C'est ainsi que les cultes anciens sont récupérés.
Quant à Sainte Anne, elle avait vraiment sa place au milieu du cimetière, en breton anaon désigne le peuple des trépassés autrement dit le peuple d'Ana. Anan est la Vieille, mère des dieux et des hommes vivants ou morts.
Le groupe nous avait rejoint, une femme dit:
- Je connais une église à Vienne, près de Lyon, Notre-Dame-de-la-Vieille et ce serait une des plus anciennes églises dédiée à la Vierge. Elle a été rebaptisée Notre-Dame-de-la-Vie.

Vierge de l'abbaye de Paimpont (Marie Duval)

Fernand battit des mains avec enthousiasme:
- Chez nous, le Tombeau des géants est aussi appelé la Roche à la Vieille et...
 Clarance capta l'attention du groupe:
- Cette grotte a été construite au XIX°siècle à l'imitation de celle de Lourdes. Elle a été fabriquée à partir de résidus de fonderie et vous pouvez voir en face la statue de Judicaël. Un pèlerinage y fut établi par ce Roi qui vit la Vierge ici tandis qu'une source miraculeuse jaillissait sous ses pieds. Le pèlerinage à Notre-Dame de Paimpont attirait beaucoup de monde au Moyen-âge pour guérir ou implorer protection. Le pèlerinage de la Pentecôte était encore fort réputé au XX° siècle.

Fernand s'exclama:
- L'eau miraculeuse de la Vierge, grande Déesse de toutes les douleurs et de toutes les peines, mais aussi de toutes les joies, Mère vieille des bretons et de tous les humains, ma Mère!
Et il se jeta à genoux sur le sol les bras en croix d'une façon si théâtrale qu'il déclencha l'hilarité parmi nous malgré sa dévotion.
- Riez autant que vous voulez. Vous êtes comme ceux qui croient que Morgane est la demi-soeur d'Arthur. Ce n'est pas pour rien que leurs rues les rassemblent ici. Morgane est la part d'ombre du Roi Arthur, liée à cette culture païenne qui a été occultée dans son héritage. Morgane est la Grande Mère, la Grande Déesse dans l'un de ses nombreux aspects. J'ai dit.

Et balayant l'assemblée d'un regard étrangement pénétrant il fit semblant de se draper dans une cape avant de nous tourner le dos pour rejoindre notre véhicule.

Pour la partie documents, voir ici.

Bonne année 2012 à toutes et tous.

Marie Duval

Le Pont du Secret entre Plélan-le-Grand et Beignon enjambe la rivière Aff qui limite les départements d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Il se situe tout près des Forges de Paimpont.  N'oublions pas que l'étang des Forges s'appelait avant son extension l'étang du Pont du Secret.

Pont-du-secret, Google-map et science-et-magie.com

Clarance nous dit : C'est là que l'on raconte l'histoire du début d'amours mythiques. En effet, en traversant la forêt de Brocéliande, au Pont-du-Secret, Lancelot déclara son amour à Guenièvre. Il l'escortait pour rejoindre la cour du Roi Arthur afin d'y célébrer ses noces avec Arthur.

Lancelot et Guenievre (kurdistannameh.pagesperso-orange)

Clarance avait les yeux humides et un sourire tendre. Elle ajouta: chacun a sa version de ce grand moment, je me souviens de celle du film Lancelot de Jerry Zucker, avec Richard Gere et Julia Ormond, (film dans lequel Sean Connery est le roi Arthur). Vidéo ici.
Dans les légendes arthuriennes, Lancelot est le héros des passages et en particulier des ponts. On le retrouve ainsi au Pont de l'Épée dans Lancelot ou le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes. Cette deuxième épreuve terriblement difficile et douloureuse le conduit à sauver la reine Guenièvre. Le passage est « plus tranchant qu’une faux » au dessus d’un gouffre.
Au Moyen-âge le pont en tant que point de passage des eaux est porteur d'une symbolique ancienne, c'est une antique tradition sacrée qui s'exprime encore dans la religion et apparaît dans les écrits profanes, les premiers "romans".

Fernand intervint:
- Moi aussi je verrai un jour ma bien-aimée venir à ma rencontre sur le pont fin comme un cheveu.

Et joignant le geste à la parole il s'avança vers Clarance les yeux plantés dans ses yeux, en lui tendant la main. Un instant décontenancée elle le laissa faire, il lui baisa la main et déclara à l'assemblée :

- Ne suis-je pas aussi beau que Richard Gere dans les yeux de ma bien-aimée?

Tous éclatèrent de rire, il salua et s'écarta de Clarance avec un immense sourire en tournant sur lui-même. Clarance sourit à son tour. 
- Fernand vient de nous évoquer la tradition d'amour orientale qui a probablement inspiré les écrivains du Moyen-âge, celle du Pont-de-Cinvat où le héros rencontre son âme au Paradis sous la forme d'une belle jeune fille, sa bien-aimée ou daena qui se présente face à lui pour être à ses côtés en tant que représentation de ses bonnes actions et pensées.

Un homme âgé qui semblait perdu dans ses rêves dit :
- Comme dans la tradition hébraïque, Dieu donne au premier homme Adam comme compagne, "celle qui lui fait face", son autre "côté". Ce que la religion chrétienne va dévoyer par une mauvaise traduction en histoire de côte!
Une femme ajouta:
- Et Lancelot rencontre Guenièvre...
Fernand poursuivit sur le même ton:
- Son féminin sacré, sa soeur mystique, celle qui le conduit vers son âme pour le mariage alchimique.

Clarance nous ramèna alors à notre environnement en désignant l'Aff à nos pieds.
- Cette rivière nous a aussi livré un trésor, on y a découvert à la fin du XIX° siècle tout près de ce Pont du Secret, une tasse en or datant du bronze final. Peut-être est-ce le genre de récipient évoqué dans la légende de la Fontaine de Barenton dont nous parlerons plus tard?
 

Tasse d'or de Brocéliande (muzeocollection)


Fernand proposa au groupe:
- Allons voir le rocher des amants.
Clarance approuva:
- Tu veux parler du rocher glissant de Beignon?
- Il n'y en a qu'un, en route pour l'extase!

Effectivement sur les pentes surplombant l'Aff apparaissait un affleurement rocheux plat, mais très incliné.

Beignon, vallée de l'AFF le-rocher-glissant (communes.com)

Fernand s'allongea et s'esclaffa:
- Qui veut me rejoindre sur cette noble couche, j'attends ma bien-aimée pour lui donner le baiser qui scellera notre amour à jamais.
Sans succès, il finit par se relever à grand-peine. Le rocher n'était pas convaincant en tant que lieu légendaire mais le point de vue sur la rivière en contrebas valait le détour.

L'Aff (broceliande-oust-broceliande-vacances.com)

Fernand s'éloigna en s'exclamant:

- Je suis donc le seul à croire encore à l'amour! J'aurais voulu vivre au temps de l'amour courtois en Europe ou encore mieux connaître l'amour soufi qui l'a sûrement inspiré! Pauvre de moi!

Il adopta alors une mine si comique qu'il nous fit sourire tandis qu'il soupirait comme une âme en peine!

Pour la partie documents, voir ici.

Le domaine du forgeron, démiurge ou magicien: Les Forges de Paimpont

Nous avons passé le Gué-de-Plélan, combattu les fantômes du passé et ignoré les lavandières de la dernière heure. Nous sommes entrés dans le territoire où l'eau et la terre s'épousent intimement dans les marécages, les sources surgissent à même le sol, les ruisseaux émergent de la boue et les étangs reflètent les arbres et le ciel. Bref, nous étions vraiment dans Brocéliande.
Le domaine des Forges dites de Paimpont actuellement, sont en fait proches de Plélan, elles étaient appelées Forges de Brécilien au tout début de leur histoire à l'époque industrielle.

Forges de Paimpont (google Map)

Nous avons laissé la navette aux abords de l'immense étang bordé d'arbres qui avait fait tout l'intérêt du site. Nous avons remarqué la couleur particulière des roches : schistes pourpres à violet sombre. Notre guide nous apprit que cette couleur était due à leur richesse en fer. Devant nous s'étendait un village de travail organisé pour extraire le fer de ce minerai de surface jusqu'au début du siècle dernier.

Etang des Forges, roche locale riche en minerai de fer

Forgeron et mythes
Dans toutes les sociétés antiques, le forgeron était un homme important souvent associé à la magie. Il transforme une matière apparemment vile, le minerai sous forme de terre ou de roche, en armes, en outils et ustensiles de toute sorte. Il procède à l'aide du feu, de l'eau, du bois, il utilise donc les quatre éléments fondamentaux constitutifs de la matière selon les anciens (eau, feu, air, terre) pour transformer l'un d'eux en métal dont l'utilité est telle qu'il fonde les différentes civilisations ou âges (Age d'or, période du bronze, du fer...).

Métallurgie et forgeron.

Le forgeron apparaît dans les mythes comme un démiurge, un créateur de monde ou organisateur de l'univers déjà créé. Dans de nombreuses mythologies c'est un dieu : Héphaïstos pour les grecs, fils de Héra, grande Déesse qui est l'épouse de Zeus le dieu des Dieux. C'est Vulcain pour les romains, fils de Junon épouse de Jupiter. C'est Goibniu pour les celtes, fils de la grande déesse Dana.
Son continuateur chrétien est Saint Eloi, patron des métallurgistes et orfèvres entre autres, et la chapelle des Forges de Paimpont lui est d'ailleurs fort logiquement dédiée.

Chapelle des Forges

Le site historique des Forges de Paimpont (classé en 2001) évoque le passé industriel local. Créées au XVII° siècle au bord de l'étang du Pont du secret près de Plélan, elles sont devenues l'une des forges les plus importantes de Bretagne jusqu'à leur fermeture fin XIX° siècle, mais l'histoire locale de la métallurgie est plus ancienne.
http://www.forges-de-paimpont.eu/

Forges de Paimpont

Au 13° siècle, des forges monastiques sont mentionnées dans les archives et des fouilles archéologiques locales ont mis à jour des sites de bas-fourneaux, des fours installés au sol datant du début de notre ère.

Forges primitives gauloise ou romaine (Orchis)

Fernand s'exclama soudain:
- C'est sûrement ici que le fameux chaudron magique de Merlin a été fabriqué. Et Merlin lui-même soit il était forgeron, soit il connaissait les meilleurs. Il a procuré au roi Arthur son armure et son épée.

Clarance ajouta:
- C'est vrai qu'ici, près de Plélan vivaient des forgerons très habiles pour forger en particulier des armes remarquables au XV° siècle, aussi réputées que celles d'Espagne.


Armes et ustensiles (forgés selon les techniques médiévales)

Fernand s'installa sous un énorme chêne et mit alors à chanter. Clarance nous dit qu'il était sous le chêne dit d'Anatole Le Braz, le grand écrivain conteur breton et qu'il chantait la chanson des Filles des Forges.

Ce sont les filles des forges*

Digue, ding don, don, ce sont les filles des forges
Des forges de Paimpont, digue ding dondaine
Des forges de Paimpont, dingue ding dondon

Digue, ding don, don, elles s'en vont à confesse
Au curé du canton, digue ding dondaine
Au curé du canton, dingue ding dondon

Digue, ding don, don, qu'avions-vous fait les filles
Pour demander pardon, digue ding dondaine
Pour demander pardon, dingue ding dondon

Digue, ding don, don, j'avions couru les bals
Et les jolis garçons, digue ding dondaine
Et les jolis garçons, dingue ding dondon

Digue, ding don, don, ma fille pour pénitence
Nous nous embrasserons, digue ding dondaine
Nous nous embrasserons, dingue ding dondon

Digue, ding don, don, je n'embrasse point les prêtres
Mais les jolis garçons, digue ding dondaine
Qu'ont du poil au menton, dingue ding dondon

Digue, ding don, don, ce sont les filles des forges
Des forges de Paimpont, digue ding dondaine
Des forges de Paimpont, dingue ding dondon

Ecouter cette chanson Ici par Tri-Yann.

*Paroles sur http://musique.ados.fr/Tri-Yann/Ce-Sont-Les-Filles-Des-Forges-t61329.html

Pour la partie document, voir ici.

Elif SHAFAK a écrit Soufi, mon amour qui s'inspire librement de l'histoire de Shams de Tabriz et de Rumi.

Pour en savoir plus et en particulier découvrir ses Quarante règles de Shams inspirées plus ou moins du soufisme, voir ici.

Carte des lieux légendaires de Brocéliande (slydventure.net)

Notre guide, une charmante jeune femme nommée Clarance, nous attendait au point de rendez-vous près d'une navette d'une douzaine de places. Nous étions huit participants prêts pour vivre cette journée de découverte des lieux en rapport avec la légende arthurienne.
Clarance nous fit monter dans le véhicule en cochant au fur et à mesure sa liste de préinscription. Soudain un homme courut vers nous en faisant de grands signes. Clarance partit à sa rencontre pendant que nous finissions de nous installer. Ils discutèrent à voix basse, j'entendis l'homme parler de Merlin à plusieurs reprises sans comprendre le fond de leur discussion. L'homme était grand et très négligé de sa personne avec des cheveux et une barbe en broussaille, des vêtements trop grands pour lui, élimés ou troués tels que l'on n'en voit même plus sur les clochards modernes des villes maintenant vêtus par des organismes sociaux.
Clarance revint vers nous et nous dit : voici Fernand, il connaît l'univers de Merlin mieux que personne, accueillez-le au mieux et vous ne serez pas déçus. Une vague de murmures désapprobateurs parcourut l'assemblée, mais Fernand vint s'asseoir sans y prendre garde et le chauffeur démarra.

1° Etape
Passer le gué... à Plélan

Notre premier arrêt fut pour le Gué-de-Plélan près de Plélan-le-Grand, la porte Est de Brocéliande.

Le village s'est constitué près du gué autour de la motte du château féodal dit Motte Salomon (le cercle entouré d'arbres sur la photo ci-dessus). Au Moyen-âge s'y élevait le château du roi Judicaël (VII° siècle) et du roi Salomon de Bretagne (IX°siècle). Le gué est dans une zone riche en eau et marécageuse autrefois, non loin de la rivière Aff.

Activités au Gué-de-Plélan (site : moulins-sur-le-meu.e-monsite.com)

Cartes postales anciennes à voir sur le site notrefamille.com

 
Ancienne ville du Gué-de-Plélan, Pont du Gué

Le gué était très important dans la vie de nos ancêtres, c'est le lieu de passage par excellence, vers le lieu dont il défend l'accès, il était donc souvent un lieu de combat. Des fouilles ont mis à jour des armes de combattants au passage de gués importants. C'est aussi un lieu de passage vers l'autre Monde où l'on fait parfois d'étranges rencontres. Des  lavandières ou des dames blanches y lavent le linge de celui qui va mourir.

La Morrigane rencontre le Dagda au milieu du gué, la Grande Déesse s'unit au Dieu Bon. Le lieu sera appelé le Lit du Couple. Elle lui promet ensuite la victoire et la mort du roi des Fomoiré.

Cuchulain lui-même, le héros irlandais, combat un à un les champions de la Reine Medb dans le gué qui forme frontière entre leurs territoires. Il y rencontre sous forme d'une jeune fille, la Morrigane qui lui offre son amour et son aide, mais sans savoir qui elle est, il la repousse.  Elle va perturber ses combats sous la forme d'une anguille qui s'enroule autour de sa jambe, d'un loup qui bouscule le bétail au gué, puis d'une génisse rouge qui sème la débandade dans le troupeau. Cuchulain la blesse sous ces trois formes puis la guérit sans non plus la reconnaître sous les traits d'une vieille femme, enfin elle lui apparaîtra au jour de sa mort, lavant son armure sanglante dans l'eau du gué.

Avant d'être reconnu comme le meilleur des chevaliers, Lancelot dans le cycle arthurien confirme sa valeur pour accéder à la chevalerie grâce à trois exploits (en rapport avec trois femmes) qui se déroulent au gué.

Selon le Dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant, le gué est le lieu symbolique du combat pour un passage difficile, d’un monde à un autre, ou d’un état intérieur à un autre état. Il réunit le symbolisme de l’eau (lieu des renaissances) et celui des rivages opposés (lieu des passages périlleux, des franchissements).
C'est aussi un passage sacré pour la connaissance qui dans le monde du temps linéaire (la perception ordinaire) fait coexister le monde du temps cyclique éternel des mythes.

- Et Merlin? demanda l'un des participants.

Clarance commença à répondre, mais mon attention fut alors accaparée par Fernand qui dit sans élever la voix, comme pour lui-même:
- Par ici, on raconte que Merlin aurait à voir avec le Dagda lui-même ou Sucellos, le dieu au maillet qui d'un bout donne la vie, de l'autre donne la mort. Le merlin est d'ailleurs le nom d'un marteau et le Mell benniged breton est le marteau rituel qui permet à l'âme de passer dans l'Autre Monde sans risque de s'égarer à l'heure de la mort.
Tout comme Merlin, fils de Satan et fils d'une vierge pieuse, donc en contact avec le monde d'en haut et le monde d'en bas, Sucellos est considéré comme un intercesseur, un médiateur entre les dieux et les humains.

Voir la partie documents ici.

Sous la Rose

LA ROSE

Route des roses de couleur, fleurs de l'âme
Où chaque étape se perd ou se gagne.
Saurais-je accueillir ton symbole éternel
Energie de l'aube nouvelle d'un cycle de vie?

Dans la fraternité des destins réunis en ton nom,
Oeil de l'âme ardente oeuvrant à sa réalisation,
Rose au coeur du labyrinthe de nos vies, je te reçois.

Marie Duval

Mais qui est ce dieu à la Rose qui m'impose le silence? Voilà que je dois le découvrir...

QUESTION : Quels sont les trois femmes mythiques des romans de la Table Ronde?

REPONSE: Viviane, Morgane et Guenièvre.

III LA TRIADE FEMININE DE BROCELIANDE

- Mais ces femmes, Viviane, Morgane et Guenièvre, ont chacune une histoire et un rôle bien défini dans les légendes arthuriennes, elles ne semblent pas "mythiques", remarqua une jeune femme qui prenait des notes.

Notre guide répondit:

- En effet, considérons d'abord la grande figure féminine légendaire de Brocéliande, c'est Viviane, compagne et disciple de Merlin, elle finit par dépasser son maître et le garder près d'elle. Ensuite, l'autre personnage plus sombre est Morgane, également disciple de Merlin et soeur d'Arthur, elle est évoquée en particulier dans le Val sans retour. La troisième est Guenièvre, l'épouse du Roi Arthur et donc Reine qui vécut un amour intense avec Lancelot, le chevalier élevé par Viviane. 

La jeune femme suivait son idée et dit :

- Selon le point de vue mythique, la déesse apparaît sous forme triple, on pourrait ainsi dire que les trois femmes principales des romans de la Table ronde correspondent en fait à une seule et même figure mythique déclinée sous 3 aspects.

Triple Déesse (vu sur sur plusieurs sites, origine : armoria.com?)

Un homme, la moue dubitative intervint.

- Je crois surtout que cette culture païenne a disparu sans laisser de traces, effacée par la christianisation qui n'a élu qu'une femme et encore tardivement, la Vierge Marie!

- C'est vrai, confirma notre guide, du moins en apparence, mais la christianisation n'a pas effacé complètement la déesse serpente, ainsi à Brennilis, la Vierge a un aspect curieux pour qui sait observer. A ses pieds la femme-sirène se prélasse et au dos de la statue, la tresse de la Vierge est en continuité avec la queue de la Serpente! Remarquons l'allusion subtile à la triade celte avec la ... tresse de la coiffure!

Vierge de Brennilis (serpente)

Photo de face Vierge de Brennilis

Soudain un murmure parcourut notre petit groupe, Merlin approchait. Il paraissait absorbé dans ses pensées et ne nous regardait pas, mais il s'arrêta à notre hauteur et dit comme pour lui-même.

- La royauté est sacrée pour les celtes et c'est la Reine qui la confère. N'oublions pas, la Reine!

Et il poursuivit son chemin avec son bâton noueux en marmonnant. 

- La reine, c'est Guenièvre reprit la jeune fille avec enthousiasme, mais il me semble qu'elle ne devient reine que lorsque Arthur le Roi, l'épouse. Qu'est-ce qu'il a voulu dire avec la royauté sacrée des celtes? 

Notre guide reprit :

- Poursuivons notre examen des trois principaux aspects féminins des romans arthuriens, Guenièvre est l'épouse et la Reine, elle amène en dot la Table Ronde, elle est effectivement celle qui confère la royauté à Arthur conformément à la tradition celte mal retranscrite par la vision chrétienne. Et dans certaines versions, elle la confère ensuite à Mordred, neveu ou fils d'Arthur en l'épousant selon le schéma de renouvellement de la royauté sacrée: le vieux Roi est mis à mort ou écarté rituellement et remplacé par un jeune qui épouse la Reine, avatar humain de la déesse! Dans ce contexte, la Reine incarne alors la terre, la souveraineté et l'amour.

Guenièvre

Viviane est l'initiatrice, l'enseignante ou conseillère du héros (Arthur, Lancelot), elle est affiliée à la Déesse Mère par son père filleul de Diane. Elle est son héritière pour ce qui est des secrets de la Nature, de la Connaissance des rythmes de vie et des cycles du temps, elle vit dans son domaine enchanté. Elle remet ou reprend l'épée de royauté, Excalibur. Elle incarne l'initiatrice, l'enseignante, la sage conseillère et prophétesse.

Viviane

Morgane est mère (d'un enfant d'Arthur), c'est une amante ("la femme la plus luxurieuse de Bretagne") et celle qui emmène Arthur mort après son combat contre son fils (ou son neveu) sur l'île d'Avalon en l'attente de son retour (sa "résurrection" à l'issue de sa "dormition"). Elle incarne la fécondité, la sexualité, la mort.

Morgane 

Un homme intervint:

- Comme le dit Merlin, pour comprendre ce que voilent les romans arthuriens (premiers romans écrits en langue romane rappelons-le) de la culture païenne, il faut comprendre la mentalité de l'époque des mythes fondateurs et en particulier ce que représentait le Roi.

Je me rapprochai de cet homme et lui demandai où je pouvais rencontrer Merlin. Il me regarda intensément et dit:

- Que cherches-tu?

- Je cherche Merlin.

- Es-tu consciente que le chemin de Merlin est celui de la connaissance, le plus aride et exigeant.

- Je ne pense pas le comprendre concrètement, mais je sais que c'est mon chemin.

- Alors cherche, tu sais que selon la légende, il est au sein de neuf cercles...

- J'en connais déjà deux, celui de l'Eau serpente et celui des Bois, quel est le troisième?

- Connais-tu le sens du mot bois en celte.

- Pas vraiment.

- Dans toutes les langues celtiques, le mot "vidu" qui signifie bois, végétal (en breton-armoricain "koad", en gallois "coed") provient de la même racine que les mots qui expriment la connaissance.

- Intéressant, mais quel est le troisième cercle?

- Le troisième cercle qui serait aussi en rapport avec la royauté sacrée pourrait être celui des terres de forteresses et des châteaux. Mais si je devais chercher Merlin sur le chemin de connaissance, je m'intéresserais d'abord aux figures archétypiques dont les légendes s'enracinent dans le sol de la forêt de Brocéliande.

J'acceptais cette suggestion et je m'inscrivis pour la découverte des sites remarquables dès le lendemain. Le cercle des forteresses attendrait...

 Pour la version documents, voir ici.

En raison de problèmes de liens après la nouvelle mise à jour de canalblog, voici une version en continu de l'Enigme I avec la publication de la "solution" étape par étape. Bonne lecture ou bonne redécouverte.

Méandre de rues, Enigme I

Un jour j'ai eu une idée, (oui ça m'arrive!), cela s'est transformé sans que je l'ai prévu en animation de rue.
Visualisez la scène : vous êtes dans un espace piéton devant un café-bar avec une terrasse.
J'ai commencé à disposer au sol des bouts de bois. Des passants intrigués se sont approchés pour mieux voir ce que je faisais. Ils ont bientôt été rejoints par les consommateurs du café.
Prise au jeu et motivée par ce public improvisé, je leur ai demandé de deviner ce que je traçais au fur et à mesure que je complétais le tracé.
Voici le compte-rendu de ce micro-trottoir.

Et vous, qu'auriez-vous dit à leur place?

1° PHASE : un bout de bois horizontal, un autre vertical.

T

Fifi le "beauf" du coin (vous avez remarqué : y'en a toujours un!)
- Trop facile, c'est la lettre T comme Toto.

Olive Aziteau, "savant" en voyage (avec une petite mallette et de grosses lunettes):
- To? To, mais c'est bien sûr, c'est un Tau, la lettre hébraïque ou grecque.

Vincent Pinter, artiste inspiré (cela va de soi surtout à cet endroit):
- Mais non, c'est un Té, l'instrument de dessin.

Soeur Simone qui attend le Père Aymard, (très inspirée aussi mais pas pour les mêmes raisons que l'artiste) dit en joignant les mains :
- Oh, la croix du supplice, doux Jésus!

2° PHASE : deux bouts de bois croisés.

    +              ou               X

Bill Boquet, professeur en retraite :
- Addition, multiplication, élémentaire! Je dirais même niveau primaire. Quoique de nos jours!!

Fifi, surnommé « le contrefaiteur de poids » (devinez pourquoi et si vous ne trouvez pas, cliquez sur la Lavande plus bas), pousse son voisin du coude et s'exclame:
- Beau métier professeur, enfin surtout pour les femmes!
Le voisin semble apprécier et rit bruyamment. Fifi ajoute :
- Soyons sérieux, ça sent le sapin, c'est pour qui?
Et les deux compères échangent un regard complice.

Soeur Simone fait le signe de croix, très recueillie. Elle murmure:
- Je LE vois déjà!

Vincent Pinter décidément bien inspiré ajoute :
- Voyons, la croix, deux... J'ai trouvé : Delacroix, Le radeau de la Méduse peut-être?

Solutions
Faisons bref, vous aurez vite compris, Fifi est un  contrefaiteur de poids, il aime jouer avec les mots, intervertir lettres ou syllabes pour en changer le sens : essayez avec ce qui est souligné ci-dessus.
Puis avec :  métier professeur.
Voilà vous avez découvert la discipline favorite de Fifi : la contrepèterie. Là, l'orthographe des mots tranformés ne compte pas et il faut souvent les dire à haute voix pour mieux les comprendre.
Il y a de véritables artistes en la matière, je pense en particulier au talentueux Joël Martin qui en a publié la Bible, référence pour l'art de « décaler les sons ».

3° PHASE

Alors, où en êtes-vous de vos hypothèses? Certains d'entre vous m'ont dit que ce serait plus facile s'ils voyaient les bouts de bois, alors voici:

      ou       

Nous nous retrouvons devant le bar-café où nous sommes rassemblés.

Bill Boquet surnommé « le joueur » (forcément!), commence:
- C'est un angle droit.

Pierre Henron, menuisier, qui sort la tête rasée du salon de coiffure:
- Ouais, avec une équerre, manque plus que le fil à plomb.

Soeur Simone en fléchissant le genou, tête baissée :
- Le Fils, le Saint-Esprit...

Vincent Pinter surnommé « La chance » par ses copains de comptoir, visiblement agacé:
- Ah oui, l'oiseau sur la croix, et puis quoi encore. Alors, Croix-L..., L-Croix, j'vois pas à part Soeur Simone tellement elle y croit!

Fifi s'amuse de cette réaction :
- Eh bé, ça sent le bouillon de cuvette ici! 

4° PHASE

       ou    

Bill Boquet, très joueur dessine en l'air :
- Quatre angles, ça c'est la représentation d'un carré.
Fifi, très concentré ajoute :
- Ah ouais, un sym (d') bole!

Pierre Henron, surnommé « la boule », hausse ses épaules carrées:
- Moi j'vois quatre L. 4L...j'la pique et j'me tire. Non j'rigole! Mais ça c'était d'la bagnole.

T1T1, informaticien branché rejoint le groupe :
- Et pourquoi pas C J?
Bill Boquet retrouve ses airs de professeur:
- Que voulez-vous dire?
T1T1 explique:
- C'est une croix sur une tombe, ce qui se comprend comme «ci-gît»... tartampion ou sa cousine tartatin. Donc CJ au lieu de 4L.

Vincent Pinter, qui ne l'est pas encore (bourré), s'excite soudain:
- J'ai trouvé. Un angle, ça se nomme « alpha », j'obtiens la lettre A. Je déchiffre ensuite T, I, L; ça fait A T I L. Pour Attila peut-être. Non? Bon, ça peut se regarder aussi dans l'autre sens. Le signe en équerre représente la lettre «gamma majuscule» en grec, c'est-à-dire G. Donc je lis  G X L. ATIL, GXL... Et voilà le résultat c'est la coccinelle. Pour les pucerons, la coccinelle, c'est Attila et x, six ou cin, ça s'entend presque pareil : j'ai six (n) ailes. C'est la solution de l'énigme : je suis un «Attila» et j'ai «cinelle» dans mon nom. C'est pas ça? Dommage, c'était bien trouvé!

Fifi, ne se retient plus :
- On peut le dire, dis-donc quand tu t'peins les toiles, y'a des produits toxiques, fais gaffe quand même. Moi j'vois un cale-pied pris dans la mousse et pis c'est tout!
Le rire et les remarques moins délicates des copains de Fifi finissent par contaminer toute l'assemblée qui se détend, sauf Soeur Simone. Elle s'attire cette fine remarque de Fifi:
- Elle garde la paix au milieu des jurons, ça pourrait faire la une des journaux du port!
Et son meilleur ami, Riri ajoute en s'étouffant de rire :
- Dans la presse spécialiste du foot, en rubrique lutte.
Mais Soeur Simone est impassible devant ces mots, jusqu'à ce que le calme revienne.

Maintenant si vous ne savez pas ce qui a fait rire Fifi et ses amis, il vous dit  : «va dans la lande»... à l'air de lavande.

Solutions

3° PHASE
Le bouillon de cuvette.

4° PHASE

sym (d') bole
tu t'peins les toiles
un cale-pied pris dans la mousse
la paix au milieu des jurons,  journaux du port
la presse spécialiste du foot, en rubrique lutte

Attention, si vous jouez à ce jeu là avec « Soeur Simone est impassible devant ces mots », assumez tout(e) seul(e). Si vous y prenez goût, vous trouverez aussi - avec sagesse - la fournée pleine (de pains en somme!) et son vin bien seyant.

5° PHASE

Dans notre petit groupe toujours rassemblé sur cet espace piétonnier tranquille, les gens vont et viennent. Ils s'intéressent à ce nouveau tracé avec toujours le même objectif : que représente-t-il?

          ou       

Harry Pot-R, étudiant, nous dit d'un air sombre en me désignant du doigt:
- Croix de bois, croix de fer, si tu mens tu vas en enfer.
Fifi réagit aussitôt :
- C'est cela, oui! D'abord, index insolent ne donne pas de solution aux pages. Et pourquoi pas une croix de feu sur une butte couverte de pierres?
Riri, son fidèle supporter rejoint par Loulou, le troisième mousquetaire du groupe, rit bruyamment et ajoute :
- Bonne façon d'évacuer les lumignons!

KV1, lycéen désabusé et fatigué jette ces mots :
- M D R, mort de rire! Ça m'vénère!

Soeur Simone s'anime soudain et s'exclame :
- Moi aussi!

Pierre Henron fait un clin d'oeil complice à KV1 avant de s'exprimer:
- Moi c'est Pi-R, surnommé « La boule », mais c'est pour le cercle parce que j'suis pas un zéro (il met alors la main sur la tête), j'en connais un rayon! D'ailleurs Soeur Simone, «vénère» ne vient pas de vénération, c'est du verlan : énervé à l'envers!
KV1 esquisse un rictus avant de s'en aller sans un mot.

Pierre Henron est déçu, mais il n'a pas le temps de s'appesantir sur ses déboires de communication intergénérationnelle, il est bousculé par un gaillard qui surgit au premier rang. Fifi le reconnaît et l'interpelle :
- Tiens, un héros exotique, le blogueur du 69. Salut 6tron-A2, alors qu'en dis-tu?
- Je vois la croix... et la bannière? Je m'demande où tu l'as mise!
Fifi réplique la mine ravie :
- J'suis atterré par ce genre de fils et ses délires de bois!

T1T1 profite du silence relatif qui suit cette remarque sympathique pour placer sérieusement :
- C'est probablement une grille pour coder des messages.
Loulou rebondit aussitôt :
- Eh ben, tes codes sont sacrément rouillés. Mais non, ça c'est pour enflammer la souche du ballot dans la coupe de troncs!
T1T1 réplique aussitôt :
- Tu cherches la brouille pour te rabattre le caquet?
Fifi vient calmer le jeu :
- J'vais faire le plein de bourdon avec ce bar de gros manches! J'suis choqué de c'que tu dis de c'tas pour déchets sans loi!

6° PHASE

J'ai aussitôt enchaîné avant que l'auditoire ne se livre à des jeux autres que verbaux. J'ai livré à leur sagacité cette nouvelle disposition :

     ou    

Soeur Simone joint les mains, mais elle n'a pas le temps de parler, Bill Boquet intervient:
- Ah non, ça va bien Soeur Simone, on a compris!
Fifi ajoute l'air navré pour elle:
- Ben oui, pas la messe cent fois.

Picolo, routier sympa (ça va forcément ensemble, non?) intervient.
- C'est quoi votre truc? On dirait un carrefour..., ça m'fait penser, il m'en faut un p'tit dernier pour la route.
Ashley Hue, blonde californienne chargée de bagages vient se tortiller près de lui, elle susurre:
- Moi, j'ai la même en argent, elle ne m'quitte plus.
Loulou lève les yeux au ciel et s'exclame :
- L'abus des valoches m'fait dire : "donne dans mes bras", pour qu'elle souffle jusqu'au banc là-bas.
Picolo saisit aussitôt les valises et s'éloigne avec la belle dans la direction indiquée.

Dans le silence admiratif qui suit leur déplacement, on entend alors :
- Croix grecque..., croix de Saint André..., et ma croix...?
Soeur Simone commente d'un air absent :
- René, Roi de Sicile, de Jérusalem..., repose en paix.
Et elle se signe ..., en croix comme il se doit.
Personne ne réplique, ils sont tous subjugués par son attitude.

Solutions

5° PHASE
index insolent, solution aux pages
une croix de feu sur une butte couverte de pierres
évacuer les lumignons
héros exotique
atterré par ce genre de fils et ses délires de bois
tes codes sont sacrément rouillés
la souche du ballot dans la coupe de troncs
brouille pour te rabattre le caquet
le plein de bourdon avec ce bar de gros manches
choqué de c'que tu dis de c'tas pour déchets sans loi

6° PHASE
la messe cent fois
L'abus des valoches me fait dire : donne dans mes bras, pour qu'elle souffle jusqu'au banc là-bas

Quoi? Vous en redemandez? Ne me dites pas que vous aimez ça! Il y a des jeux plus classe quand même. Tenez prenez les échecs par exemple. Le jour où vous direz :
« Echec, t'es mat; ton fou recule avec des  pions, morbleu », là c'est sûr, vous jouerez dans la cour des grands.

7° PHASE

Notre petit groupe devant la terrasse du café attire les  passants et je poursuis patiemment mes figures à l'aide de branchettes et pommes de pin.

      ou    

KV1 le lycéen repasse nous voir, toujours aussi peu motivé en apparence, il lance à la cantonnade :
- Où est la teuf, j'pige pas ce «vert»?
(Dans son langage, cela signifie «rendez-vous». C'est d'autant plus adapté que les «raves-parties» - fêtes pour qui recherche la transe par la musique très rythmée à fort volume – recherchées par ce jeune homme, se déroulent souvent en pleine campagne...)
Il n'a pour réponse qu'un haussement d'épaules de Riri et Fifi.

K6 jolie jeune femme ronde rejoint son collègue de travail en informatique, T1T1. Après un bref coup d'oeil, elle s'exclame:
- On dirait une grille de décodage.
Fifi réplique:
- Ils se sont passés le mot, c'est pas possible! Ils vont finir par nous en faire une belle thèse avec une partie de fouille dans les coins.

Loulou s'écrie alors:
- Je sais, c'est une fausse grille parfaite pour un loup caché.

Léo Legros, charcutier fait entendre sa grosse voix:
- Tiens, du p'tit bois et l'allume-feu, ça sent le barbecue, passez commande.

Ma mère (et ce n'est pas Noël...) ajoute son grain de sel:
- Il fait feu de tout bois celui-là, et toi alors, t'as d'ces idées morbides ma pauvre fille!
Au fait, qu'est-ce qu'elle fait là? Intriguée, je lui demande:
- Tu me suis ou quoi? Tu mènes ta p'tite enquête sur ma vie?
Fifi sauve la situation potentiellement explosive:
- C'est comm' moi, si j'ai pas de scoop, j'sors pas du lit!

Soeur Simone ouvre alors la bouche, les bras en croix, mais Vincent Pinter explose:
- Ah non, pas encore Lui.
En fait, elle a aperçu au loin le Père Aymard, elle l'appelle:
- Jean..., par ici.
Riri, amusé lui dit gentiment:
- Un grand blond, casé comme ça avec la religion, ça vous incite à le retrouver.
Loulou affirme alors sérieusement:
- Ouais, et le but apaise la quête.
Les deux compères étouffent à grand-peine leur rire pour accueillir le Père Jean Aymard.
Soeur Simone le salue joyeusement et lui propose d'aller déjeuner.
Fifi l'informe:
- J'vous conseille la moule au riz aujourd'hui, c'te mets n'va pas vous déranger.

8° PHASE

Comme l'heure tourne et que mes spectateurs fidèles attendent avec constance la solution de l'énigme, je décide d'accélérer la manoeuvre et l'enchaînement des figures.

      ou        

Ashley Hue revenue parmi nous et maintenant surnommée «Eve» dit avec angélisme:
- Ce sont des lieux d'atterrissage pour parachutiste.
Riri se rapproche d'elle et ajoute en la regardant yeux mi-clos:
- Sur mille à choisir, c'est mon choix tout aussi doux.
Picolo arrive aussitôt, mais un autre routier, Yves Hafon, le salue et l'interpelle:
- Tiens « Epacsa », viens voir un peu, t'as rien à dire à c'sujet?
Picolo répond en bougonnant:
- On dirait le plan pourri qu'tu m'laisses quand j'te remplace.

Sans attendre la repartie, j'ajoute un élément à mon tracé:

Fifi s'amuse de la situation, il lance :
- T'as l'culot d'nous priver d'branchettes maintenant!

Soeur Simone se rapproche toute ragaillardie par l'arrivée du Père Aymard, elle l'attend en notre compagnie pendant qu'il récupère ses valises. Elle demande avec un grand sourire:
- Les trois clous de la crucifixion?
6tron-A2 saute sur l'occasion:
- Une croix, des clous..., hum! Tout un programme. Bon, c'est pas « l'trou », faut que j'me presse, j'déménage dans le 96. Salut les trois mousquetaires et ... les autres.
Fifi commente:
- Notre sectaire est un sphinx en puissance, il nous met son calvaire à l'unisson.

Je rajoute alors un autre élément pour compléter la figure:

      ou    

Olive Aziteau prend son air savant et s'anime:

- Je reconnais, avec un cercle autour, c'est le hiéroglyphe égyptien qui signifie « la ville ».
Loulou vient près d'elle et lui demande effrontément:
- Vous êtes d'où?
Olive, bonne pâte répond:
- De Marseille.
- Ah! je comprends, là où l'on dessale les bains des boues qui sont pleines de gel.
- Moi, je ne comprends pas, mais c'est LA VILLE par excellence, puisque c'est la plus ancienne de France et le plus grand port de Méditerranée.

Picolo se précipite devant le tracé au sol:
- C'est une cible de tir ce truc, et d'ailleurs il faut que j'me tire moi aussi si j'veux mettre dans le mille ce soir.
Et après un clin d'oeil et un sourire entendus à ses roches voisins, il part avec Ashley Hue.
Riri commente:
- Ses unions sont de plus en plus osées : ça f'ra encore une rose pour un pilleur!
Loulou ajoute :
- Si elle va avec ce pas pressé, c'est qu'elle est inconsciente.

Dans le silence contemplatif qui accompagne les évolutions du couple, on entend:
- Cela commence à ressembler à ma croix d'Anjou, devenue croix de Lorraine...

Soeur Simone affirme aussitôt:
- René, duc d'Anjou, de Bar, de Lorraine... Repose en paix. Et maintenant je vous laisse, le Père Aymard m'appelle.
Fifi la salue:
- Au revoir ma soeur, bon repas. Après, éliminez-le pour..., peut-être une balade autour des sources.

Solutions

7° Phase:
passés le mot
belle thèse avec une partie de fouille dans les coins
fausse grille parfaite pour un loup caché
pas de scoop, j'sors pas du lit
un grand blond, casé
ça vous incite à le retrouver
le but apaise la quête
la moule au riz
c'te mets n'va pas vous déranger

8° Phase:
sur mille à choisir, c'est mon choix tout aussi doux
l'culot d'nous priver d'branchettes
notre sectaire est un sphinx en puissance, il nous met son calvaire à l'unisson
on dessale les bains des boues qui sont pleines de gel
ses unions sont de plus en plus osées : ça f'ra encore une rose pour un pilleur
si elle va avec ce pas pressé, c'est qu'elle est inconsciente
éliminez-le pour..., peut-être une balade autour des sources.

Quoi? J'en ai oublié? Vous en savez autant que moi maintenant, activez vos méninges tout seul.
Bravo quand même, vous êtes atten-tif(s), -tive(s)!

9° PHASE

Je captais aussitôt l'attention de mes spectateurs en ajoutant rapidement un élément à mon esquisse au sol :

       ou      

Fifi réagit aussitôt:

- Elle noue les bois maintenant, elle nous fait un bras d'honneur. Voilà pour le randonneur bravache!

T1T1 reste très concentré:
- On dirait un signe d'écriture ancienne, grec ou peut-être hébreu ancien.
Riri réfléchit à la proposition puis conclut:
- T'as dû tomber sur des profs laissant faire sur des maths impossibles!

Porto, qui vient de rejoindre le groupe des trois mousquetaires, s'exclame:
- T1T1, mais c'est toi Emile! Hou! J't'ai r'connu. Bravo, totale maîtrise du code alpha du bêta!

Pierre Henron se sent soudain dans son élément:
- Moi, j'vois un mur avec un poteau d'angle.
Un brouhaha s'élève alors de notre groupe et le patron du bar ouvrant la fenêtre de l'étage crie:
- Taisez-vous en bas!
Les trois mousquetaires apprécient en applaudissant dans les rires.

Le silence à peine revenu, Olive Aziteau surnommée L'Azimut par les joyeux lurons de la bande se risque:
- C'est peut-être un phare sur la mer.
Loulou commente:
- Chassez la mer, elle revient sitôt!

Le patron du bistrot nous rejoint et demande quel est notre jeu. Fifi répond:
- Elle met les sots dans l'mirage!
Le patron qui ne perd pas le Nord nous dit:
- Donnez-vous le plaisir de vous accouder au bar, ici j'vais entendre votre plainte d'être crottés!
Il met aussitôt tous les rieurs de son côté.

Pierre Henron remarque :
- On voudrait quand même bien connaître la solution de l'énigme avant le déjeuner.
Pour satisfaire tout le monde, je propose un dernier complément sur place et de continuer autrement pendant le repas. Ils acceptent avec enthousiasme.

10° PHASE

Voici le dernier tracé proposé avant que je ne récupère mon matériel:

    ou   

Léo Legros surnommé « bis » parce qu'il porte bien son nom:
- C'est un contorsionniste de cirque.
Loulou s'étonne:
- Là c'est sûr, il va s'encrasser la bouille! C'est pas plutôt le salut devant une fière altesse?

Vincent Pinter, qui maintenant l'est un peu plus dit:
- C'est un chapeau sur son support.
Riri ajoute:
- Ah ouais, un truc de cadre sexagénaire.

Fifi réfléchit :
- Moi, j'vois le type qui vend ses lettres antiques aux puces.
Et il donne un coup de coude à T1T1 qui n'apprécie pas vraiment.

Le patron du café donne son avis:
- C'est un bouchon de pastis ou alors un couvercle sur une casserole!

Porto, qui ne dédaigne pas non plus le bas, dit vivement:
- La pitance de votre bar  ammaré au porche dût être fameuse en son temps, c'est pas facile, mais plutôt qu'une dinette sans manger, j'vais m'laisser tenter par une escalope en salade.

Sur ce, nous sommes partis déjeuner.

Solutions

9° Phase
elle noue les bois
le randonneur bravache!
laissant faire sur des maths impossibles
taisez-vous en bas
chassez la mer, elle revient sitôt
les sots dans l'mirage
le plaisir de vous accouder
plainte d'être crottés

10° Phase
il va s'encrasser la bouille
une fière altesse
cadre sexagénaire.
vend ses lettres
la pitance de votre bar  ammaré au porche dut, être fameuse
une dinette sans manger
une escalope en salade.

11° PHASE

Nous étions maintenant assis en terrasse ou sur les bancs des alentours. Je proposais de donner des indices à l'aide d'une charade. En voici l'énoncé,  les réponses données, ainsi que les reparties plus ou moins spirituelles de notre fine assemblée qui ont fusé si vite que la plupart du temps, je n'ai pu leur attribuer d'auteur:

CHARADE:
Mon  premier est une note.

Réponses:

Pour 2bla.0, grand blogueur:
- Un DO-maine sur plan.
- C'en est un vu du col alors?

Pour Fernand, livreur le jour, « Grande Zaza » la nuit:
- Une RE-sille, une sorte de grille orientée un peu comme une Rose des vents.
- Encore une histoire à l'eau d'Eros!
- Ah! c'est vraiment désopliant!

Pour Pokéman, jeune fan de jeux vidéos et de mangas:
- MI-nitaurus, un monstre dans son repaire.
- Comme un âne en peine!

Pour Gigi, danseuse de flamenco recyclée en stripteaseuse chic:
- FA-randole, avec le plan d'une sorte de danse.
- Dans la noix et la paresse?

Pour T1T1, astronome amateur à ses heures:
- SOL-eil, pour le parcours de l'astre ou des astres dans le ciel.
- Ouais, ben le désastre n'est pas où l'on croit!

Pour Olive Aziteau, parfois poète:
- LA-boratoire, ce peut-être le sigle d'un laboratoire, une sorte de rose.
Bill Boquet ne peut se retenir:
- Après la rose déboussolée de la Grande Zaza, voici la rose des sciences, sûrement celle des ânes!

Pour Séraphine Sanfert, étudiante en littérature du Moyen-Âge:
- Cela me fait penser à la représentation d'une SI-rène ou de son palais.
- Encore un truc à la tords-moi le noeud!

Fifi conclut:
- Trouve le LA, en LA déchirant tu as un RE singulier!
Riri apprécie:
- Hou! Okay pour le contrepoint!

CHARADE:
Mon deuxième est une histoire à deux.

Réponses:

Pour Vincent Pinter, admirateur des surréalistes:
- BE, La BElle et la BEte, ça commence pareil.
- Ce bouquin en a suscité des dons!

Pour Pokéman qui aime avoir le choix:
- BI, homme ou femme, noir et blanc...
- Pour une bise au lait à coup dur!

Pour Bill Boquet, satisfait de jouer avec nous:
- DUAL, Mi-homme, mi-bête; Mi-ange, mi-démon.
- Ah, la bête a bon dos, c'est un coup à te donner un ulcère ton duo à la gomme!

Pour Séraphine Sanfert, surnommée "Sans plomb" ou "P'tite tête" par ses camarades:
- DUEL, un combat pour la vie jusqu'à la mort, s'il n'est pas sauvé par l'amour.

Pour la Grande Zaza qui esquisse une chorégraphie sommaire:
- DANSE, un pas de deux, une parade d'amour!
- Et oui, enchanté, le coq défile!

CHARADE
Mon troisième, si tu n'en as plus, tu n'es plus.
Si tu en as deux tu peux en perdre ou en donner un d'un côté.

Réponses:

- Rien peut-être, depuis l'temps qu'on tourne en rond.
- C'est une alphabêtise ou un alphanuméricon ton truc!
- Moi, j'donne ma langue au chat, ça fait tache s'il me la hache. Tiens c'est peut-être une double hache, finalement si tu en donnes un côté, celui qui reste te suffit.
- Calme-toi, tu n'vas pas nous faire une "masse d'ancres à la fût clocheuse" ici quand même!

CHARADE:
Mon dernier: quand on y met l'accent, son heure est l'occasion d'un rituel pour de nombreux peuples.

- L'heure de la prière?
- Ah, ça c'est rébarbutant!

- L'heure d'été ou d'hiver, quand on change de saison?
- Moi, j'm'en fous, j'bosse pas.
- Ah oui! Et d'quoi tu vis?
- Comme disait Coluche, j'vis d'récipients avec des papiers en bonne hindoue forme.
- C'est pour ça qu'tu boudes l'artiste?

- C'est peut-être en rapport avec le lever ou le coucher du soleil, de la lune ou autres astres.
- Toi, on voit qu'tu viens d'la cuisin' des jup' d'Esther!

CHARADE:
Mon tout est à la fois un lieu, un symbole universel, un parcours, un piège et un jeu d'enfant.

- Tu n'peux pas nous faire un dessin?
- Oui, la parole casse l'envie.
- Quoi? T'aime pas sa voix?
- J'la laisserais si elle chantait!

Solutions

Vous l'avez remarqué, nous avons changé de dimension, passant de la contrepèterie aux calembours. Mais on ne peut comparer le calembour et le contrepet, c'est comme le pain quotidien et le gâteau du dimanche, ça n'a rien à voir! Ceci dit, les deux sont compatibles au cours du repas.

11° Phase
un vu du col
une histoire à l'eau d'Eros : calembour sur "à l'eau de rose", Eros étant le dieu de l'amour, ça tombe bien !
désopliant: mot valise avec désopilant et pliant, c'est alors si drôle que ça nous plie en quatre!
un âne en peine: calembour sur "âme en peine", une âme qui erre sans savoir où aller.

Dans la noix et la paresse : calembour sur "dans la joie et l'allégresse".
tords-moi le noeud: calembour sur "mords-moi le noeud" qui signifie ...pas grand chose justement, sauf pour les plus anciens. Un truc pour les plus jeunes, si vous ne comprenez pas ce qui fait rire les plus âgés, c'est sûrement situé en dessous de la ceinture!

trouve le LA, en LA déchirant tu as un RE singulier
okay pour le contrepoint
ce bouquin en a suscité des dons
bise au lait
la bête a bon dos: pour la bête à deux dos, jeu bien connu des amants en sachant que "qui fait l'ange, fait la bête".
un ulcère ton duo à la gomme: évoque l'ulcère du duodénum avec une délicatesse de dessinateur!
enchanté, le coq défile

une alphabêtise ou un alphanuméricon: un calembour évident modernisé pour l'alpha numérique...

masse d'ancres à la fût clocheuse : calembour complexe sur "massacre à la tronçonneuse"
rébarbutant: mot valise fait de rébarbatif et rebutant, barbant quoi!
j'vis d'récipients avec des papiers en bonne hindoue forme: calembour pour je vis d'expédients avec des papiers en bonne et due forme (le côté hindou évoque peut-être l'aspect "baba-cool", hippie, du personnage issu de la contre-culture de mai 68)
tu boudes l'artiste: calembour sur bouddhiste...

tu viens d'la cuisin' des jup' d'Esther: calembour sur la cuisse de Jupiter, le dieu des dieux grecs. Autant dire que ce n'est pas n'importe qui!
la parole casse l'envie (la casserole pâle en vit)
je la laisserais si elle chantait

12° PHASE

J'ai donc repris mes tracés à la demande générale:

       ou             

T1T1 se lance le premier:
- C'est le schéma d'une carte à puce.
- Ah oui, comme dans les cartes de crédules!

Le patron du café prend la suite:
- On dirait plutôt un flipper.
- Pluto? C'est un clebs ça. Flipper, j'croyais qu'c'était un dauphin!
- Fais gaffe, si tu cherches les ennuis, tu vas les trouver.
- Tu m'menaces? Peut-être avec les pets de la dame au clebs!
- T'inquiète pas, ici j'suis comme un pote en plâtre!

Olive Aziteau intervient:
- C'est peut-être une forme géométrique dépliée.
- Celle-là, j'lui connais ni d'élève ni de dame!
- Avec le cube, moi j'ai la solution.

Pokéman qui est resté très jeune:
- On dirait un parcours de billes.
- Parfois, les grands sont des ballots.

Fifi remarque:
- C'est complié avec tes branquettes, on te demande un dessin, pas c'bas d'toit!
 
13° PHASE

Je n'ai pas insisté, j'ai sorti feuilles et crayons et je me suis exécutée en bonne et due forme (et non pas en bon uniforme, il ne faut pas exagérer!):

Vincent Pinter qui l'est de plus en plus, (pas d'chance!) s'exprime aussitôt:
- C'est un siège d'artiste.
- Un piège inique, c'est sûr!

Riri et Loulou qui s'excitent mutuellement lancent:
- J'vois le pont effrité des maillons de couleur!
- Un pont à déclasser dans ce cas-ci.

Fifi voit le danger et me prévient:
- Enchaîne vite sur l'pont de singe avant d'te récupérer d'la roupette de sansonnet!
- Sauf si tu veux la mettre dans la poche sans fond!
 
D'un trait je leur présente donc:

Vincent Pinter imperturbable dit:
- La silhouette d'un arbre stylisé.
- Eh ben, ce voyou voit l'beau du coeur.
- Oh, tant qu'il ne passe pas novembre en mer!
- Toi, tu connais notre chambre mauve. J'crois qu'tu l'habitas avant sa peinture.
- Ah, c'est c'que j'préfère dans la peinture, le mauvisme ... et le crédit net et pur!

La grande Zaza très sûre d'elle reprend:
- J'vois un accessoire pour les cheveux.
Loulou apprécie son profil:
- Avec ses yeux en amandes, le chignon va bien à son minois.
Riri surenchérit:
- Oui, mais il ne faudrait pas que sa mue la perde!

14° PHASE
Je sens qu'il ne faut plus tarder, je trace la suite:

       puis      

Pierre Henron annonce aussitôt:
- C'est un plan pour installer les tuyaux de chauffage au sol avant de couler le béton.
- Ouais, et il faut toujours sceller la base avant fondation.
- Là, j'vois pas!
- Moi non plus, c'est l'pot en grès, mais le maçon polisseur est toujours sot sans truelle.

Olive Aziteau a soudain l'inspiration:
- Cela ressemble à l'enroulement de l'intestin ou peut-être des circuits du cerveau.

Porto avec un grand sourire s'exclame:
- Là, c'est bon. Moi, j'vois, mais je n'dis rien. Je crois qu'il faut d'abord répondre à la charade.

Une belle femme Aurore Pinot, s'avance alors et nous interompt, elle cherche Séraphine Sanfert, notre étudiante en littérature médiévale qui, pour justifier sa présence, lui explique l'objectif de nos jeux de mots et de nos traits... d'esprit ou autres. Fifi s'intéresse à elle:

- Qu'est-ce que vous faites dans la vie, jolie comme vous êtes?
- Technicienne de surface.
- Moi, j'ai un chien de surface.
- Ah bon, quelle race?
- Un setter. Vous buvez quoi?

- De l'eau.
- Logique, avec un nom comme le vôtre, mais si vous buvez de l'eau, j'préfère le reste du programme!
- Ben ça m'étonnerait, moi c'est un verre d'eau pour dix vins!

- Normal, dans une bouteille, j'vois dix verres, mais pour vous, je peux dire treize.
- Charmeur, vous nous préparez un p'tit bouquet?
- Quoi?
- Six roses bien sûr!
- Marteau-chat, madame, vous êtes tranchée. Voyons, votre âge? Râteau ou paratôle? Allez, pour faire bon poids Madame Double métal, j'vous en mets cinq!
- A jugé! Restons-en là.

Profitant de l'arrêt de leurs joutes verbales, puisqu'il nous fallait enfin résoudre cette fameuse charade, j'ai repris :

CHARADE

Mon premier est une note: LA
Mon deuxième est une histoire à deux: BI
Mon troisième est REIN: si tu n'en as plus, tu meurs. Si tu en as deux, tu peux en perdre ou en donner un.
Mon quatrième est THE: avec un accent, c'est l'occasion d'un rituel pour de nombreux peuples, celui du thé.

Mon tout est un LABYRINTHE, cette figure archaïque et complexe qui recouvre une multitude de significations.

Fifi me dit alors:
- Tu nous as drôl'ment bien carré tes dédales aux poids de poulie.
Riri ajoute:
- C'est bien gentil tout ça, mais si tu nous expliquais aussi comment tu l'dessines ton circuit pour les brutes qui picolent.
Aurore Pinot intervient:
-Moi c'qui m'intéresse, c'est la Lavande. Et ce verbe en joie, même si finalement il n'y a pas de quoi fouetter un chat! Lavande, Va Lande, c'est facile! Levadan, c'est déjà plus drôle, presque comme le monstre bibique. Evidemment, il y a le Lève à dents, le dentier de Pépé.
Fifi totalement séduit, ne se retient plus:
- Et le « lèvres et dents », si on essayait?
- A l'équivoque de printemps.
Loulou montre ses pouces levés:
- Oh, sauve qui pleut!
Séraphine Sanfert innocemment dit alors:
- Vous avez oublié l'Eve-Adam.
Porto a le mot de la fin:
- Ah oui, dommage de louper ça, le deux en un, devant-derrière, trop fort! Et vu c'que j'vois ici, c'est sûrement l'avenir, lui aussi j'l'ai devant moi et quand je m'retourne, j'l'ai dans l'dos!

Ouf!, on l'a échangé vieille!

Solutions

12° Phase:
les cartes de crédules : calembour sur « les cartes de crédit »
les pets de la dame au clebs : calembour sur la fameuse « épée de Damoclés ». Mais si, souvenez-vous, elle était suspendue par un crin de cheval au-dessus de la tête du rival du roi (Damoclès) pendant un banquet ordonné par Denys, Roi de Syracuse quelques siècles avant notre ère. Jeu dangereux s'il en est!

un pote en plâtre : calembour pour « un coq en pâte », qui signifie bien soigné par un traitement de faveur (un apprêtement dans l'beurre...). Un comble pour une préparation culinaire du fameux gallinacé dans de la pâte alimentaire; un soin à la mode cannibale (qu'a dix balles...) peut-être! 

ni d'élève ni de dame : calembour sur le « généalogisme » : ne connaître ni d'Eve ni d'Adam, puisqu'il s'agit de nos ancêtres communs à tous, humains de tous pays et de toutes couleurs!
avec le cube, moi j'ai la solution

les grands sont des ballots
c'est compli é avec tes branquettes : un à-peu-près (synonyme de calembour) mitonné de bas-étage(ou mâtiné pour respecter son pédigré de pure race!): bref, c'est compliqué avec tes branchettes s'il vous faut les points sur les i (et non pas les poings sur les zigues! Evitons du pro le blâme et les problèmes par la même occasion.)
pas c'bas d'toit

13° et 14° Phases

un piège inique: calembour sur pièce unique
le pont effrité des maillons de couleur!
un pont à déclasser dans ce cas-ci (cassis?).
la roupette de sansonnet: calembour sur la roupie (monnaie)de sansonnet, charmant volatile, l'un comme l'autre ne valent pas grand-chose... au poids!
la mettre dans la poche sans fond
ce voyou voit l'beau du coeur.
novembre en mer!
chambre mauve. J'crois qu'tu l'ha bit  As (numéro 1...) avant  peinture.
le mauvisme, calembour sur le fauvisme
le crédit net et pur
le chignon va bien à son minois.

Message personnel: Pardon Maman pour la suite, mais je t'avais bien dit de ne pas aller dans la lavande, ça ne sent pas toujours très bon!
sa mue la perde
sceller la base avant fondation.
Passons à autre chose, oublions vite...

c'est l'pot en grès, calembour sur le progrès
mais le maçon polisseur est toujours sot sans truelle.

chien de surface: setter. Sept aires (unité de surface = aire)
un verre d'eau pour dix vins (divin)
dans une bouteille, j'vois dix verres (divers)
mais pour vous, je peux dire treize: 13 or = trésor
un p'tit bouquet: six roses (cirrhose... du foie)
marteau-chat, calembour sur chapeau bas
vous êtes tranchée (branchée). Râteau ou paratôle (parabole)?
Allez, pour faire bon poids Madame Double métal= or+or = Aurore,
j'vous en mets cinq (pour dire élégamment qu'elle a la cinq - antenne = cinquantaine
A jugé! (pour adjugé...vendu = accordé)

tu nous as drôl'ment bien carré tes dédales aux poids de poulie.
ton circuit pour les brutes qui picolent.
verbe en joie, même si finalement il n'y a pas de quoi fouetter un chat (puisque chacun sait que les verges servent justement à fouetter!)
Levadan, c'est déjà plus drôle, presque comme le monstre bibique (biblique bien sûr : le monstre étant alors le Léviathan).
l'équivoque de printemps : calembour pour l'équinoxe...
sauve qui pleut pour sauve-qui-peut
on l'a échangé vieille : calembour sur on l'a échappé belle

On pourrait ajouter nous aussi!

Merci de votre visite et à bientôt.
....;;;;;;!!!!!
- Quoi? C'est encore toi? Tu as de la suite dans les idées. A demain Maman!

Et puis si vous vous désirez lire les principales significations du symbole du labyrinthe et savoir comment le reproduire, cliquez sur cette photo:

Orchidée tigrée

Verbe en joie

Pour aller plus loin dans ce domaine:
Calembourdes Marie TREPS Editions du Seuil 1999, Collection Point Virgule : un petit livre format de poche agréable à consulter.

Sites sur calembours, contrepèterie et jeux de mots:
http://www.finallyover.com/categorie-1007127.html : avec un classement par ordre alphabétique.

http://martine6.club.fr/musimage/calembours/ : site ludique avec différents jeux de langage.

QUESTION
Pourquoi ces lieux des légendes arthuriennes et le temple ou château du Graal peuvent-ils être  localisés dans différentes régions?

REPONSE
Ce serait le même modèle symbolique décliné dans la géographie de certains territoires qui se réfèrent tous au Graal. Voyons par exemple ce que disait Alfred Weysen qui décrivit le Temple naturel du Graal en Provence, (gorges du Verdon), il parlait de Veilleurs astronomes "laissant dans la pierre la trace de ce dessein", le saint Graal, temple du ciel.

- Oui, mais pourquoi ici précisément? insista un vieux monsieur.
Notre guide imperturbable, reprit : 
- Si l'on regarde les reliefs, on note que les terres bretonnes ont peu de zones élevées en dehors de la masse des Monts d'Arrée prolongée par les Monts de Méné (ou du Menez).

 Carte des reliefs de la Bretagne (bretagne-environnement.org)

Lors des transgressions marines qui ont longtemps menacé les terres bretonnes, puis lors des invasions des romains et des francs venant de l'est ou des normands envahissant les côtes, le relief de la forêt de Paimpont par ailleurs gorgée d'eau jaillissant en multiples ruisseaux et fontaines, même sur les hauteurs, a pu apparaître comme un refuge naturel pour les rois bretons dont on retrouve les traces historiques dans ce territoire. C'est aussi un des derniers bastions des druides chassés par la christianisation agressive qui accompagnait la conquête gallo-romaine puis franque.

- C'est bien joli, mais ça nous éloigne de l'anguille! C'est vrai que c'est le genre de bestiau impossible à attraper tellement ça glisse, dit un homme corpulent qui mimait en même temps de façon comique la prise du "poisson".

- C'est vrai, revenons à Brocéliande, reprit notre guide en souriant, pour moi c'est surtout le Pays de la Grande Déesse, l'Anguille, déesse des eaux sur la terre. Observons que sur le mont dit "la Hutte à l'Anguille" le long de la crête du Mené, qui est donc le point haut de la Bretagne centrale, naissent le Ninian et son affluent l'Yvel et juste à côté comme un jumeau le Meu! Les rivières courent comme des serpents autour du territoire de la forêt.

On lui demanda aussitôt:
- Ninian, n'est-ce pas l'équivalent de Viviane, la fée de la légende arthurienne.
- Tout à fait confirma notre guide, et l'on dit même que le réseau des rivières s'est beaucoup modifié au cours du temps (lors des périodes glaciaires, des transgressions marines), le Ninian aurait autrefois traversé le territoire de la forêt de Paimpont-Brocéliande, c'était alors probablement la rivière principale de ce territoire.
Actuellement c'est l'Aff qui draine l'eau de cette forêt avant de rejoindre la Vilaine au sud. A l'ouest on trouve donc l'Yvel et le Ninian, affluent de l'Oust. Au nord et à l'est on trouve le Meu (et le Mel). Ainsi le territoire de la forêt de Paimpont est complètement cerné par ces rivières qui finissent toutes dans la Vilaine. C'est ce que j'appelle le Premier Cercle, celui de l'Eau vive, l'Eau serpente.

Carte des rivières de la Bretagne Brocéliande (wikipedia.org/wiki/Vilaine)

Une personne passionnée par la toponymie demanda: Est-ce que les noms des rivières entourant Brocéliande ont une référence légendaire?

Notre guide sourit en haussant les épaules et répondit: 
- Voyons d'abord l'étymologie, Yvel signifie l'Eau, Ninian est l'Eau du sommet, l'eau céleste. L'Aff est l'Eau par excellence, l'Ame de l'eau.
Le Meu, le Mel mais aussi la Vilaine font référence à un Grand Moulin tout comme le nom de Merlin ou Melin d'ailleurs.

La même personne insista : peut-on préciser les limites de la forêt grâce à la toponymie des lieux?
- On peut effectivement noter les toponymes comportant le mot qui désigne localement la forêt: ouët ou oëd. C'est à l'Est près d'Iffendic, Penhouët (Tête de forêt). De même à l'Ouest, Penhouët en Loyat ou Penhouët en Néant sur Yvel. Au Sud, c'est la "Porte de la forêt", Gwern-Porc'hoëd devenu Guer. Au Nord, c'est la "Queue de la forêt" avec Loscouët en Gaël.
N'oublions pas que Porhoët, le nom de ce territoire, signifie "Pays occupant la forêt".
C'est le second cercle, celui du Bois.

Un homme réagit :
- Mais quand même vous nous avez parlé de la Grande Déesse, si Brocéliande est son territoire, comment y est-elle évoquée?

- La Grande-Déesse des Bretons était Ana, c'était la déesse des marais, lieux de vie et de mort. Ils étaient considérés comme étant les limites ou frontières de l'Autre-Monde, dimension parallèle des esprits, des fées. Pour les celtes, la Grande Déesse a toujours trois aspects (triade divine).
On pourrait se demander quels sont ces trois aspects dans les romans de la Table Ronde?

Pour la partie documents, cliquer ici.

Une version PDF (sans les documents ni les photos) est proposée :

MERLIN_GRAAL_PDF

Pour l'ensemble des messages : tag Merlin-Graal.

Préambule: Je vous invite à un parcours entre légende et mythe, sur les chemins de Lore (connaissance) et du Graal. Notre territoire d'exploration sera Brocéliande, notre personnage de référence Merlin. Vous trouverez un dossier plus complet avec toutes les références en partie document à la fin de chaque partie.

I Territoire de Brocéliande
J'avais longtemps attendu ce moment : visiter le territoire de Brocéliande situé dans la forêt de Paimpont en Ille-et-Vilaine. Mais je ne savais pas que je serais fascinée à mon tour par ce petit bout de Bretagne. Et j'ai découvert aussi que c'est le cas pour de nombreux autres visiteurs y compris étrangers depuis des années. Voici d'abord des cartes pour se repérer:

Carte de Bretagne
http://www.lesannuaires.com/regions/bretagne.html

Carte de Brocéliande (sarzeau2003.free.fr)

Au bout de deux jours, je cherchais à comprendre l'origine de cet engouement et je m'intéressais alors aux activités d'exploration proposées par les conteurs-randonneurs de la région. C'est ainsi que j'entendis parler d'un homme que tous nommaient Merlin.
Nul ne se souvenait de son nom officiel, on savait peu de choses de lui si ce n'est qu'il parcourait la forêt en tous sens et en toutes saisons et qu'il connaissait mieux que personne le monde des mythes et des légendes arthuriennes.
Il avait souvent un point de vue original et parfois contradictoire par rapport aux conventions locales. C'était donc tout à fait le genre de personnage que je souhaitais entendre.
Seul problème, lorsque je demandais où je pouvais le contacter, on me répondait qu'il était imprévisible, il surgissait quand on ne l'attendait pas et disparaissait tout aussi soudainement. Mais on me rassurait, si j'étais sincère dans ma quête des mystères de Brocéliande, je le trouverais sans peine.
Le lendemain, je rejoignais un groupe de randonneurs lorsque j'entendis un conteur haranguer les personnes qui passaient à sa portée, je le reconnus sans peine, c'était lui et en effet, par son aspect physique au moins, il ressemblait à Merlin tel que l'on peut se l'imaginer.

Merlin

Il avait une barbe broussailleuse, de longs cheveux fins grisonnants, des yeux bleus comme le ciel sous des sourcils bien fournis et une voix qui sans être forte ni particulièrement séduisante captivait son auditoire. S'il avait été en ville, sa tenue et son allure négligée l'auraient fait passer pour un mendiant, mais là, dans la forêt de Brocéliande, il était simplement Merlin!
Hélas, il disparut rapidement et à défaut je restais près de la dizaine de personnes qui discutaient avec le guide bénévole d'une association de passionnés locaux. J'entendis:
- Brocéliande, qu'est-ce que ça veut dire?
- Brocéliande est le lieu des légendes liées au Roi Arthur répondit le guide. Le poète normand Robert Wace, a évoqué le premier les fées de Brocéliande dans un livre, le Roman de Brut au XII° siècle. Il a été suivi par Chrétien de Troyes (dans le Chevalier au Lion) puis ensuite par d'autres continuateurs des romans de la Table Ronde. Au XII° siècle, on parlait plutôt de Brécilien ou de Brec'helean en breton. C'est-à-dire le Mont de l'Anguille ou le Pays des Enchanteurs selon les versions.
- L'Anguille, le poisson-serpent? demanda un homme en s'esclaffant.

Le guide répondit calmement:
- C'est effectivement sous cette forme qu'était vénérée la grande déesse-mère de l'Armorique et d'une partie de la Gaule (comme dans le monde antique). Elle était représentée en femme serpente ou en sirène en particulier dans les sculptures des églises romanes.

Déesse-serpent-Sizun

- Et quelles sont les limites de Brocéliande selon vous? enchaîna une femme âgée.
- Les troubadours bretons, disaient que c'était la Bretagne toute entière, affirma le guide en faisant un large geste de la main, puis il déclama : les légendes anciennes évoquent une immense forêt qui s'étendait jusqu'à Fougères au Nord, Corlay à l'ouest, Redon au Sud. Selon moi, la forêt avant déboisement était située entre les monts du Menez (ou Mené) au Nord, les rivières de l'Oust (à l'ouest) et de l'Ille et Vilaine à l'est, dans ce pays autrefois nommé Porhoët (pays au travers de la forêt). Elle est maintenant réduite à la forêt de Paimpont.

Forêt centrale de Bretagne (Brocéliande),

carte gallo-romaine (lemoyne-armorique)

- Pourtant d'autres territoires revendiquent ce nom de Brocéliande et les légendes qui s'y rapportent! s'exclama un homme qui semblait fort irrité.
- Bien sûr, mais il n'y a pas de quoi se disputer, cela ne nous pose aucun problème que la Normandie, le Maine, La Provence ou le Valais suisse revendiquent ce titre, même si c'est surtout de la localisation du Graal qu'ils se prévalent. Qu'importe, plutôt que de chercher où, vous devriez vous posez la question "pourquoi". Pourquoi ces lieux des légendes arthuriennes et le temple ou château du Graal sont-ils revendiqués dans ces différentes contrées?

Cela sembla en effet une bonne question et chacun en discuta aussitôt avec son voisin. Et vous, qu'en pensez-vous?

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